6: Psychopathologie du langage

6 Psychopathologie du langage1



Généralités


Chapitre essentiel de la psychopathologie de l’enfant, les troubles du langage sont de fréquents motifs de consultation. La famille consulte le plus souvent lorsque l’enfant a entre 4 et 8 ans, ce qui correspond aux périodes de développement du langage parlé, puis du langage écrit.


Si les troubles sont importants et aboutissent à des difficultés psychoaffectives, ils retentissent sur l’ensemble des interactions de l’enfant et de son environnement (famille, école, camarades). Il devient alors très difficile de distinguer troubles réactionnels secondaires et difficultés initiales.


L’étude des troubles du langage suppose une bonne connaissance du développement normal du langage, tant dans sa dimension neurophysiologique (organe phonatoire, intégrité cérébrale, audition normale) que dans sa dimension psycholinguistique voire psychoaffective. Nous n’étudierons pas ici les troubles du langage apparaissant en cas de surdité ou d’encéphalopathie grave. Notons toutefois qu’il faut toujours rechercher un éventuel déficit auditif, même minime (entre 20 et 40 décibels), car il peut, quand il se situe dans la zone conversationnelle, altérer profondément les capacités de discrimination phonétique du langage humain, et entraîner des perturbations.


C’est le cas en particulier des déficits auditifs modérés pour lesquels l’existence d’une courbe en U à l’audiogramme signe un déficit sur les fréquences moyennes. De tels déficits doivent toujours être recherchés et compensés par un appareillage au moindre doute. (cf. chap. 3, L’exploration de l’audition.)



Langage normal chez l’enfant



Le langage dans l’interaction et son développement lors de la première année


Le langage oral, bien qu’inné chez l’humain, requiert pour se développer l’exposition précoce à une langue. Donc dès son émergence chez le bébé, « parler » c’est avant tout communiquer aussi bien avec autrui qu’avec soi-même ; « parler » s’inscrit dans une relation faite d’échanges informatifs et affectifs.


Les années 90 ont été déterminantes pour comprendre les mécanismes et conditions du développement du langage chez le bébé. Les méthodes permettant cette exploration se sont appuyées sur l’imagerie fonctionnelle, sur les comparaisons de langues en situation de langue seconde, de bilinguisme ou d’adoption, sur des manipulations de phonèmes à l’aide de procédures computationnelles.


L’étude princeps de Saffran et coll. (1996) a démontré que des bébés de 6 mois étaient déjà capables d’être attentifs à des stimuli phonologiques et auditifs selon une loi statistique des phonèmes de la langue. Par la suite, d’autres travaux dont ceux de Patricia Kuhl (2000, 2004) ont permis d’en préciser les mécanismes et les conditions :



image les bébés possèdent dès la naissance la capacité de discriminer les phonèmes et les caractéristiques prosodiques de toutes les langues ;


image les aires dédiées au langage dans l’hémisphère gauche peuvent s’activer en présence de stimuli langagiers dès l’âge de 3 mois (cf. figure 2.1 ; Dehaene-Lambertz et coll., 2006). Mais si le bébé nouveau-né peut traiter tous les sons (phonèmes) des différentes langues, il développe autour de l’âge de 6 mois une préférence pour les phonèmes de sa langue maternelle ;


image pour ce faire, le bébé va utiliser les propriétés statistiques de l’environnement sonore, ce qui va spécialiser les aires cérébrales dédiées au langage. Certains sons, très fréquents, vont être reconnus plus tôt, tout comme certaines combinaisons de phonèmes qui seront les prémices des premiers mots. C’est ce que l’on appelle « l’apprentissage probabiliste » ;


image dans le même temps, l’expérience du langage va engager au niveau cérébral le système perceptif avec une plus grande efficacité pour la reconnaissance de la langue maternelle parmi toutes les langues non familières, selon un « effet aimant ». Cet effet aimant ou d’attraction se manifeste par une attention accrue du bébé pour des sons informatiques proches de phonèmes de sa langue maternelle. Il y a comme un effet d’attraction ;


image enfin, des études plus récentes confirment que l’engagement affectif de l’entourage et la disponibilité des proches influent également sur le développement du langage. Ainsi, les caractéristiques tant émotionnelles qu’acoustiques du mamanais (parler spécifique des parents au bébé) favorisent l’extraction des caractéristiques de la langue par le tout-petit (Saint-Georges et coll.). De la même manière, la présence d’un adulte interagissant avec le bébé favorise l’apprentissage (Goldstein et coll., 2003). Certains auteurs considèrent que cette dimension est consubstentielle du développement du langage et de l’accès au symbolique (cf. plus loin).


La figure 6.1 propose une vision schématique du développement du langage au cours de la première année, du point de vue des capacités de compréhension (réception) et d’expression (production), mais également du point de vue de la dynamique interactive (1/3 supérieur de la figure 6.1).



Chez l’enfant normal, le langage se développe sur un mode frappant de régularité pour l’observateur. L’ontogenèse du langage s’articule autour de trois étapes essentielles dont les limites intermédiaires sont relativement arbitraires, mais dont la succession est régulière. On distingue ainsi :




Prélangage


Les cris du nourrisson expriment d’abord un malaise physiologique. Puis ils constituent les préformes d’une communication entre l’enfant et son entourage : en fonction des réponses que donne la mère, ils expriment toute une gamme de sensations (colère, impatience, douleur, satisfaction, plaisir même).


À partir d’un mois, à mesure que le bébé acquiert une meilleure maîtrise de la respiration et du tractus vocal, apparaît le babillage, ou lallations. Au début constitué de sons non spécifiques en réponse à des stimuli non spécifiques, le babillage, phénomène de langage, s’enrichit rapidement sur le plan qualitatif. Le rôle de cette activité pour la formation des coordinations neuromotrices articulatoires est certainement essentiel.


À partir de 6–8 mois, apparaît la période du « babillage canonique ». Une sorte de « dialogue » s’instaure entre le petit enfant et sa mère ou son père : il répond à la parole de l’adulte par une mélopée relativement homogène, continue. Peu à peu, la richesse des émissions sonores initiales se réduit pour laisser place à quelques émissions vocaliques et consonantiques fondamentales, correspondant à la langue parlée autour de l’enfant. En même temps l’adulte semble ajuster son discours à la capacité de réception de l’enfant : il construit des phrases simples, avec un contour intonatif appuyé permettant à l’oreille de l’enfant de mieux discriminer la parole.


Parfois ce babil régresse peu à peu au profit d’une période de silence, parfois au contraire au babil succède directement le petit langage.



Petit langage


Les premiers mots apparaissent souvent en situation d’imitation, en même temps que les premières suites dotées de sens se différencient par des traits oppositionnels qui, bien que d’un rendement pauvre du fait de leur nombre limité, sont faciles à exploiter : papa, maman, encore, tiens, donne…


À 12 mois un enfant peut avoir acquis 5 à 10 mots ; à 2 ans, le vocabulaire peut atteindre 200 mots. Si on observe de grands écarts dans l’âge et le rythme des acquisitions, leur ordre reste sensiblement le même. Un fait demeure constant : la compréhension, passive (réception), précède toujours l’expression, active (production).


À la période du « mot–phrase », l’enfant utilise un mot dont la signification dépend du contexte gestuel, mimique ou situationnel, signification qui d’ailleurs est en grande partie celle que donne l’adulte. Ainsi « toto » peut signifier : « je vois une auto », « j’entends une auto », « c’est l’auto de papa », etc. Le langage accompagne toujours l’action, la renforce, mais ne s’y substitue pas encore.


Vers 18 mois apparaissent les premières « phrases », c’est-à-dire les premières combinaisons de deux mots–phrases : « pati-papa », « dodo-bébé », etc. Le système phonologique reste toujours très limité. À la même période apparaît la négation : en français, il s’agit soit du non, soit de la particule négative « pas » : « pas dodo », « pas pati »…, introduisant l’enfant aux premiers maniements conceptuels et aux premières oppositions sémantiques (cf. chap. 2, Spitz : le troisième organisateur).


Peu à peu, la manipulation du mot devient de plus en plus indépendante des énoncés stéréotypés, l’organisation linguistique se structure avec l’apparition successive des énoncés d’affirmation, de constatation, d’ordre, de négation, d’interrogation… Cependant le « parler bébé » persiste quelques mois, marqué par des simplifications à la fois articulatoires, phonématiques et syntaxiques. Le « parler bébé » est structuralement identique à ce qu’on appelle le « retard de parole » quand il persiste au-delà de 3–4 ans.


À l’évidence, le rôle de la famille est à cette époque considérable grâce au « bain de langage » dans lequel l’enfant se trouve plongé. En l’absence de stimulation langagière, un appauvrissement ou un retard d’acquisition du stock lexical est constant (cf. chap. 20, Les familles-problèmes et Carence affective, et chap. 22, Le cas du bilinguisme).



Langage


C’est la période la plus longue et la plus complexe de l’acquisition du langage qui se marque par un enrichissement à la fois quantitatif (entre 3 ans et demi et 5 ans un enfant peut maîtriser jusqu’à 1500 mots, sans toujours en saisir très exactement le sens) et qualitatif. En même temps, le langage devient peu à peu un moyen de connaissance, un substitut de l’expérience directe. La redondance avec l’action et/ou le geste disparaît progressivement.


Vers 3 ans, l’introduction du « je » peut être considérée comme la première étape de l’accession au langage après une période où l’enfant se désigne par « moi » et une longue transition où il utilise « moi je… ».


L’enrichissement quantitatif et qualitatif repose sur deux types d’activité langagière (Bouton, 1979) :



Ceci montre bien la constante interaction entre les acquisitions langagières de l’enfant et les stimulations provenant de son entourage.


Entre 4 et 5 ans, l’organisation syntaxique du langage devient de plus en plus complexe, de sorte que l’enfant peut se passer de tout support concret pour communiquer. Il en arrive à l’utilisation des subordinations (qui, parce que), du conditionnel, des alternances, etc. Il passe ainsi du langage implicite (quand la compréhension du message verbal nécessite des informations extralinguistiques supplémentaires) au langage explicite qui se suffit à lui-même.



Langage, communication et accès au symbolique


Si l’acquisition du langage introduit l’enfant au système symbolique le plus achevé, elle est précédée par un certain nombre de précurseurs relevant de l’interaction et de l’affectivité entre le jeune enfant et ses partenaires habituels (ses parents mais aussi sa fratrie, ses pairs, etc.). Du fait de leur valeur communicative, certains comportements sont des précurseurs de l’acquisition du langage : processus de désignation (procédés gestuels, posturaux ou vocaux dont le but est d’attirer l’attention d’un partenaire sur un objet), de déixis (utilisation des caractéristiques spatiales, temporelles et interpersonnelles de la situation comme moyen de coréférence), de dénomination enfin (utilisation d’éléments lexicaux pour désigner les événements extralinguistiques de l’univers connu de l’enfant et de l’adulte proche). Le développement de ces précurseurs requiert l’établissement de l’« attention sélective conjointe » entre le nourrisson et son partenaire. Le geste du pointing en représente une conduite paradigmatique avec l’échange de regard entre mère et bébé sur le doigt pointé et l’objet désigné. Certains auteurs en proposent une lecture développementale véritable témoignage de la trans-subjectivité : yeux dans les yeux à la naissance / attention partagée de 3 à 6 mois / attention conjointe de 6 à 9 mois / présentation du miroir autour de 8 mois / pointage de 9 à 18 mois (Marcelli, 2009). De leur côté, les psychanalystes sont nombreux à avoir décrit des systèmes « présymboliques », qu’il s’agisse de la « fonction alpha » de Bion, des « pictogrammes » de Aulagnier, etc. Précurseur de la fonction symbolique, ces signifiants organisent les préformes des oppositions dialectiques princeps à partir desquelles le sens pourra peu à peu émerger (Golse et Bursztejn, 1997).


Quoi qu’il en soit, l’apparition du langage, même s’il ne surgit pas « ex nihilo », produit une profonde mutation (Diatkine) du fonctionnement psychique et de la compétence relationnelle. Le langage permet en particulier de passer de l’indication à l’évocation ou en d’autres termes de passer de la gestion de la distance, à la tolérance de l’absence : la communication mimique, gestuelle reste inscrite dans le registre de la dénomination et de l’indication tandis que l’utilisation du langage permet l’évocation de l’absent. Le langage ne se développe pas sans expérience préalable d’absence et/ou de perte (Klein, Segal) : le gain qui en est retiré par l’enfant réside dans la découverte des multiples jeux symboliques et dans la possibilité d’organiser des scénarios imaginaires (cf. le compagnon imaginaire ou le roman familial) donnant à l’enfant un degré d’indépendance nouvelle ; la perte qui est subie est celle de l’adéquation absolue entre l’objet et son représentant avec la nécessité d’accepter l’écart entre le mot et la chose dont la trace linguistique en est l’ambiguïté inhérente au langage (Edgcumbre, 1981).



Pathologies du langage et principes de son examen



Remarques introductives



Troubles du langage dans les pathologies psychiatriques de l’enfant


Les troubles du développement du langage sont parmi les plus délicats à classer dans les nosographies internationales psychiatriques. En effet, la logique catégorielle de ces classifications colle mal à la perspective développementale et dimensionnelle de l’étude du langage chez l’enfant. Le tableau 6.1 montre que le DSM-IV et la CIM-10 ne se recouvrent que partiellement pour ce qui concerne les troubles du langage oral. En outre, le psychiatre peut aussi rencontrer un trouble du développement du langage par d’autres portes d’entrée ou associé à un tableau psychopathologique plus complexe.


Tableau 6.1 Les troubles du langage oral dans les classifications internationales DSM-IV et ICD-10





















DSM-IV
Trouble de la communication
ICD-10
Trouble spécifique du développement de la parole et du langage
315.31 Trouble du langage de type expressif F80.1 Trouble de l’acquisition du langage de type expressif
315.32 Trouble du langage de type mixte réceptif–expressif F80.2 Trouble de l’acquisition du langage de type réceptif
315.39 Trouble phonologique F80.0 Trouble spécifique de l’acquisition de l’articulation
Non classé dans le DSM F80.3 Aphasie acquise avec épilepsie (Landau-Kleffner)
307.0 Bégaiement F98.5 Bégaiement (classé dans une autre section : trouble du comportement et troubles émotionnels survenant pendant l’enfance)

La figure 6.2 résume l’ensemble des pathologies impliquant une atteinte du langage que peut présenter l’enfant. Les classifications communément admises distinguent les troubles spécifiques du langage, c’est-à-dire les troubles dont la symptomatologie principale touche l’une des composantes du langage lui-même : tous les « dys » (dysphasie, dyslexie, dysgraphie), mais également les retards de parole, les retards simples de langage, et les troubles de l’articulation. Le deuxième grand groupe est constitué par les troubles que l’on peut appeler intégrés, c’est-à-dire dans lesquels l’atteinte du langage n’est qu’un des aspects de la symptomatologie présentée. Les deux principales pathologies rencontrées dans ce cadre par le psychiatre sont les troubles envahissants du développement et les retards mentaux. Mais ce groupe comprend également les dysharmonies cognitives, les infirmités motrices cérébrales et toutes les maladies complexes du développement comportant une atteinte du langage oral ou écrit. Enfin, un troisième groupe, qui relève des pathologies associées, rend compte de la très fréquente comorbidité avec les troubles du langage, que l’on trouve dans les études épidémiologiques. Les principaux tableaux cliniques de ce groupe sont l’hyperactivité avec déficit de l’attention, l’inhibition psychologique, la dépression de l’enfant, ce d’autant que celui-ci est jeune, et certaines pathologies fonctionnelles. La moyenne d’âge de la première consultation, qui pour un trouble du langage se situe entre 4 et 8 ans, est souvent plus précoce si le trouble affecte le langage oral, et plus tardive s’il touche exclusivement le langage écrit (Cohen et coll., 2004).




Quelques données épidémiologiques


Au niveau quantitatif, il est important de distinguer les données concernant la population générale versus la population clinique d’une part, et celles qui concernent le langage oral, versus le langage écrit d’autre part.


Dans une étude en population générale portant sur près de 7300 enfants scolarisés en maternelle, Tomblin et coll. (1997) constatent une difficulté de langage oral chez 7,4 % des enfants, avec un sex-ratio défavorable pour le garçon (8 % des garçons contre 6 % des filles). Pour ce qui concerne le langage écrit et la lecture, l’étude de Rivière (2001), qui a porté sur près de 70 000 jeunes âgés de 16 à 18 ans, évalués lors de la Journée d’appel de préparation à la défense, donne une image éloquente de la situation en fin de scolarité dans la population française. Onze pour cent des jeunes sont en situation d’illettrisme, avec là encore un sex-ratio très défavorable aux garçons (13,9 % des garçons n’ont pas accès à un langage écrit fonctionnel contre 8,6 % de filles).


Pour les statistiques en population clinique, il est intéressant de comparer la comorbidité psychiatrique rencontrée de manière systématique dans une « clinique langage », et la comorbidité avec les troubles du langage, rencontrée dans une « clinique psychopathologique » prenant en charge des enfants du même âge. Cantwell et Baker (1991), dans une cohorte de 600 enfants vus consécutivement dans une « clinique langage », trouvent chez 50 % d’entre eux une comorbilité psychiatrique (en particulier des troubles anxio-dépressifs et une hyperactivité). Cette comorbilité augmente à 80 % dans les formes sévères de type dysphasique. Dans la moitié de la cohorte, revue 4 ans plus tard, la comorbidité monte à 60 %, probablement du fait de la persistance et de la durée des troubles du langage. Dans une étude tout à fait comparable de « clinique psychopathologique », portant sur une cohorte de près de 400 enfants, Cohen et coll. (1993) trouvent une comorbilité langage très fréquente à près de 53 %. Ces chiffres confirment la fréquence des troubles du langage et des troubles psychopathologiques, aussi bien dans les cliniques à orientation psychiatrique qu’à orientation langage, et leur très forte intrication.



Dimensions pertinentes pour l’étude du langage


Avant d’aborder les dimensions cognitives et linguistiques essentielles à l’étude du langage, rappelons les principaux pré-requis au développement du langage oral et écrit : intégrité de l’appareil auditif périphérique et central, des bases cérébrales nécessaire au langage (même s’il existe une plasticité et des récupérations possibles en cas de lésions), des outils d’expression, niveau cognitif global suffisant, facteurs personnels et environnementaux (le langage ne peut se développer en l’absence d’interactions avec un environnement affectif et langagier). Si le langage oral se développe spontanément chez l’enfant exposé à un bain de langage, le langage écrit est le fruit d’un apprentissage culturel via le système scolaire. À l’échelle de l’humanité, cet apprentissage est relativement récent, environ 5000 ans.


En ce qui concerne les dimensions cognitives et linguistiques pertinentes à l’étude du langage, la plupart des auteurs retiennent une organisation en cinq domaines principaux :



Chaque domaine a ses unités propres qui impliquent plusieurs dualités fonctionnelles (réception versus expression ; encodage versus décodage ; compréhension versus production). Bien entendu, il existe une interdépendance entre les domaines. Pour ce qui concerne le langage écrit, en plus des dimensions précédentes, s’ajoutent certaines habiletés cognitives d’une part et certains facteurs psychoaffectifs d’autre part, aujourd’hui bien établis (cf. plus loin). Le tableau 6.2 collige les principaux outils diagnostiques utilisés en France pour l’examen du langage par les orthophonistes (Mazeau, 2008).


Tableau 6.2 Principaux outils d’évaluation du langage chez l’enfant




































Nom de l’outil Principales caractéristiques
Épreuves évaluant le langage oral
Évaluation du langage oral ou ELO (Khomsi) Comprend six épreuves : Vocabulaire (réception et production), Phonologie (répétition de mots), Compréhension (compétences morphosyntaxiques de base avant la grande section, compétences morphosyntaxiques complexes et méta-discursives à partir de la grande section), et Production linguistique (répétition d’énoncés, production d’énoncés)
Nouvelles épreuves pour l’examen du langage ou N-EEL (Chevrie-Muller et Plaza) Validées de 3 ans 7 mois à 8 ans 7 mois
Composées de 17 subtests évaluant les constituants formels du langage (phonologiques, lexicaux, morphosyntaxiques) sur les deux versants réceptifs et expressifs, ainsi que des processus cognitifs en jeu dans l’apprentissage du langage (la mémoire auditivo-verbale, les aptitudes opératoires concrètes)
Épreuve de compréhension syntaxico-sémantique ou ECOSSE (Lecoq) Validée de 4 ans à 12 ans
Évalue les capacités de compréhension syntaxique et sémantique. Épreuves de désignation d’image
Épreuves évaluant le langage écrit et la lecture
Batterie langage oral, langage écrit, mémoire, attention ou L2MA-2 (Chevrie-Muller et coll.) Validée de 6 ans 6 mois à 12 ans 6 mois
Évalue le langage oral (essentiellement les prérequis du langage écrit), le langage écrit, la mémoire auditivo-verbale, l’attention. Comprend une épreuve de dénomination, de fluence verbale et de rappel de mots
Batterie d’évaluation du langage écrit ou BELEC (Mousty et coll.) Validée de 7 à 12 ans
Permet l’identification des processus de lecture et d’orthographe de l’enfant et leur mise en relation avec d’autres habiletés comme la conscience de la structure segmentale de la parole, la perception fine de la parole et la mémoire phonologique de travail. Le subtest le plus utilisé est la mesure d’identification du mot
Épreuve d’évaluation de la compétence en lecture ou LMCR (Khomsi) Validée de la fin de CP à la 4e
Comprend trois épreuves : (1) La Lecture en Une Minute, évalue la vitesse et le degré d’automatisation de la lecture, élément essentiel de l’efficacité des lecteurs ; (2) L’Identification du Mot Écrit ; (3) La Compréhension en Lecture utilise des planches de quatre images associées à des énoncés de deux types différents. Les capacités d’autocorrection sont aussi évaluées
Épreuves évaluant le langage écrit et l’orthographe
Dictée Le Corbeau Validée pour le CE2, CM1 et CM2 ; produit trois scores d’erreurs phonétique, d’usage et de grammaire
Dictée Tempête au Sahara Validée pour le collège

Même s’il ne procède pas à un examen approfondi qui relève de l’orthophoniste ou du neuropsychologue, le clinicien peut évaluer le langage lors de l’entretien ou de la consultation. Certaines compétences sont ainsi tout à fait accessibles : niveau global de compréhension, qualité de la production et de la fluidité du langage, prosodie, diversité du vocabulaire, complexité grammaticale. Par ailleurs, le clinicien peut également s’interroger en termes de temporalité : l’enfant présente-t-il un retard de développement du langage ou des symptômes qui témoignent de déviances (écholalie, jargon…) ?


Pour le langage écrit, le clinicien peut aussi explorer lors d’une lecture ou d’une transcription les erreurs de correspondance phonèmes/graphèmes, les inversions orthographiques, la vitesse de lecture ou d’écriture, l’aisance de l’enfant et son endurance, la qualité du tracé ou le nombre de fautes d’orthographe. La conduite de cet examen en pratique courante permet d’ailleurs d’orienter vers les évaluations complémentaires des spécialistes (Dugas et Gérard, 1990).

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 6: Psychopathologie du langage

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