8 Troubles sphinctériens
Généralités
Neurophysiologie sphinctérienne
Elle est marquée par le passage d’un comportement réflexe automatique à un comportement volontaire contrôlé. Chez le nouveau-né la miction et la défécation succèdent d’abord à la réplétion. Le contrôle des sphincters striés est acquis progressivement, le contrôle du sphincter anal précède en général celui du sphincter vésical.
Les études portant sur la motricité vésicale par l’enregistrement des courbes de pression intravésicale ont permis de distinguer plusieurs stades (figure 8.1). L’acquisition d’un véritable contrôle sphinctérien n’est possible qu’après l’accession à une maturation complète de la motricité vésicale, même si un conditionnement précoce peut faire croire à une apparente propreté.
Axe relationnel
Les matières fécales, et à un moindre degré l’urine, véhiculent une forte charge affective qui peut être positive ou négative, mais restent liées au contenu du corps donc au corps lui-même. L’acquisition du contrôle sphinctérien se fait à la suite du plaisir pris d’abord à l’expulsion puis à la rétention, puis au couple rétention–expulsion : la maîtrise nouvelle sur son corps procure à l’enfant une jubilation renforcée encore par la satisfaction maternelle. La nature de l’investissement de cette fonction de rétention–expulsion, investissement pulsionnel à prédominance libidinale ou à prédominance agressive, dépend en grande partie du style de relation entre mère et enfant qui se noue autour du contrôle sphinctérien : exigence impérieuse de la mère qui dépossède l’enfant d’une partie de son corps et reçoit son urine ou ses selles avec un masque de dégoût ; satisfaction d’une mère à voir son enfant progresser et s’autonomiser dans ces conduites quotidiennes et reçoit son urine ou ses selles avec plaisir.
Les études épidémiologiques confirment l’importance de cette dimension relationnelle en révélant la fréquence des troubles sphinctériens et autres dans les conditions d’apprentissage inadéquat (Kreisler, 1977).
Énurésie
Diagnostic différentiel
figureles affections urologiques, infectieuses, irritatives (calculs vésicaux), ou malformatives (abouchement anormal ou ectopique des uretères, atrésie du méat) s’accompagnent souvent d’autres signes mictionnels : mictions très fréquentes, difficiles (retard d’évacuation, faiblesse du jet) ou douloureuses. Au moindre signe suspect, des explorations complémentaires se justifient (examen cytobactériologique des urines, échographie urinaire, cytomanométrie urinaire) ;
les affections neurologiques (vessie neurologique avec miction réflexe ou par regorgement) sont évidentes par les troubles associés, qu’elles soient d’origines infectieuses (myélites), ou malformatives (spina-bifida) ;
l’épilepsie nocturne peut être plus difficile à reconnaître si l’émission d’urine en constitue le seul témoin. En cas de doute, un enregistrement électroencéphalographique nocturne peut être nécessaire ;
le diabète dans un contexte de syndrome polyuro-polydipsique.
la déficience intellectuelle : l’énurésie y est d’autant plus fréquente que la déficience est profonde. Cette association souligne a contrario l’importance de la maturation neurophysiologique ;
les troubles envahissants du développement (autisme) : l’énurésie est un symptôme fréquent au sein d’un ensemble de perturbations beaucoup plus vaste.
Facteurs étiologiques
Il faut les envisager en fonction des divers axes qui concourent à l’acquisition de la propreté :
Facteur héréditaire
Un facteur héréditaire trouve son explication dans la relative fréquence d’énurésie familiale, sans qu’une transmission génétique précise ait été mise en évidence. Signalons que l’énurésie a pu être considérée dans une perspective éthologique comme la résurgence pathologique d’un comportement inné normalement réprimé ; la levée de cette répression présenterait, dans cette perspective, une analogie avec le marquage du territoire chez l’animal. Par ailleurs, l’existence d’antécédents familiaux est un facteur de bon pronostic (Hogg et Husmann, 1993).
Mécanique vésicale de l’énurétique
La mécanique vésicale de l’énurétique a été très étudiée. La capacité vésicale, la pression intravésicale ne semblent pas différentes de celles de l’enfant normal. Toutefois, chez ces enfants énurétiques des enregistrements cytomanométriques ont montré l’existence de courbes de pressions dont la dynamique est identique à celle qu’on retrouve chez des enfants plus jeunes (1 à 3 ans). Ces constatations justifient l’évocation d’une « immaturité neuromotrice de la vessie », dont l’importance et la fréquence varient selon les auteurs. Le rôle de la production endogène d’arginine vasopressine (AVP) est l’autre facteur physiologique incriminé. Elle serait plus importante chez l’enfant énurétique et pourrait expliquer la réponse à la desmopressine. Les études sont néanmoins contradictoires d’autant que la sécrétion d’AVP suit un profil type « pulsation » (Mikkelsen, 2001).
Sommeil de l’énurétique
Au niveau de la qualité du sommeil, sa profondeur a parfois été incriminée, mais les enregistrements polygraphiques systématiques du sommeil n’ont montré aucune différence significative par rapport aux enfants non énurétiques, sauf dans les énurésies primaires. En ce qui concerne les diverses phases du sommeil, l’énurésie peut survenir dans n’importe quelle phase si l’on rapporte la fréquence à la durée de sommeil dans chaque stade (Mikkelsen, 2001).
Facteurs psychologiques
Les facteurs psychologiques restent les plus évidents (Butler, 1998). Il n’est que de se rappeler la fréquente correspondance entre la survenue ou la disparition de l’énurésie et celle d’un épisode marquant de la vie de l’enfant : séparation familiale, naissance d’un cadet, entrée à l’école, émotions de toutes natures… Ces facteurs psychologiques peuvent jouer soit au niveau de l’enfant lui-même, soit au niveau de l’environnement familial, et semblent particulièrement à l’œuvre dans les énurésies secondaires (Ferguson et coll., 1990).
Environnement de l’enfant
Il intervient selon deux versants, soit par carence ou déficit, soit par surinvestissement. Dans le premier cadre, signalons la fréquence des conflits familiaux (dissociation familiale, carences socio-économiques au sens large) dans les familles d’enfants énurétiques. Il existe aussi une fréquence élevée d’énurétiques parmi les enfants vivant dans des internats. D’un autre côté, le surinvestissement de la fonction sphinctérienne par les parents est fréquent : mise sur le pot intempestive et précoce, ritualisation plus ou moins cœrcitive (sur le pot toutes les heures, etc.). Ceci se voit surtout chez des mères obsessionnelles ou phobiques, qui ont besoin d’un cadre éducatif bien délimité, sans respect pour le rythme propre de l’enfant. Ainsi se trouve conflictualisée cette fonction sphinctérienne : angoisse, peur, sentiment de culpabilité ou de honte, opposition vont progressivement accompagner la miction.