24 Chirurgie des membres, du pied et de la main
Lignes d’incision
Membres supérieurs et inférieurs
L’anatomie fonctionnelle des membres supérieurs et celle des membres inférieurs ont de nombreux points communs. Les incisions ne doivent en aucun cas barrer les plis de flexion articulaire comme les plis inguinal et poplité, les plis du coude et du poignet, qui sont des amarrages à des zones en mouvement, afin d’éviter d’induire une bride rétractile. Les lignes d’incision sont obliques en avant, en bas et en dedans, respectant les LMTC dans le but de limiter l’élargissement cicatriciel (Figure 24.1). Les lignes du plissement naturel bien objectivées chez le vivant sont à préférer en effet aux lignes de Langer [1], lignes fictives analysées sur cadavre et qui ne tiennent pas compte de l’action musculaire. Sur une surface plane, plus la cicatrice du fuseau se raccourcit, plus les angles apicaux sont ouverts et plus l’excédent tissulaire à chaque extrémité, encore appelé « oreille », devient important. Sur une surface convexe comme les membres, le phénomène s’accentue [2] : ainsi, un fuseau dessiné de façon à ce que les angles latéraux soient de 30° voit ses angles considérablement s’élargir et les forces de traction au centre de la PDS se majorer (Figures 24.2 et 24.3).
Fig. 24.2 Fuseau elliptique : angles apicaux de 30° sur une surface plane, ouverture des angles apicaux ≥ 45°sur une surface convexe.
Parmi les excès tissulaires (oreilles), il faut différencier les excès superficiels cutanés dont il existe différents modèles théoriques [3], et l’excédent sous-cutané, composante profonde et graisseuse de l’oreille. C’est souvent l’ignorance de cette dernière qui aboutit à un traitement global cutané et sous-cutané et donc à un allongement cicatriciel là où un simple dégraissage des extrémités du fuseau aurait suffi, sans résection cutanée associée. Cette différence est particulièrement importante au niveau des membres car si l’on peut attendre de la peau expansion et rétraction, on ne peut rien espérer en revanche d’un excédent graisseux localisé qui ne se modifiera pas spontanément s’il n’est pas corrigé et accentuera l’effet de dépression au centre de la cicatrice.
Mains et pieds
La peau y est mince et les éléments anatomiques nobles, tendineux, musculaires et vasculo-nerveux, sont rapidement exposés à la face dorsale, dès le tissu cutané incisé. Le franchissement des plis de flexion est là encore à proscrire. L’exérèse fusiforme est comme ailleurs la technique à privilégier mais elle est rapidement limitée par le manque de laxité cutanée. Celle-ci est plus importante au niveau de la face dorsale de la main et à un moindre degré, du pied et de l’avant-pied (Figure 24.4). En l’absence de possibilité de suture directe, la greffe de peau totale est préférée à la peau mince en raison de sa faible rétraction (Figure 24.5). Au niveau des doigts et des orteils, la réserve cutanée est particulièrement pauvre. Les pertes de substance sont le plus souvent réparées par des greffes en unité anatomique, couvrant toute une zone interphalangienne (Figure 24.6).
Limites chirurgicales
Limites liées à l’anatomie et pièges diagnostiques
Au niveau du trigone fémoral à la racine de la cuisse, le tissu cellulaire sous-cutané contient des ganglions superficiels. Une section hypodermique profonde peut léser les lymphatiques, source d’écoulements prolongés. C’est aussi une zone de basse pression veineuse qui contre-indique les décollements superficiels. Au niveau de la jambe, des faces dorsales des mains et des pieds, le manque de réserve tissulaire, la finesse du derme contre-indiquent les décollements sous- cutanés. Les sutures en tension y sont interdites en raison du risque de nécrose cutanée. On doit également s’assurer de la nature de la lésion dont on doit faire l’exérèse. Il faut savoir demander une échographie ou un écho-Doppler au moindre doute qui préciseront la nature vasculaire (boucle veineuse au niveau de la jambe par exemple), graisseuse ou solide d’une lésion d’un membre (lipome, hernie musculaire sur déchirure de l’aponévrose), voire synoviale (kyste poplité) [4].
Taille de la perte de substance
À distance des articulations, la suture directe est généralement possible pour des PDS allant jusqu’à 3 cm de diamètre. Entre 3 et 5 cm, la fermeture n’est pas toujours complète. On peut alors envisager une cicatrisation dirigée au centre de la PDS ou la réalisation d’une greffe de peau totale. En périarticulaire, le diamètre d’exérèse se réduit, de même au niveau de la crête tibiale. La cicatrisation dirigée d’une PDS cutanée, guidée par l’application de pansements appropriés, se fait classiquement en trois phases successives : détersion, bourgeonnement et épidermisation. Le bourgeonnement se fait à partir des berges et de la profondeur de la plaie. Il est le résultat de l’inflammation locale et ne peut donc se développer qu’à partir de structures bien vascularisées. En cas d’exposition de structures avasculaires (os dépériosté, tendon sans péritendon), le bourgeon est produit uniquement par la périphérie et ne peut couvrir que des surfaces très limitées. La présence de myofibroblastes est responsable d’une contraction du bourgeon qui exerce une traction centripète sur les berges de la plaie. Ainsi, cette phase aboutit à la fois au comblement de la PDS et à la réduction de sa surface. L’évolution du bourgeon est surveillée régulièrement. L’épithélialisation se fait essentiellement de façon centripète à partir des berges de la plaie. Les cellules épidermiques recouvrent le bourgeon, qui se trouve idéalement au niveau des berges cutanées. Si le bourgeon est hypotrophique, la cicatrice est déprimée, alors que s’il est hypertrophique il empêche la progression des cellules. Les avantages de la cicatrisation dirigée sont sa simplicité, et la qualité de la cicatrice obtenue : surface réduite par rapport à la PDS initiale, coloration équivalente à celle de la peau périphérique, et sensibilité conservée contrairement à la greffe. La rétraction cicatricielle peut cependant dans certains cas être un inconvénient en formant une bride dans un pli de flexion. La cicatrisation dirigée n’est que rarement applicable aux PDS du membre supérieur, du fait de l’exposition de structures avasculaires, de l’exposition de structures nobles, ou de la surface trop étendue de la PDS [5].