Chapitre 8 Ergonomie de l’équipement chirurgical
Un équipement chirurgical approprié facilite de toute évidence la tâche de l’opérateur et accroît la précision de son geste chirurgical. Il est essentiel aujourd’hui que celui-ci dispose à la fois d’un système grossissant et d’instruments chirurgicaux adaptés à la microchirurgie des muscles oculomoteurs, comme le sont ceux destinés à la microchirurgie du globe oculaire. Cet équipement est envisagé ici du point de vue de son ergonomie.
Ergonomie des systèmes grossissants
Les modèles les plus récents des microscopes opératoires
Les microscopes opératoires couramment utilisés pour la chirurgie du segment antérieur et postérieur de l’œil conviennent aussi bien à la chirurgie des muscles oculomoteurs. L’objectif est vertical et les oculaires sont obliques. L’opérateur et l’assistant ont une vision coaxiale et disposent par conséquent du même champ de vision à une rotation de 90° près (figure 8.1). Avec les modèles les plus récents, ils disposent l’un et l’autre d’un tube optique binoculaire qui confère à chacun une vision stéréoscopique effective. L’éclairage est coaxial [1–13] ; un éclairement moyen est ici suffisant. Le dispositif de centrage x–y permet d’ajuster la position de l’optique au-dessus du champ opératoire au cours de l’intervention. Selon le muscle opéré, l’opérateur peut, au besoin, incliner légèrement l’axe du microscope pour plus de commodité.
Le grossissement du microscope qui convient le mieux à la chirurgie des strabismes se situe entre 4 et 6 fois ; il laisse à l’opérateur un champ de vision et une profondeur de champ tout à fait suffisants ; la mise au point est aisément réajustée au fur et à mesure du déroulement de l’opération, notamment pour passer de la région pré- à la région rétro-équatoriale du globe et vice versa. L’opérateur débutant commence avec le grossissement le plus faible ; puis, avec l’habitude, il passe aisément à un grossissement un peu plus fort. L’immobilité que lui impose le microscope n’est pas davantage gênante que pour la chirurgie du segment antérieur ; c’est une pure question d’habitude.
L’opérateur se tient de préférence latéralement par rapport à la tête du patient, du côté de l’œil opéré, pour les interventions portant sur les muscles droits horizontaux et l’oblique inférieur. L’assistant se tient nécessairement à la tête du patient, à la droite ou à la gauche de l’opérateur (cf. figure 8.1). Pour les interventions sur les droits verticaux, l’opérateur se tient à la tête du patient et l’assistant latéralement, du côté de l’œil opéré. Selon son habitude, l’opérateur adopte l’une ou l’autre position pour les interventions sur l’oblique supérieur.
Téléloupes
L’opérateur qui souhaite cependant garder une plus grande liberté de mouvement doit s’équiper de téléloupes (système Galilée) d’un pouvoir grossissant de l’ordre de 4 fois ; celles-ci doivent offrir un champ de vision de 5 à 6 cm de large ; avec une distance de travail de 35 cm, elles laissent un espace libre entre l’extrémité distale de l’optique et l’œil opéré de 25 à 30 cm [14] (figure 8.2). Ces téléloupes sont à porter par l’opérateur et par l’assistant. Elles s’ajoutent à la correction de l’amétropie et de la presbytie éventuelle. Les lunettes-loupes habituelles, d’un pouvoir grossissant inférieur, sont insuffisantes.
Ergonomie des instruments de la microchirurgie1
L’instrumentation nécessaire à la chirurgie des muscles oculaires est relativement réduite. Malgré de multiples variantes, le principe de la plupart des instruments n’a pas changé depuis les origines ; leurs formes ont toutefois été affinées et leurs dimensions sensiblement réduites [15]. Quelques instruments nouveaux sont venus compléter la panoplie. Certains sont propres à ce type de chirurgie.
Comment choisir l’instrument dont la forme est la plus ergonomique pour chacun des gestes à effectuer ? Comment évaluer la fonctionnalité de ses deuxparties constitutives, son corps et sa partie active [6,7,11] ?
Le corps doit assurer par sa longueur et son épaisseur la bonne tenue dans la main et la maniabilité de l’instrument.
Par sa conformation, la partie active doit rendre aussi aisée que possible l’action à laquelle l’instrument est destiné.
Ni l’un, ni l’autre ne doivent être altérés par la stérilisation conforme aux normes actuelles.
Blépharostat
Fonction : le blépharostat doit maintenir les paupières suffisamment écartées par la seule la force modérée de son arc ; un écartement forcé des paupières n’est jamais nécessaire ; il exposerait en outre au risque d’œdème palpébral postopératoire. Les blépharostats les mieux adaptés sont de taille moyenne : les cuillers, pleines ou ajourées, doivent avoir une longueur optimale de 10 à 15 mm (12 mm en moyenne) pour pouvoir maintenir les paupières et contenir les replis du champ opératoire plastique et, ce faisant, les cils ; ils ne doivent comporter ni saillies, ni angles pouvant accrocher les fils.
• un blépharostat de type colibri, le plus souvent suffisant (modèle de Barraquer, de Kratz-Barraquer ou de Gobin) (figure 8.3A) ;
• ou, si nécessaire, un blépharostat de type Corcelle-Legrand ; dans sa variante de Lancaster, les cuillers ont l’avantage d’être articulées, ce qui évite la proéminence de l’arc ; la vis de blocage latérale, facultative, permet de modérer l’ouverture palpébrale (figure 8.3B).
Pinces
• d’une pince à microdents droites de 0,1 mm, type modèle de Bonn, droite ou coudée, pour l’opérateur et l’assistant ; elles sont parfaitement appropriées et suffisantes pour la dissection, la mise en place des sutures et les sutures (figure 8.4A) ; il est bon que ces pinces comportent des plateaux, de 4 à 8 mm de long, pour permettre de saisir les fils (cf. infra) ;
• d’une pince soit à microdents droites un peu plus fortes de 0,12 ou 0,15 mm, ou à microdents obliques de 0,1 mm, pour faciliter au besoin la saisie de la sclère en vue de la réinsertion d’un muscle (figure 8.4B) ;
• d’une pince sans griffes, droite ou courbe, à plateaux de 8 mm, pour tenir et nouer les fils (pince de Troutman ou de Kelman-MacPherson, par exemple) (figure 8.4C) ; une pince à nouer plus forte à plateaux d’une largeur de 1 mm peut être utile ; elle n’est en fait pas indispensable, car le porte-aiguille tient aussi bien lieu de pince à nouer, d’autant plus qu’il permet de développer sur les fils une force bien supérieure à toute autre pince.
Ciseaux
Fonction : les ciseaux doivent, grâce à une conformation ergonomique, permettre d’atteindre aisément les différents plans anatomiques concernés, de les inciser, les sectionner ou les cliver avec netteté et précision, de façon aussi atraumatique que possible, en évitant notamment les sections vasculaires inutiles ; ils seront de dimensions et de force différentes selon la texture du tissu abordé, conjonctivo-ténonien, tendinomusculaire ou périvasculaire.
Selon les tissus à sectionner, on peut utiliser des ciseaux de dimensions différentes :
• les ciseaux semi-courbes, modèle de MacPherson-Wescott, d’une longueur de 11 à 12 cm, dont les lames semi-courbes et mousses sont fines, de 10 mm de long et de 1 mm de large à mi-longueur, se prêtent de façon optimale à l’ouverture conjonctivo-ténonienne et au dégagement microchirurgical des muscles (figure 8.5A) ; ils tendent aujourd’hui à remplacer pour ce faire les ciseaux ci-dessous ;
• les ciseaux de type Wescott-Hugonnier, plus forts, d’une longueur de 12 cm, à lames semi-courbes de 13 mm de long ; ils restent nécessaires, étant plus robustes que les précédents, pour désinsérer un muscle (figure 8.5B) ;
• les ciseaux à capsulotomie de type Huco, de même forme que les précédents ; leur longueur est de 10 cm ; leurs lames très fines, semi-courbes et mousses de 8 mm, permettent de cliver le plan des vaisseaux ciliorétiniens antérieurs de la surface de l’extrémité tendineuse d’un muscle droit (figure 8.5C).
Parks a fait remarquer à juste titre que la lame des ciseaux passée sous le muscle en vue d’une désinsertion ou d’une ténotomie doit être la lame inférieure : la sclère se trouve alors légèrement déprimée en arrière de l’insertion et l’extrémité du tendon, mieux dégagée ; de cette manière, la section est nette, à la base même de l’insertion, sans risque d’entamer la sclère. À défaut de disposer de deux paires de ciseaux à lames inversées (cf. figure 8.5B), on peut aussi bien effectuer la désinsertion de la main droite ou de la main gauche, selon la position du muscle du côté ou à l’opposé de l’opérateur.
Crochets à muscle
Le crochet à muscle figure déjà dans l’instrumentation de Dieffenbach [15]. Il en existe aujourd’hui une grande variété dérivée du dessin classique de von Graefe ; selon le modèle, la partie active ou portante est plus ou moins longue, droite ou légèrement incurvée, plus ou moins renflée à son extrémité ; le corps ou manche est en position latérale ou médiane (ce qui permet une traction dans l’axe du muscle). D’autres crochets comportent une extrémité boutonnée ou un bec d’arrêt pour éviter que le muscle échappe. Mais ils sont pour la plupart trop épais (de 1,2 à 1,5 mm) et encombrants pour opérer avec la précision voulue sous microscope.
• être engagé facilement sous le muscle, après ouverture de l’espace sous-ténonien de part et d’autre du muscle ; il doit glisser sous celui-ci sans accrocher le tissu ténonien latéro- ou sous-musculaire ou le muscle lui-même ;
• charger d’emblée le muscle dans toute sa largeur ;
Choix pour les muscles droits
La partie portante du crochet standard est droite et terminée par un court bec d’arrêt à 60° ; sa longueur interne optimale est de 10,0 mm (c’est-à-dire de la largeur de l’extrémité tendineuse d’un muscle droit), son diamètre de 1,0 mm, la longueur du bec d’arrêt court de 1 mm (court pour ne pas accrocher le muscle lorsqu’il est engagé sous celui-ci, mais assez long pour ne pas le laisser échapper) (figures 8.6). Un crochet plus fin, de 0,7 mm de diamètre, est possible et suffisant pour des opérations faciles ; il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus un crochet est fin, plus il expose au risque de perforation sclérale lorsque le passage sous le muscle est difficile.