13. Autres
13.1. Modalités (péri)opératoires
Impact de la supplémentation en oxygène sur les infections du site opératoire et les complications pulmonaires après chirurgie abdominale : résultats d’un essai randomisé
Meyhoff CS, Wetterslev J, Jorgensen LN et al.
Effect of high perioperative oxygen fraction on surgical site infection and pulmonary complications after abdominal surgery : the PROXI randomized trial. JAMA 2009 ; 302 : 1543-50.
Les résultats de cet essai vont à l’encontre des résultats de deux autres essais randomisés qui retrouvaient un avantage à une supplémentation en O2 à haute concentration par rapport à un taux standard [2,3].
L’originalité de cette étude tient dans le fait que les patients étaient aveuglés de leur bras de traitement, mais également les statisticiens, amenant à la rédaction de deux manuscrits différents, un avec le bras A à 80 % d’O2, l’autre avec le bras B à 30 % d’O2. C’est une fois que tous les investigateurs ont approuvé la teneur des deux manuscrits que l’aveugle a été levé.
À noter enfin que sur le plan statistique l’hypothèse de départ d’une réduction de 33 % du risque d’ISO était peut-être un peu optimiste.
Mots clés : Obésité ; Chirurgie ; Diabète ; Méta-analyse
Références
[1] J Hosp Infect 2005 ; 60 : 93–103.
[2] N Engl J Med 2000 ; 342 : 161–7.
[3] JAMA 2005 ; 294 : 2035–42.
Comment faciliter l’insertion d’une sonde nasogastrique au cours d’une anesthésie générale ? En la congelant bien sûr ! Résultats d’un essai contrôlé
Chun DH, Kim NY, Shin YS, Kim SH.
A randomized, clinical trial of frozen versus standard nasogastric tube placement. World J Surg 2009 ; 33 : 1789-92.
Parfois l’insertion d’une sonde nasogastrique (SNG) chez un malade intubé et ventilé peut être difficile avec un enroulement de la SNG dans la bouche. La difficulté d’insertion est le plus souvent due au fait que la SNG qui est souple vient buter contre les sinus piriformes ou les cartilages aryténoïdes [1].
Les auteurs ont donc évalué l’intérêt de l’utilisation d’une SNG préalablement congelée en réalisant un essai contrôlé chez 100 malades opérés électivement sous anesthésie générale et pour qui une SNG devrait être posée. La sonde utilisée était une SNG siliconée de diamètre 16 Fr. La congélation consistait à ouvrir un coin de l’emballage de la SNG puis de la remplir avec de l’eau stérile, puis de congeler l’ensemble. Le tirage au sort avait lieu au bloc opératoire et 50 malades ont eu une SNG congelé (groupe congelé) et 50 malades une sonde normale (groupe contrôle). Les malades des deux groupes étaient comparables pour l’âge, le sexe, le poids et la taille. La SNG était posée par un anesthésiste senior avec un malade ayant sa tête dans la même position que pour l’intubation. La procédure d’insertion de la SNG était considérée comme étant un succès si la SNG était bien positionnée dans l’estomac après un maximum de deux tentatives.
La SNG a été posée avec succès chez 44 des 50 malades (88 %) du groupe congelé et chez 29 des 50 malades (58 %) du groupe contrôle (p = 0,001). Le temps d’insertion de la SNG était en moyenne de 83 ± 44 secondes dans le groupe congelé et de 120 ± 133 secondes dans le groupe contrôle (p = 0,07). L’insertion de la SNG a entraîné un saignement bucconasal chez trois malades (6 %) du groupe congelé et six malades (12 %) du groupe contrôle (NS).
Les auteurs concluent que la congélation préalable permet de rigidifier la SNG et donc de faciliter ainsi son insertion chez un malade intubé et ventilé.
Il s’agit d’une petite étude originale qui propose un moyen simple et peu onéreux pour faciliter l’insertion d’une SNG. Ce procédé pourrait être utilisé dans les cas difficiles.
On peut toutefois être étonné du taux d’échec après deux tentatives assez élevé de 42 % dans le groupe contrôle, alors qu’il s’agit quand même d’une procédure assez standardisée.
Un des risques de la technique est que l’eau se décongèle trop vite au niveau de la bouche avec la survenue d’une inhalation.
Mots clés : Estomac ; Anesthésie générale ; Sonde nasogastrique ; Congélation ; Essai randomisé
Référence
[1] Anesthesiology 1999 ; 91 : 137–43.
Nouvelle méta-analyse actualisée sur l’intérêt d’une préparation colique avant chirurgie colorectale
Slim K, Vicaut E, Launay-Savary MV, Contant C, Chipponi J.
Updated systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials on the role of mechanical bowel preparation before colorectal surgery. Ann Surg 2009 ; 249 : 203-9.
L’intérêt de la préparation colique avant une chirurgie colorectale est toujours débattu. En effet, si plusieurs méta-analyses incluant des essais contrôlés de faible puissance avaient montré qu’elle devait être abandonnée car délétère [1,2], deux essais contrôlés récents plus larges ont montré au contraire que si elle ne diminuait pas le risque de fistule anastomotique, elle diminuait le risque d’abcès pelvien ou intra-abdominal [3,4].
Les auteurs ont donc actualisé leur méta-analyse de 2004 [1] en incluant les données des essais récents les plus larges. Cette méta-analyse a porté sur 14 essais contrôlés sélectionnés parmi 87 disponibles permettant l’inclusion de 4859 malades. Parmi eux, 2452 avaient eu une préparation colique et 2047 n’en avaient pas eu. Le taux de fistule anastomotique qui était le critère de jugement principal pour la majorité des essais était de 4 % après préparation et de 3,44 % en l’absence de préparation (p = 0,46). Le taux d’abcès pelvien ou intra-abdominal était de 1,9 % après préparation et de 2,5 % en l’absence de préparation (p = 0,75). De même, la préparation n’avait pas d’influence significative sur le taux de mortalité opératoire, le taux d’infection de paroi, le taux d’infection extra-abdominale et le taux de réopération. Lorsque l’on considérait l’ensemble des infections du site opératoire, le taux était de 15,7 % après préparation et de 14,58 % en l’absence de préparation (p = 0,02). Les résultats restaient semblables lorsque l’on ne considérait que les études utilisant comme préparation le PEG ou que les études utilisant comme préparation le phosphate de sodium. Enfin les données sur le sous-groupe de malades ayant eu une chirurgie du rectum étaient trop peu nombreuses pour autoriser la réalisation d’une méta-analyse spécifique à cette chirurgie.
En conclusion, cette méta-analyse montre que la préparation colique, quelle qu’elle soit, n’avait aucun intérêt avant une chirurgie colique mais n’était pas non plus délétère comme cela avait été rapporté précédemment.
Cette méta-analyse bien conduite au plan méthodologique devrait définitivement clore le débat sur l’intérêt de la préparation colique avant une chirurgie du côlon.
En revanche, le débat reste ouvert pour la chirurgie du rectum. Il est probable que l’essai multicentrique français Prepacol ayant évalué cette question et dont les inclusions sont terminées donnera des éléments de réponse dans un futur proche.
Dans la majorité des essais inclus dans cette méta-analyse, la chirurgie était réalisée par laparotomie. La question se pose donc de savoir si les résultats peuvent être transposables à la chirurgie colique sous cœlioscopie. La réponse est probablement oui, dans la mesure où en cœlioscopie, le temps septique d’ouverture du côlon est réalisé de façon extracorporelle.
Il reste un problème qui n’est pas abordé par cette méta-analyse et qui concerne les colectomies réalisées pour des tumeurs de moins de 2 cm ou de rattrapage après exérèse d’un polype transformé. En effet, dans ces indications, le repérage de la lésion ou de la cicatrice en peropératoire peut nécessiter une colotomie ou une endoscopie qui deviennent très difficiles en l’absence de préparation.
Références
[1] Br J Surg 2004 ; 91 : 1125–30.
[2] Arch Surg 2004 ; 139 : 1359–64.
[3] J Br J Surg 2007 ; 94 : 689–95.
[4] Lancet 2007 ; 370 : 2112–7.
Intérêt d’un programme de réhabilitation précoce en cas de résection colique par laparotomie : résultat d’un essai contrôlé multicentrique
Muller S, Zalunardo MP, Hubner M, Clavien PA, Demartines N, Zurich Fast Track Study Group.
A fast-track program reduces complications and length of hospital stay after open colonic surgery. Gastroenterology 2009 ; 136 : 842-7.
Plusieurs études ont suggéré l’intérêt d’un programme de réhabilitation précoce (PRP) en chirurgie colorectale mais son impact sur la morbidité opératoire n’a pas encore été démontré par un essai contrôlé de puissance suffisante [1-3]. Afin d’évaluer cet impact, les auteurs ont réalisé un essai contrôlé multicentrique chez 151 malades opérés à froid par laparotomie d’une colectomie segmentaire avec rétablissement de la continuité en un temps. Parmi eux, 76 avaient un PRP (groupe PRP) et 75 n’en n’avaient pas (groupe témoin). Dans les deux groupes, une péridurale analgésique était systématiquement utilisée, il n’était jamais utilisé de drainage ni laissé de sonde gastrique en postopératoire et les malades étaient mobilisés dès j1. Le PRP consistait en une limitation des perfusions en pré- et peropératoire, une reprise des boissons le soir de l’intervention, un arrêt des perfusions à j1, un apport de boissons protéinées pendant trois jours, et une reprise de l’alimentation solide à j1. Dans le groupe témoin, une perfusion de 2l était laissée en postopératoire pendant trois jours et l’alimentation orale n’était reprise qu’à j2 puis augmentée progressivement pour être normale à j4. La morbidité opératoire, qui était le critère de jugement principal, était de 17 % dans le groupe PRP et de 37 % dans le groupe témoin (p = 0,006). Le taux de complications chirurgicales était comparable dans les deux groupes (12 vs 21 %, p = 0,13) alors que le taux de complications médicales était significativement plus bas dans le groupe PRP (9 vs 28 %, p = 0,006). La durée d’hospitalisation médiane était de cinq jours dans le groupe PRP et de neuf jours dans le groupe témoin (p < 0,001). En analyse multivariée, les deux facteurs de risque de morbidité étaient l’échec de l’utilisation de la péridurale et l’importance des apports hydriques.
Cette étude avait prévu l’inclusion de 460 malades mais a été arrêtée prématurément du fait d’une différence déjà très significative entre les deux groupes pour la morbidité à l’analyse intermédiaire programmée. Cette étude dont la méthodologie est correcte confirme de façon formelle l’intérêt d’un PRP pour diminuer la morbidité de la chirurgie colique par laparotomie [1-3].
Les modalités d’un PRP sont très variables d’une équipe à l’autre. L’étude multivariée confirme que parmi les différentes mesures possibles d’un PRP, l’utilisation d’une péridurale analgésique et une limitation des apports hydriques intraveineux sont particulièrement importantes [4].
Cet essai est malheureusement presque déjà obsolète dans la mesure où actuellement la voie d’abord préférentielle pour les colectomies à froid est la cœlioscopie. Il sera intéressant dans un futur proche d’évaluer l’intérêt d’un PRP en cas de colectomie cœlioscopique.
Mots clés : Colectomie ; Réhabilitation précoce ; Morbidité ; Essai randomisé
Références
[1] Dis Colon Rectum 2003 ; 46 : 851–9.
[2] Br J Surg 2005 ; 92 : 1354–62.
[3] Ann Surg 2007 ; 245 : 867–72.
[4] J Chir 2007 ; 144 : 191–6.
Intérêt d’un programme de réhabilitation précoce en chirurgie hépatique
Van Dam RM, Hendry PO, Coolsen MM, Bemelmans MH, Lassen K, Revhaug A, Fearon KC, Garden OJ, Dejong CH.
Initial experience with a multimodal enhanced recovery program in patients undergoing liver resection. Br J Surg 2008 ; 95 : 969-75.
Si l’intérêt d’un programme de réhabilitation précoce a beaucoup été étudié en chirurgie colorectale [1], il n’a été que peu étudié en chirurgie hépatique. Les auteurs ont donc évalué de manière prospective la faisabilité et l’intérêt d’un programme de réhabilitation précoce dans deux centres chez 61 malades (groupe REAB) sans hépatopathie chronique ayant eu une chirurgie hépatique le plus souvent pour métastases de février 2005 à août 2006. Ces 61 malades ont été comparés à 100 malades ayant eu une résection hépatique dans les mêmes centres au cours de l’année précédente (groupe témoin). Le programme de réhabilitation associait une utilisation sélective d’un drainage abdominal, une analgésie par voie péridurale pendant 48 heures, une mobilisation soutenue, la reprise d’une alimentation normale et un arrêt des perfusions dès le lendemain de l’intervention. La sortie de l’hôpital était envisagée à j3 si le taux de bilirubine était normal, si l’alimentation orale était bien tolérée, si la mobilité était suffisante et en cas de douleur bien contrôlée par des antalgiques oraux. Les malades des deux groupes étaient comparables pour l’âge, le sexe, le score ASA, la pathologie hépatique et le type de résection effectuée, qui était une hépatectomie majeure chez la majorité des malades. La durée opératoire était significativement plus courte dans le groupe REAB (220 min versus 270 min, p < 0,001) et un drainage abdominal n’était réalisé que chez 2 % des malades du groupe REAB contre 66 % des malades du groupe témoin (p < 0,001). La mortalité et la morbidité opératoires étaient comparables dans les deux groupes. La durée médiane d’hospitalisation, incluant les réadmissions éventuelles, était de six jours dans le groupe REAB versus huit jours dans le groupe témoin (p < 0,001). Dans le groupe REAB, 29 malades (48 %) étaient sortis avant j5. Le délai médian de la reprise d’une alimentation était d’un jour dans le groupe REAB et de trois jours dans le groupe témoin (p < 0,01). Le taux de réadmission était de 13 % dans le groupe REAB et de 10 % dans le groupe témoin (ns).
Les auteurs concluent qu’un programme de réhabilitation précoce est faisable et sûr en chirurgie hépatique et permet de diminuer significativement la durée d’hospitalisation.
Il s’agit de la première étude évaluant l’intérêt de la réhabilitation précoce en chirurgie hépatique. Elle confirme la faisabilité de ce programme qui avait été suggéré par une étude préliminaire n’incluant que 12 malades [2].
Ce programme n’est sans doute pas applicable chez tous les malades et dans cette étude, ils ont été très sélectionnés puisque 87 % d’entre eux avaient un score ASA inférieur ou égal à 2.
Il est dommage que dans ce travail prospectif, il n’y ait pas eu une analyse de la qualité de vie ou au moins un questionnaire sur le ressenti des malades et des soignants du programme.
Il aurait été intéressant chez les malades ayant une pathologie cancéreuse d’évaluer l’impact de cette attitude sur le délai d’administration d’un traitement adjuvant.
Cette étude confirme indirectement la probable inutilité d’un drainage abdominal pour la majorité des résections hépatiques [3].
Références
[1] Br J Surg 2006 ; 93 : 800–9.
[2] Scott Med J 2008 ; 53 : 22–4.
[3] Ann Surg 2004 ; 240 : 1074–84.
Intérêt du drainage biliaire préopératoire pour cancer de la tête du pancréas
Van der Gaag NA, Rauws EA, Van Eijck CH et al.
Preoperative biliary drainage for cancer of the head of the pancreas. N Engl J Med 2010 ; 362 : 129-37.
Cet essai randomisé confirme les résultats de deux méta-analyses d’essais randomisés et une revue de la littérature [2,3]. Le taux de complications plus élevé dans le groupe drainage biliaire est en partie dû aux complications de la procédure elle-même.
Il n’y a donc plus lieu de drainer de façon systématique les voies biliaires avant duodénopancréatectomie céphalique pour cancer, sous réserve de pouvoir opérer le patient rapidement (en moyenne 1,2 semaine dans cet essai) du fait :