8: Troubles sphinctériens

8 Troubles sphinctériens



Généralités


Dans l’acquisition de la propreté et du contrôle sphinctérien, urinaire ou anal, trois axes interviennent : un axe neurophysiologique, un axe culturel et un axe relationnel.





Axe relationnel


Le dernier axe est l’axe relationnel. Par-delà la maturation neurophysiologique et la pression culturelle dans notre société où la relation mère–enfant est privilégiée et protégée, l’acquisition de la propreté est, au cours des deuxième et troisième années, un des éléments de transaction dans la dyade mère–enfant.


Les matières fécales, et à un moindre degré l’urine, véhiculent une forte charge affective qui peut être positive ou négative, mais restent liées au contenu du corps donc au corps lui-même. L’acquisition du contrôle sphinctérien se fait à la suite du plaisir pris d’abord à l’expulsion puis à la rétention, puis au couple rétention–expulsion : la maîtrise nouvelle sur son corps procure à l’enfant une jubilation renforcée encore par la satisfaction maternelle. La nature de l’investissement de cette fonction de rétention–expulsion, investissement pulsionnel à prédominance libidinale ou à prédominance agressive, dépend en grande partie du style de relation entre mère et enfant qui se noue autour du contrôle sphinctérien : exigence impérieuse de la mère qui dépossède l’enfant d’une partie de son corps et reçoit son urine ou ses selles avec un masque de dégoût ; satisfaction d’une mère à voir son enfant progresser et s’autonomiser dans ces conduites quotidiennes et reçoit son urine ou ses selles avec plaisir.


C’est ainsi que s’opère le passage du couple rétention–expulsion au couple offrande–refus ou au couple bon cadeau–mauvais détritus.


Les études épidémiologiques confirment l’importance de cette dimension relationnelle en révélant la fréquence des troubles sphinctériens et autres dans les conditions d’apprentissage inadéquat (Kreisler, 1977).



Énurésie


L’énurésie se définit comme l’émission active complète et non contrôlée d’urine une fois passé l’âge de la maturité physiologique habituellement acquise entre 3 et 4 ans. L’énurésie secondaire se caractérise par l’existence d’une période antérieure de propreté transitoire. L’énurésie primaire succède directement à la période de non-contrôle physiologique. L’énurésie primaire nocturne est de loin la forme la plus fréquente.


Suivant le rythme nycthéméral on distingue l’énurésie nocturne, la plus fréquente, diurne souvent associée à des mictions impérieuses, ou mixte. De même, en fonction de la fréquence, on décrit une énurésie quotidienne, irrégulière, ou intermittente (énurésie transitoire avec de longs intervalles secs).


Il s’agit d’un symptôme fréquent, qui concerne 10 à 15 % des enfants, avec une nette prédominance des garçons (2/1). Il s’associe parfois à d’autres manifestations : encoprésie le plus souvent, potomanie, immaturité motrice.



Diagnostic différentiel


Il est habituellement aisé :



Enfin, nous distinguerons les énurésies associées à des psychopathologies développementales avérées :




Facteurs étiologiques


Il faut les envisager en fonction des divers axes qui concourent à l’acquisition de la propreté :



Comme tous les symptômes qui concernent le corps chez l’enfant, on note une interaction étroite entre ces différents axes : les vicissitudes de l’un se trouveront estompées ou renforcées selon le déroulement des autres axes. Ainsi, un retard de maturation physiologique peut-il servir de point d’ancrage à un conflit affectif de type rétention–expulsion dont le développement trouve son origine soit dans l’intensité de la vie pulsionnelle de l’enfant, soit dans le surinvestissement familial des fonctions excrémentielles.


À partir de là, privilégier un facteur étiologique par rapport à un autre dépend souvent de la position théorique des auteurs. Nous exposerons ici les différents facteurs le plus souvent retenus.






Facteurs psychologiques


Les facteurs psychologiques restent les plus évidents (Butler, 1998). Il n’est que de se rappeler la fréquente correspondance entre la survenue ou la disparition de l’énurésie et celle d’un épisode marquant de la vie de l’enfant : séparation familiale, naissance d’un cadet, entrée à l’école, émotions de toutes natures… Ces facteurs psychologiques peuvent jouer soit au niveau de l’enfant lui-même, soit au niveau de l’environnement familial, et semblent particulièrement à l’œuvre dans les énurésies secondaires (Ferguson et coll., 1990).


En ce qui concerne une certaine typologie psychologique, la grande variété des profils décrits en montre le peu d’intérêt relatif. Ainsi, les études portant sur les échantillons les plus larges ne retrouvent pas de psychopathologies associées spécifiques (Fridman et coll., 1998).


Quant à la signification que prend l’énurésie dans l’imagination de l’enfant, celle-ci est fonction à la fois du point de fixation du développement psychoaffectif auquel correspond ce symptôme (phase anale de rétention–expulsion) et des remaniements ultérieurs du fait de la poursuite de ce développement. Ainsi la miction s’enrichit rapidement d’une symbolique sexuelle : utilisation autoérotique de l’excitation urétrale, équivalent masturbatoire, agressivité urétrale, affirmation virile chez le garçon, etc. Le symptôme prend alors place dans un ensemble névrotique plus vaste. Enfin, lorsque l’énurésie se prolonge, l’impact sur l’estime de soi, les conduites d’évitement et de gêne au plan sociale, peuvent être dramatiques.



Environnement de l’enfant


Il intervient selon deux versants, soit par carence ou déficit, soit par surinvestissement. Dans le premier cadre, signalons la fréquence des conflits familiaux (dissociation familiale, carences socio-économiques au sens large) dans les familles d’enfants énurétiques. Il existe aussi une fréquence élevée d’énurétiques parmi les enfants vivant dans des internats. D’un autre côté, le surinvestissement de la fonction sphinctérienne par les parents est fréquent : mise sur le pot intempestive et précoce, ritualisation plus ou moins cœrcitive (sur le pot toutes les heures, etc.). Ceci se voit surtout chez des mères obsessionnelles ou phobiques, qui ont besoin d’un cadre éducatif bien délimité, sans respect pour le rythme propre de l’enfant. Ainsi se trouve conflictualisée cette fonction sphinctérienne : angoisse, peur, sentiment de culpabilité ou de honte, opposition vont progressivement accompagner la miction.


L’existence de l’énurésie peut en elle-même modifier l’attitude familiale, et de ce fait pérenniser, en la fixant, la conduite pathologique. Ainsi, la réponse familiale peut se faire sur le registre de l’agressivité : punition, menace, moquerie, voire violence physique, ou à l’opposé par une complaisance protectrice : plaisir à manipuler des couches, à laver l’enfant, impossibilité d’éloignement (pas de classe de neige, pas de séjour chez des amis, etc.) en raison des complications occasionnées.


Le symptôme se trouve de ce fait fixé, soit par l’existence de bénéfices secondaires, soit parce qu’il vient s’inscrire dans un conflit névrotique qui s’organise peu à peu.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8: Troubles sphinctériens

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access