Chapitre 8
Lésions de la base et de la voûte
INTRODUCTION
La voûte crânienne est composée d’os pairs (pariétal, temporal) et impairs (frontal, occipital). Chez le nourrisson, ces os sont incomplètement soudés. Les déhiscences sont les fontanelles antérieure (bregmatique), entre frontal et pariétaux, et postérieure (lambdatique), entre pariétaux et occipital. L’ossification des fontanelles est responsable de la formation des sutures coronales en avant, lambdoïde en arrière et sagittale entre les deux pariétaux. On distingue également la suture métopique, frontale médiane, fermée vers 3 ans, et les sutures temporopariétales.
La base du crâne est divisée en :
étage antérieur, entre portion verticale du frontal et bord postérieur des petites ailes du sphénoïde ;
étage moyen, en arrière de l’antérieur jusqu’au bord supérieur des rochers et la lame quadrilatère du sphénoïde ;
étage postérieur (ou fosse postérieure), en arrière du moyen jusqu’aux gouttières des sinus latéraux.
Des orifices dans cette base du crâne font communiquer les régions endo- et extracrâniennes.
Nous proposons de diviser ce chapitre en deux parties :
la première traite des lésions transosseuses, intracrâniennes à extension extracrânienne ou extracrâniennes à extension intracrânienne que nous séparerons en lésions de l’étage antérieur, moyen et postérieur et lésions du scalp étendues à la voûte. Le point de départ de ces lésions est l’épicentre de la lésion. Elles vont s’étendre vers le haut ou le bas, en franchissant l’os soit en le détruisant soit en élargissant des foramens anatomiques ;
la seconde détaille les lésions à point de départ osseux, qui le plus souvent n’ont pas de siège spécifique.
LÉSIONS TRANSOSSEUSES DE LA BASE
ÉTAGE ANTÉRIEUR
Les tumeurs les plus fréquentes sont les lésions malignes nasosinusiennes, les méningiomes olfactifs et les métastases.
Lésions extracrâniennes à extension endocrânienne
Caractéristiques générales
Lorsqu’il s’agit d’une tumeur, elle est en général en hypo- ou isosignal T1 et T2, ce qui la distingue de l’hypersignal T2 franc des zones de rétention. Elle comble une partie des cavités sinusiennes et prend le contraste de manière variable. Les signes en faveur du franchissement osseux sont la perte de visibilité de l’hyposignal T2 de l’os et son remplacement par la lésion. L’atteinte méningée se traduit par une perte de la visibilité de l’hyposignal de la méninge en T2, la prise de contraste exagérée de celle-ci en T1 après injection, et l’œdème du parenchyme adjacent (hypersignal T2 et FLAIR) lié à la réaction inflammatoire de contact.
Certains critères orientent vers une étiologie particulière
Chez un travailleur du bois, la survenue d’une lésion ethmoïdale étendue à l’étage antérieur, agressive, fait évoquer avant tout un adénocarcinome ethmoïdal (fig. 8.1).
Fig. 8.1 Adénocarcinome de l’ethmoïde avec extension intracrânienne () en hypersignal T2 (A) prenant le contraste (B).
Un terrain allergique, avec la notion de sinusite chronique, fait évoquer une polypose agressive. L’atteinte est généralement globale et inclut les fosses nasales (fig. 8.2).
Chez un patient immunodéprimé (corticoïdes au long cours, diabétique), une atteinte très destructrice, rapidement évolutive, en hyposignal T2 marqué doit faire rechercher une infection fungique, en particulier une aspergillose et une mucormycose.
Chez l’enfant, la première étiologie des lésions du massif facial à extension intracrânienne est le rhabdomyosarcome. Cette tumeur très agressive est iso-intense en T1, volontiers hyperintense en T2. La prise de contraste de la méninge et des nerfs crâniens signe son extension leptoméningée.
Une prise de contraste des nerfs crâniens, associée à une lésion tissulaire destructrice du massif facial, homogène, en relatif hyposignal T2, prenant le contraste de façon homogène, fait évoquer un lymphome. Il est en hypersignal sur le B1000 de la diffusion, avec un ADC bas, ce qui signe son caractère très cellulaire (voir plus loin fig. 8.8).
Une destruction centrée sur les fosses nasales, avec une lésion médiofaciale, est en faveur d’une mycose agressive, d’un lymphome T, d’une granulomatose de type Wegener ou d’une sarcoïdose.
Une lésion à point de départ ethmoïdal détruisant les gouttières olfactives avec une extension médiane et paramédiane est souvent un esthésioneuroblastome, qui touche en particulier l’adulte entre 40 et 60 ans.
Une lésion d’allure liquidienne développée dans une cavité sinusienne est une mucocèle, souvent post-traumatique (fig. 8.3). Le signal de cette collection rétentionnelle, riche en protides, est particulier (hypo- ou hypersignal T2, hypersignal T1). Elle souffle les parois du sinus dans lequel elle se développe, en général le sinus frontal. Elle est polylobée, le plus souvent bien limitée.
Une liste des étiologies les plus fréquemment retrouvées est présentée ci-dessous.
Lésions intracrâniennes à extension extracrânienne
Le méningiome olfactif est la lésion la plus fréquente (fig. 8.4). La prise de contraste intense de la tumeur et de la méninge adjacente, et la réaction osseuse associée (pneumosinus dilatans, condensation) sont très évocatrices.
Fig. 8.4 Méningiome olfactif envahissant le sphénoïde (A et B ). Rétention hyperprotidique (A ). Prise de contraste (B ).
Une extension vers les parties molles est observée dans d’autres localisations méningiomateuses très invasives (fig. 8.5).
Fig. 8.5 Méningiome récidivant envahissant les parties molles (A et B ). Prise de contraste méningée (A ).
Les anomalies de fermeture médiane sont beaucoup plus rares. Le défect osseux médian antérieur est comblé soit par une encéphalocèle (apophyse crista galli normale, ancien gliome nasal) (fig. 8.6 et fig. 3.51), soit par un kyste dermoïde (apophyse crista galli présentant une fente).
Exceptionnellement, certaines tumeurs intraparenchymateuses (gangliogliome, tumeur gliale de haut grade) peuvent envahir la méninge et la base.
ÉTAGE MOYEN
Comme pour l’étage antérieur, la lésion va naître soit dans le massif facial, soit dans l’endocrâne. Elle peut détruire l’os en élargissant un foramen préexistant (fissure orbitaire supérieure par exemple), ou en créant une brèche osseuse de novo.
Lésions extracrâniennes à extension endocrânienne
Lésion d’origine orbitaire
Cette lésion se propage rapidement à l’étage moyen en passant par la fissure orbitaire supérieure et va envahir préférentiellement le sinus caverneux. Les causes les plus fréquentes sont les lésions inflammatoires et infectieuses et les lymphomes.
Lésion d’origine rhinopharyngée
C’est le plus souvent un UCNT (carcinome indifférencié), surtout si le patient est maghrébin ou asiatique, parfois un lymphome (fig. 8.7), ou un esthésioneuroblastome (fig. 8.8). L’éventuelle extension endocrânienne, qui modifie le traitement et le pronostic, est à bien préciser. Elle se fait soit vers le sinus caverneux et l’étage moyen par le foramen déchiré (ou plus rarement ovale), soit directement par envahissement du corps du sphénoïde. Elle peut également se faire vers la fosse postérieure, par voie transclivale. Dans les deux cas, les premiers signes cliniques peuvent être des troubles oculomoteurs. Le bilan d’imagerie comprendra toujours une étude associée des aires ganglionnaires cervicales, notamment spinales.
Fig. 8.7 Lymphome du cavum () étendu à la fosse nasale, l’orbite et la base du crâne (A), ADC bas (B).
Le fibrome nasopharyngien, né près du foramen sphénopalatin, est révélé par des épistaxis à répétition chez le jeune adolescent. La lésion prend le contraste de façon intense, peut s’étendre au massif facial adjacent, à l’endocrâne, en particulier à la fosse ptérygopalatine, qui est alors comblée et perd son hypersignal graisseux. Il nécessite un traitement endovasculaire.
Lésion du sinus sphénoïdal
Il s’agit le plus souvent d’un granulome (fig. 8.9) ou d’une infection agressive, en particulier fungique (aspergillose, mucormycose). Les filaments aspergillaires sont responsables de zones d’hyposignal T2 et d’une baisse de l’ADC. Il peut s’agir plus rarement d’une tumeur (métastase ou lésion sinusienne primitive).
Lésions intracrâniennes à extension extracrânienne
Lésion originaire de la région sellaire
Il s’agit le plus souvent d’un macro-adénome hypophysaire, qui va s’étendre au sinus sphénoïdal sous-jacent en détruisant le plancher sellaire, parfois au clivus et la base des sinus caverneux (fig. 8.10). Les plus agressifs sont les adénomes à GH (growth hormone ou hormone de croissance). Les craniopharyngiomes, les gliomes du chiasma peuvent également détruire la base (voir fig. 6.19 et 7.110).