Chapitre 8. Le vécu des malades
L’image associée à la démence est parfois celle d’une déchéance irréversible menant à la folie et à la perte totale de la raison. La vision du public reste fortement marquée par ces références. Retrouvée aussi chez de nombreux soignants, elle rend souvent difficile l’appréhension de la parole du patient. En effet, si le patient est « fou », comment prendre au sérieux ce qu’il nous dit ? Pourquoi rechercher du sens, alors que la perception même du patient est celle d’un être qui a perdu la notion de la réalité.
Mais cette définition ne correspond pas à la réalité clinique de la maladie d’Alzheimer qui n’est pas une maladie psychiatrique, mais une maladie neurologique.
1. La conscience des troubles
Il est peut-être rassurant pour les accompagnants de penser que les personnes malades n’ont pas conscience de leurs troubles, mais cela ne correspond pas à leur vécu.
A. En début de maladie
En début de la maladie, il existe une conscience des troubles qui peut s’exprimer sans difficulté, et qui motive fréquemment une demande en consultation mémoire.
Cette perception des troubles par le patient peut être parfois masquée, notamment lorsqu’elle est trop douloureuse psychiquement. Elle entraîne des sentiments dépressifs importants et de fortes angoisses. On parle alors de méconnaissance des troubles.
Le patient peut mettre en place des mécanismes de défense (déni, dénégation, projection…) qui lui permettent de maintenir une estime de soi.
Ces défenses psychiques sont souvent temporaires et dépendantes de l’interlocuteur, du moment et de l’environnement.
M. Z. consulte un gériatre tout en se demandant pourquoi. Il dit que c’est son épouse qui l’a emmené. Aux questions du gériatre sur d’éventuels troubles de mémoire, il répond de manière agacée : « Tout va très bien, merci ». En revanche, devant la psychologue qui va lui faire passer des tests de mémoire, et avec laquelle il se sent en confiance, il souligne spontanément ses difficultés de mémoire et remercie la psychologue de s’y intéresser.
B. Avec l’évolution de la maladie
Il existe parfois un grand désarroi du malade face à son état, même quand ses fonctions cognitives sont très détériorées.
La personne malade peut ne pas avoir conscience de l’ensemble de ses difficultés mais elle ressent toujours le décalage qui peut exister entre son comportement, sa parole et les réactions de son environnement.