8. Les hallucinogènes

Chapitre 8. Les hallucinogènes


heureusement la visite du plus grand magasin de médicament au monde était derrière nous […]. J’avais retrouvé cet état d’esprit rassurant mais profondément frustrant qu’on appelle « lucidité ».

Aldous Huxley

Imagine-toi dans une barque sur une rivière

Avec des mandariniers et des ciels couleur marmelade.

Quelqu’un t’appelle, tu réponds lentement

Une fille aux yeux kaléidoscopiques.

John Lennon

Branche-toi, allume-toi et flippe.

Timothy Leary


Les hallucinogènes sont des substances chimiques qui entraînent à faibles doses une modification de la perception, de la pensée ou de l’humeur, tout en maintenant la vigilance, l’attention, la mémoire et l’orientation. Ilsproduisent des distorsions et des hallucinations auditives, visuelles et tactiles – c’est-à-dire une expérience semblable au rêve – chez les sujets éveillés [1]. Également connus sous le nom de « drogues psychédéliques » (« qui révèlent l’esprit »), la plupart de ces agents sont des dérivés de l’ergot de seigle comportant un noyau indole (comme le diéthylamide de l’acide lysergique [LSD]), des indolealkylamines (comme la psilocybine) ou des phénylalkylamines (comme la mescaline) [tableau 8.1]. Le cannabis, les anticholinergiques, les bromures, la phencyclidine, la cocaïne et l’amphétamine produisent des états confusionnels, un délire ou une psychose à des doses hallucinogènes, mais ne sont pas classés comme étant des agents hallucinogènes.














Tableau 8.1 Composés hallucinogènes
Dérivés d’ergot
Diéthylamide de l’acide d-lysergique (LSD) Indolealkylamines
Psilocybine
Psilocine
N,N-diméthyltryptamine (DMT)
N,N-diéthyltryptamine (DET)
Phénylalkylamines
Mescaline
2,4-diméthoxy-4-méthylamphétamine (DOM)
4-bromo-2,5-diméthoxyamphétamine (DOB)
2,5-diméthoxy-4-éthylamphétamine (DOET)
3-méthoxy-4,5-méthylènedioxyamphétamine (MMDA)
3,4-méthylènedioxyamphétamine (MDA, voir le chapitre 4)
3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA, voir le chapitre 4)
3,4-méthylènedioxyéthamphétamine (MDEA, voir le chapitre 4)


Pharmacologie et études chez l’animal


L’étude des hallucinogènes pose des problèmes particuliers. La classification du LSD dans l’annexe I du Controlled Substance Act limite la recherche clinique [2], et les études chez l’animal, qui requièrent de toute évidence d’autres critères que la modification de la perception, ne sont pas facilement extrapolées au ressenti humain. Le LSD, la mescaline ou la psilocybine ont provoqué une hyperactivité chez le rat, des états catatoniques chez le pigeon et les salamandres, une agitation chez le poisson, des comportements agressifs chez la fourmi, une organisation désordonnée de la toile de l’araignée, des déplacements sans but chez le ver de terre, la perte d’adhérence chez l’escargot et même un état de mal épileptique chez un éléphant [3., 4., 5., 6., 7. and 8.].

Comme nous l’avons vu, les hallucinogènes « classiques » peuvent avoir l’une ou l’autre des structures suivantes : structure de type phénylalkylamine semblable à celle des amphétamines, ou structure contenant un cycle indolique comme la sérotonine. Les phénylalkylamines sont divisées en deux catégories, les phényléthylamines (exemple : mescaline) et les phénylisopropylamines (exemple : 2,4-diméthoxy-4-méthylamphétamine [DOM]). Les indolealkylamines sont divisées en quatre catégories, les tryptamines avec substitution sur N (exemple : psilocybine), les α-alkyltryptamines (exemple : 5-méthoxy-α-méthyltryptamine), les ergolines (exemple : LSD) et les β-carbolines (exemple : harmaline) [9]. Ces agents ont en commun deux propriétés fondamentales. Tout d’abord, les animaux entraînés à distinguer n’importe lequel d’entre eux par rapport à du sérum physiologique seront capables de généraliser à tous les autres (toutefois, il n’est pas toujours possible de substituer totalement un agent pour un autre, et dans le cas des β-carbolines, cela semble suffisamment peu pertinent pour que certains chercheurs doutent du bien-fondé de leur classification parmi les hallucinogènes classiques [10]). Ensuite, ces agents se lient tous aux récepteurs sérotoninergiques 5HT 2. Les hallucinogènes du type phénylalkylamine ont uniquement une forte affinité pour les récepteurs 5HT 2. Les indolealkylamines, en revanche, se lient à de multiples populations de récepteurs 5HT, et le LSD se lie aux récepteurs dopaminergiques D 1 et D 2 ainsi qu’aux récepteurs α2-adrénergiques [11., 12. and 13.]. Les hallucinogènes phénylalkylamines et indolealkylamines se lient aux trois sous-populations de récepteur 5HT 2 (5HT 2A, 5HT 2B, 5HT 2C). Des études portant sur des antagonistes de récepteurs spécifiques indiquent que la distinction des stimulus et les autres effets des hallucinogènes sont médiés par les récepteurs 5HT 2 [14, 15]. Ces études suggèrent en outre que l’activité agoniste 5HT 2A est nécessaire mais pas suffisante pour faire apparaître les hallucinations chez l’être humain, car les composés tels que le lisuride sont de puissants agonistes 5HT 2A et reproduisent les effets du LSD chez l’animal mais n’induisent pas d’hallucinations chez l’être humain [16].

Des études structure-activité ont identifié un continuum comportemental parmi les hallucinogènes du type des phénylalkylamines et d’autres composés qui possèdent le même squelette chimique que l’amphétamine. D’un côté se trouvent les psychostimulants, comme l’amphétamine, qui exercent principalement leur action via des mécanismes dopaminergiques. De l’autre se trouvent les hallucinogènes, comme la mescaline ou la DOM, qui agissent par des voies sérotoninergiques. Les animaux entraînés à faire la distinction entre l’amphétamine et du sérum physiologique ne généralisent pas à la DOM, et inversement. Au milieu du continuum se trouvent des drogues à la fois stimulantes et hallucinogènes, comme la 3,4-méthylènedioxyamphétamine (MDA). Les animaux entraînés pour faire la distinction entre la MDA et du sérum physiologique généralisent à l’amphétamine et à la DOM (voir le chapitre 4) [17, 18].

Les récepteurs 5HT 2 sont couplés à la protéine G et augmentent la signalisation intracellulaire par le phosphatidylinositol [19]. Les effets comportementaux du LSD, comme ceux de l’amphétamine et de la cocaïne, dépendent de la DARPP-32 (phosphoprotéine 32 régulée par la dopamine et l’adénosine 3′,5′-monophosphate cyclique [AMPc] ; voir le chapitre 2), bien que le LSD et les psychostimulants touchent différents sites de phosphorylation sur la DARPP-32 ( dopamine- and cyclic AMP-regulated phosphoprotein-32) [19a]. Les récepteurs 5HT 2 altèrent la neurotransmission GABAergique (acide γ-aminobutyrique) et glutamatergique. Des études ont montré l’existence d’une augmentation des potentiels excitateurs postsynaptiques glutamatergiques dans les dendrites apicales des cellules pyramidales de la couche corticale V médiée par le récepteur 5HT 2A [20], et les agonistes du récepteur 5HT 2A préviennent la neurotoxicité induite par les antagonistes du N-méthyl-D-aspartate (NMDA) comme la phencyclidine (PCP) [21]. D’un autre côté, la psilocybine et la psilocine (de même que la sérotonine) ont supprimé la transmission glutamatergique dans les neurones pyramidaux CA 1 hippocampiques du rat [22]. Encore chez le rat, les interneurones GABAergiques de la couche III du cortex piriforme sont excités via les récepteurs 5HT 2A par la sérotonine, le LSD et le 1-(2,5-diméthoxy-4-iodophényl)-2-aminopropane (DOI) un hallucinogène du type phényléthylamine ; de fortes doses de LSD et de DOI ont bloqué l’excitation de ces interneurones par les récepteurs 5HT, indiquant un agonisme partiel [23]. Une hypothèse a été avancée : le LSD, la DOM et le DOI bloqueraient les effets neurotoxiques et comportementaux des antagonistes du NMDA en activant les récepteurs inhibiteurs 5HT 2A sur les interneurones GABAergiques qui inhibent habituellement les projections glutamatergiques dans le cortex cingulaire [24]. Chez le rat, l’administration de LSD entraîne une augmentation assez importante de l’immunoréactivité fos-like (un gène précoce, indiquant une activation neuronale) dans le cortex frontal médian, le cortex cingulaire antérieur et le noyau central de l’amygdale [25]. Il est apparu de façon tout à fait inattendue que l’expression du gène c-fos dans le noyau accumbens était beaucoup plus importante après l’administration de LSD que de cocaïne ou de morphine, drogues dont le potentiel addictif est considérablement plus grand [26]. Chez le lapin, le LSD augmente le conditionnement classique, un effet bloqué par un antagoniste sélectif du récepteur 5HT 2A/5HT 2C [27].

L’action sur la rétine et le cortex visuel pourrait contribuer aux hallucinations induites par le LSD et la mescaline. Chez le rat, l’administration systémique de LSD ou de mescaline supprime le composant principal du potentiel évoqué cortical par flash ( flash-evoked potential [FEP]), ce qui concorde avec la diminution de la conduction par le système rétino-géniculo-cortical, et cette suppression est bloquée par les antagonistes du récepteur de la sérotonine, la cyproheptadine et le méthysergide. Le LSD ou la mescaline intraoculaires atténuent également le FEP, et l’atropine locale ou intraoculaire antagonise les effets de la mescaline systémique sur le FEP [28]. Selon un autre point de vue, les drogues hallucinogènes « perturbent l’ouverture du système thalamocortical pour propager les informations externes et internes vers le cortex », entraînant « une inondation d’informations entraînant une fragmentation perceptive et une psychose » [29].

Les animaux ne s’autoadministrent pas le LSD, la mescaline ou la psilocybine [30, 31]. Le LSD produit une préférence de place conditionnée, mais uniquement à très fortes doses [32]. Les animaux développent rapidement une tolérance envers ces substances et les autres hallucinogènes, avec l’établissement d’une tolérance croisée entre le LSD, les phénylalkylamines et les indolealkylamines, mais aucun signe de sevrage n’est observé [33].


Contexte historique et épidémiologie


Sur plus de 700 000 espèces de plantes que compte notre planète, près de 100 ont été identifiées comme hallucinogènes (tableau 8.2), et l’ingestion intentionnelle ou accidentelle par l’être humain remonte aux tous débuts de l’histoire connue [1]. L’ergot de seigle (espèce Claviceps), un champignon parasite des céréales, et en particulier du seigle, contient une grande quantité d’alcaloïdes ergot pharmacologiquement actifs, notamment l’isoergine (amide de l’acide lysergique), un hallucinogène environ dix fois moins puissant que le LSD. Les alcaloïdes hallucinogènes de l’ergot pourraient être à l’origine des « mystères d’Éleusis » de la Grèce antique, au cours desquels les initiés cherchaient à apercevoir l’au-delà [34] (Eschyle, Sophocle, Platon et Aristote ont été initiés à ce culte). D’autres ergots similaires de plantes – l’ ololiuqui des convolvulacées ( Rivea corymbosa, proche de l’ipomée « gloire du matin ») – étaient utilisés à des fins religieuses par les Aztèques, de même que le teonanacatl (espèce Psilocybe), un champignon contenant de l’indoleamine [35, 36]. Certains pensent que c’est l’exposition à l’extase induite par des champignons qui a conduit l’humanité à créer les religions au néolithique [37].




















































Tableau 8.2 Diverses plantes hallucinogènes
Cactus peyote ( Lophophora williamsii) Mescaline
Champignon Psilocybe Psilocybine, psilocine
Champignon Panaeolus Psilocybine, psilocine
Champignon Gymnopilus Psilocybine, psilocine
Champignon Amanita muscaria Acide iboténique
Gloire du matin (espèce Ipomea) Amide de l’acide d-lysergique
Ololiuqui ( Rivea corymbosa) Amide de l’acide d-lysergique
Noix de muscade ( Myristica fragans) Myristicine, élémicine
Pervenche ( Catharanthus roseus) Alcaloïdes indolés
Herbe à chat ( Nepeta cataria) Népétalactone
Yohimbe ( Corynanthe yohimbe) Yohimbine (voir au chapitre 4)
Genévrier ( Juniperus macropoda) Inconnu
Kava ( Piper methysticum) Inconnu
Passiflore ( Passiflora caerulea) Alcaloïdes de type harmine
Virola ( Virola calophylla) Indolealkylamines
Iboga ( Tabernanthe iboga) Ibogaïne

Dans l’Europe médiévale (et en 1951 en France), l’ingestion accidentelle du parasite du seigle Claviceps purpurea a entraîné des épidémies d’ergotisme gangréneux et convulsif accompagné d’hallucinations (« feu de saint Antoine ») [38]. Des empoisonnements similaires pourraient expliquer les épisodes de « sorcellerie » tout au long du Moyen Âge et en 1692, à Salem, dans l’État américain du Massachusetts. Le drame de Salem, au cours duquel au moins 20 innocents furent torturés ou pendus, voit son origine dans l’apparition soudaine au sein de la communauté d’un comportement étrange, caractérisé notamment par des hallucinations terrifiantes [39].

Pendant des millénaires, les Indiens du Mexique et du sud-ouest des États-Unis ont utilisé les cactus peyote ( Lophophora williamsii) et San Pedro ( Trichocercus pacanoi) pour provoquer des visions lors des cérémonies religieuses [39a]. Le composant psychoactif est la mescaline (3,4,5-trihydroxyphényléthylamine), qui tire son nom des Apaches Mescalaro et qui est présente en quantité nettement supérieure dans le peyote, alors que le cactus San Pedro est beaucoup plus facile à trouver [40, 41]. Pour bénéficier des effets de la mescaline, le peyote se mange cru, ou l’on sèche les « boutons » du cactus, qui sont ensuite réduits en poudre puis consommés par voie orale (ou par des lavements). S. Weir Mitchell et Havelock Ellis étaient deux consommateurs célèbres de mescaline au xix e siècle. Ils ont tous deux décrit leur expérience de façon très enthousiaste.


Ellis : « Je voyais des champs de joyaux épais et glorieux, solitaires ou formant des amas, parfois brillants et étincelants, parfois avec une lueur pâle et riche. Ils prenaient alors des formes de fleurs, puis semblaient se transformer en papillons magnifiques ou en champs infinis d’ailes iridescentes d’insectes merveilleux aux reflets dorés » [44].

Ces descriptions ont conduit à la publication d’un éditorial dans le British Medical Journal déclarant « … qu’un tel éloge à l’égard d’une drogue quelle qu’elle soit est un danger pour le public » [45]. Le peyote est toujours utilisé aujourd’hui aux États-Unis par les membres de la Native American Church comme sacrement [46], et des utilisateurs moins orthodoxes l’ont recommandé pour atteindre la transcendance de soi et obtenir des révélations cosmiques [47] (une description moins extravagante de la consommation de mescaline, rédigée par un professeur de religions et d’éthiques orientales, évoque une « transcendance dans un monde d’absurde insignifiance » [48]).

Les indiens du Mexique ont consommé des champignons hallucinogènes au cours de rites religieux, principalement le Psilocybe mexicana et d’autres espèces de Psilocybe, qui contiennent les indoles psilocybine (4-phosphoryl- N, N-diméthyltryptamine) et psilocine (4-hydroxy- N,N-diméthyltryptamine) [46]. Des indigènes de la Sibérie et du Nord-Ouest du Canada ont utilisé le champignon Amanita muscaria (amanite tue-mouches) dans leurs pratiques chamaniques ; les composants actifs du champignon sont l’acide iboténique – un agoniste des récepteurs au glutamate – et son métabolite, le muscimol – un agoniste GABAergique [36]. Il existe des éléments qui prouvent qu’ Amanita muscaria est à l’origine des cultes de la divinité Rigveda Soma et du dieu grec Dionysos (jusqu’à ce que la séparation d’avec la source de production du champignon au nord du pays le remplace par le raisin fermenté, produit au sud) [49].

Des Indiens des bassins des fleuves Orinoco et Amazone inhalent plusieurs types de plantes pour provoquer l’apparition d’hallucinations, notamment les graines d’ Anadenanthera, qui contiennent du N,N-diméthyltryptamine (DMT), et l’écorce de Virola, qui contient du 5-méthoxy- N,N-diméthyltryptamine [1, 50]. Les graines de Peganum harmala, qui contiennent de l’harmine et de l’harmaline, des β-carbolines, sont mâchées en Inde pour leurs effets toxiques ; ces deux composés hallucinogènes se trouvent également dans la liane Banisteriopsis caapi, utilisée dans des boissons psychotropes et inhalée par les Indiens d’Amazonie [46, 51]. Une boisson connue sous le nom de ayahuasca au Brésil, yaje en Colombie et natem en Équateur est préparée à partir du pédoncule de Banisteriopsis et des feuilles de Psychotria viridis ou Diplopterys cabrerana, qui contiennent du DMT. Celui-ci n’exerce aucune action psychologique lorsqu’il est ingéré en raison de son métabolisme par la monoamine oxydase (MAO), mais l’harmine et l’harmaline inhibent la MAO, permettant au DMT d’accéder au système nerveux central [52]. Les indigènes d’Afrique de l’Ouest mâchent la racine du Tabernanthe iboga, un arbuste contenant de l’ibogaïne, une substance hallucinogène, et l’écorce de Corynanthe yohimbe, qui contient de la yohimbine (voir le chapitre 4) [46]. Il existe d’autres agents hallucinogènes naturels : le népélactone qui se trouve dans Nepeta cataria (« herbe à chat »), l’amide de l’acide d-lysergique dans plusieurs espèces de « gloire du matin » ( Ipomoea violacea) ou de convolvulacées ( Rivea corymbosa), et la myristicine dans les graines de Myristica fragans (noix de muscade) [46, 53].

L’acide lysergique, le noyau des alcaloïdes psychoactifs de l’ergot, n’est pas hallucinogène, mais en 1943 fut découvert un dérivé semisynthétique, le diéthylamide de l’acide d-lysergique (LSD), produisant des symptômes mentaux étonnants (figure 8.1). Albert Hofmann, un pharmacien des laboratoires Sandoz de Bâle, travaillait sur le LSD lorsqu’il a fait l’expérience d’hallucinations « kaléidoscopiques ». Il a alors délibérément ingéré 250 µg de LSD et a eu des illusions et des hallucinations grotesques pendant plusieurs heures, accompagnées d’une impression de dépersonnalisation et d’un sentiment de possession démoniaque. Après dissipation de ces symptômes, il s’est senti parfaitement bien et se souvenait de la totalité de son expérience [54].








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Figure 8.1
Diéthylamide de l’acide lysergique (LSD).


Dans les années qui ont suivi, le LSD a été étudié pour servir de modèle potentiel de schizophrénie [55] et d’agent psychothérapeutique [56]. Aucune de ces deux applications n’a été menée à terme, mais la publicité qu’elles ont suscitée a rapidement conduit à l’apparition d’une consommation à des fins récréatives. Appelé « acide », purple haze, purple hearts, window pane et sunshine, il était particulièrement populaire parmi les étudiants américains et, associé à des personnages cultes comme Timothy Leary, il est devenu le symbole de la contre-culture des années soixante. Une loi fédérale a rapidement interdit le LSD et les autres drogues hallucinogènes (en 1978, une loi appelée American Indian Religious Freedom Act a été adoptée aux États-Unis pour permettre l’utilisation du peyote en tant que sacrement, une protection garantie par le premier amendement de la constitution et pourtant retirée en 1990, par une décision de la Cour suprême des États-Unis accordant à chaque État la possibilité d’interdire l’utilisation du peyote à des fins religieuses [57, 58]).

En 1979, 25 % des Américains âgés de 18 à 25 ans avaient consommé des drogues hallucinogènes, ainsi que 13 % des élèves en classe de terminale et 7 % des enfants âgés de 12 à 17 ans [59]. Leur popularité a ensuite décliné, pour remonter de nouveau dans les années quatre-vingt-dix, en Amérique du Nord et en Europe [53., 60., 61., 62. and 63.]. Une enquête réalisée en 1993 auprès de 50 000 adolescents américains a révélé que le LSD avait été consommé par 3,5 % des élèves de quatrième, 6% desélèvesdesecondeet10%desélèves de terminale. Parmi ces derniers, 20 % en avait consommé au cours des 30 derniers jours [62]. Chez les étudiants américains, la consommation de LSD au cours des 30 derniers jours est passé de 1,03 % en 1993 à 1,15 % en 1997 pour redescendre à 0,95 % en 1999 [64]. Le consommateur type est un homme de type caucasien appartenant à la classe moyenne ; il semble que les Noirs américains évitent le LSD. Comme pour le cannabis, les psychostimulants et les opiacés, les schizophrènes sont proportionnellement plus nombreux parmi les consommateurs de LSD que dans le reste de la population [65]. Le LSD, avec la méthamphétamine et la méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA ou « ecstasy »), est un composant populaire des soirées rave en Amérique du Nord et en Europe [53, 66] (l’association de LSD et de MDMA est appelée candy-flipping [67]).

Le LSD, l’une des drogues illégales les moins chères, était vendu dans les années quatre-vingt-dix entre 2 et 3 dollars américains la dose de 20 à 100 µg, une dose suffisante pour produire des effets durant 8 à 12 h [68] (les doses étaient en général plus grandes dans les années soixante). Lorsque l’on dilue 1 g de LSD dans 750 ml d’éthanol, on obtient 10 000 doses [53]. Il est pratiquement toujours consommé par voie orale, sur du papier buvard, un morceau de sucre, un biscuit, du chewing-gum, un timbre-poste ou un petit bloc de gélatine ( windowpane), mais il arrive également qu’un morceau de papier imprégné de LSD soit placé sur la peau ou dans le cul-de-sac conjonctival pour que la drogue puisse être absorbée [69]. Le LSD sous forme d’un liquide ou de comprimés, bien que populaire par le passé, est très rare aujourd’hui [53]. Il est très peu sniffé ou injecté [70]. Aux États-Unis, les noms de rue actuels du LSD sont entre autres : the hawk, yellow dots, « 25 », the beast, the ghost, « acide », blue caps, blue dots, microdots et deeda [69].

Dans les années quatre-vingt et quatrevingt-dix, l’abus de champignons hallucinogènes s’est répandu aux États-Unis et en Europe [71., 72., 73., 74. and 75.]. Dans une enquête réalisée auprès de 1500 étudiants américains en 1985, 15 % d’entre eux avaient abusé des champignons par rapport aux seuls 5 % ayant consommé du LSD [76]. Dans une autre enquête, réalisée en 1986 auprès de lycéens américains, 3,4 % des élèves de cinquième, 5,8 % des élèves de troisième et 8,8 % des élèves de première déclaraient avoir consommé des champignons contenant de la psilocybine [77]. Parmi les adolescents des classes moyennes et supérieures ayant participé en 1988 à un programme de lutte contre l’abus de substances dans l’état de Virginie, 26 % avaient abusé de champignons contenant de la psilocybine [77].

En 1997, une enquête menée auprès de collégiens et de lycéens canadiens a révélé que les seules drogues dont la prévalence avait augmenté au cours des deux années précédentes étaient la mescaline et la psilocybine [78]. En Grande-Bretagne et en Irlande, les champignons consommés de façon toxicomaniaque sont le Psilocybe semilanceata ( liberty cap, qui contient de la psilocybine), l’ Amanita muscaria (amanite tue-mouches, qui contient du muscimol) et le teonanacatl (un champignon mexicain contenant de la mescaline) [79].


Effets aigus



Effets recherchés


Les drogues hallucinogènes produisent trois types d’effets majeurs :




1. perceptifs (distorsions ou hallucinations) ;


2. psychologiques (dépersonnalisation ou modification de l’humeur) ;


3. somatiques (étourdissements, paresthésies ou tremblements).

Quelques minutes après l’ingestion, 0,5 à 3 µg/kg de LSD produisent un étourdissement, une somnolence, une faiblesse, des troubles de la vision, des paresthésies, des frissons, une céphalée, des nausées et de l’euphorie ou de l’anxiété. Deux à trois heures après la prise, les illusions visuelles apparaissent, entre autres une micropsie ou macropsie et une modification de l’image corporelle. L’audition semble plus aiguisée, les images consécutives (palinopsie) persistent plus longtemps, une synesthésie peut également survenir (la stimulation de l’un des cinq sens est perçue par un autre ; par exemple les couleurs sont « entendues »). Parfois, des hallucinations surviennent par la suite, habituellement visuelles. Il s’agit d’abord de formes géométriques très colorées suivies par des images plus précises – des visages, des animaux, des bâtiments ou des paysages,comportantsouventdesdétailsélaborés magnifiques ou grotesques. Le temps subjectif s’allonge. L’environnement familier semble étrange (déréalisation), et le sujet manifeste desmodificationscurieusesdelaconsciencede soi (dépersonnalisation), une hypervigilance ou un retrait autistique. Il est concentré sur ses sentiments intérieurs ou sur l’apparente profondeur de la signification d’objets ordinaires, et semble cataleptique. Des souvenirs qui semblent réels surgissent, et donnent l’impression d’une séquence d’événements survenant à l’envers. L’élation mystique peut alterner avec de l’anxiété ou de la paranoïa. L’intuition est généralement préservée, mais pas systématiquement [80, 81].

Le nombre et la diversité des symptômes sont plus importants lorsque le sujet est seul, surtout dans le noir. Les effets subjectifs durent généralement de 6 à 12 h mais des fragments du syndrome peuvent resurgir pendant plusieurs heures supplémentaires, par « vagues » dont la durée et l’intensité diminuent progressivement [82].

Les symptômes subjectifs sont accompagnés ou précédés d’hyperréflexie, fièvre, ataxie, tremblements, dilatation pupillaire (avec préservation du réflexe photomoteur), élévation de la pression artérielle, tachycardie et horripilation [83, 84]. Les modifications électroencéphalographiques consistent en une légère élévation de la fréquence a et une faible diminution de la « quantité » du rythme a [85]. L’insomnie initiale est suivie par le sommeil, caractérisé par une augmentation de la phase de mouvements oculaires (sommeil paradoxal) disproportionnée par rapport à la privation de sommeil [86].

Les symptômes et les signes sont liés à la dose entre 1 et 16 µg/kg ; un prétraitement par réserpine augmente et prolonge la réponse au LSD [70, 80]. La tolérance aux effets sur la pupille et aux effets psychiques s’installe rapidement, et il existe une tolérance croisée avec la mescaline et la psilocybine, mais pas avec l’amphétamine ni le δ-9-tétrahydrocannabinol [70, 87., 88., 89. and 90.]. L’utilisation chronique, qui même chez les gros consommateurs est rarement de plus d’une prise par semaine, n’entraîne aucun symptôme de sevrage [85, 91].

Le LSD et son principal métabolite, le 2-oxy-LSD, sont excrétés dans l’urine 12 à 36 h après la consommation, mais la plupart des hôpitaux ne pratiquent pas le dépistage du LSD (ou d’autres hallucinogènes classiques) de routine [53].


Effets indésirables


Les réactions indésirables ( bad trips) sont une dépression intense, une réaction paranoïaque caractérisée ou la panique. Elles peuvent survenir avec des doses de LSD aussi faibles que 25 µg et chez des consommateurs n’ayant jusqu’alors eu que de bonnes expériences, des good trips, et peuvent conduire à l’homicide ou au suicide [53, 91., 92., 93. and 94.]. Il y a un risque de lésions oculaires par arrachage de son propre œil ou de brûlures de la rétine après avoir fixé le soleil [95, 96]. De tels symptômes disparaissent en général en moins de 24 h et peuvent être pris en charge par un accompagnement par la parole le temps que le patient « redescende » ; si le patient est ingérable, les benzodiazépines sont préférables aux phénothiazines, qui peuvent entraîner des réactions paradoxales [80, 97., 98., 99. and 100.]. Une dépression, une paranoïa ou une psychose prolongées sont parfois observées, mais on ignore si le LSD en est l’origine ou s’il a aggravé un trouble mental préexistant [100., 101., 102., 103. and 104.]. Un rapport d’observation décrit une catatonie survenue 2japrèsl’ingestiondeLSDetquis’estaméliorée de façon « surprenante » plusieurs jours plus tard consécutivement à une séance unique d’électrochocs [104a]. Toutefois, des réactions indésirables longues ont été observées chez des individus apparemment normaux, et bien que des rapports révèlent que le LSD a causé chez des patients schizophrènes des hallucinoses touchant plusieurs sens [105], la plupart des schizophrènes ne sont pas plus sensibles que le reste de la population aux effets psychotomimétiques du LSD [70, 106].

Les flash-back, de nature différente, consistent en la récurrence spontanée de symptômes induits par le LSD en l’absence d’une consommation de LSD [80, 107]. Selon les rapports qui mentionnent ce phénomène, sa fréquence est comprise entre 15 % et 77 % et augmente au fur et à mesure que les expositions au LSD se répètent, mais des flash-back peuvent survenir après une seule exposition [91, 100, 108, 109]. Les facteurs déclencheurs incluent la pénombre, le cannabis, la fatigue, l’anxiété, l’éthanol, l’amphétamine et la volonté délibérée de le déclencher [110]. Les symptômes peuvent durer seulement quelques secondes et être de nature perceptive ou émotionnelle. Les phénomènes visuels sont une augmentation de l’imagination, une polyopie, une palinopsie, des distorsions de la perception, des illusions de mouvement, des « traînées lumineuses » (similaires aux sources de lumière en mouvement dans un environnement sombre, qui laissent de longues traînées lumineuses sur une photographie à pose longue), des « mouvements disjoints » (comme avec une lumière stroboscopique) et des hallucinations représentant des formes géométriques ou des objets [110., 111. and 112.]. Les flash-back répondent généralement aux sédatifs et leur durée, leur intensité et leur fréquence diminuent au fur et à mesure des mois ou des années [100]. Ils peuvent être exacerbés par la chlorpromazine [97, 110].

À très fortes doses, le LSD provoque une hypertension, une dépression respiratoire, un comaetdesconvulsions[69, 113, 114].L’hyperactivité qui survient suite à la consommation de hautes doses de LSD peut entraîner une hyperthermie sévère [115, 116]. Un patient violent maintenu par une camisole a été victime d’une augmentation de la température jusqu’à 41,6 °C, d’une hypotension, d’une rhabdomyolyse et d’une insuffisance rénale fatale [117]. Chez les animaux, le LSD provoque une hyperthermie liée à la dose et indépendante des autres réponses comportementales [118]. Néanmoins, les cas de décès chez les consommateurs de LSD sont souvent le résultat d’un accident ou du suicide [80].


Complications médicales et neurologiques



Trouble persistant des perceptions dû aux hallucinogènes


Les flash-back, décrits plus haut, peuvent faire partie d’un syndrome plus vaste, le trouble persistant des perceptions dû aux hallucinogènes. Certains consommateurs de LSD présentent des perturbations de la vision qui sont continues plutôt que paroxystiques et qui durent plusieurs années. En plus des distorsions des perceptions et de l’imagination spontanée, les sujets souffrent d’anomalies de l’acuité visuelle, des seuils de fusion et de l’adaptation à l’obscurité [119]. Les modifications électroencéphalographiques indiquent une possible désinhibition du cortex occipital dans le traitement des informations visuelles [120]. Les symptômes visuels peuvent s’accompagner d’une altération psychique ; un patient décrit une euphorie continue interrompue par des attaques de panique [121]. D’autres patients décrivent des états d’anxiété ou de dépression, une dépersonnalisation ou une déréalisation. Un rapport fait état d’une palinopsie isolée sans autres symptômes visuels ou psychiques ayant persisté jusqu’à 3 ans chez trois sujets [122]. Les benzodiazépines réduisent souvent les symptômes. Les neuroleptiques, rispéridone incluse, ont tendance à les aggraver. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ont été associés, dans quelques rapports empiriques, soit à une efficacité soit à une exacerbation des symptômes [123, 124]. Des rapports d’observation décrivent également l’obtention d’un bénéfice par l’administration de clonidine ou de naltrexone [125, 126]. Il est intéressant de noter que l’administration chronique d’antidépresseurs tricycliques ou de lithium à des volontaires a augmenté les réponses physiques, hallucinatoires et psychologiques au LSD, tandis que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la MAO diminuent ces effets [127].


Accident vasculaire cérébral


De nombreux agents dérivés de l’ergot de seigle sont vasoconstricteurs, et des lames de vaisseaux cérébraux immergées dans une solution contenant du LSD présentent un spasme, qui peut être bloqué par le méthysergide [128]. Suite à l’ingestion de LSD, un adolescent de 14 ans a souffert de crises convulsives et, 4 j plus tard, d’une hémiplégie gauche ; l’angiographie carotidienne a révélé un rétrécissement progressif de la carotide interne de l’origine vers le siphon, avec une occlusion au niveau de la bifurcation [129]. Une jeune femme a été victime d’une hémiplégie gauche soudaine 1 j après avoir consommé du LSD ; l’angiographie a montré la présence d’une vasoconstriction marquée du siphon de la carotide interne, qui a fini par s’occlure 9 j plus tard [130]. Un jeune homme de 19 ans souffrant d’une aphasie aiguë et dont les clichés angiographiques concordaient avec une artérite avait utilisé du LSD et de l’héroïne, mais le lien chronologique entre la consommation des drogues et l’accident vasculaire cérébral (AVC) n’était pas certain [131]. Un autre patient présentant les signes probants d’une « vascularite » avait consommé du LSD et des « pilules de régime » [132].


Changements cognitifs ou comportementaux


Les avis divergent quant à savoir si l’utilisation répétée de LSD provoque un changement mental définitif, comme une paranoïa, une dépression, une psychose ou des troubles mnésiques permanents. La passivité, la pensée tangentielle et une tendance à attribuer une signification particulière à des événements de la vie quotidienne sont souvent décrites, et sur 136 consommateurs ayant reçu un traitement pour une réaction indésirable aiguë au LSD, 18 avaient encore des « résidus psychotiques » 1 an plus tard [119]. Comme pour les autres drogues, il est difficile d’établir un lien de causalité, et les preuves accumulées vont à l’encontre de la thèse de lésions cognitives ou comportementales à long terme [91, 100, 133., 134., 135., 136. and 137.].



Effets sur les chromosomes


Des cassures chromosomiques ont été observées dans des leucocytes humains mis à incuber avec du LSD et dans des leucocytes de consommateurs de LSD [139, 140].

Des cas d’avortement spontané et de difformités chez des nourrissons ont été imputés à la consommation de LSD par la mère, et une tératogénicité a été décrite chez l’animal [141., 142., 143., 144. and 145.]. Cependant, de nombreux investigateurs ne sont pas parvenus à retrouver une telle association [146., 147. and 148.]. Dans une étude, les aberrations chromosomiques ont disparu en quelques mois après l’interruption de l’utilisation de LSD ; d’autres études n’ont trouvé aucune de ces aberrations [149., 150. and 151.]. De la même façon, les lymphocytes d’Indiens Huichol du Mexique, qui consomment la mescaline depuis plusieurs générations, ne présentaient aucune anomalie chromosomique [152]. L’absence d’anomalies chromosomiques structurales ne prouve cependant pas que le LSD (ou toute autre drogue) n’est pas mutagène, et le LSD est génotoxique pour Escherichia coli et pour l’orge [152a]. Les preuves accumulées vont à l’encontre de la thèse d’une mutagénicité chez l’être humain aux doses habituellement consommées.


Lymphome


Une étude de population de type cas-témoin réalisée au Royaume-Uni a montré que l’utilisation de LSD augmentait le risque de développer un lymphome non hodgkinien [153].


Fibrose rétropéritonéale


Des utilisateurs chroniques de LSD ont été atteints d’une fibrose rétropéritonéale semblable à ce que l’on observe lors d’un abus de méthysergide [154].


Autres agents hallucinogènes



Mescaline


La mescaline (figure 8.2), rarement utilisée de façon toxicomaniaque, est consommée par voie orale par l’ingestion de bourgeons de peyote ( tops, moon, « cactus », mesc, the bad seed, « peyote », « p ») ou sous la forme de poudre de mescaline contenue dans des gélules ou dissoute dans l’eau [41] (la plupart du temps, ce qui est présenté comme étant de la mescaline est en réalité du LSD ou de la phencyclidine). Une dose de 5 mg/kg de mescaline est hallucinogène, et une dose de 20 à 60 mg/kg entraîne une bradycardie, une hypotension et une dépression respiratoire [36]. Un bourgeon de peyote contient environ 45 mg de mescaline ; les doses de mescaline de synthèse sont généralement comprises entre 200 et 500 mg. Les effets secondaires sont les mêmes qu’avec le LSD : nausées, vomissements, crampes abdominales et diarrhée. Des bouffées congestives, une sudation et une horripilation peuvent également survenir [155]. Les effets psychiques comprennent des hallucinations olfactives, tactiles, auditives, visuelles ou gustatives ; des distorsions spatiotemporelles ; et une paranoïa, une panique ou une idéation suicidaire. Les symptômes durent de 6 à 12 h [36].








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Figure 8.2
Mescaline (a), 2,5-diméthoxy-4-méthylamphétamine (DOM) [b], 2,5-diméthoxy-4-éthylamphétamine (DOET) [c].


Trois cas de botulisme ont été observés chez des membres de l’American Native Church qui avaient ingéré du peyote provenant d’une urne commune lors d’une cérémonie [156]. Un homme alcoolique ayant souffert de vomissements après l’ingestion de peyote a été victime de lésions gastroœsophagiennes fatales secondaires au syndrome de Mallory-Weiss et de l’inhalation de sang [157]. Un delirium induit par la mescaline a entraîné un traumatisme fatal [158].


Psilocybine, psilocine


La psilocybine et la psilocine (figure 8.3) se trouvent dans les champignons de l’espèce Psilocybe d’Amérique Centrale (« champignons magiques », blue legs, liberty caps) et de l’espèce Panaeolus originaire des États-Unis [159., 160. and 161.]. D’autres champignons contiennent également de la psilocybine : Conocybe cyanopus, Gymnopylus ( Philiota) spectabilis et Psathyrella foenisecii [162, 163]. Les champignons sont généralement séchés ou congelés ; la cuisson ne détruit pas non plus leurs composés hallucinogènes. Il est possible de se procurer des spores par correspondance pour cultiver les champignons chez soi [162]. Il faut manger de deux à six champignons pour obtenir des symptômes, et il est arrivé qu’un sujet en consomme 100 en une seule prise. Les réponses provoquées sont très variables : une agitation et des hallucinations ont suivi l’ingestion de 10 champignons, et 20 champignons ont entraîné une gastrite mais aucun effet psychique [164]. Les autres effets observés sont des symptômes anticholinergiques et des crises convulsives [165., 166., 167., 168. and 169.]. Les hallucinations durent généralement quelques heures mais il est arrivé qu’elles persistent plusieurs jours. Les études assistées par la tomographie par émission de positons (TEP) et réalisées chez des volontaires consommant des doses psychotomimétiques aiguës de psilocybine ont révélé des modifications du métabolisme glucidique dans le lobe frontal semblables à celles retrouvées chez les sujets schizophrènes lors des manifestations psychotiques aiguës [170].








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Figure 8.3
Psilocine (a) et psilocybine (b).


Un jeune homme de 18 ans a été victime du syndrome de Wolff-Parkinson-White, d’une arythmie et d’un infarctus du myocarde, pendant une intoxication aux champignons à psilocybine [171].

Selon des rapports empiriques, l’utilisation de psilocybine pourrait être bénéfique pour les troubles obsessionnels compulsifs et le syndrome dysmorphique du corps [172, 172].

L’injection intraveineuse d’extraits de champignon entraîne des vomissements, une cyanose, de la fièvre, des arthralgies, un dysfonctionnement hépatique et une méthémoglobinémie [165, 174].


Comparaison du LSD, de la mescaline et de la psilocybine


Le LSD, la mescaline et la psilocybine ont une puissance, un temps pour atteindre cm ax et une durée d’effet différents. Un microgramme de LSD correspond à 5–6 mg de mescaline et à 150–200 µg de psilocybine. Les effets hallucinogènes du LSD commencent 1 à 1,5 h après l’administration, ceux de la mescaline après 2 à 2,5 h et ceux de la psilocybine après 30 min. Il est impossible de différencier les effets psychiques et physiologiques des trois drogues, même pour un consommateur habitué [80, 84, 175].

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May 3, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 8. Les hallucinogènes

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