5. Côlon et grêle
En cas de syndrome HNPCC, quel est le risque de développer un adénome à risque ou un second cancer sur le côlon restant après une colectomie segmentaire ou subtotale pour adénocarcinome ?
Kalady MF, McGannon E, Vogel JD, Manilich E, Fazio VW, Church JM.
Risk of colorectal adenoma and carcinoma after colectomy for colorectal cancer in patients meeting Amsterdam criteria. Ann Surg 2010 ; 252 : 507-11.
Les auteurs concluent qu’en cas de forte suspicion d’un cancer colique dans le cadre d’un syndrome HNPCC, la colectomie subtotale semble être la meilleure option dans la mesure où elle diminue le risque de survenue d’un second cancer sur le côlon restant.
Cette étude ne fait que confirmer des données déjà connues à savoir un risque de 25 % de second cancer après colectomie segmentaire [1,2]. Elle apporte en revanche des données un peu nouvelles sur le risque de survenue d’adénome dont l’intérêt en pratique clinique est cependant assez limité. Finalement, les principaux messages de cet article sont que :
• en cas de syndrome HNPCC, la surveillance tous les deux ans par coloscopie après colectomie segmentaire n’est pas suffisante et qu’une coloscopie annuelle est peut-être plus efficace [3] ;
• une colectomie subtotale ne dispense pas d’une surveillance coloscopique rapprochée.
Cette étude n’est cependant pas suffisante pour recommander de façon formelle une colectomie subtotale plutôt qu’une colectomie segmentaire. Le débat reste ouvert, car même si tous les experts recommandent plutôt une colectomie subtotale [1,2,4], aucune étude contrôlée n’a démontré son intérêt en termes de gain de survie et de qualité de vie.
Bien entendu, cela suppose une connaissance du statut HNPCC en préopératoire, c’est-à-dire à partir des biopsies endoscopiques, ce qui est rarement fait en pratique.
Mots clés : Côlon ; Cancer ; Syndrome HNPCC ; Chirurgie ; Récidive
Références
[1] J Med Genet 2007 ; 44 : 353–62.
[2] Dis Colon Rectum 2010 ; 53 : 77–82.
[3] Dis Colon Rectum 2003 ; 46 : 617–20.
[4] J Clin Oncol 2006 ; 24 : 4642–60.
L’excision complète du mésocôlon avec ligature vasculaire à l’origine doit être la technique standard pour la chirurgie du cancer du côlon
West NP, Hohenberger W, Weber K, Perrakis A, Finan PJ, Quirke P.
Complete mesocolic excision with central vascular ligation produces an oncologically superior specimen compared with standard surgery for carcinoma of the colon. J Clin Oncol 2010 ; 28 : 272-8.
L’intérêt de l’exérèse totale du mésorectum a été bien démontré pour le cancer du rectum [1]. En revanche, en cas de cancer du côlon, l’intérêt de la ligature à l’origine des pédicules vasculaires irriguant la tumeur avec une exérèse complète du mésocôlon a été moins étudié [2,3] et elle n’est pas la technique standard dans tous les pays, en particulier anglo-saxons. Les auteurs ont donc réalisé une étude anatomopathologique à partir de pièces de colectomie pour cancer chez 89 malades opérés d’une part, dans un centre allemand pratiquant l’exérèse complète du mésocôlon (n=49, groupe allemand) et d’autre part, dans un centre anglais ne pratiquant pas cette exérèse complète en routine (n=40, groupe anglais). L’étude a été réalisée par deux observateurs anatomopathologistes indépendants à partir de photos en haute résolution des pièces fraîches. Sur ces photos était évalué le plan de section du mésocôlon et étaient mesurées la distance entre la tumeur et la ligature vasculaire, la longueur d’intestin réséqué et la surface de mésocôlon. Les malades des deux groupes étaient comparables et les tumeurs des deux groupes avaient une localisation et un stade tumoral comparables. Pour l’ensemble des mesures, la concordance entre les deux observateurs était correcte de 78 %. L’excision du mésocôlon était considérée comme complète sur 90 % des pièces du groupe allemand et 35 % du groupe anglais (p < 0,001). Le plan de section du mésocôlon passait au contact du côlon sur aucune pièce du groupe allemand et sur 15 % de celles du groupe anglais (p < 0,01). La longueur d’intestin réséqué, la distance entre la tumeur et la ligature vasculaire et la surface de mésocôlon étaient toutes significativement plus élevées sur les pièces du groupe allemand que celles du groupe anglais (p < 0,001), qu’il s’agisse de colectomie droite ou gauche. Le nombre médian de ganglions examinés était de 30 dans le groupe allemand et de 18 dans le groupe anglais (p < 0,001). Enfin, il existait une corrélation statistique entre la distance tumeur–ligature et le nombre de ganglions examinés.
Les auteurs concluent que la ligature vasculaire à l’origine avec une exérèse complète du mésocôlon doit être la technique de référence pour la chirurgie du cancer colique, car elle permet une analyse histologique plus complète en particulier du nombre de ganglions.
Cette étude souligne la disparité de la formation chirurgicale dans le monde. En effet, on a du mal à imaginer en France que l’on puisse passer au contact du tube digestif, comme c’est le cas chez 15 % des malades du groupe anglais, pour l’exérèse d’un cancer du côlon.
Il est dommage que les auteurs n’aient pas donné les résultats oncologiques à long terme qui auraient sans doute apporté un peu plus de poids à la recommandation qu’une simple étude anatomopathologique.
Les auteurs auraient également pu donner la morbidité opératoire afin de montrer la réalisation d’une ligature vasculaire à l’origine avec une excision complète du mésocôlon ne majorait pas les risques opératoires.
Mots clés : Côlon ; Cancer ; Exérèse du mésocôlon ; Ligature vasculaire
Références
[1] Lancet 2000 ; 356 : 93–6.
[2] Colorectal Dis 2009 ; 11 : 354–64.
[3] Lancet Oncol 2008 ; 9: 857–65.
Le nombre total de ganglions examinés est-il réellement un facteur pronostique des cancers du côlon stade III ?
Wang J, Kulaylat M, Rockette H et al.
Should total number of lymph nodes be used as a quality of care measure for stage III colon cancer ? Ann Surg 2009 ; 249 : 559-63.
Les auteurs concluent que si le rapport N+/NT est un facteur pronostique majeur du CC stade III, le NT ne l’est pas et ne devrait donc pas être considéré comme un bon marqueur de la qualité de la prise en charge chirurgicale du CC. De même, le nombre minimal de 12 ganglions à examiner établi par l’UICC n’a plus aucune raison d’être et ne devrait plus être recommandé.
Comme cela avait été déjà montré dans le cancer du rectum [4], le rapport N+/NT est un critère pronostique plus pertinent que le simple NT dans le cancer du côlon.
La conclusion n’est pas vraiment supportée par les résultats. Cette étude confirme juste que la collecte d’un grand nombre de ganglions ne suffit pas en elle-même à améliorer le pronostic. Néanmoins, elle peut améliorer le pronostic en permettant un meilleur staging des cancers du côlon [5]. C’est dans cette mesure qu’un nombre minimum de 12 ganglions à analyser reste le garant d’une bonne prise en charge du cancer incluant l’amélioration de la qualité de la chirurgie et de l’examen anatomopathologique [5].
Mots clés : Côlon ; Cancer ; Chirurgie ; Ganglion ; Pronostic
Références
[1] J Clin Oncol 2003 ; 21 : 2912–9.
[2] J Clin Oncol 2006 ; 24 : 3570–5.
[3] J Clin Oncol 2005 ; 23 : 8706–12.
[4] Ann Surg 2008 ; 248 : 1067–73.
[5] J Chir 2008 ; 145 (Suppl. 4) : 12S36–9.
L’augmentation du nombre de ganglions analysés dans la chirurgie du cancer colorectal est-elle associée à une augmentation du nombre de stades III diagnostiqués ?
Kukreja SS, Esteban-Agusti E, Velasco JM, Hieken TJ.
Increased lymph node evaluation with colorectal cancer resection : does it improve detection of stage III disease ? Arch Surg 2009 ; 144 : 612-7.
L’hypothèse de travail des auteurs était que l’analyse de 12 ganglions ou plus lors de la résection d’un cancer colorectal ne permet pas d’augmenter le nombre de stades III détectés. Cette étude rétrospective a inclus 701 patients consécutifs opérés d’un cancer colorectal avec 553 patients opérés avant une décision multidisciplinaire d’optimiser le nombre de ganglions à analyser (groupe AV) comparés à 148 patients opérés après (groupe AP). Étaient évalués le nombre de ganglions réséqués, la proportion de patients porteurs d’un stade III et la proportion de patients avec une maladie N1 ou N2. Les données démographiques, tumorales et thérapeutiques étaient comparables entre les deux groupes, excepté un âge plus jeune, une proportion de race blanche plus faible et plus de chirurgie laparoscopique dans la période récente. Le nombre médian de ganglions analysés a augmenté passant de 12 à 16 (p < 0,001) entre les deux périodes, avec respectivement 53,0 % et 71,6 % de patients avec au moins 12 ganglions analysés. La proportion de patients diagnostiqués avec un stade III est en revanche restée stable avec 36,9 % vs 32,4 % (p=0,31). Parmi les patients avec ganglions envahis en anatomopathologie, la distribution en classes N1 ou N2 ne différait pas entre les deux périodes, avec 50,5 % de N1 versus 49,5 % de N2 dans la première période et 54,2 % versus 45,8 % de N2 dans la seconde période (p=0,54).