8 Trafic vésiculaire et organites membranaires
Golgi, endosomes, lysosomes
I Trafic membranaire
A Organisation générale du trafic
Le trafic membranaire concerne la plupart des organites à l’exception notable des mitochondries. Il assure la formation, le transport et l’adressage de membranes sous forme de vésicules provenant du bourgeonnement de la membrane d’un organite donneur. Après fusion de la membrane vésiculaire avec celle d’un organite accepteur, le contenu vésiculaire est délivré dans la lumière de ce dernier.
Les principaux organites subcellulaires sont organisés en voies de trafic : ainsi le transport du RE vers le Golgi puis du Golgi vers la membrane plasmique (MP) constitue la voie de sécrétion. Son fonctionnement dans ce sens est qualifié d’antérograde. Chaque voie de trafic fonctionne aussi dans le sens rétrograde qui permet de recycler les constituants de la machinerie de trafic. Le trafic entrant de la MP vers les endosomes est la voie d’endocytose. Les endosomes communiquent avec les lysosomes qui sont des organites spécialisés dans la dégradation de constituants cellulaires. Il existe aussi une voie de communication entre Golgi et endosomes qui permet d’assurer l’adressage des constituants aux lysosomes.
B Notion de protéine G
Les protéines G sont capables de lier le GDP ou le GTP. Selon le nucléotide lié, elles changent de conformation et fonctionnent comme des interrupteurs moléculaires, basculant d’une forme GDP « inactive » à une forme GTP « active » et inversement. Les protéines G sont des GTPases capables d’hydrolyser le GTP en GDP + Pi. Cette fonction nécessite cependant la présence d’une protéine activatrice GAP (GTPase activating protein). Dans l’autre sens, chasser le GDP et le remplacer par un GTP est un échange nucléotidique qui nécessite une protéine GEF (GTP exchange factor).
C Machinerie moléculaire d’une étape de trafic
Les principes de fonctionnement d’une voie de trafic vésiculaire sont identiques d’une voie à l’autre (fig. 8.1).
1 Tri, bourgeonnement et fission
L’initiation de la formation d’une vésicule membranaire nécessite le recrutement d’une petite protéine G de type ARF. Ces protéines G possèdent une courte chaîne lipidique (queue myristoyle N-terminale) qui permet leur ancrage membranaire, uniquement sous forme GTP. Le recrutement d’ARF à la face cytosolique d’un compartiment donneur nécessite donc l’échange du GDP lié contre un GTP. Cette opération est catalysée par une GEF spécifique présente à la membrane du compartiment donneur.
La localisation membranaire d’ARF stimule le recrutement de complexes protéiques cytosoliques préassemblés qui formeront le manteau vésiculaire. Ces complexes interagissent avec ARF et avec des protéines transmembranaires résidentes oligomérisées qui recrutent et trient les protéines luminales à exporter. La polymérisation des complexes de manteau provoque la courbure de la membrane et la formation du bourgeon vésiculaire. Le bourgeon se détache ensuite de la membrane du compartiment donneur grâce à la dynamine. Il s’agit d’une GTPase qui s’assemble en spirale à la base du bourgeon. Quand elle hydrolyse le GTP, la dynamine change de conformation en resserrant le diamètre de la spirale et en l’étirant en longueur. Cette double action mécanique permet la fission vésiculaire et libère une vésicule mantelée.
2 Perte du manteau, attachement et fusion
Le manteau vésiculaire est ensuite éliminé pour permettre à la vésicule d’interagir avec son compartiment cible. Cette perte résulte de l’hydrolyse du GTP par ARF et de son détachement de la membrane vésiculaire. Cette hydrolyse nécessite l’intervention d’une GAP spécifique (ARF-GAP) recrutée sur la vésicule lors de sa formation.
Les vésicules nues obtenues sont ensuite adressées vers leur compartiment accepteur. Là, dans une première phase d’accostage ou d’attachement, elles s’immobilisent à proximité immédiate de l’accepteur. Cet accostage met en jeu des protéines vésiculaires et des protéines de la membrane du compartiment accepteur qui interagissent spécifiquement à relativement grande distance par rapport aux interactions mises en jeu ultérieurement par le système de fusion. Ce dernier implique les protéines SNARE vésiculaires (v-SNARE ; v pour vesicle) et associées au compartiment cible (t-SNARE ; t pour target). L’interaction spécifique d’une v-SNARE avec trois t-SNARE forme un complexe de fusion à très courte distance. La mise en place de plusieurs complexes de ce type assemblés en double entonnoir inversé met en contact de petites régions des membranes de la vésicule et de la cible ce qui favorise le réarrangement des phospholipides membranaires nécessaire à la fusion. La continuité entre la membrane acceptrice et la membrane vésiculaire permet de délivrer le contenu vésiculaire dans la lumière de l’organite cible. La fusion vésiculaire mettant en jeu des interactions moléculaires fortes à très courte distance, les liaisons entre v-SNARE et t-SNARE ne se rompent pas spontanément. Cette rupture, qui permet par ailleurs le recyclage des v-SNARE dans une étape de trafic rétrograde vers le compartiment donneur, est catalysée par une ATPase (la protéine NSF) qui se lie aux SNARE par une protéine adaptatrice SNAP.
3 Spécificité d’une étape de trafic
La cellule doit distinguer de façon fiable quelles vésicules sont destinées à quel compartiment accepteur. Pour cela, elle utilise une combinatoire moléculaire qui lui permet d’assurer la spécificité du trafic. Cette combinatoire repose sur l’utilisation à chaque étape du trafic d’un répertoire limité de protéines impliquées. Ainsi, elle dispose de moins d’une dizaine d’ARF ou apparentées (ARF1 à 6 et la protéine Sar1), des GEF et des GAP correspondantes, de trois grandes classes de protéines de manteau (clathrine, COP-I et COP-II ; COP = coat-protein), d’un répertoire plus riche de protéines d’accostage, de v-SNARE et de t-SNARE.
• le trafic antérograde du RER vers le Golgi implique Sar1 et les complexes de manteau COP-II ;
• le trafic rétrograde dans cette voie, tout comme le trafic intragolgien, implique ARF1 et les complexes de manteau COP-I ;
• les trafics intragolgiens antérograde et rétrograde utilisent des jeux de protéines d’accostage différentes ;
• certaines voies de trafic sortant du Golgi vers la membrane plasmique ou vers les endosomes impliquent des protéines G ARF1 et la clathrine. L’endocytose de la MP vers les endosomes implique, quant à elle, ARF6 et clathrine.