Chapitre 9 Imageries des tumeurs de l’oropharynx et de la cavité orale
Les tumeurs malignes de l’oropharynx et de la cavité orale représentent près de 50 % des carcinomes des VADS. Ce sont des lésions graves qui, au-delà du pronostic vital (50 % de survie à 5 ans tous stades confondus), mettent en jeu la vie relationnelle du patient et le pronostic fonctionnel de la respiration, de la déglutition et de la parole.
Lors de la dernière grande étude épidémiologique de 2000, 15 388 nouveaux cas/an ont été recensés (cavité orale, pharynx) plaçant cette pathologie au 4e rang des cancers chez l’homme et 14e rang chez la femme (sexe-ratio 6,9) [1, 2].
L’extension tumorale est locale suivant les structures anatomiques de contiguïté, puis régionale (ganglionnaire), et métastatique (rarement synchrone). Le pronostic dépend principalement de l’extension ganglionnaire au moment de la prise en charge thérapeutique [3–5].
Le bilan d’extension initial locorégional doit être le plus précis possible pour permettre un choix thérapeutique adapté. Le radiologue est un acteur indispensable du comité thérapeutique, il aide l’équipe à définir les extensions profondes qui vont guider les choix thérapeutiques. Il faut pouvoir proposer au patient la stratégie la plus adaptée tant sur le plan oncologique que sur la qualité de vie [6]. L’imagerie repose essentiellement sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM), parfois la tomodensitométrie (TDM) et sur le TEP-scan dans des cas sélectionnés [7–12].
Présentation anatomique
La division anatomique entre la cavité orale et l’oropharynx est artificielle, plusieurs structures anatomiques sont communes aux deux sites et les tumeurs envahissent fréquemment les deux régions au moment du diagnostic [13]. Cependant le pronostic est différent pour les petites tumeurs, car les tumeurs de la cavité orale, plus rapidement accessibles à l’examen clinique, sont en général découvertes plus précocement, d’où un envahissement ganglionnaire et métastatique moindre.
La cavité orale est située en avant de l’isthme du gosier et du V lingual. Elle comprend la langue mobile, le plancher buccal, la commissure intermaxillaire, la face interne des joues et des lèvres, les gencives (fig. 9-1).
Méthodes d’imagerie TDM et IRM
Tomodensitométrie cervicale
Depuis l’avènement des scanners multidétecteurs, le temps d’examen a considérablement diminué, permettant des études en coupes millimétriques de très bonne qualité avec reconstruction en trois dimensions pour une meilleure approche volumique des lésions.
Des acquisitions complémentaires peuvent être nécessaires :
Cette dernière étude osseuse peut être réalisée sans injection de produit de contraste iodé, en complément de l’IRM [14, 15]. Lorsqu’une mandibulectomie avec reconstruction par greffon de péroné est prévue, certains chirurgiens apprécient d’obtenir des reconstructions 3D en agrandissement réel (1/1) sur film, afin de prévoir les dimensions exactes du greffon.
Imagerie par résonance magnétique
Les nouvelles séquences d’acquisition rapide en pondération T1 et T2 permettent actuellement l’acquisition de séquence durant en moyenne 3 minutes pendant lesquelles le patient doit rester parfaitement immobile. En moyenne 4 à 6 séquences sont nécessaires pour effectuer le bilan d’extension tumoral et ganglionnaire, soit un temps d’examen n’excédant pas 20 minutes (fig. 9-2).
L’exploration ganglionnaire est facilitée par les séquences en pondération T2 [16].
Problèmes du matériel dentaire dans l’exploration de la cavité orale et de l’oropharynx
En IRM les séquences d’écho de spin habituellement utilisées sont moins sensibles aux artéfacts de susceptibilité magnétique que les séquences de gradient. Cependant elles peuvent être dégradées par des zones vides de signal ou de distorsion du signal. Les séquences T1 sont moins dégradées que les séquences T2 ; il faudra utiliser le meilleur plan de coupe et éviter la saturation de la graisse qui peut être inhomogène.
TEP-scan corps entier
La TEP au FDG est utilisée depuis plus de 5 ans en cancérologie ORL avec des indications bien définies par les SOR (Standards options and recommendations). En niveau de preuve B2, on retient les indications principales suivantes : le bilan d’extension métastatique des tumeurs localement avancées, la détection et caractérisation d’un éventuel second cancer, l’évaluation de la réponse thérapeutique sous chimiothérapie et surtout la détection d’une récidive après traitement. En niveau de preuve C, on note la recherche d’une tumeur primitive en cas d’adénopathie cervicale sans porte d’entrée [17–21].
Dans le bilan préthérapeutique ses indications doivent actuellement être sélectionnées, par exemple lorsque l’on veut au mieux caractériser un ganglion ambigu en imagerie en coupe, ou lorsque l’on veut approcher au mieux l’extension métastatique avant une décision thérapeutique lourde [18, 19].
Bilan préthérapeutique des tumeurs de l’oropharynx
La classification TNM repose sur la taille lésionnelle et sur l’envahissement de certaines structures anatomiques qui vont guider la thérapeutique. Ainsi toute lésion, même de petite taille, qui envahit un muscle extrinsèque de la langue (notamment le styloglosse), est classée T4a car les muscles sont des voies d’extension qui peuvent conduire les cellules tumorales jusqu’à la base du crâne. Les autres voies d’extension à étudier sont les axes vasculonerveux (notamment les divisions du nerf mandibulaire, V3) et le raphé ptérygomandibulaire.
Les tumeurs T4a peuvent être accessibles à la chirurgie (pharyngectomie par voie trans-mandibulaire ou buccopharyngectomie transmandibulaire [BPTM]) alors que les tumeurs T4b sont en règle inopérables [22].
Classification TNM
T0 Pas d’évidence de tumeur primitive
T2 Tumeur > 2 cm mais < 4 cm de plus grand diamètre
T3 Tumeur > 4 cm dans son plus grand diamètre
Région tonsillaire
Les tumeurs de la commissure intermaxillaire (CIM), bien qu’appartenant à la cavité orale, seront décrites dans le même chapitre compte tenu de la continuité anatomique des deux régions (fig. 9-3 et 9-4).
Fig. 9-3 Anatomie de la région tonsillaire et de la CIM.
(a) Paroi pharyngée, muscles constricteurs. (b) Région tonsillaire. (c) Cavité orale.
Extension antérolatérale
C’est la plus fréquente (deux tiers des cas), la tumeur longe le plan du constricteur jusqu’au RPM puis diffuse le long de celui-ci. Il faudra être particulièrement vigilant pour les tumeurs de petit volume pour lesquelles un geste chirurgical radical est envisagé (fig. 9-5).