9 Psychopathologie des fonctions cognitives
Généralités
Enfin, plus récemment grâce au développement de la psychologie cognitive et de la neuropsychologie, de nouvelles épreuves plus focalisées ont été développées.
Évaluation des fonctions cognitives intellectuelles
Tests pour enfants d’âge scolaire
Historique du test de Binet-Simon
la possibilité de situer les enfants pathologiques dans une hiérarchie chiffrée du déficit intellectuel ;
la possibilité de dépister dès le début de la scolarité certaines déficiences intellectuelles qui, jusqu’à l’entrée à l’école, étaient passées inaperçues.
Précisons qu’il s’agit dans ce paragraphe d’un bref aperçu des tests où nous donnerons leurs caractéristiques essentielles, leurs champs de validité et leurs limites. Nous n’envisagerons pas le détail de ces tests, ni leur technique de passation qu’on trouvera dans les manuels spécialisés. Le tableau 9.1 propose un aperçu des tests les plus fréquemment utilisés (Mayer et coll., 2007).
Nom de l’outil | Principales caractéristiques | Principales indications |
---|---|---|
Épreuves proposant un quotient intellectuel | ||
Wechsler intelligence scale for the preschool period ou WPPSI | Validée de 2 ans 11 mois à 7 ans 3 mois Détermine un QI verbal, un QI de performance et un QI total | Déficience intellectuelle (borne inférieure) Dysharmonie cognitive (profil interne dysharmonieux) Précocité intellectuelle (borne supérieure) |
Wechsler intelligence scale for children ou WISC-IV | Validée de 6 à 16 ans 11 mois Détermine un QI total et quatre indices : compréhension verbale, raisonnement perceptif, mémoire de travail, vitesse de traitement | Déficience intellectuelle (borne inférieure) Dysharmonie cognitive (profil interne dysharmonieux) Précocité intellectuelle (borne supérieure) |
Nouvelle échelle métrique d’intelligence-2 ou NEMI-2 | Validée de 4 ans 6 mois à 12 ans Détermine un QI selon le rapport entre âge mental et âge réel | Échec scolaire |
Épreuves pour enfant d’âge préscolaire | ||
Échelles de Bailey (II) | Validées de 1 à 42 mois Déterminent un score de développement mental et moteur | Déficience intellectuelle Retard de développement |
Échelles de Griffiths | Validées de 1 mois à 8 ans Déterminent six scores de développement pour la motricité, le langage, l’adaptation sociale, la coordination oculo-manuelle, les performances générales, et le raisonnement | Déficience intellectuelle Retard de développement |
Le test de Brunet-Lézine | Validé de 6 ans à 16 ans 11 mois Détermine un âge et un quotient de développement | Déficience intellectuelle Retard de développement |
Épreuves évaluant les comportements adaptatifs | ||
Échelle différentielle d’efficience intellectuelle ou EDEI | Validée de 4 ans à 9 ans Détermine un âge de développement et des niveaux d’efficience selon plusieurs secteurs | Déficiences intellectuelles moyennes, sévères et profondes |
Les échelles de Vineland | Validées de la première année à 19 ans Déterminent un âge de développement pour quatre domaines : motricité, adaptation à la vie quotidienne, sociabilité et communication | Déficiences intellectuelles moyennes, sévères et profondes |
L’échelle de développement psychosocial ou DPS | Validée de 5 ans à 12 ans Détermine un niveau global de développement psychosocial | Déficiences intellectuelles moyennes, sévères et profondes |
Dans ce type de test, le QI est donc un quotient d’âge traduisant le retard ou l’avance du développement intellectuel de chaque enfant par rapport à son groupe d’âge. Par exemple, un enfant de 8 ans aura un âge mental de 8 ans s’il réussit les épreuves normalement réussies par la majorité des enfants de 8 ans. Malgré l’ancienneté de cette échelle, le QI chiffré qu’elle permet d’obtenir continue d’offrir une excellente corrélation avec la réussite scolaire.
Échelles de mesure de l’intelligence de Wechsler
Les échelles de Wechsler proposent des épreuves composites qui permettent non seulement d’évaluer le fonctionnement intellectuel total (QIT) mais aussi et surtout d’analyser finement la fluidité du raisonnement. Si l’on prend l’exemple du WISC-IV, qui est la dernière version révisée de l’échelle d’intelligence de l’enfant de Wechsler, les notes obtenues aux différents subtests permettent non plus de calculer deux QI, Verbal (QIV) et Performance (QIP), comme c’était le cas dans la troisième version de l’échelle (WISC-III), mais d’obtenir quatre indices : l’indice de compréhension verbale (ICV), l’indice de raisonnement perceptif (IRP), l’indice de mémoire de travail (IMT) et l’indice de vitesse de traitement (IVT). L’ICV évalue les aptitudes verbales en faisant appel à trois subtests principaux : Similitudes, Vocabulaire, Compréhension et deux subtests supplémentaires : Information et Raisonnement verbal. L’IRP mesure le raisonnement et l’organisation perceptifs à partir de trois subtests principaux : Cubes, Identification de concepts, Matrices et un subtest supplémentaire : Complément d’images. L’IMT permet d’apprécier les capacités d’attention, de concentration et de mémoire de travail à partir de deux subtests principaux : Mémoire des chiffres et Séquence lettres–chiffres et un subtest supplémentaire : Arithmétique. Enfin, l’IVT évalue la vitesse de traitement de l’information au niveau intellectuel et au niveau grapho-moteur à partir de deux subtests principaux : Codes et Symboles et un subtest supplémentaire : Barrage. L’addition des notes obtenues à chaque indice détermine un QI total. L’intérêt de cette nouvelle version réside dans le fait que les indices permettent de décrire précisément les aptitudes de l’enfant. En effet, ce n’est plus la dichotomie entre le niveau verbal et le niveau performance qui est discriminante mais l’évaluation de différents domaines de compétence qui permet qu’un profil des efficiences, des points forts et des points faibles de l’enfant, puisse se dessiner. La validation française a porté sur 1100 enfants âgés de 6 à 16 ans 11 mois.
Cas particulier des jeunes enfants préscolaires et des nourrissons
Tests préverbaux de développement psychomoteur
Les tests de Gesell, de Brunet-Lézine et de Casati-Lézine évaluent une série de performances motrices étalonnées pour chaque âge. À chaque série peut être attribué non seulement un âge de développement (AD), mais un quotient de développement (QD), rapport de l’âge de développement sur l’âge réel.
Si ces « baby-tests », comme on les a appelés, permettent de situer le développement psychomoteur d’un nourrisson ou d’un petit enfant par rapport à une moyenne, ils ne constituent en aucun cas un équivalent du quotient intellectuel (QI). Il existe en effet une faible corrélation entre le QD de la petite enfance et le QI de l’adolescence chez le même enfant. Pour la dernière version de Brunet-Lézine, il peut être proposé de quelques mois à 5 ans.
Échelles de développement
Les échelles de Griffiths (Huntley, 1996) ou Griffiths mental development scales from birth sont une série de mesures standardisées réalisées pour évaluer le développement de la naissance à l’âge de 8 ans. Il existe en réalité deux tests différents en fonction de l’âge. Le premier s’adresse aux nourrissons âgés de 0 à 2 ans. Il comprend l’exploration de cinq domaines : motricité, adaptation sociale, langage, coordination oculo-manuelle et performance. Le second s’adresse aux enfants plus âgés (2 à 8 ans) et comprend l’exploration des dimensions précédentes mais aussi du raisonnement.
Tests fondés sur les capacités de socialisation et d’adaptation
Échelles de comportements adaptatifs de Vineland
La première parution de cette échelle, établie par Edgar Doll, date de 1935. Les révisions ont été développées par l’équipe de Sara Sparrow. Les échelles de comportements adaptatifs de Vineland sont parmi les plus utilisées. Il en existe plusieurs versions associant 200, 300 ou 500 questions adressées aux parents de l’enfant. En fonction du nombre d’items, le questionnaire est rempli en 30 à 60 minutes. Elles ont été validées de la première année à l’âge de 19 ans. Elles déterminent un âge de développement pour quatre domaines : motricité, adaptation à la vie quotidienne, sociabilité et communication. Il existe également un domaine optionnel pour les comportements déviants (Sparrow et coll., 2005).
Quelques réflexions sur le quotient intellectuel
Principes de son utilisation
Il n’existe pas de QI absolu mais, comme nous l’avons montré, chaque QI doit être rapporté à un test précis et relié aux conditions d’étalonnage et à la définition qui lui sont propres : QI traduisant un quotient d’âge (Binet-Simon, Terman-Merill) ou QI témoin de la dispersion (WISC, WISPP). On note une grande variabilité d’un test à l’autre, non seulement entre « QI d’âge » et « QI standard », mais aussi entre divers QI d’âge. La corrélation entre tous ces tests est par conséquent loin d’être toujours satisfaisante.
Quotient intellectuel et hérédité
Auparavant, il convient de préciser que nous envisagerons dans le chapitre 13 les facteurs héréditaires pathologiques (aberration chromosomique, anomalies métaboliques diverses, etc.). On ne considère ici que l’hérédité chez un sujet supposé biologiquement sain. L’importance des facteurs socioculturels n’est plus à démontrer : les enfants des classes socio-économiques aisées ont statistiquement un QI plus élevé que ceux des classes défavorisées. De nombreuses études ont montré, en particulier chez les enfants adoptés, que le QI de l’enfant variait en fonction des conditions éducatives et socio-économiques du milieu où l’enfant est élevé, illustrant l’importance de l’environnement.
La qualité des relations affectives joue également un rôle considérable. Dans leur grande majorité, les enfants gravement carencés (hospitalisme, enfants battus) ont fréquemment une efficience intellectuelle médiocre. Ainsi dans les études prospectives portant sur les orphelins roumains adoptés en Angleterre (travaux de Rutter) ou aux États-Unis (travaux de Zeanah), la durée de la déprivation, surtout quand elle est supérieure à deux années, est corrélée au QI à l’âge de 12 ans. En outre, c’est dans les déficiences intellectuelles légères qu’on retrouve le plus de situations où aucune cause apparente n’est retrouvée alors les facteurs psychosociaux sont nombreux (cf. chap. 13).
Évaluation des fonctions cognitives spécifiques
Les tests ou épreuves explorant un domaine spécifique ou une fonction cognitive sont très nombreux. Aussi nous citerons ici uniquement ceux qui sont les plus utilisés en clinique. Leur but est d’explorer un champ plus précis des fonctions cognitives : mémoire, attention, raisonnement, numération… Les principales épreuves sont résumées dans le tableau 9.2 sachant que les épreuves explorant le langage oral ou écrit en général utilisées par les orthophonistes, et celles explorant la motricité généralement utilisées par des psychomotriciens ont été présentées dans les chapitres correspondants.
Nom de l’outil | Principales caractéristiques | Principales indications |
---|---|---|
Épreuves évaluant le raisonnement intellectuel, les habiletés mathématiques et la numération | ||
Échelle de pensée logique ou EPL | Validée de 6 ans à 16 ans Permet l’évaluation du stade de raisonnement selon la théorie piagétienne | Dysharmonie cognitive Difficultés scolaires |
Kaufman assessment battery for children ou K-ABC | Validée de 2 ans 6 mois à 12 ans 6 mois Composée de deux échelles d’intelligence, l’une dite séquentielle et l’autre simultanée ; très sensible aux composantes langagières | Déficience intellectuelle Évaluation de l’intelligence chez l’enfant sourd, dysphasique ou migrant Troubles de la coordination motrice Prosopagnosie |
Utilisation du nombre ou UDN-II | Validée de 4 ans à 11 ans Composée de 16 épreuves inspirées des théories piagétiennes | Difficultés en mathématiques |
Batterie pour l’évaluation du traitement des nombres et du calcul chez l’enfant ou Zareki-R | Validée du CP au CM2 Contient 12 épreuves explorant la capacité à utiliser les nombres et à effectuer des calculs élémentaires | Difficultés en mathématiques |
Test diagnostique des compétences de base en mathématiques ou TEDI-Math | Validée de la grande section de maternelle au CE2 Explore six domaines de compétences numériques | Difficultés en mathématiques |
Épreuves évaluant les fonctions attentionnelles et exécutives | ||
Le continuous performance test ou CPT-II | Validé de 6 à 20 ans Épreuve informatisée explorant l’attention visuelle, la vigilance et l’impulsivité | Trouble hyperactif et trouble de l’attention |
Le test d’évaluation de l’attention chez l’enfant ou TEA-CH | Validé de 6 ans à 12 ans Utilise des stimuli visuels et auditifs Explore l’attention soutenue, l’attention sélective et le contrôle attentionnel | Trouble hyperactif et trouble de l’attention |
Le test de classement de cartes du Wisconsin ou WCST | Validé à partir de 6 ans Explore les fonctions exécutives (flexibilité mentale, stratégie) | Trouble du développement Syndrome frontal Trouble des apprentissages |
Autres épreuves spécifiques | ||
Children memory scale ou CMS | Validée de 9 ans à 16 ans Comprend des épreuves de mémoire immédiate et différée et une épreuve d’attention/concentration | Troubles de la mémoire Troubles développementaux et des apprentissages Troubles neurologiques |
Épreuves neuropsychologiques ou NEPSY | Validées de 3 ans à 12 ans Comprend des épreuves explorant les fonctions attentionnelles et exécutives, le langage, la sensori-motricité, le traitement visuospatial, la mémoire | Troubles spécifiques du langage oral et écrit Troubles épileptiques ; lésions cérébrales Troubles de l’attention |
Épreuves explorant les fonctions visuospatiales ou visuoconstructives | Test de Bender Figure de Rey Test de Benton | Exploration des fonctions visuospatiale et visuoconstructive Dyspraxie Prématurité |
Épreuves évaluant le raisonnement intellectuel, les habiletés mathématiques et la numération
Épreuves explorant le type de raisonnement
Contrairement aux autres tests cités précédemment, l’objectif de ces tests n’est pas de déterminer à quel niveau se situe une performance, mais quelle stratégie le sujet utilise pour y parvenir. Ainsi les épreuves (terme préférable à celui de test) que Piaget et ses continuateurs ont proposées, s’inscrivent dans un contexte clinique différent : une conversation avec l’enfant où s’échangent argumentation et contre-argumentation permet d’appréhender la structure même du raisonnement. Les notions de rendement ou de performance dont témoignent la standardisation la plus rigoureuse possible et la limitation, ou la mesure fréquente du temps de la passation habituelle aux tests psychométriques y sont en revanche, sinon étrangères, du moins secondaires. L’important est de situer le niveau du raisonnement en fonction des divers stades qui représentent autant de structures logiques différentes.
Ces considérations rendent compte de la moindre standardisation de ces épreuves et de la nécessité d’une bonne connaissance des théories piagétiennes pour les utiliser au mieux (cf. chap. 2).
À la période préopératoire, celle de l’intelligence représentative, entre 2 et 7 ans, ces épreuves reposent sur l’analyse de figures géométriques simples (rond, carré, losange) puis complexes (drapeau de Gessel, figure complexe de N. Verda : figure 9.1) et celle d’un personnage humain.
À la période des opérations concrètes, entre 7 et 11 ans, les mécanismes opératoires portent avant tout sur des objets concrets, manipulables. Ils ont été en partie standardisés dans l’échelle de pensée logique (EPL) de Longeot, étalonnée sur un groupe de garçons et filles âgés de 9 à 16 ans, permettant l’évaluation de l’intelligence concrète ou formelle. Comportant cinq séries d’épreuves les résultats permettent de situer le fonctionnement d’un enfant dans l’une des quatre classes : stade concret, intermédiaire, formel A et formel B. Pour Inhelder, le niveau opératoire formel qui caractérise la pensée adulte n’est pas atteint par l’enfant déficient intellectuel. Celui-ci reste fixé au niveau des opérations concrètes.
K-ABC (Kaufman assessment battery for children, 1983)
Le K-ABC dont la version française a été validée en 1993 s’adresse à des enfants de 2 ans et demi à 12 ans et demi. Il comprend 16 subtests qui sont ou non proposés en fonction de l’âge de l’enfant : sept subtests à 2 ans et demi, neuf à 3 ans, onze à 4 ans, treize au maximum à partir 7 ans. Ce test met l’accent sur le traitement cognitif des informations selon deux modes : un mode simultané qui vise à élaborer une représentation globale ou holistique de la situation et un mode séquentiel qui vise à élaborer une représentation temporellement ordonnée de la situation. Il se décompose du coup en deux échelles d’intelligence, l’une dite séquentielle et l’autre simultanée avec une troisième échelle dite des processus mentaux composite. Les résultats s’expriment par une note standard avec une moyenne établie à 100 et un écart type de 15.
Ce nouvel instrument est assez largement utilisé en particulier dans le milieu scolaire.
Épreuves explorant les habiletés mathématiques et la numération
maîtrise de la séquence verbale numérique (via des épreuves de comptage) ;
les cinq principes décrits par Gelman et Gallistel (via des épreuves de dénombrements) ;
la compréhension du système numérique (via des épreuves explorant le système numérique arabe, le système numérique oral, le système en base dix et le transcodage) ;
les opérations logiques piagétiennes (cf. UDN-II) ;
les différentes opérations (addition, soustraction et multiplication) ;
l’estimation de la grandeur (via une épreuve de comparaison de patterns de points et une épreuve d’appréciation de l’écart relatif de deux nombres par rapport à une cible).