7: Plan de Fourier et reconstruction de l’image

Chapitre 7 Plan de Fourier et reconstruction de l’image



Lorsque nous considérons différentes techniques d’imagerie, la radiographie conventionnelle, l’échographie ou la tomodensitométrie, et quelles que soient les méthodes de reconstruction plus ou moins élaborées auxquelles elles font appel, nous voyons qu’elles fournissent des informations directement dans l’espace à trois dimensions qui est notre environnement habituel, appelé domaine spatial.


En IRM, au contraire, les deux gradients utilisés lors de l’acquisition des données (codage de phase et codage de fréquence) conduisent à un codage spatial de l’image et les données obtenues ne se situent pas dans le domaine spatial, mais d’emblée dans ce qu’on appelle le domaine fréquentiel. En effet, au champ magnétique principal est ajouté un gradient de champ magnétique qui va légèrement modifier la vitesse de précession (ou la phase) des spins dans chacune des directions x et y du plan de coupe et les décalages en fréquence (ou en phase) du signal recueilli permettront de le localiser spatialement. L’information obtenue est donc un signal caractérisé par sa fréquence (et/ou sa phase) et non pas par ses coordonnées spatiales. L’espace qui permet de recueillir les données brutes est le plan de Fourier (ou espace des k). L’outil mathématique qui permet de passer du plan de Fourier au domaine spatial (image) est la transformée de Fourier inverse. La transformée de Fourier directe permet, elle, de revenir au plan de Fourier à partir de l’image.


La représentation de l’image dans le plan de Fourier présente un certain nombre de caractéristiques qui, nous allons le voir, sont extrêmement utiles pour comprendre l’IRM et en particulier l’imagerie rapide et l’angiographie par résonance magnétique.



Transformée de Fourier et plan de Fourier


Pour mieux comprendre la notion de représentation fréquentielle d’une image, nous allons commencer par aborder la représentation fréquentielle d’un signal à une dimension.


Au chapitre précédent, nous avions déjà évoqué l’exemple de l’oreille qui « décode » le signal en ses trois fréquences élémentaires et « réalise », en quelque sorte, une transformée de Fourier.


En fait, la transformée de Fourier permet d’analyser le « contenu fréquentiel » d’un signal (on parle aussi de «spectre de fréquences » d’un signal).


Pour bien apprécier l’intérêt de cette opération mathématique, nous allons prendre l’exemple de la décomposition d’une fonction créneau (ou onde carrée périodique) en série de Fourier. Sur une image IRM, un créneau correspond à une zone de transition nette de signal blanc/noir comme une interface graisse/corticale osseuse. La figure 7-1 illustre la façon dont elle est représentée par une somme de fonctions sinusoïdales à partir de quatre harmoniques de fréquences croissantes. La reconstruction, par une gamme de plus en plus complète d’ondes sinusoïdales de fréquences croissantes, aboutit ainsi à une représentation de plus en plus fidèle du signal. Il en serait de même pour représenter, sur une image, les contours d’une zone de variation d’intensité de signal. Dans le cas de signaux périodiques, des formes fort complexes peuvent ainsi être obtenues par une combinaison d’ondes sinusoïdales simples (série de Fourier).



Cet exemple permet de comprendre le rôle respectif que vont jouer les hautes fréquences et les amplitudes élevées dans la formation de l’image. Les hautes fréquences permettent la représentation des détails de l’image, les basses fréquences n’en donnant qu’une idée grossière (« floue »). En revanche, comme dans la représentation des variations du signal, les amplitudes élevées (basses fréquences) seront indispensables pour reproduire le contraste de l’image.


La décomposition en série de Fourier (somme de quatre fréquences dites « discrètes » de valeur croissante) que nous avons présentée ci-dessus s’applique exclusivement à des fonctions périodiques. Les images anatomiques ne présentent évidemment pas cette caractéristique ; elles sont de nature plus complexe nécessitant un traitement (décomposition) par des outils plus complexes. Ainsi, une généralisation de ce processus par un outil plus puissant, appelée transformation de Fourier permet de traiter des fonctions non périodiques et donc les images anatomiques. Cet outil mathématique permet d’extraire les différentes fréquences (et phases) formant un signal complexe et de représenter ce signal dans le domaine fréquentiel. Une image anatomique contient en fait un éventail « infini » (et non discret) de fréquences spatiales qui vont aussi être échantillonnées en utilisant un nombre « fini » de fréquences.


Pour simplifier ce concept, prenons l’exemple d’un signal composé de trois fonctions sinusoïdales (fig. 7-2). Dans une représentation graphique montrant l’amplitude de ce signal en fonction du temps, il n’est pas possible de distinguer les fréquences des deux fonctions composant le signal. La décomposition en série de Fourier permet de visualiser ce signal sous forme d’amplitude par rapport à la fréquence et ainsi de différencier les trois fréquences contenues dans ce signal. En fait, ces deux représentations sont équivalentes : on peut passer du domaine temporel au domaine fréquentiel et inversement (voir Annexe 16).



Dans ce cas précis, il s’agit bien d’une fonction périodique dont le contenu fréquentiel est représenté, après décomposition en série de Fourier, par trois fréquences (trois valeurs appelées « discrètes » correspondant aux trois ondes sinusoïdales contenues dans le signal), soit un « spectre discret ». Pour une fonction quelconque (non nécessairement périodique), la transformée de Fourier est visualisée par un « spectre continu » (intégrale de fonctions sinus et cosinus), c’est-à-dire une courbe continue reliant les différentes fréquences. Cette opération est « réversible » : connaissant un spectre de fréquences, on peut calculer le signal temporel correspondant par une transformée de Fourier inverse (TF−1) (fig. 7-3a,b et voir Annexe 16).



L’IRM étant une technique d’imagerie numérique, il faut préciser que pour réaliser cette opération avec un calculateur, il faut d’abord numériser le signal analogique réceptionné par l’antenne à l’aide d’un convertisseur analogique-numérique (CAN) : le signal est échantillonné (prélèvement d’une suite de valeurs « discrètes » du signal prises à intervalle régulier), puis les échantillons sont quantifiés (faire correspondre à chaque échantillon un nombre entier binaire). La transformée de Fourier est alors numérique : transformée de Fourier discrète (TFD) ou Digital Fourier Transform (DFT) (fig. 7-3c).


C’est l’échantillonnage qui peut être à l’origine du phénomène de repliement (ou aliasing) : la fréquence d’échantillonnage doit être deux fois plus élevée que la plus haute fréquence contenue dans le signal de départ (théorème de Shannon1). Si ce n’est pas le cas, on obtient un signal erroné par sous-échantillonnage à l’origine de ce phénomène (voir Chapitre 11).


La TFD est très longue à calculer : pour accélérer cette opération, on a recours à l’algorithme de transformée de Fourier rapide (TFR) ou Fast Fourier Transform (FFT), le nombre d’échantillons devant être une puissance de deux.


En résumé :






Les exemples précédents (y compris la fonction créneau) sont des signaux à une dimension. Pour une image numérique (comprenant par essence deux dimensions), on aura à faire une décomposition en deux dimensions (fréquences spatiales) pour laquelle une double transformée de Fourier (2DFT) ou transformée de Fourier à deux dimensions (c-à-d dans chacune des directions x et y) est utilisée (c’est également une double transformée de Fourier numérique, comme nous l’avons vu précédemment). C’est ce qui se fera par l’intermédiaire du plan de Fourier.


Notons que, paradoxalement, les zones de l’image les plus difficiles à reconstruire en IRM sont celles correspondant à une variation brutale de signal, comme dans l’exemple de la figure 7-1 (onde carrée), ceci étant d’ailleurs à l’origine d’artéfacts de troncature2.



Acquisition de l’image en IRM et plan de Fourier


En IRM, l’acquisition de l’image utilise un double codage par la fréquence et par la phase respectivement pour coder les deux directions x et y (nous verrons plus loin pourquoi et comment). La reconstruction de l’image nécessite une double transformée de Fourier dans ces mêmes directions, l’une suivant x et l’autre y.


Comme nous l’avions vu au chapitre précédent, lors de l’acquisition des données, outre la sélection du plan de coupe faisant appel à un premier gradient dit de sélection de coupe (Gss), le codage spatial dans le plan de coupe est réalisé d’abord dans une direction par la phase, puis dans l’autre direction par la fréquence (fig. 7-4). Le gradient de codage de phase (Gp ou Gφ ou Gy) et le gradient de fréquence (Gf ou Gω ou Gx) sont appliqués de façon séquentielle autant de fois qu’il faut de « projections » pour réaliser l’image, correspondant en fait au nombre (Np) de lignes de la matrice, c’est-à-dire en général 128 ou 256 (ou 512). À chaque ligne, le gradient de codage de phase est incrémenté. L’intervalle de temps séparant la réalisation de deux projections (ou « lignes ») est appelé temps de répétition TR de la séquence.


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Fig. 7-4 Chronogramme des événements (impulsions RF et trois gradients) dans une séquence d’écho de spin et d’écho de gradient.













Rappelons que le temps d’acquisition Tac d’une séquence en 2DFT est égal au produit du temps de répétition TR de la séquence par le nombre Np de lignes de la matrice (étapes d’incrémentation ou pas du codage de phase) et par le nombre d’excitations (ou encore nombre d’accumulations) Nex :



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Pour générer un signal mesurable, la séquence de spin écho fait appel à deux impulsions radiofréquence : l’une de 90° pour basculer le vecteur d’aimantation longitudinal dans le plan transversal (là où on peut le mesurer), l’autre de rephasage de 180° au temps TE/2 (pour s’affranchir des inhomogénéités ou hétérogénéités du champs image. Le signal réapparaît alors sous forme d’écho au temps TE (voir fig. 7-4a).


Ce train d’ondes 90°–180° (cycle signal), comme les différents gradients (cycle codage spatial), est répété au bout du temps TR autant de fois qu’il y a d’étapes de codage de phase, donc de lignes dans la matrice (ce qui correspond au nombre de pixels3 dans la direction du codage de phase) (voir fig. 7-4).


Rappelons que pour obtenir une séquence d’écho de gradient standard, il suffit de partir d’une séquence d’écho de spin où on supprimera l’impulsion RF de 180° et on remplacera l’impulsion de 90° par une impulsion θ < 90° (voir fig. 7-4b).


En IRM, on part d’une coupe sur le patient (champ de vue et voxel) pour aboutir à l’image à deux dimensions (taille et pixels) qui apparaît sur l’écran du moniteur de télévision. Le plan de Fourier est le canevas obligatoire dans lequel sont acquises les données brutes (voir aussi fig. 7-9).



Précisons un peu plus comment se déroule cette opération, en distinguant le codage par la fréquence conséquence d’un gradient de codage de fréquence (en x) et le codage par la phase, conséquence d’un gradient de codage de phase (en y).


Avant d’aller plus en avant, insistons déjà sur ce fait capital :




Commençons d’abord par le gradient de fréquence. L’application d’un gradient de champ magnétique G modifie le champ magnétique dans une direction donnée et, par conséquent, la fréquence de résonance qui en découle (relation de Larmor). Ainsi, si on applique un gradient dans la direction x, le champ résultant dans cette direction est (fig. 7-5) :




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D’après la relation de Larmor, on peut en déduire la fréquence de résonance :



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En fait, lors de l’acquisition du signal, on ne va tenir compte que de la variation de fréquence provoquée par le gradient en « supprimant » la fréquence « porteuse » ω0 : c’est ce qu’on appelle la démodulation4. On a alors :



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La fréquence de précession des protons dépend donc de leur localisation spatiale le long du gradient Gx. Ces différences en fréquences induites par le gradient de fréquence sont utilisées pour la localisation spatiale en x. Elles n’apparaissent cependant que lors et pendant l’application du gradient A l’arrêt d’application du gradient celui-ci n’agit plus et les différences en fréquences induites disparaissent.


Ce gradient de fréquence (et tout gradient qui doit agir sur la fréquence), pour être opérationnel, doit être appliqué au moment de la réception du signal (d’où l’appellation gradient de lecture) et ce durant un temps déterminé appelé temps d’observation image. Son amplitude, elle, demeure constante. Le signal va « contenir » autant de fréquences différentes que le nombre de voxels (éléments matriciels) en direction x correspondant au nombre de colonnes dans cette direction, c’est-à-dire le nombre d’échantillons Nx déterminés pour la numérisation du signal (dans la pratique, entre 256 et 512). Chaque échantillon est réceptionné au bout d’un multiple du temps image/Nx = Tec qui est la période d’échantillonnage : le premier échantillon au bout du temps Tec, le deuxième au bout du temps 2Tec, et ainsi de suite jusqu’au dernier échantillon au bout du temps NxTec (fig. 7-6). Du point de vue mathématique (voir Annexe 17), le changement de variable (k = γ·G·t) effectué permet de comprendre que, lors de l’acquisition du signal, on remplit directement le plan de Fourier : le domaine temporel est équivalent au domaine des fréquences spatiales (voir fig. 7-6).


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Fig. 7-6 Gradient de codage en fréquence.


Le gradient de fréquence est appliqué pendant la réception du signal durant un temps déterminé appelé temps d’observation image. Chaque échantillon du signal (Nx au total), acquis sur une distance D de l’objet, est réceptionné au bout d’un multiple du temps image/Nx = Tec qui est la période d’échantillonnage : le premier échantillon au bout du temps Tec, le deuxième au bout du temps 2Tec, et ainsi de suite jusqu’au dernier échantillon NxTec.


Grâce au changement de variable k = γ · G · t (voir Annexe 17), chaque « élément » kx1 = γ Gx Tec, kx2 = γ Gx 2Tec, kxNx = γ Gx NxTec (Gx est constant) est un échantillon du plan de Fourier gardant en mémoire les déphasages produits par le gradient Gx durant son application. Ainsi, lors de l’acquisition du signal, on remplit directement le plan de Fourier : le domaine temporel est équivalent au domaine des fréquences spatiales.


Mais il faut faire une mise au point importante : les différents échantillons sont prélevés à des temps différents durant le image et n’ont pas de rapport avec le signal provenant d’une colonne de voxels. Ainsi, chaque point du plan de Fourier possède des renseignements qui proviennent de l’ensemble du volume (et non pas de la seule colonne de voxels correspondante). On a maintenant obtenu les données correspondant à une ligne du plan de Fourier (séparés en échantillons dans la direction x des colonnes).


Pour l’instant, nous disposons donc d’un signal à une dimension en x. Pour obtenir la deuxième dimension de la coupe, il n’est pas possible d’utiliser un deuxième gradient de fréquence. En effet, un gradient de fréquence n’est opérationnel que pendant son application où son rôle est de modifier la fréquence des voxels en x pendant la réception du signal. Lors du recueil du signal (condition obligatoire), si on utilise un deuxième gradient de fréquence, on obtient un gradient somme des deux précédents dirigé selon la bissectrice (si les deux gradients sont de même amplitude et non pas deux gradients actifs séparément dans chacune des deux directions x et y comme souhaité). L’un des deux gradients ne doit donc pas agir sur la fréquence.


On va utiliser un deuxième paramètre, la phase. Cet autre gradient de codage devra répondre au cahier des charges comportant les deux impératifs obligatoire suivants : utiliser un autre paramètre que les différences induites en fréquences pour le codage spatial et donc ne pas être appliqué lors de la lecture du signal. Pour ce faire, il va utiliser la phase pour le codage spatial dans la deuxième direction.


Envisageons maintenant ce gradient de codage de phase. Celui-ci va pouvoir être appliqué, agir, puis être puis être arrêté avant l’étape ultime de réception ou lecture du signal (là où agit le gradient de fréquence). Cette procédure doit être malheureusement renouvelée à chaque acquisition car le codage par la phase ne peut se faire que par étapes successives parcellaires (autant d’étapes qu’il y a de lignes dans la matrice images). Pour obtenir un déphasage induit différent et croissant successivement à chaque étape (condition sine qua non pour un codage par la phase), il va falloir également modifier le gradient de phase à chaque étape.


Comment faire varier ce gradient ? On ne peut modifier que son amplitude ou sa durée d’application, les déphasages produits demeurant sinon identiques. Modifier la durée d’application du gradient conduirait à faire varier le temps de réception du signal à chaque acquisition, c’est-à-dire le TE. On va donc plutôt modifier l’amplitude du gradient (de G1 à GNy pour Ny lignes). Cette variation d’amplitude, à chaque acquisition, modifie les déphasages des aimantations en fonction de leur position sur l’axe y. Ainsi, selon les mêmes principes de calcul que précédemment, les points échantillonnés lors des acquisitions successives des différentes lignes correspondent à des points ky1, ky2… kyNy du plan de Fourier (fig. 7-7). À chaque fois, l’amplitude du gradient est modifiée :


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Jun 17, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7: Plan de Fourier et reconstruction de l’image

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