3. Coacher selon les personnalités
Des livres entiers ont été écrits sur la définition de la personnalité, mais on peut résumer en disant qu’elle est ce que nous appelons dans le langage courant le caractère.
C. André et F. Lelord, Comment gérer les personnalités difficiles [2]
L’insight : un concept issu de l’éthologie
Bien que l’apparition du mot lui soit contemporaine, insight n’est pas un terme freudien. C’est Wolfgang Köhler, psychologue allemand qui au cours d’expériences avec des chimpanzés, a mis en évidence la résolution soudaine d’un problème : le chimpanzé s’arrête à plusieurs reprises, essaye à nouveau de solutionner la difficulté à laquelle il est confronté, puis parvient en un éclair à solutionner le problème. Cette observation est fondamentale. D’une part, elle écarte l’idée que l’apprentissage ne peut être réduit au conditionnement. D’autre part, l’insight est révélateur d’une démarche analytique et d’une réflexion intellectuelle.
Cet insight fonctionnel décrit par Köhler intervient en coaching. C’est surtout l’insight psychique qui est convoqué. L’insight psychique correspond à un regard posé sur soi et sur son rapport au monde. Ce regard s’accompagne d’un souci de dévoilement, de découverte et enfin de compréhension de soi.
L’insight est un mode singulier d’appréhension des phénomènes. Il est le fruit d’une pulsion logique et sensée exclusivement pour le sujet qui le vit. Il réside en une perception claire, sans blocage, tournée vers la vérité. Il ne suit aucun itinéraire fléché, ni ne répond à aucune explication scientifique.
La notion d’insight est une « illumination », à partir d’une expérience interne forte : « c’est ça, tout d’un coup, j’ai compris ». En psychanalyse, l’insight est un processus par lequel le sujet se saisit de sa propre dynamique psychique. C’est comme un regard intérieur. Le sujet soudainement prend conscience de sa conflictualité interne. Cette révélation s’accompagne d’un sentiment d’étonnement, de soulagement voire d’euphorie. En tant qu’expérience interne, l’insight n’est pas transmissible. « Je ne peux avoir d’insight que de moi-même » nous dit Etchegoyen [30].
L’insight permet de se saisir d’une solution, d’une vision qui échappait jusqu’alors. Il ouvre le champ du possible en remodelant la vison du monde. L’insight augure d’un changement durable. Le coach s’appliquera à faciliter l’insight de son client car « les seules connaissances qui puissent influencer le comportement d’un individu sont celles qu’il découvre par lui-même et qu’il s’approprie » [59].
Euréka ! L’insight d’Archimède
L’insight ne se produit que lorsque l’individu est sous tension créatrice de recherche de solution et lorsqu’il a à résoudre un problème. L’histoire prête à Archimède d’avoir crié « Euréka » (j’ai trouvé) en découvrant dans son bain la poussée des liquides sur les corps immergés. Cette pensée ne lui est pas venue par hasard. En réalité, Archimède avait plusieurs cordes à son arc. Physicien, mathématicien, géomètre, ingénieur, il était féru de la science, de toutes les sciences « dures ». Son approche éclectique était suffisamment rationnelle pour lui permettre une résolution cartésienne des problèmes qu’il se posait. Le cheminement intellectuel vaut surtout par sa logique cognitive. Les incidences de sa recherche sont d’ordre métaphysique.
L’Euréka archimédien n’est pas réellement un insight. Il s’agit plutôt d’une convergence d’indices propices à la découverte scientifique. Cependant, il montre deux choses. La première est que l’Euréka d’Archimède est frappé, comme l’insight, de soudaineté. Comme une irruption volcanique, l’idée s’impose en lieu et place inattendus. La seconde, il n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat d’une longue réflexion à bas bruit.
Qu’en est-il de l’insight en coaching ? D’une part, il nous faut accepter l’idée qu’il peut survenir en dehors des séquences. Notre expérience nous fait dire que c’est d’ailleurs la majorité des cas. Il échappe donc à toute « mise en scène ». D’autre part, l’insight est un processus. Il est par conséquent imprévisible, incontrôlable. Son aspect massif est étonnamment contrebalancé par ce que nous disent les coachés « j’ai eu le déclicInsightdéclic », un peu comme si « un petit rien » venait leur ouvrir les portes.
De là, à penser que l’insight ouvre celle du changement, c’est un raccourci que nous n’emprunterons pas. En effet, tout insight n’est pas la garantie de résolution de la problématique du sujet. Parfois même, c’est l’inverse, il vient obscurcir, voire ralentir la progression du sujet. L’insight pourrait ainsi, en certaines occasions, être commandité par des forces frénatrices de mécanismes de défense.
Les défenses sont-elles normales ou pathologiques ?
Pour éviter que les conflits psychiques altèrent trop fortement le sujet dans sa vie de relation, il existe un certain nombre de mécanismes visant à protéger le Moi, c’est-à-dire la personnalité : les défenses du Moi. Ces défenses assurent la sécurité du sujet en tempérant les conflits internes. Les défenses ont donc un caractère positif et nécessaire. En revanche, trop rigides, elles deviennent elles-mêmes menaçantes pour le sujet.
Caractéristiques des mécanismes de défense
Les défenses s’érigent quand le Moi du sujet se sent menacé. Ce fait est d’importance car il reflète deux notions fondamentales dans la mobilisation des mécanismes de défense :
• 1re notion : la défense est autonome. Le sujet ne choisit pas son mode de défense ;
• 2e notion : le sujet n’est pas conscient de la manière dont son Moi se défend. Il ignore qu’un comportement qui lui est propre intervient en tant que mécanisme de défense, ce qui explique la complexité des attitudes et comportements humains.
Panorama des mécanismes de défense couramment mobilisés en coaching
Par leur aspect répétitif, les mécanismes affectifs de défense signent une structure de personnalité. « La personnalité peut se définir comme une organisation relativement stable de pensées, comportements, émotions qui caractérisent un individu et son mode d’être au monde… Ce concept peut ainsi être très utile pour nous aider à mieux comprendre, décrypter, voire prédire des réactions qu’il pourra avoir dans certaines situations. » [1] Ainsi, le coach tiendra compte de la personnalité de son client pour adapter son mode d’intervention.
• RefoulementMécanisme de défenserefoulement : il sert à éviter que des désirs, des sentiments gênants ou répréhensibles ne viennent polluer le champ de la conscience.
• RégressionMécanisme de défenserégression : sorte de retour vers des valeurs vécues comme refuge par le sujet. Elle interpelle généralement la sphère du plaisir.
• Contre-investissementMécanisme de défensecontre-investissement : lorsqu’une représentation est considérée par le sujet comme inaccessible ou interdite, la quantité d’énergie rendue ainsi disponible est orientée vers une autre représentation autorisée et permise.
• Formation substitutiveMécanisme de défenseformationsubstitutive : ce mécanisme de défense fonctionne comme le contre-investissement, il s’en différencie dans sa représentation secondaire qui est psychiquement associée à la représentation primaire.
• SublimationMécanisme de défensesublimation : au sens analytique, ce mécanisme de défense n’est jamais pathologique. Il obéit au principe de réalité en dirigeant la force sublimatoire vers des buts socioculturels tout à fait acceptables. Le plus souvent il s’agit de création, voire de métiers altruistes, comme psychiatre, infirmier, psychologue, éducateur… et coach.
• IntrojectionMécanisme de défenseintrojection : le sujet fait passer à l’intérieur tout ou partie de ce qui était primitivement à l’extérieur.
• DénégationMécanisme de défensedénégation : la représentation gênante demeure dans le conscient mais le sujet ne la reconnaît pas comme étant sienne.
• DéniMécanisme de défensedéni : il convient de bien différencier ce mécanisme de la dénégation. Il s’agit ici d’éliminer une représentation gênante, non en refusant de la reconnaître, mais en niant la réalité même de la perception liée à cette représentation.
• CondensationMécanisme de défensecondensation : elle constitue le regroupement de plusieurs représentations en une seule dite représentation condensée. Particulièrement à l’œuvre dans les rêves, la condensation se retrouve aussi dans les lapsus et les actes manqués.
• DéplacementMécanisme de défensedéplacement : la charge affective est détachée de sa représentation d’origine et rattachée à une nouvelle représentation.
• Annulation rétroactiveMécanisme de défenseannulation rétroactive : mécanisme de défense très régressif qui fait appel à la puissance de la pensée magique. Il consiste à réaliser un acte, au sens large du terme, dont le but est de supprimer un acte antérieur comme s’il n’avait jamais existé.
• IsolationMécanisme de défenseisolation : une séparation artificielle s’opère entre deux pensées ou comportements qui, en réalité, sont liés, leur relation ne pouvant être reconnue sans intenses émotions.
• ClivageMécanisme de défenseclivage : le Moi est divisé sous l’influence angoissante d’une menace, de manière à faire coexister les deux parties indépendamment, sans formation de compromis possible. Cette défense est généralement temporaire et réversible.
• RationalisationMécanisme de défenserationalisation : la pensée recherche la cohérence, la logique et, si elles n’apparaissent pas d’emblée, un processus d’explication se met en œuvre.
• IdentificationMécanisme de défenseidentification : le sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre, pouvant le conduire jusqu’à sa disparition.
• ProjectionMécanisme de défenseprojection : c’est le mécanisme de défense, le plus simple à utiliser et sans doute le moins consommateur en énergie psychique. Le sujet expulse dans le monde extérieur des pensées, des désirs, qu’il méconnaît ou refuse en lui et qu’il attribue à d’autres personnes ou choses de son environnement.
Quand le dire se tait, les émotions se mettent à parler
Les émotions sont définies comme des surgissements d’humeur soudains et temporaires, avec un début et une fin. Elles ont une traduction physique et s’accompagnent de mimiques spécifiques qui les rendent identifiables.
C’est le système limbique qui constitue notre cerveau émotionnel. Le monde perceptible fait l’objet de représentations conscientes ou inconscientes par notre cerveau : ce sont les cartes cognitives. La trace du passé se marque dans la forme des cartes et l’émotion brouille les cartes. En effet, notre cerveau est un objet historique. Ce que chacun sait du monde passé (souffrance, plaisir) est inscrit au niveau de ces cartes. Lors de la perception de ces mêmes phénomènes, le système nerveux envoie des stimuli agressifs ou agréables, provoquant ainsi la mise en jeu des systèmes hormonaux qui préparent le corps à une réponse.

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