Comment conduire, en pratique, son EPP?

1. Comment conduire, en pratique, son EPP?
Comme le rappelle la Haute Autorité en santé (HAS) [«Évaluation des pratiques professionnelles en établissements de santé», mai 2007]: «Depuis 2004, un nouveau dispositif légal (loi n° 2004–810 du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie) [Art. 14] (CSP At. L.4133-1-1) fait obligation à tous les médecins d’entrer dans une démarche d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Le dispositif réglementaire est maintenant complet. Son but est d’inciter les médecins à intégrer dans leur pratique une dimension d’évaluation.»
La loi du 13 août 2004 de réforme de l’Assurance maladie crée une HAS chargée «de participer à la mise en œuvre d’actions d’EPP» (art. 35).
L’EPP consiste en «l’analyse de la pratique professionnelle en référence à des recommandations et selon une méthode élaborée ou validée par la HAS et inclut la mise en œuvre et le suivi d’actions d’amélioration» (décret 2005–346 du 14 avril 2005 relatif à l’EPP, CSP art. D 4133–23).

QUAND RÉALISER SON EPP?

La HAS a fixé une programmation au processus d’EPP: «Tout médecin hospitalier doit satisfaire à l’obligation légale d’EPP au cours d’une période maximale de 5 ans», écrit-elle (HAS/Service évaluation des pratiques/Version 1, mai 2007).
La HAS a récemment précisé les conditions de cette réalisation.

QUELLE EST LA DATE À PARTIR DE LAQUELLE L’OBLIGATION D’EPP DOIT ÊTRE MISE EN ŒUVRE?

Comme le rappelle la HAS, «le décret n° 2006–653 du 2 juin 2006 relatif à l’EPP précise que la période quinquennale court à compter de la date d’installation des Conseils régionaux de FMC (CRFMC); les programmes d’évaluation de pratiques déjà réalisés ou en cours seront pris en compte dès l’installation des CRFMC».
Mais, au jour où nous écrivons, les Conseils régionaux de formation médicale continue pourraient ne jamais voir le jour. Cette récente annonce montre bien l’instabilité du paysage institutionnel de l’EPP. D’autres mesures, encore inconnues, devraient venir fixer la date d’ouverture de la période quinquennale.

LES ACTIONS D’EPP MENÉES AVANT LA DATE D’OUVERTURE DE L’OBLIGATION SERONT-ELLES PRISES EN COMPTE?

La HAS s’est engagée à prendre en compte, sous réserve de justificatifs de participation, toutes les actions EPP déjà réalisées, notamment celles conduites dans le cadre de la V2.
La prise en compte de ces actions devra suivre les mêmes circuits (médecin habilité [MH], médecin expert extérieur [MEE] ou organisme agréé (OA), Comité médical d’établissement et Union régionale des médecins libéraux) que la validation des actions d’EPP qui seront réalisées à l’avenir.

À QUI S’ADRESSER POUR ENTRER DANS UN PROGRAMME D’EPP? LES ACTEURS DU DISPOSITIF

Il faut distinguer dans cette question les acteurs chargés de l’information à diffuser auprès des praticiens sur les modalités possibles d’EPP et responsables, in fine, de leur accréditation (Commissions médicales d’établissement [CME] pour les hospitaliers et Unions régionales des médecins libéraux [URML] pour les libéraux), et les acteurs mis à la disposition des praticiens pour les accompagner dans la conduite de leur EPP (MH pour les libéraux et MEE pour les hospitaliers ou OA). Si le médecin est salarié non hospitalier, c’est l’OA qui le prend entièrement à sa charge et sera alors autorisé à émettre un certificat d’EPP.
Chaque praticien a la liberté de faire le choix des modalités d’EPP qu’il souhaite mettre en œuvre, dans le large éventail de possibilités que la HAS lui offre.

AUPRÈS DE QUI OBTENIR LES INFORMATIONS UTILES AU CHOIX DE SON PROGRAMME D’EPP?

Les URML pour les libéraux et les CME pour les hospitaliers représentent les instances chargées de l’information sur la conduite de l’EPP.
Cependant, à ce jour, toutes ne sont pas encore organisées pour offrir toutes les informations utiles aux praticiens qui souhaiteraient s’engager dès aujourd’hui dans l’EPP.
La HAS est un recours pour les praticiens, notamment par le biais des chefs de projets régionaux qui en sont le relais régional.
Les OA eux-mêmes peuvent apporter des informations sur la conduite de l’EPP. Ils sont cependant, en situation d’opérateur, plus à même d’offrir une information sur les objectifs et la méthodologie de l’EPP et sur la nature des programmes et actions d’EPP qu’ils mettent en place que sur l’ensemble des opérateurs possibles en matière de conduite de l’EPP. La visite de leur site Internet peut permettre aux praticiens de se faire une idée sur leur fonctionnement et sur les modalités d’accompagnement qu’ils proposent. La HAS, mais également les URML et les CME tiennent à la disposition des praticiens la liste des OA.

AUPRÈS DE QUI FAIRE VALOIR LES ACTIONS D’EPP RÉALISÉES? LE RÔLE DES URML ET DES CME

Les URML comme les CME ne peuvent assurer la conduite de l’EPP, mais elles ont la mission d’en assurer les conditions de réalisation pour leurs membres.
Comme toute action d’EPP l’exige, une disjonction existe entre le «regard extérieur» nécessaire à l’évaluation de la qualité de l’action réalisée (assuré par un MH ou un OA si le praticien est libéral, par un MEE ou un OA si le praticien est hospitalier et par un OA si le praticien est salarié mais non hospitalier) et le certificateur (URML si le praticien est libéral ou CME si le praticien est hospitalier) qui, au vu des conclusions de ce regard extérieur, rédigera le certificat d’accréditation. Cette mesure vise à éviter que le certificateur soit «juge et partie» dans l’évaluation de l’action menée. Ainsi, il serait bien difficile à une CME de refuser à l’un de ses membres un certificat d’accréditation s’il ne pouvait s’appuyer, pour le justifier, sur une évaluation externe. Ce souci d’éviter les conflits d’intérêt dans la certification des soignants est l’une des grandes exigences de la HAS. Dans le même souci, l’existence d’un lien d’intérêt autre que celui de la conduite de l’EPP (notamment lien de subordination ou intérêt d’ordre corporatiste ou financier) entre l’organisme accompagnant (MH, MEE ou OA) et le praticien évalué doit faire l’objet d’une déclaration.
Les interlocuteurs des praticiens en matière d’organisation des actions d’EPP sont les URML pour les libéraux et les CME pour les hospitaliers. Ces instances vont rédiger le certificat d’accréditation pour les praticiens qui sera adressé aux conseils de l’ordre pour enregistrement et aux CRFMC.
Le rôle de la CME est bien défini dans le texte sur l’EPP en établissement de mai 2007. Il n’existe pas de texte comparable pour les URML.
J’en présenterai trois extraits qui me paraissent répondre clairement aux questions posées par les praticiens exerçant en établissement.
«C’est la CME qui certifie, en formation restreinte, l’accomplissement de chaque EPP réalisée par les médecins, après avoir pris connaissance, le cas échéant, des conclusions des OA chargés de l’évaluation des pratiques.
«Lorsque ces évaluations n’ont pas été conduites avec le concours d’un OA, la CME délivre les certificats après avis d’un MEE à l’établissement désigné selon des modalités définies par la HAS.»
«Pour ce faire, la sous-commission recense les programmes d’EPP réalisés dans l’établissement et organise, en présence du MEE, des séances de présentation/discussion des programmes réalisés en interne. Ainsi, le MEE siégeant dans la souscommission EPP sera à même de transmettre à la CME des avis et recommandations afin que cette dernière puisse délivrer le certificat d’EPP à chaque médecin engagé.»
«La CME choisit, après s’être assurée de l’absence de conflits d’intérêt, sur la liste arrêtée par la HAS, le ou les MEE qu’elle souhaite solliciter pour assurer ce “regard extérieur” dont on connaît l’importance en matière d’évaluation.
«Au sein de cette structure [la CME], le MEE donnera son avis sur: l’éligibilité au titre de l’EPP, des programmes et actions présentés; l’implication des praticiens sollicitant la validation individuelle de leur obligation d’EPP.
«Cet avis concernant les programmes d’EPP réalisés en interne est transmis à la CME qui, in fine, délivre, à chaque médecin, le certificat d’accomplissement d’EPP qui sera signé par son président.
«Une copie de ce certificat est adressée au Conseil régional de la formation médicale continue (CRFMC). Enfin, le CRFMC en informe le Conseil départemental de l’ordre des médecins qui délivre l’attestation au médecin concerné.»
Le praticien, seul ou dans le cadre de son service, de son pôle ou de son unité fonctionnelle, ou dans le cadre de son association ou de sa société savante, pouvant choisir de réaliser son EPP avec l’aide d’un OA, spécialiste de sa discipline, la CME pour les hospitaliers et les URML pour les libéraux doivent tenir à sa disposition la liste de tous les OA relevant de sa spécialité. Celle-ci figure également sur le site de la HAS.
Mais le praticien peut également profiter d’éventuelles organisations des conditions de réalisation de son EPP que peuvent proposer les CME ou les URML. Les CME et les URML ont alors l’obligation de faire accompagner les programmes d’EPP qu’ils organisent pour leurs membres par un MH, un MEE ou un OA.
Dans la mesure où les dispositifs sont en train de se mettre en place et que les délais accordés pour réaliser son EPP sont fixés à 5 ans, les praticiens ont devant eux un peu de temps pour s’informer et décider des modalités qu’ils souhaitent adopter pour remplir leurs obligations d’EPP.

AVEC QUI CONDUIRE, EN PRATIQUE, SON EPP? MÉDECINS FORMÉS PAR LA HAS (MH OU MEE) OU OA?

Déclinée selon une logique strictement soignante, la démarche EPP est une démarche d’autant plus aisée qu’elle est habituelle et largement partagée par les professionnels du soin.
Elle se décline en différentes étapes, que les praticiens pourraient, en théorie, réaliser seuls ou au sein d’un groupe:
— faire le choix, à partir d’une autoévaluation (analyse) de sa pratique d’une thématique d’amélioration, en lien avec son exercice spécifique: par exemple: comment améliorer les échanges avec les médecins généralistes?
— évaluer l’écart de sa pratique à une pratique «recommandée». Pour cela, le praticien devra s’appuyer sur les recommandations existantes. En leur absence, il pourra, dans l’exemple choisi, constituer un groupe pour partie composé de médecins généralistes, afin d’élaborer des propositions d’amélioration;
— à partir de la constatation d’un écart de sa pratique avec les propositions de recommandations élaborées, le praticien se fixe des objectifs d’amélioration et une méthode pour y parvenir. Par exemple: constatant que je n’ai pas l’habitude, dans mes liens avec les médecins généralistes qui m’adressent des patients, de leur envoyer un courrier mentionnant les raisons du projet de soin qu’il me paraît légitime de proposer, les mesures à prendre pour gérer au mieux les risques de cette prise en charge, et la place de chacun dans la mise en œuvre de ce projet de soin, je me donne comme objectif d’amélioration de le faire de manière systématique;
— afin de vérifier la réalité de l’amélioration, je chercherai l’indicateur pertinent témoignant de cette amélioration. Dans l’exemple pris, il pourra s’agir du contenu des lettres adressées au médecin généraliste que le groupe aura pu formaliser. Le praticien pourra évaluer l’amélioration de sa pratique en vérifiant qu’il a modifié son exercice dans le sens d’une prise en compte systématique du médecin généraliste et qu’il en témoigne par la traçabilité de ces informations dans les courriers échangés.
À l’inverse des pratiques habituelles des professionnels du soin de réflexion sur les pratiques, la démarche qualité impose de «rendre publique» cette démarche en la formalisant.

QUELLE EST LA VALEUR AJOUTÉE, DANS CETTE DÉMARCHE, DE L’INTERVENTION D’UN MH OU D’UN MEE?

La valeur ajoutée d’une telle intervention est celle du contrôle de la qualité de la démarche, notamment de l’objectivité de l’évaluation et de la traçabilité de celle-ci selon des termes consacrés par la HAS.
Cette nécessaire objectivation de la démarche introduit un nouveau langage parfois assez éloigné du langage des professionnels. Cette formalisation laisse parfois penser que la démarche qualité repose sur l’application d’une méthode nouvelle et spécifique alors même qu’elle n’est là que pour faciliter la traçabilité de la démarche. Par ailleurs, une formalisation plus grande de la démarche permet de faciliter son évaluation par des professionnels n’appartenant pas forcément au champ médical ou, s’ils le sont, n’étant pas forcément spécialistes de la discipline.
La transcription de la démarche réalisée en termes convenus impose une bonne connaissance du langage de la HAS.
Ainsi, lorsque vous choisissez, pour améliorer votre pratique, de vous évaluer par rapport à un référentiel existant et que vous faites le choix, pour suivre l’amélioration obtenue, de suivre votre écart à cette norme, vous entrez dans le cadre d’un audit clinique ciblé.
Lorsque vous décidez, pour améliorer la qualité de vos soins, de vous appuyer sur le relevé d’événements indésirables, d’en assurer, dans le cadre de concertations pluriprofessionnelles, une analyse et de concevoir des actions visant à en réduire la survenue, vous réalisez une revue de morbimortalité.
Reste que l’explicitation de la démarche qualité constitue un impératif de qualité et qu’à ce titre, il est essentiel, pour en valider la pertinence, de veiller à sa bonne formalisation et à l’utilisation de méthodes validées.
Dans ce sens, le MH ou le MEE répond à cette exigence d’un «regard extérieur» pour évaluer la bonne formalisation de la démarche et l’utilisation de méthodes évaluatives ayant l’agrément de la HAS.
Un autre apport essentiel du MH ou du MEE est d’être une garantie d’objectivité dans l’évaluation de la qualité de la démarche. L’absence de lien entre le praticien évalué et le MH (qui peut être d’une autre discipline) garantit l’absence de conflits d’intérêt d’ordre corporatiste où l’évaluateur serait juge et partie.
Mais, dans l’organisation même de la démarche d’évaluation, on peut retrouver la tentation de privilégier la formalisation et l’explicitation de la démarche qualité au détriment de son intelligence clinique. Cela pourrait être comparé à un récit ne dérogeant à aucune règle grammaticale, mais sans aucun contenu de sens. Un accompagnement réalisé par des professionnels formés par la HAS à la méthode de conduite de l’EPP mais non spécialistes de la discipline des praticiens évalués fait courir le risque d’une priorité donnée à la méthode sur l’intelligence professionnelle du processus d’amélioration.
Le rôle du MH ou du MEE ne peut être superposable à celui des OA. Leur cahier des charges, d’ailleurs, souligne bien la différence des missions qui leur sont confiées.
Le MH et le MEE possèdent une compétence reconnue dans la méthodologie de l’EPP, et ils sont garants de la rigueur et de l’objectivité de sa mise en œuvre. En tant qu’opérateurs de la HAS, ils veillent au contrôle de qualité de la démarche.
En cela, leur rôle peut être complémentaire de celui des OA, mais devrait se situer davantage dans un contrôle de qualité des OA eux-mêmes qu’en direct auprès des praticiens.

QUELLE EST LA VALEUR AJOUTÉE, DANS CETTE DÉMARCHE, DE L’INTERVENTION D’UN OA?

L’OA, comme le MH, aide le professionnel à formaliser la démarche d’amélioration qu’il conduit selon les termes exigés par la HAS. Il vérifie également que l’ensemble des étapes ont été respectées et que le rendu de l’EPP est correctement explicité et formalisé.
Mais il met également à la disposition du praticien, à l’inverse du MH ou du MEE:
— les données référencées sur le thème d’EPP choisi par le praticien que l’organisme tient à leur disposition ou un référentiel sur ce thème que l’organisme aura, selon une méthodologie ad hoc, définie par la HAS, préalablement élaboré sur ce thème;
— une concertation éclairée entre le praticien demandeur et le professionnel de l’OA partageant la même discipline:
• sur la pertinence du choix de la thématique d’évaluation. Cette étape est essentielle pour éviter au praticien de s’engager dans un thème sans réel pouvoir d’amélioration, insuffisamment documenté ou de complexité trop grande pour se prêter à une démarche d’évaluation et d’amélioration de la pratique. À titre d’exemple, une équipe avait choisi d’engager une action d’EPP sur le thème de la complémentarité, en pratique, des neurosciences et de la psychanalyse. Ce choix, pour intéressant et essentiel qu’il soit, se prête difficilement, à ce jour, à une démarche d’amélioration de la qualité des soins. Elle relèverait davantage d’une démarche de recherche bien distincte de la démarche qualité, comme le rappelle la HAS dans son guide de cotation des actions d’EPP. A contrario, un OA doit être ouvert à toute thématique souhaitée par les praticiens et ne pas proposer, préalablement au programme d’EPP, un nombre fermé de thématiques. En effet, l’EPP doit être en lien avec l’exercice et les améliorations entrevues par les praticiens, largement fonction du contexte local. L’OA doit permettre, sur des thématiques éligibles à une EPP, de fournir tout l’accompagnement nécessaire à une démarche d’amélioration centrée sur les thématiques d’intérêt des professionnels du soin;

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May 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Comment conduire, en pratique, son EPP?

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