complications de l’abord vasculaire

LES COMPLICATIONS DES CATHÉTERS VEINEUX CENTRAUX


Les recommandations américaines de bonnes pratiques de dialyse (DOQI) sont tout à fait claires : il faut décourager l’utilisation des cathéters veineux centraux (KT) comme abord vasculaire permanent. Un taux maximum de 10 % des voies d’abord est toléré. Ceci tient compte du cas de certains patients chez qui il existe de réelles difficultés pour créer une fistule artérioveineuse (FAV). Cette dernière reste la voie d’abord de référence dans tous les cas. En dehors des meilleurs débits sanguins, les FAV ont une survie technique très supérieure à celle des cathéters avec moins de complications.


Nous ne ferons pas de distinction entre les différents types de cathéters, tunnellisés ou non, leurs complications étant le plus souvent communes. Les complications des cathéters peuvent mettre en péril l’avenir de l’abord vasculaire et parfois celui du patient lui-même. Les incidents liés à la mise en place du cathéter, potentiellement dramatiques, doivent rester exceptionnels avec un environnement technique adapté (échographie, radioscopie, monitoring ECG et SaO2) et surtout l’expérience et la prudence de l’opérateur. Nous insisterons surtout sur les complications liées à leur utilisation dont l’incidence reste encore excessive.



LORS DE LA POSE DES CATHÉTERS ET LES SUITES IMMÉDIATES


Nous distinguerons les accidents de ponction, se traduisant par le traumatisme accidentel d’autres structures, et les accidents de trajet du cathéter, parfois mis en évidence plus tardivement.



Les accidents de ponction


La ponction artérielle est très fréquente et banale s’il n’y a pas de trouble de l’hémostase et si la compression est efficace et prolongée. Elle se manifeste par un hématome qui peut être suffoquant dans les cas extrêmes (carotide). Le repérage préalable à l’aiguille fine ou, mieux, par échographie, doit prévenir cet incident.


Les plaies veineuses profondes peuvent se compliquer d’un hémothorax ou d’un hémomédiastin. Les plaies d’une veine superficielle ou d’une artériole cutanée se manifestent par un saignement autour du cathéter dans les suites immédiates. Elles peuvent être aggravées par l’injection inappropriée d’héparine comme verrou. Elles nécessitent une compression locale et plus rarement une reprise chirurgicale. L’anévrysme artérioveineux traumatique s’observe surtout lors des ponctions fémorales.


La ponction pleuro-pulmonaire est classiquement rapportée lors du cathétérisme des veines subclavières (de 1 à 10 % des cas) mais elle peut, plus rarement, compliquer une ponction jugulaire. Elle se manifeste par la présence d’air dans la seringue, une douleur thoracique et une toux. Le pneumothorax cliniquement grave s’observe exceptionnellement en dehors de la ventilation artificielle en pression positive (anesthésie, réanimation). La radiographie de contrôle postopératoire peut ne pas faire le diagnostic d’un pneumothorax partiel ou retardé.


Les lésions des nerfs se rencontrent rarement par ponction directe ou par la compression d’un hématome. Le plus souvent il s’agit d’un effet de l’anesthésie locale qui est réversible.


La ponction de canal thoracique s’observe parfois après une tentative de cathétérisme de la veine jugulaire gauche. Elle se manifeste par une ponction «blanche» et une lymphorrhée autour du cathéter ou dans le tunnel. Elle se traite par le jeûne et la compression locale. Le risque est diminué par le jeûne de quelques heures, ce qui diminue le calibre du canal thoracique.


L’embolie gazeuse n’est pas vraiment un accident de ponction mais de manipulation. Elle est liée à la pression négative qui règne dans la veine cave supérieure lors de l’inspiration. Elle se manifeste par un bruit de succion, éventuellement par un bruit cardiaque régulier et, en cas d’embolie massive, par un arrêt cardio-respiratoire. La prévention repose sur la position de Trendelenburg pour l’insertion et la manipulation d’un cathéter thoracique supérieur.


L’hémopéricarde est exceptionnel. Il est dû à la perforation de la paroi veineuse de l’oreillette par le guide métallique ou le cathéter lui-même. Il peut passer inaperçu ou plus rarement se compliquer d’une tamponnade nécessitant un drainage.


La ponction trachéale est sans conséquence en dehors de la réanimation (ponction de ballonnet).


Le taux de décès lié à la pose de cathéters varie de 0 à 1,25/1 000 cathéters.




LES INFECTIONS






Les infections locales


On distingue les infections de l’orifice de sortie et les tunnelites (fig. 5-1). Elles sont rapportées avec une fréquence variant de 6 à 63 % et une incidence de 1 à 5/1 000 jours/cathéter. Le diagnostic bactériologique nécessite un écouvillonnage de l’orifice cutané. S’il n’y a pas de signes généraux, les hémocultures sont en général stériles. Une tunnelite peut être le point de départ d’une bactériémie et donner alors des signes généraux.





Les facteurs de risque et la prévention








LES DYSFONCTIONS


On entend par dysfonction l’impossibilité d’obtenir un débit suffisant pour effectuer une dialyse dans de bonnes conditions. Elles représentent la première cause technique d’ablation de cathéter.



Les dysfonctions primaires


Elles sont en rapport avec une plicature (fig. 5-2), une mauvaise position de l’extrémité ou un trajet aberrant du cathéter. Le diagnostic doit être fait lors du premier contrôle radiologique. Elles peuvent nécessiter une reprise chirurgicale, une intervention radiologique (lasso), ou le changement de cathéter.







LES STÉNOSES ET THROMBOSES DES VEINES CENTRALES





Conséquences


Elles sont parfois purement esthétiques avec un œdème localisé et une circulation collatérale (fig. 5-3). L’hyperpression veineuse peut entraîner des douleurs du membre. Des céphalées sont possibles en cas de thrombose cave supérieure ou jugulaire avec parfois une hypertension intracrânienne. L’ischémie, liée à la stase veineuse, se manifeste par des troubles trophiques des doigts avec la nécessité d’une correction radiologique ou chirurgicale. Dans certains cas, il faut lier une FAV avec pour conséquence la condamnation du membre pour tout abord périphérique ultérieur.





Facteurs de risque et prévention


Il existe des circonstances rares, comme des états inflammatoires ou d’hypercoagulabilité, qui peuvent favoriser la survenue d’une thrombose des gros troncs, même en l’absence de cathéter (maladie de Behçet, lupus érythémateux, déficit en antithrombine III, syndrome néphrotique, polyglobulie). La mise en place percutanée est sans doute moins traumatisante et thrombogène qu’un abord chirurgical et doit rester la règle. La voie subclavière doit être fortement déconseillée — pour le néphrologue, mais aussi pour le réanimateur (perfusions) et le cardiologue (stimulateur cardiaque) —, du fait du risque de sténoses potentiellement graves chez le dialysé. Le type de cathéter a une influence, avec un avantage pour les cathéters souples, de type siliconé, qui sont moins thrombogènes. La durée du cathétérisme augmente les risques même s’il existe des sténoses très précoces, dans le premier mois. La position de l’extrémité du cathéter dans la veine cave inférieure constitue un facteur de risque très important de sténose et doit être absolument corrigée. Il est enfin une situation particulière, qui est le problème des phlébites sur cathéter fémoral, dont l’incidence est peu étudiée et souvent sous-diagnostiquée. Le fait d’imposer le lit strict aux patients qui en sont porteurs est certainement un facteur favorisant. L’utilisation de cathéters souples siliconés permet une déambulation et un moindre risque.


Il est conseillé d’effectuer un dépistage radiologique systématique des sténoses, avant la création d’un abord périphérique artérioveineux, chez tout patient ayant eu un cathéter.







LES COMPLICATIONS DES ABORDS ARTÉRIOVEINEUX



LES STÉNOSES



Physiopathologie de la sténose et de la resténose après angioplastie


Le développement d’une sténose dans l’abord vasculaire (AV) pour hémodialyse est la cause la plus fréquente des dysfonctionnements des abords vasculaires. Son développement peut être à l’origine de la thrombose, stade ultime du dysfonctionnement. La resténose après angioplastie nécessite des interventions itératives. La prévention de la sténose et de la resténose est un enjeu majeur de la prise en charge du dialysé chronique. Une meilleure connaissance des mécanismes intervenant dans le développement des sténoses serait susceptible d’aboutir à des interventions préventives ciblées.


La sténose et la resténose des abords vasculaires sont constituées par une hyperplasie néo-intimale veineuse. Elle se développe le plus fréquemment au niveau de l’anastomose artérioveineuse des fistules natives distales et sur le versant veineux de l’anastomose veineuse des prothèses.







► Facteurs de risque de développement d’une sténose ou d’une resténose après angioplastie


Dans une étude reprenant l’ensemble des abords vasculaires créés dans une unité de dialyse entre le 1er janvier 1987 et le 1er février 1997 (soit 196 abords vasculaires), les facteurs de risque de sténose suivants ont été mis en évidence [90] — tableaux 5-1 et 5-2.


Tableau 5-1 Risque relatif (RR) de sténose.



















  RR p
Prothèses vs fistule native 4,2 < 0,001
Fistules :
Bras vs avant-bras
3,4 < 0,001
Prothèses :
Taux de protide élevé
Traitement par EPO
Membrane de dialyse HF
1,2
2,33
2,18
< 0,001
< 0,04
= 0,04

(Von Ey, 1999) [90]


Tableau 5-2 Risque relatif (RR) de resténose après angioplastie.



















  RR p
Type d’AV
Prothèse vs fistule native
1,97 < 0,02
Protidémie (Δ =1 g/l) 1,06 < 0,01
Précocité de la sténose (Δ0 =1 mois) 1,02 < 0,04

(Von Ey, 1999)


D’autres facteurs de risque ont été observés. La présence d’anticorps anti-thrombine bovine est corrélée avec le taux de thrombose des prothèses [91] après application de thrombine bovine comme hémostatique local. La perméabilité primaire des prothèses est plus faible chez les patients ayant une hypoalbuminémie [92] ou une hyperfibrinémie. Malgré la présence de récepteurs à l’EPO dans les sténoses prothétiques [93], il n’a pas été observé de différence de la durée de survie de l’abord vasculaire selon que le patient recevait de l’EPO ou pas [94]. Des marqueurs du stress oxydatif et des facteurs de croissance ont été retrouvés dans les sténoses (prothèses et FAV) [95]. Les facteurs plasmatiques circulants (cytokines, facteurs de l’hémostase, hyperinsulinisme, anomalies lipidiques) influencent la perméabilité primaire [96].


Ceci confirme le rôle favorisant le développement des sténoses que sont le port des prothèses et le syndrome inflammatoire.




Stratégies thérapeutiques


La prévention des sténoses et des resténoses passe par plusieurs étapes, allant de l’étape cellulaire à l’étape organisationnelle.


Les particularités du développement de l’hyperplasie néointimale des abords vasculaires sont liées à son développement sur une veine soumise à une hémodynamique particulière, et à l’environnement urémique. À ce titre la mise au point de modèles animaux d’hyperplasie néointimale veineuse [97] devrait permettre, par une meilleure connaissance des mécanismes cellulaires, de proposer des interventions thérapeutiques ciblées. Une meilleure connaissance des phénomènes hémodynamiques devrait aboutir à l’utilisation de matériaux mieux adaptés.





► Prévention médicamenteuse de la sténose


Actuellement deux médicaments seulement ont montré une influence positive sur la perméabilité des abords vasculaires : le dipyridamole, qui réduit le taux de thrombose des prothèses sans antécédent de thrombose [98], et l’huile de poisson [99]. La perméabilité primaire à 1 an a été de 75,6 % dans le groupe recevant 4 g d’huile de poisson par jour, contre 14,9 % dans le groupe contrôle. L’aspirine est susceptible d’avoir un effet délétère [98].


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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on complications de l’abord vasculaire

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