Chapitre 7 Plan de Fourier et reconstruction de l’image
Transformée de Fourier et plan de Fourier
En fait, la transformée de Fourier permet d’analyser le « contenu fréquentiel » d’un signal (on parle aussi de «spectre de fréquences » d’un signal).
Pour bien apprécier l’intérêt de cette opération mathématique, nous allons prendre l’exemple de la décomposition d’une fonction créneau (ou onde carrée périodique) en série de Fourier. Sur une image IRM, un créneau correspond à une zone de transition nette de signal blanc/noir comme une interface graisse/corticale osseuse. La figure 7-1 illustre la façon dont elle est représentée par une somme de fonctions sinusoïdales à partir de quatre harmoniques de fréquences croissantes. La reconstruction, par une gamme de plus en plus complète d’ondes sinusoïdales de fréquences croissantes, aboutit ainsi à une représentation de plus en plus fidèle du signal. Il en serait de même pour représenter, sur une image, les contours d’une zone de variation d’intensité de signal. Dans le cas de signaux périodiques, des formes fort complexes peuvent ainsi être obtenues par une combinaison d’ondes sinusoïdales simples (série de Fourier).
Pour simplifier ce concept, prenons l’exemple d’un signal composé de trois fonctions sinusoïdales (fig. 7-2). Dans une représentation graphique montrant l’amplitude de ce signal en fonction du temps, il n’est pas possible de distinguer les fréquences des deux fonctions composant le signal. La décomposition en série de Fourier permet de visualiser ce signal sous forme d’amplitude par rapport à la fréquence et ainsi de différencier les trois fréquences contenues dans ce signal. En fait, ces deux représentations sont équivalentes : on peut passer du domaine temporel au domaine fréquentiel et inversement (voir Annexe 16).
Dans ce cas précis, il s’agit bien d’une fonction périodique dont le contenu fréquentiel est représenté, après décomposition en série de Fourier, par trois fréquences (trois valeurs appelées « discrètes » correspondant aux trois ondes sinusoïdales contenues dans le signal), soit un « spectre discret ». Pour une fonction quelconque (non nécessairement périodique), la transformée de Fourier est visualisée par un « spectre continu » (intégrale de fonctions sinus et cosinus), c’est-à-dire une courbe continue reliant les différentes fréquences. Cette opération est « réversible » : connaissant un spectre de fréquences, on peut calculer le signal temporel correspondant par une transformée de Fourier inverse (TF−1) (fig. 7-3a,b et voir Annexe 16).
L’IRM étant une technique d’imagerie numérique, il faut préciser que pour réaliser cette opération avec un calculateur, il faut d’abord numériser le signal analogique réceptionné par l’antenne à l’aide d’un convertisseur analogique-numérique (CAN) : le signal est échantillonné (prélèvement d’une suite de valeurs « discrètes » du signal prises à intervalle régulier), puis les échantillons sont quantifiés (faire correspondre à chaque échantillon un nombre entier binaire). La transformée de Fourier est alors numérique : transformée de Fourier discrète (TFD) ou Digital Fourier Transform (DFT) (fig. 7-3c).
C’est l’échantillonnage qui peut être à l’origine du phénomène de repliement (ou aliasing) : la fréquence d’échantillonnage doit être deux fois plus élevée que la plus haute fréquence contenue dans le signal de départ (théorème de Shannon1). Si ce n’est pas le cas, on obtient un signal erroné par sous-échantillonnage à l’origine de ce phénomène (voir Chapitre 11).
La TFD est très longue à calculer : pour accélérer cette opération, on a recours à l’algorithme de transformée de Fourier rapide (TFR) ou Fast Fourier Transform (FFT), le nombre d’échantillons devant être une puissance de deux.
Notons que, paradoxalement, les zones de l’image les plus difficiles à reconstruire en IRM sont celles correspondant à une variation brutale de signal, comme dans l’exemple de la figure 7-1 (onde carrée), ceci étant d’ailleurs à l’origine d’artéfacts de troncature2.
Acquisition de l’image en IRM et plan de Fourier
Comme nous l’avions vu au chapitre précédent, lors de l’acquisition des données, outre la sélection du plan de coupe faisant appel à un premier gradient dit de sélection de coupe (Gss), le codage spatial dans le plan de coupe est réalisé d’abord dans une direction par la phase, puis dans l’autre direction par la fréquence (fig. 7-4). Le gradient de codage de phase (Gp ou Gφ ou Gy) et le gradient de fréquence (Gf ou Gω ou Gx) sont appliqués de façon séquentielle autant de fois qu’il faut de « projections » pour réaliser l’image, correspondant en fait au nombre (Np) de lignes de la matrice, c’est-à-dire en général 128 ou 256 (ou 512). À chaque ligne, le gradient de codage de phase est incrémenté. L’intervalle de temps séparant la réalisation de deux projections (ou « lignes ») est appelé temps de répétition TR de la séquence.
Pour générer un signal mesurable, la séquence de spin écho fait appel à deux impulsions radiofréquence : l’une de 90° pour basculer le vecteur d’aimantation longitudinal dans le plan transversal (là où on peut le mesurer), l’autre de rephasage de 180° au temps TE/2 (pour s’affranchir des inhomogénéités ou hétérogénéités du champs . Le signal réapparaît alors sous forme d’écho au temps TE (voir fig. 7-4a).
Ce train d’ondes 90°–180° (cycle signal), comme les différents gradients (cycle codage spatial), est répété au bout du temps TR autant de fois qu’il y a d’étapes de codage de phase, donc de lignes dans la matrice (ce qui correspond au nombre de pixels3 dans la direction du codage de phase) (voir fig. 7-4).
Rappelons que pour obtenir une séquence d’écho de gradient standard, il suffit de partir d’une séquence d’écho de spin où on supprimera l’impulsion RF de 180° et on remplacera l’impulsion de 90° par une impulsion θ < 90° (voir fig. 7-4b).
En IRM, on part d’une coupe sur le patient (champ de vue et voxel) pour aboutir à l’image à deux dimensions (taille et pixels) qui apparaît sur l’écran du moniteur de télévision. Le plan de Fourier est le canevas obligatoire dans lequel sont acquises les données brutes (voir aussi fig. 7-9).
Avant d’aller plus en avant, insistons déjà sur ce fait capital :
Commençons d’abord par le gradient de fréquence. L’application d’un gradient de champ magnétique G modifie le champ magnétique dans une direction donnée et, par conséquent, la fréquence de résonance qui en découle (relation de Larmor). Ainsi, si on applique un gradient dans la direction x, le champ résultant dans cette direction est (fig. 7-5) :
Fig. 7-5 Conséquence de l’application d’un gradient de champ magnétique et principe de la démodulation.
On peut en déduire la fréquence de résonance :
D’après la relation de Larmor, on peut en déduire la fréquence de résonance :
En fait, lors de l’acquisition du signal, on ne va tenir compte que de la variation de fréquence provoquée par le gradient en « supprimant » la fréquence « porteuse » ω0 : c’est ce qu’on appelle la démodulation4. On a alors :
Ce gradient de fréquence (et tout gradient qui doit agir sur la fréquence), pour être opérationnel, doit être appliqué au moment de la réception du signal (d’où l’appellation gradient de lecture) et ce durant un temps déterminé appelé temps d’observation . Son amplitude, elle, demeure constante. Le signal va « contenir » autant de fréquences différentes que le nombre de voxels (éléments matriciels) en direction x correspondant au nombre de colonnes dans cette direction, c’est-à-dire le nombre d’échantillons Nx déterminés pour la numérisation du signal (dans la pratique, entre 256 et 512). Chaque échantillon est réceptionné au bout d’un multiple du temps /Nx = Tec qui est la période d’échantillonnage : le premier échantillon au bout du temps Tec, le deuxième au bout du temps 2Tec, et ainsi de suite jusqu’au dernier échantillon au bout du temps NxTec (fig. 7-6). Du point de vue mathématique (voir Annexe 17), le changement de variable (k = γ·G·t) effectué permet de comprendre que, lors de l’acquisition du signal, on remplit directement le plan de Fourier : le domaine temporel est équivalent au domaine des fréquences spatiales (voir fig. 7-6).
Fig. 7-6 Gradient de codage en fréquence.
Grâce au changement de variable k = γ · G · t (voir Annexe 17), chaque « élément » kx1 = γ Gx Tec, kx2 = γ Gx 2Tec, kxNx = γ Gx NxTec (Gx est constant) est un échantillon du plan de Fourier gardant en mémoire les déphasages produits par le gradient Gx durant son application. Ainsi, lors de l’acquisition du signal, on remplit directement le plan de Fourier : le domaine temporel est équivalent au domaine des fréquences spatiales.
Comment faire varier ce gradient ? On ne peut modifier que son amplitude ou sa durée d’application, les déphasages produits demeurant sinon identiques. Modifier la durée d’application du gradient conduirait à faire varier le temps de réception du signal à chaque acquisition, c’est-à-dire le TE. On va donc plutôt modifier l’amplitude du gradient (de G1 à GNy pour Ny lignes). Cette variation d’amplitude, à chaque acquisition, modifie les déphasages des aimantations en fonction de leur position sur l’axe y. Ainsi, selon les mêmes principes de calcul que précédemment, les points échantillonnés lors des acquisitions successives des différentes lignes correspondent à des points ky1, ky2… kyNy du plan de Fourier (fig. 7-7). À chaque fois, l’amplitude du gradient est modifiée :