Chapitre 9. Fonctions exécutives
Nathalie Ehrlé
Fonctions exécutivesContrairement à la plupart des habiletés cognitives (mémoire, langage, calcul, etc.), les fonctions exécutives correspondent à un concept qui demeure équivoque, l’absence de définition et d’opérationnalisation claires les confinant au statut d’heuristiques cognitives. L’une des raisons est certainement que la perturbation de ces processus s’exprimerait dans une variété de situations (mémoire, langage, raisonnement…) alors qu’il existe habituellement une relation spécifique entre les processus modélisés et les troubles observés (modèle de calcul et troubles acalculiques, par exemple). Idéalement, la démarche du neuropsychologue cognitiviste consiste à définir des processus à partir de modèles théoriques, processus qu’il peut ensuite confronter à la pathologie cérébrale. Concernant les fonctions exécutives, cette démarche a rarement été appliquée, conduisant fréquemment à une définition circulaire où un trouble cognitif observé chez un patient présentant des lésionslésions frontales est qualifié d’exécutif. «Exécutif» et «frontal» ne sont cependant pas interchangeables, les fonctions dites exécutives pouvant être supportées par un réseau cérébral s’étendant hors du lobe frontallobe frontal. Rappelons que les circuits sous-corticaux desservent également la cognition et que des lésions très éloignées des structures frontales (dans la substancesubstance blanchesubstanceblanche, en particulier) suffisent à occasionner des déficits exécutifs (voir [1] pour un exemple dans la SEP).
Le terme ombrelle de fonctions exécutives englobe donc de nombreuses compétences cognitives telles que le raisonnement, la résolution de problèmes, les capacités d’abstractionabstraction, la planificationplanification, le séquençage, l’attentionattention soutenueattentionsoutenue, la résistance à l’interférence, le multitâches, l’utilisation d’un feedback, la flexibilitéflexibilité, la gestion de la nouveauté… Plus généralement, les processus exécutifs correspondraient à des fonctions de haut niveau, supposées contrôler et diriger les fonctions de niveau inférieur. Ils seraient donc impliqués dans presque tous les aspects de la neuropsychologie humaine et hautement sensibles aux atteintes cérébrales. Cette section propose une revue critique de la littérature concernant l’existence de troubles dysexécutifs dans la SEP. L’hypothèse d’une atteinte de ces capacités semble largement acceptée, même si le profil de troubles en fonction des différentes formes de SEP reste controversé [2,3].
D’un point de vue psychométrique, une méta-analyse récente [4] retient deux épreuves exécutives, le test de StroopStroop et les fluences verbales, comme mesures cognitives les plus sensibles pour des formes rémittentes. Dans la BCcogSEPBCcogSEP (équivalent français de la BRB-NBRB-N [5]), un soin particulier a été apporté à la documentation de ces aptitudes puisque 4 épreuves supplémentaires (empanempan de chiffres, ordres contraires, Go/No goGo/No go, TMTTMT oral) ont été ajoutées aux 2 épreuves exécutives initiales proposées par Rao (fluence verbalefluence verbale, PASAT).
Dans une perspective anatomofonctionnelle, le cortexcortex préfrontal comporterait une partie cognitive (dorsolatérale) et une partie socioémotionnelle (ventrale). Cette dissociation se retrouve dans l’approche neuropsychologique actuelle des fonctions exécutives qui distingue, à côté des fonctions exécutives «froidesCognitionfroides», fondées essentiellement sur la logique (planificationplanification, raisonnement, flexibilité, abstraction…), des fonctions exécutives «chaudesCognitionchaudes», reposant sur les émotionsémotions, les croyances et les désirs (théorie de l’espritthéorie de l’esprit, expérience de la récompense-punition, régulation des conduites sociales, prise de décision… [6]). Ces deux types de fonctions seront considérés dans ce chapitre, la cognitioncognition froidecognitionfroide étant pour le moment plus richement documentée dans la SEP que la cognition chaudecognitionchaude.
Apport de Luria et Milner
L’approche cognitive des fonctions exécutives date de la seconde moitié du xxe siècle. La plupart des tests actuellement utilisés dans l’examen de ces fonctions découlent des travaux de Luria [7] et Milner [8] : création d’épreuves spécifiques (frises, séquences gestuellesséquences gestuelles, Wisconsin Card Sorting Test…) ou application d’épreuves préexistantes à la pathologie cérébrale (Stroop Colour Test, Trail Making Test…). La durée de ces épreuves reflète la complémentarité entre la conception russe de Luria (épreuves courtes : recherche de problèmes saillants lors d’un dépistage rapide fondé sur l’étude de cas individuels) et nord-américaine de Milner (épreuves longues : recherche de troubles plus discrets nécessitant un examen long mis au point à partir d’études de groupes).
Bien que les tâches proposées par Luria apparaissent cliniquement pertinentes (plusieurs sont reprises dans la BREF, par exemple), elles semblent avoir été peu appliquées à la SEP (séquences gestuellesséquences gestuelles, tapping, Go/No go). Une méta-analyse conduite sur 57 études rapporte un tapping alterné sévèrement perturbé dans la SEP [4]. Deux études semblent indiquer que bien que le tappingtapping soit effectivement pathologiquement ralenti chez ces patients, l’alternance (qui signe plus spécifiquement la composante exécutive) serait préservée ([9,10] mais voir [11] pour des formes rémittentes). Une perturbation du Go/No goGo/No go a également été documentée [12].
La suite de ce chapitre concernera les données recueillies selon l’approche psychométrique. Compte tenu de la diversité des fonctions exécutivesfonctions exécutives et de la difficulté à déterminer des sous-processus (inhibition, flexibilitéflexibilité…), cette revue sera construite à partir des épreuves exécutives les plus communément publiées pour la SEP. De ce fait, certains travaux, bien que pertinents pour cette problématique, ne seront pas traités ici faute de données suffisantes. De même, les données sur la mémoire de travail ne seront pas abordées ici (voir p. 107 la section «MémoireMémoire de travailMémoirede travail» de ce chapitre). Pour chaque épreuve considérée, un bref descriptif du test sera fourni avant d’aborder les résultats spécifiques à la SEP. Un soin particulier a été apporté aux outils disponibles pour une population française.
Approche psychométrique des fonctions exécutives
Test de Stroop
Descriptif
Le test de StroopStroop comporte trois parties successives (figure 9.1) : la première planche est composée de noms de couleurs écrits à l’encre noire que le sujet doit lire (planche de lecture), la deuxième planche, de pastilles colorées dont le sujet doit donner la couleur (planche de dénomination) et la troisième, de noms de couleurs écrits dans une encre de couleur différente que le sujet doit dénommer (planche interférence). Cette dernière planche nécessite l’inhibitioninhibition d’une réponse dominante (la lecture) au profit d’une réponse moins automatique (la dénomination). De nombreuses versions de cette épreuve existent (voir [13] pour une revue) : mode de lecture (en lignes ou en colonnes, présentation des items un à un sur un écran pour certaines versions informatisées), nombre de couleurs, variable considérée (nombre d’items complétés dans un temps donné ou temps mis pour compléter la planche). La cotation de cette épreuve est également variable. L’indice le plus communément considéré est le temps mis pour compléter chacune des planches. De plus, un score d’interférence est souvent calculé en complément de ces trois scores (correction du temps enregistré pour la planche interférence en fonction de la vitesse de dénomination) afin de contrôler un éventuel effet du ralentissement. Les erreurs spontanément autocorrigées ou non corrigées peuvent également être prises en compte.
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Figure 9.1 Test de Stroop. |
Résultats dans la SEP
À notre connaissance, le nombre d’erreurs n’a pas été considéré chez les patients SEP [1,14]. Certains auteurs le mentionnent cependant comme anormalement élevé [15,16], sans s’attarder sur l’interprétation de ce déficit.
Concernant la chronométrie, les performances de 165 patients atteints de SEP rémittente suggèrent une sensibilité normale à l’interférence en présence d’un ralentissementralentissement [1]. Les résultats d’Olivares vont également dans ce sens mais le score d’interférence, mentionné comme non significatif par les auteurs, n’est pas rapporté dans les tableaux de données [11]. Pour les autres formes de SEP, un effet d’interférence plus marqué est classiquement décrit [[15][16][17][18] and [19]] (mais dans deux études [16,19] seules les données de la planche interférente sont rapportées). De façon variable, ce déficit est attribué tantôt à une perturbation de la vitesse de traitement [17,20], de l’attentionattention sélectiveattentionsélective [15] ou encore du fonctionnement exécutif [16].
Sensibilité excessive à l’interférence et ralentissement
Pour l’ensemble des affections neurologiques, et particulièrement pour la SEP, une question cruciale concerne les liens entre le StroopStroop et la vitesse de traitement. Un travail espagnol suggérait que le ralentissement et la sensibilité accrue à l’interférence seraient dissociables chez les patients SEP, liés respectivement à l’ampleur de la démyélinisation frontale droite et pariétalepariétale gauche [21]. Compte tenu des contraintes chronométriques du test, les patients SEP présentent en effet généralement des temps bruts supérieurs à ceux des contrôles quelle que soit la planche, corroborant l’existence d’un ralentissement [22]. Concernant la question d’une sensibilité spécifique à l’interférence, il est classique de pondérer l’augmentation du temps pour la planche interférence par le temps enregistré aux autres planches. Cette démarche suppose néanmoins un positionnement théorique fort concernant le temps de traitement cérébral, celui-ci étant conçu comme constant quel que soit le niveau de difficulté de la tâche. À l’aide d’une approche différente, une très belle étude de Macniven [23] suggère que les déficits documentés par le Stroop dans la SEP pourraient résulter exclusivement d’un ralentissement. Ce travail s’inspire du modèle de Myerson et al. (difference engine [24]), qui postule que, chez le sujet sain et dans le vieillissement normal en particulier, la vitesse de traitementvitesse de traitement varierait suivant le niveau de difficulté de la tâche. À partir des temps de réactiontemps de réaction de choix mesurés dans de nombreuses conditions (batterie GCDT : Graded Conditional Discrimination Tasks [25]), les auteurs dérivent individuellement une fonction linéaire selon la complexité des tâches et la mettent en relation avec les performances chronométriques obtenues au Stroop [23]. Les résultats suggèrent que, bien qu’un ralentissement soit effectivement observé dans la SEP (temps de réactiontemps de réaction plus longs pour les trois planches) et que le score d’interférence calculé proportionnellement soit également pathologique, les différences avec les contrôles disparaissent lorsque les temps sont considérés selon les équations linéaires. Ce genre d’étude apparaît prometteur pour déterminer si des troubles dysexécutifs coexisteraient avec le ralentissementralentissement idéatoire caractéristique de la SEP.
En résumé, si les trois planches du StroopStroop mettent classiquement en évidence un ralentissement dans la SEP, la question d’une sensibilité excessive à l’interférence, qui signerait spécifiquement un déficit exécutif, reste controversée. Dans ce sens, les erreurs mériteraient d’être considérées. Le calcul d’un classique score d’interférence pourrait ne pas être adapté chez les patients SEP, une méthodologie plus lourde mais plus écologiqueécologique pouvant être appliquée pour opérationnaliser l’effet du ralentissement. Cliniquement cependant, d’importants aménagements paradigmatiques seront nécessaires pour que ces approches soient implémentables en pratique courante.
Fluences verbales
Descriptif
Les tâches de fluence nécessitent la génération du plus grand nombre d’items dans un temps imparti (mots, dessins, événements autobiographiques…). Les plus communes sont les épreuves de fluence verbalefluence verbale qui supposent la production de mots commençant par une lettre particulière (fluence phonologique ou formelle) ou appartenant à une catégorie sémantique (fluence catégorielle ou sémantique). En langue anglaise, le test de fluence formelle le plus utilisé est le Controlled Oral Word Association Test (COWAT) COWAT (Controlled Oral Word Association Test) [26,27], qui explore le nombre de productions fournies en 1 minute pour les lettres F, A et S ou C, F et L. Pour la population française, les seules normes disponibles (en fonction du sexe et de 2 niveaux culturels) sont celles de Cardebat et al. [28], établies à partir des lettres P, R et V et des catégories animaux, fruits et métiers, chaque condition étant à compléter en 2 minutes. Ces normes présentent l’avantage de concerner à la fois la fluence formelle et catégorielle. De plus, le temps alloué permet aux patients ralentis ou souffrant d’un déficit de mise en œuvre de générer néanmoins des productions. Le seul inconvénient est qu’aucune version parallèle n’est disponible pour cette épreuve.
Résultats dans la SEP
Plusieurs méta-analyses semblent indiquer que l’autogénération verbale constituerait un indice cognitif sensible pour la SEP [29,30] (voir [4] pour des formes exclusivement rémittentes). Les batteries neuropsychologiques courtes destinées aux patients SEP incluent généralement une épreuve de fluence (COWAT pour la Breaf Repeatable Battery [31] et la Minimal Assessment of Cognitive Function in MS, ou Minimal Assessment of Cognitive Function in MS (MACFIMS) MACFIMS [32]). De façon consensuelle, une réduction pathologique du nombre de mots produits en fluence formelle et catégorielle est décrite [16,18,19,30,[33][34][35][36] and [37]]. Le nombre de productions en fluence formelle serait corrélé positivement au statut thymique (dépressiondépression) ainsi qu’au ralentissement [38], ce dernier étant cependant opérationnalisé par la PASAT dans cette étude.
Dans les formes rémittentes, une atteinte sélective de la fluence catégorielle (animaux et P testés en 1min) [1], une perturbation [34,36] ou une préservation [39,40] des deux types de fluence verbale ont été rapportées pour des formes précoces. La méta-analyse de Henry et Beatty [30] portant sur 35 études serait plutôt en faveur d’une atteinte des deux formes de fluence pour les patients rémittents. Cette atteinte serait de moindre ampleur en comparaison des formes progressives. Un point important est que la différence de sévérité entre les patients semble toutefois liée à d’autres facteurs (âge, durée de la maladie, lourdeur du handicap neurologique) qu’à la forme de SEP. Remarquons que dans ces travaux, le déficit concomitant pour les deux formes de fluences (formelle et catégorielle) ne permet pas de rattacher le trouble à une étiologie strictement exécutive, la lenteur pouvant rendre compte de ce profil. Le fait que les auteurs mentionnent les fluences et le code (dans sa version orale) comme meilleurs indices cognitifs de la SEP renforce l’hypothèse d’un simple indice de ralentissement, cette version du code mesurant essentiellement la vitesse de traitement de l’informationvitesse de traitement de l’information [30].
Analyse en clusters et switchings
Plus récemment, une méthode d’analyse des productions a été proposée (figure 9.2) pour tenter de dissocier le rôle des régions temporalestemporales et frontales [41]. Celle-ci repose sur la mesure de la taille des clusters (groupements sémantiques ou phonémiques à l’intérieur des productions) et du nombre de switchingsswitchings (changements entre ces groupes sémantiques ou phonémiques). Ainsi, les productions «abeille, mouche, moustique, coccinelle, zèbre, éléphant, girafe» seront cotées comme deux clusters de taille 3 et 2 respectivement et comportant un switching (passage d’une catégorie sémantique à une autre). Selon Troyer et al. [41], le switching correspondrait à une fonction plus spécifiquement exécutive sous la dépendance du lobe frontallobe frontal.
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Figure 9.2 Méthode d’analyse des productions. |
À notre connaissance, le seul travail ayant appliqué la méthode de cotation en clusters et switchings dans la SEP [42] démontrait une réduction du nombre de productions et du nombre de switchings, à la fois en fluence formelle et catégorielle, et quel que soit le niveau de dégradation intellectuelle des patients. Contrairement à d’autres populations neurologiques (maladie d’AlzheimerAlzheimer ou de Parkinson), la taille des clusters semblait préservée chez les patients SEP.
En résumé, du fait des contraintes chronométriques des tâches de fluence, la considération du nombre de productions seul semble insuffisamment informative pour la SEP. En revanche, l’analyse de la nature des productions (clusters et switchings) permet d’établir des indices cognitifs moins dépendants de la lenteur. De plus, cette méthode de cotation apparaît précieuse pour le diagnostic puisqu’elle permettrait d’identifier des profils de performances à l’intérieur des fluences, profils qui pourraient augmenter la sensibilité de ces outils pour la SEP en comparaison d’autres populations neurologiques.
Wisconsin et autres tests de classement
Descriptif
Le Wisconsin Card Sorting Test (WCST)Wisconsin Card Sorting Test (WCST) [43] appartient à la catégorie des tests de classement (sorting en anglais). Dans cette épreuve (figure 9.3), le sujet doit déterminer le critère d’appariement (couleur, forme ou nombre) entre ses cartes et 4 cartes de référence servant de modèles. L’inférence des critères est possible grâce à un processus d’essais-erreurs selon les corrections fournies par l’examinateur après chaque carte posée. Dans la version originale (128 cartes), le sujet est censé compléter 6 catégories (couleur, forme, nombre × 2) de 10 cartes consécutives chacune, l’ordre des catégories étant imposé par l’examinateur. La version courte la plus usitée consiste à écarter les cartes offrant des appariements multiples et à laisser le sujet choisir l’ordre des critères d’appariement (Modified Card Sorting Test, ou MCST [44]). Une version abrégée beaucoup moins appliquée [45] consiste à se limiter au premier tas de cartes (soit 64 cartes).
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Figure 9.3 Winconsin Card Sorting Test. |
De nombreux processus participent à la performance mesurée dans la tâche originale : identification des concepts, maintien de l’attention, résistance à l’interférence, utilisation d’un feedback guidant le comportement, alternance entre les catégories et inhibitioninhibition de la catégorie précédemment complétée. Afin d’en faciliter l’interprétation clinique, Heaton [46] a proposé une procédure d’administration et de cotation standardisée permettant le calcul de nombreux indices. Pour la population française (6 groupes d’âges et 3 niveaux culturels), les normes publiées par les ECPA (Éditions du centre de psychologie appliquée) ont été acquises selon cette méthode [47] et comportent les indices suivants : nombre total d’items administrés, nombre total de réponses correctes, nombre total et pourcentage d’erreurs, nombre total et pourcentage d’erreurs persévératives, nombre total et pourcentage de réponses persévératives, pourcentage de réponses conceptuelles, nombre de catégories réalisées, nombre d’items pour compléter la première catégorie, échec dans le maintien d’une stratégie, indice de capacité d’apprentissage.
Résultats dans la SEP
Dans la SEP, les travaux s’étant intéressés au Wisconsin sont extrêmement hétérogènes quant aux indices considérés et aux versions de l’épreuve appliquées. Un nombre anormalement élevé d’erreurs et de réponses persévératives a été décrit chez les patients atteints d’une forme chronique progressive [48,49] alors que ces taux semblaient adéquats pour des formes rémittentes ([48,50] avec la version abrégée Axelrod [45]; [36,39] avec la version abrégée de Nelson [44]; mais voir [12]). Parmenter et al. [51] ont également rapporté une tendance à la persévération plus marquée pour les formes progressives que rémittentes, bien que dans cette étude les performances des patients soient déficitaires en comparaison des contrôles quelle que soit la forme de maladie. Avec une version informatisée de l’épreuve, Denney et al. [17] ont trouvé des performances préservées pour les deux types de SEP. Toutefois, ce travail considère des indices inhabituels (comme le nombre total de cartes). De plus, bien que les différences ne soient pas mentionnées comme significatives, il semble que le groupe de formes primaires progressives présente un nombre d’erreurs anormalement élevé en comparaison des formes rémittentes et des sujets sains. En considérant davantage d’indices (catégories complétées, réponses correctes, cartes pour compléter la première catégorie, persévérations) mesurés à partir de la version originale du test, Santiago et al. [1] rapportent un score déficitaire pour la complétion de la première catégorie chez 165 patients atteints de formes rémittentes. Ce résultat pourrait refléter une lenteur de mise en œuvre en présence de capacités exécutives préservées. Chez des patients ayant présenté une névrite optique isolée, le suivi cognitif à long terme (> 20ans) suggère que 60 % d’entre eux présenteraient un taux d’erreurs anormalement élevé au Wisconsin Card Sorting Test(WCST)Wisconsin, le seuil pathologique étant de plus peu exigeant dans cette étude (plus de 2 déviations standard de la moyenne [52]).
À notre connaissance, les capacités de maintien cognitif ont rarement été considérées dans la SEP [50,53]. Les scores de maintien de l’étude de Lengenfelder [53] sont difficilement interprétables, les formes de SEP n’étant pas précisées et les écarts à la moyenne non cités. De même, Landrφ [50] rapporte une préservation des performances chez des patients rémittents mais la version abrégée utilisée dans ce travail laissait peu de possibilités pour qu’un déficit s’exprime. Cette lacune dans la littérature neuropsychologique de la SEP est d’autant plus surprenante que les troubles du maintien cognitifmaintien cognitif sont classiquement décrits dans les pathologies sous-corticales.
Wisconsin versus Delis-Kaplan?
Depuis 2001, les équipes nord-américaines ont collégialement proposé de privilégier le DKEFS (Delis-Kaplan Executive Function System) au Wisconsin Delis-Kaplan Executive Function System Wisconsin pour documenter les troubles dysexécutifs dans la SEP [54,55]. Cette épreuve (figure 9.4), autrefois appelée California Card Sorting Test (CCST) CCST (California Card Sorting Test), consiste en deux séries de 6 cartes chacune. Les 6 cartes sont imprimées sous des formats différents et comportent toutes un mot en leur centre. La tâche du sujet est de les classer en deux tas de 3 cartes selon un maximum de possibilités et de verbaliser les critères de classement adoptés. L’argument principal de Ralph Benedict pour privilégier le DKEFSDKEFS repose sur la présence de versions parallèles pour cette épreuve, inexistantes pour le Wisconsin, dont le retestretest est indéniablement problématique. Le second argument avancé concerne la possibilité de dissocier la formation de concepts de la tendance à la persévération [51,54]. Il semble cependant que l’ensemble des indices disponibles pour le Wisconsin n’ait pas été considéré dans ces études, les réponses conceptuelles et les persévérations étant en effeteffet calculables séparément (voir supra). Pour la population française, le débat Wisconsin versus DKEFS dans la SEP n’est malheureusement pas encore d’actualité, le DKEFS ne disposant d’aucunes normes (même pour la version originale).
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Figure 9.4 Delis-Kaplan Executive Function System (DKEFS). |
En résumé, la disparité du matériel et des indices mesurés par le Wisconsin est une source de confusion et rend difficile l’interprétation et la comparaison des données entre les études. Il semble cependant que les formes rémittentes soient moins touchées que les formes primaires progressives (pour la tendance à la persévération tout au moins). Il manque un travail comparatif des formes de SEP considérant l’ensemble des indices disponibles à partir de l’épreuve originale. En particulier, l’hypothèse d’un trouble du maintien cognitif mériterait d’être testée. Pour la pratique clinique, il importe également de collecter, pour un patient donné, le plus d’indices possible, une variabilité de troubles pouvant être attendue. Ce point est important dans la perspective d’une stimulation cognitive ultérieure, un déficit d’abstractionabstraction n’étant pas à prendre en charge de la même façon qu’un déficit de maintien cognitifmaintien cognitif ou qu’une tendance pathologique à la persévération. Rappelons enfin que l’application de versions abrégées permet difficilement d’objectiver les troubles du maintien. La possibilité d’appliquer d’autres épreuves de classement comportant des versions parallèles, comme le DKEFSDKEFS, est conditionné en France par l’établissement préalable de normes.
Trail Making Test (TMT)
Descriptif
Le Trail Making TestTrail Making Test (TMT) est une épreuve requérant dans une première partie (TMT-A) que le sujet relie dans l’ordre croissant des nombres (1-2-3, etc.) répartis aléatoirement sur une feuille A4 (figure 9.5). Dans un second temps (TMT-B), les nombres doivent être reliés en alternance avec des lettres, les nombres devant toujours être reliés dans l’ordre croissant et les lettres dans l’ordre alphabétique (1-A-2-B, etc.). Un essai d’entraînement précède chacune de ces parties. La performance chronométrique au TMT-BTMT-B est interprétée comme une mesure de flexibilitéflexibilité. Toutefois, de nombreux facteurs interviennent dans cette tâche (exploration visuospatiale, vitesse de traitement). C’est pourquoi le TMT-A est habituellement considéré comme une condition contrôle du TMT-B (bien que la complétion des deux parties ne semble pas corrélée [56]). Pour le TMT-B, deux variables peuvent être considérées : le temps et les erreurs d’alternance (le sujet reliant deux nombres ou deux lettres à la suite).
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Figure 9.5. Trail Making Test. |
Résultats dans la SEP
L’application du TMT à la SEP semble relativement récente et encore peu documentée. De plus, les données sont pour la plupart difficilement interprétables en faveur d’un trouble dysexécutif. Pour cela, il faut en effet que le patient présente un déficit sélectif à la partie B, c’est-à-dire un allongement significatif de son temps de complétion et/ou la présence d’erreurs d’alternance exclusivement lors de la seconde planche (chiffres + lettres). Des performances chronométriques pathologiques ont été rapportées pour la partie A après des névrites optiques isolées [52] mais les données de la seconde partie ne sont pas disponibles pour cette étude, indiquant donc uniquement un problème de lenteur. Pour les syndromes cliniquement isolés, un déficit sélectif à la partie B a été plus clairement démontré par l’équipe de Marseille [57]. Il semble cependant prématuré de considérer ce test comme sensible pour la SEP, les travaux conduits à des stades plus avancés de la maladie générant des résultats contradictoires. Des performances normales ont été décrites pour des formes rémittentes (TMT-ATMT-A et B) [40] alors que d’autres rapportent un trouble de la flexibilité qui ne serait pas lié au ralentissement pour des formes rémittentes et secondairement progressives (TMT-B et calcul d’un score B-A) [35].
En résumé, le TMTTMT ne bénéficie pour l’instant pas d’une littérature suffisante dans la SEP pour que sa pertinence clinique soit discutée. Pour combler cette lacune, il importe que les résultats des deux parties du test à la fois soient analysés dans les études SEP. Dans l’éventualité d’un déficit chronométrique dès la partie A, une réflexion sur la façon de départager le ralentissement d’un trouble de la flexibilitéflexibilité devra être menée (voir supra «Test de Stroop»).
PASAT
Descriptif
La Paced Auditory Serial Addition Task (PASAT) PASAT (Paced Auditory Serial Addition Task) est une épreuve expérimentale mise au point par Sampson [58] et supposée évaluer l’attention et la vitesse de traitementvitesse de traitement. Elle sollicite toutefois d’autres capacités telles que le calculcalcul mental et la mémoiremémoire de travailmémoirede travail (mise à jour notamment). La version clinique la plus commune [59] nécessite que le sujet additionne, au fur et à mesure de leur présentation, les deux derniers items d’une série de chiffres (allant de 1 à 9) présentés oralement. Par exemple, si les chiffres 5, 3 et 7 sont présentés, le sujet doit répondre «8» après le 3 puis «10» après le 7. Les chiffres sont présentés à différentes vitesses (1,2s, 1,6s, 2s, 2,4s), la vitesse étant constante pour un bloc (ou essai) donné. Le PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test) [60] correspond à la version informatisée de la PASAT. De nombreuses versions de l’épreuve existent, différant en nombre d’items par essai (50 ou 61 items), nombre d’essais administrés (2 à 4 essais), durée de l’intervalle interstimuli ou ISI (1,2s à 3s) et modalité de présentation des items (audition et vision, le PVSAT correspondant à la version visuelle). Les méthodes de cotation sont elles-mêmes très variables. Classiquement, le nombre total de réponses correctes par essai est considéré ainsi que la somme des réponses correctes sur l’ensemble des essais (score composite). Afin de pouvoir comparer les résultats des différentes études, Gronwall [61] a proposé de calculer un temps moyen par réponse correcte en divisant la durée totale d’un essai par le nombre de réponses correctes. Toutefois, cette méthode ne permet pas d’évaluer la vitesse de traitement [62] alors que le pourcentage de réponses correctes offrirait les mêmes avantages. Afin d’évaluer spécifiquement l’ampleur du ralentissement, une procédure adaptative permettant de mesurer un seuil temporel auquel le sujet est capable de réaliser la tâche a parfois été introduite (Adjusting-PAST) [63]. La latence pour répondre et le nombre d’erreurs (omissions, réponses incorrectes ou réponses tardives) sont parfois également quantifiés.

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