Chapitre 9 Pointe nasale
Analyse et traitements
La pointe nasale constitue le quart inférieur de la pyramide nasale. La complexité de sa structure nécessite, pour être bien comprise, de distinguer les parties constitutives qui sont :
• le lobule ou tip représenté par les versants des dômes séparés par l’angle de divergence, recouverts par la peau et le tissu cellulaire sous-cutané (TSC) ;
• la région sous-lobulaire ou infra-tip correspondant aux crus intermédiaires ;
• la supra-tip ou région sus-lobulaire, zone de raccordement avec le dos du nez ;
• la columelle répondant aux crus mésiales proprement dites.
Analyse structurale
L’état de rotation et de projection du lobule est mieux compris dans le cadre du concept développé par différents auteurs, notamment Calvin-Johnson, qui est celui du complexe tripode–piédestal. Ce concept envisage la relation anatomique entre un tripode suspendu dans l’espace constitué par les cartilages inférieurs latéraux (CIL) et un piédestal postérieur fixe constitué par le bord caudal du septum (fig. 9.1) auquel on reconnaît deux angles distincts postérieur et antérieur.
Fig. 9.1 A. Le tripode. B. Le piédestal et ses angles.
(A : d’après Aiach G., Atlas de rhinoplastie et de la voie d’abord externe. 2e éd. Paris : Masson ; 1996; B : d’après Tardy, M. Eugene, Jr. Rhinoplasty : the art and the science. W.B. Saunders Company ; 1997.)
Dans cette conception, le tripode est maintenu principalement par l’accroche des CIL aux cartilages supérieurs latéraux (CSL), par l’appui du pied des mésiales sur l’angle septal postérieur (fig. 9.2) et enfin par la force des CIL. À ces soutiens principaux, s’ajoutent les soutiens accessoires que sont l’attache des prolongements postérieurs des CIL sur l’orifice piriforme et l’ensemble du tissu cellulaire sous-cutané (TSC) plus ou moins organisé en ligaments de la région sus-lobulaire, ainsi que la peau qui recouvre la région.
Fig. 9.2 Maintien du tripode dans l’espace.
(A : remerciements au Dr Y. Saban ; B : d’après Tardy, M. Eugene, Jr. Rhinoplasty : the art and the science. W.B. Saunders Company ; 1997.)
Projection du lobule : pathogénie des troubles
L’hyperprojection du lobule chez un sujet à septum normal (bord ventral normoprojeté) ne dépend que de la longueur des CIL. Le rôle possible du piédestal se conçoit par le biais d’une hauteur excessive du bord caudal, étirant la pointe. Les deux mécanismes extrinsèque et intrinsèque sont fréquemment associés (fig. 9.3).
Fig. 9.3 Projection du lobule.
A. Hyperprojection intrinsèque. B. Hyperprojection extrinsèque.
(Remerciements au Dr Y. Saban.)
Rotation du lobule : pathogénie des troubles
La rotation du lobule se réfère aux éléments structurels maintenant la pointe dans l’espace entre deux points fixes (voir plus haut). Ces deux points étant fixes, tout dépend, en termes de rotation, de la hauteur du cartilage alaire et de sa force (fig. 9.4A).
Le facteur septal est représenté par le développement excessif en longueur de l’angle septal antérieur du bord caudal venant repousser le ligament interdômal. Ce type de situation peut s’observer dans le nez de type aquilin (fig. 9.4B).
Traitement de la pointe
Traitement de la projection
Deux situations distinctes doivent être évoquées : l’excès de hauteur et l’insuffisance de hauteur.
Traitement de l’excès de hauteur ou hyperprojection du lobule
Traitement de la cause CIL
Quatre types d’action peuvent être envisagés.
• La suppression de l’appui du pied des mésiales sur le septum est réalisée par l’incision transfixiante complète et conduit à une réduction constante, faible (1 à 2 mm), de la projection.
• La diminution de hauteur de l’alaire étendue au dôme réduit la projection du defining point, donc la projection du lobule (fig. 9.5).
• La diminution de longueur des alaires est la manœuvre principale permettant de réduire la projection. Elle se réalise sur l’alaire en un point variable (sommet de la convexité latérale ou prolongement postérieur) en fonction de données collatérales à corriger comme la rotondité. Elle consiste en la résection d’une bande cartilagineuse millimétrée suivie de suture, parfois confortée par un patch cartilagineux (prévention d’une rotation non souhaitée à long terme), sans modifier le revêtement cutané sous-jacent, sauf cas exceptionnels (fig. e.9.1).
• La résection ou la section portant sur la mésiale a eu la faveur de différents auteurs et peut être faite au milieu de la mésiale proprement dite, ou sous le dôme. La suture est recommandée, sur un strut en cas de résection, en faisant se chevaucher les extrémités en cas de section simple.
L’association de deux zones de résection, l’une sur l’alaire, l’autre sur les mésiales, permet d’équilibrer certaines pointes particulièrement protruses et d’éviter une rotation non souhaitée (fig. 9.6). La section péridômale émargeant sur l’alaire voire l’intermédiaire est concevable, mais toujours entachée d’un risque d’asymétrie du lobule à long terme même en cas de suture.
Traitement de la part septale
Décidé lors de l’analyse structurale, le traitement de la part septale consiste en une réduction de la hauteur septale, en général progressive, jusqu’à autonomisation de la pointe (fig. 9.7). Il est alors possible d’apprécier la longueur intrinsèque des cartilages alaires et soit d’en rester là, soit de procéder à une résection complémentaire sur l’alaire lui-même si la projection demeure excessive. Le cadre est en général celui de grands nez aquilins ou en tension (fig. e.9.2).
Dans de nombreux cas, les deux facteurs septal et alaire sont associés (fig. e.9.3).
Traitement de l’hypoprojection du lobule
Préservation de la projection existante
Cela passe par une réflexion sur l’opportunité du choix d’une incision transfixiante génératrice d’une perte de projection et par un respect du sommet du dôme lors de la résection céphalique alaire.
Augmentation de la projection existante
Cette procédure recourt à un ensemble de moyens rarement utilisés seuls.
L’intérêt est aujourd’hui focalisé sur le greffon sous-apico-apical de type Sheen (fig. e9.4). Ce greffon triangulaire ou trapézoïdal mis en place entre les points bas des intermédiaires et ceux des dômes s’avère multifonction. Son bord supérieur selon son avancement augmente la projection en dépassant le sommet des dômes (fig. 9.8), tandis que sa partie inférieure restaure, symétrise ou accentue le contour sous-apical selon le design donné. Il contribue en outre à la suppression de la bifidité.
Fig. 9.8 A–E. Reprojection par un important greffon de Sheen après reconstruction dorsale par greffon costal.
Traitements de la rotation
Les traitements de la rotation font appel à des méthodes dites principales et à des méthodes complémentaires qui, dans de nombreux cas, deviennent principales.
Méthodes principales
Méthodes non interruptrices de la continuité alaire
Il existe un effet croissant (fig. 9.9) sur la rotation en fonction de l’importance de la résection céphalique (continuité alaire minimale : 5 à 6 mm de hauteur pour prévenir le collapsus alaire). La perte de l’insertion des mésiales sur le septum par une incision transfixiante favorise cette rotation.
Ces méthodes doivent être mises en œuvre progressivement après repérage précis des dômes. Elles sont globalement fiables (fig. 9.10) et limitent les possibilités de rotation excessive disgracieuse et difficile à réparer.
Méthodes interruptrices de la continuité alaire
Le choix du siège de la méthode interruptrice est stratégique (fig. 9.11).