6: Codage spatial du signal et mise en place des événements d’une séquence IRM

Chapitre 6 Codage spatial du signal et mise en place des événements d’une séquence IRM



Pour réaliser des images en résonance magnétique, il est indispensable de pouvoir localiser précisément le signal de résonance magnétique nucléaire (RMN). La technique de formation de l’image en IRM se singularise par rapport aux autres techniques d’imagerie, en particulier de la tomodensitométrie. La méthode actuelle d’exploration (technique bidimensionnelle) sélectionne d’abord des plans de coupe successifs. À l’intérieur des plans de coupe, la reconstruction de l’image fait appel à une double transformée de Fourier (appelée méthode par 2DFT). Le codage spatial du signal est obtenu par codage de la phase dans une direction du plan et de la fréquence dans l’autre direction.



Notion de matrice et champ de vue


La notion de plan de coupe et d’image matricielle basée respectivement sur un assemblage de voxels (volume element) et de pixels (picture element) est un concept classique (utilisé en tomodensitométrie, en angiographie numérique, etc.) (fig. 6-1). Le champ de vue (FOV – field of view, ou champ de reconstruction) représente les dimensions réelles (hauteur et largeur mesurées en cm) du plan de coupe («cadre») de l’image; la taille de la matrice définit le nombre de lignes (Lp ou Np) et de colonnes (Cf ou Nf). Le voxel représente le volume élémentaire d’échantillonnage dont l’intensité de signal (moyenne des différents protons constitutifs) sera reportée sur le pixel correspondant de l’image. Les dimensions du champ de vue et la taille de la matrice déterminent la résolution spatiale (dimension du pixel). Pour un champ de vue donné, plus la taille de la matrice est grande, plus le pixel est petit. Par exemple : FOV = 25 cm, matrice 128p × 128f → pixel ∼ 4 mm2 (250 mm/128), FOV = 25 cm, matrice 256p × 256f → pixel 1 mm2 (250 mm/256) (voir tableau 8-1, Chapitre 8). À partir du pixel, on obtient la dimension du voxel en multipliant par l’épaisseur de coupe. Les matrices peuvent être carrées ou asymétrique et les champs de vue carrés ou rectangulaires, ce qui peut modifier la taille mais aussi la forme des pixels (carrés ou rectangulaires). Nous verrons ultérieurement les incidences pratiques sur la qualité d’image (voir Chapitre 8) et l’intérêt en imagerie rapide (voir Chapitre 9).




Localisation spatiale du signal


En IRM, la localisation spatiale du signal de l’image fait appel à deux notions primordiales :





Les gradients de champs magnétiques


Qu’est-ce qu’un gradient ? Un gradient représente le taux de variation (pente) d’une donnée physique dans une direction de l’espace. Un gradient peut être linéaire ou non. Un gradient est dit linéaire (dans une direction donnée) quand la variation qu’il représente est linéaire, c’est-à-dire augmente d’une même valeur par unité de mesure selon cette direction (le gradient ou la pente est alors en fait constant !). Un exemple concret de gradient est la pente d’une route : lorsqu’on dit que le pourcentage d’une route est de 6 %, par exemple, cela signifie que pour un déplacement horizontal de 100 mètres, la route monte «monte» ou «descend» de 6 mètres. Le gradient est, ici, le dénivelé de la route.


Un autre exemple courant est le gradient de température. On sait que dans une pièce, par exemple, il existe un gradient de température vertical du sol vers le plafond (l’air chaud est plus léger !). Supposons que ce gradient de température soit linéaire, la température augmentant d’un dixième de degré tous les 10 cm. Si un escalier situé au fond de la pièce a des marches de 10 cm de hauteur, on peut considérer que la température augmente de 0,1 degré par tranche (bande) de 10 cm de hauteur, situées en regard de ces marches, et perpendiculaires au gradient vertical de température. Le gradient de température permet de se situer dans l’espace à un niveau (hauteur) déterminé par rapport aux marches (fig. 6-2).



En IRM, ce sont des gradients linéaires de champs magnétiques qui vont être utilisés pour le codage spatial de l’image. Ces gradients sont créés par des bobines appelées bobines de gradients (où passe un courant électrique) (pour les précisions techniques, voir le paragraphe «Instrumentation IRM» du Chapitre 13). Ces gradients vont se superposer au champ magnétique principal image, les modifications de champ produites se rajoutant ou se retranchant de image (fig. 6-3). Le champ magnétique principal est ainsi augmenté de façon linéaire dans la direction où est appliqué le gradient, ce qui a pour conséquence de modifier, proportionnellement, la fréquence de fréquence de précession des spins. En effet, si au départ on a, sur tout le volume, une fréquence de Larmor uniforme ω0 = γ · B0, correspondant au champ magnétique image, la superposition du gradient de champ magnétique à B0 va produire un champ magnétique résultant B (croissant de manière linéaire), centré par rapport à image, ce qui conduit à une fréquence de Larmor ω = γ · B (voir fig. 6-3). Ainsi, à chaque valeur de champ magnétique correspond maintenant une fréquence de précession spécifique et, par conséquent, une position précise dans l’espace (comme la hauteur par rapport à la température dans la pièce évoquée précédemment) : le gradient permet donc une localisation dans l’espace grâce à la fréquence. Mais il aura encore une autre fonction dont nous parlerons plus loin.



Sans entrer trop dans les détails, quelles sont les caractéristiques des gradients de champs magnétiques ? Comment va-t-on les représenter ?


Dans le domaine spatial, comme nous l’avons vu précédemment, le gradient est représenté par une «pente» plus ou moins abrupte (comme le pourcentage de la route évoqué plus haut !) en fonction de son amplitude maximale (on peut encore parler de son intensité ou de sa force) : un gradient ayant une amplitude élevée sera représenté par une pente plus forte. D’autre part, il sera toujours centré par rapport à image, car les modifications de champ magnétique produites par le gradient se rajoutent et se retranchent de image. Enfin, la pente (toujours plus ou moins abrupte) peut être positive ou négative, selon que le coefficient directeur de la droite est positif ou négatif : on parlera de «polarité» du gradient, le gradient étant positif ou négatif (fig. 6-4).



Dans le domaine temporel, permettant de dessiner les gradients dans un chronogramme (avec les impulsions RF) en fonction du temps, le gradient sera représenté par un trapèze (voir aussi Annexe 12) :






Pour simplifier, nous le représenterons ultérieurement par un rectangle dans le chronogramme, en ne tenant pas compte du temps de montée et de descente.



Notion de transformée de Fourier


Une transformée de Fourier est un outil mathématique qui permet d’extraire les différentes fréquences individuelles d’un signal composite contenant plusieurs fréquences. Par exemple, si vous avez des notions de solfège et une bonne oreille, au sein d’un accord (do-mi-sol) joué au piano, votre oreille peut reconnaître les différentes notes (fréquences) qui le composent (le do, le mi et le sol). Ainsi, votre oreille «décode» le signal en ses trois fréquences élémentaires et «réalise», en quelque sorte un «équivalent» d’une transformée de Fourier (fig. 6-5a). Dans la représentation graphique de ce signal audio, il est bien évident qu’on ne peut distinguer les trois fréquences qui le composent, alors qu’après codage du signal en fréquence (ce que réalise une transformée de Fourier), l’analyse de celui-ci devient évidente (fig. 6-5b), soulignant l’importance de cet outil mathématique.



D’une manière plus générale, la transformée de Fourier permet d’analyser le «contenu fréquentiel» d’un signal (on parle aussi de «spectre de fréquences» d’un signal). Plus précisément, le baron Joseph Fourier (1768–1830) montra que toute fonction périodique peut se décomposer en une somme de fonctions sinus et cosinus, de fréquences croissantes, de la forme :



image



C’est ce qu’on appelle une série de Fourier. La somme de ces fonctions simples permet de «tendre» vers la fonction à définir.


En fait, dans une représentation graphique, l’outil «transformée de Fourier» (TDF) appliqué à un signal a pour but de le visualiser non plus sous forme d’amplitude par rapport au temps, mais sous forme d’amplitude par rapport à la fréquence. Il est alors possible de «séparer» les différentes fréquences contenues dans un signal composite, comme l’oreille sait reconnaître les notes de musique contenues dans l’accord (fig. 6-6). On passe ainsi du domaine temporel au domaine fréquentiel.



Nous verrons plus loin (voir Chapitre 7) comment la transformée de Fourier va s’intégrer dans le processus d’acquisition de l’image grâce au plan de Fourier.


Ces différents éléments étant maintenant en place, nous allons pouvoir nous lancer plus en détail dans la localisation spatiale en nous servant d’abord de l’outil gradient de champ magnétique.


En effet, pour localiser le signal en IRM, il faut d’abord, à l’intérieur d’un volume donné, sélectionner un plan de coupe pour lequel on applique un premier gradient de champ (linéaire) appelé gradient de sélection de coupe Gss (ou Gz). Ensuite, il faut, à l’intérieur de ce plan de coupe, sélectionner les différentes lignes par un deuxième gradient de champ appelé gradient de codage de phase Gφ (ou Gy). Enfin, en dernier lieu, il faut sélectionner les différentes colonnes par un troisième gradient de champ appelé gradient de fréquence Gω (ou Gx) et/ou gradient de lecture.



Sélection du plan de coupe


Le gradient de sélection de coupe Gss permet de sélectionner, à l’intérieur d’un volume, un plan de coupe perpendiculaire à la direction d’application du gradient. En l’absence de gradient, tous les protons du sujet («volume») situés à l’intérieur de l’aimant précessent avec une fréquence angulaire ω0 = γB0 (fréquence de Larmor). Si la fréquence angulaire ωr du champ magnétique tournant (onde ou impulsion de radiofréquence RF) est égale à ω0, tous les protons du sujet sont à la condition de résonance et vont subir l’impulsion de 90°; de cette manière, on sélectionne un volume (tout le volume du sujet) et non pas un plan de coupe ! Comme nous l’avons vu précédemment, le gradient de sélection de coupe Gss va (comme tout gradient) superposer au champ magnétique principal image un gradient de champ linéaire calibré de telle façon qu’un seul plan de coupe donné, perpendiculaire à la direction du gradient, soit à la fréquence de résonance. Par exemple, si on applique Gss selon l’axe z (par convention cranio-caudal), la fréquence angulaire ω des protons va croître de façon linéaire selon z (car le champ magnétique croît de façon linéaire). Si, par exemple, la fréquence angulaire varie de Δω tous les centimètres, elle sera, par exemple, de – ω3 dans le premier centimètre, – ω2 dans le deuxième centimètre, augmentant ainsi progressivement en passant par ω0 jusqu’à + ω3, le gradient étant symétrique par rapport à image (fig. 6-7). Les protons du sujet précessent alors à des fréquences angulaires croissantes − ω3 à + ω3 par tranches (bandes) ou plans (P1 à P7 dans notre exemple) perpendiculaires à la direction du gradient. Si la fréquence de l’impulsion RF ωr est égale à ω0, seuls les protons du plan de coupe P4 (qui précessent à fréquence ω0) sont à la condition de résonance et vont basculer de 90° (impulsion dite sélective dans le plan de coupe P4) et donc contribuer à la formation du signal RMN. On sélectionne ainsi le plan de coupe P4 (voir fig. 6-7).



En modifiant la fréquence de résonance de l’impulsion RF ωr pour qu’elle corresponde à – ω2, par exemple, on peut alors sélectionner le plan P2 (fig. 6-8). De cette manière, on peut sélectionner successivement les plans de coupe P1 à P7 dès lors que les fréquences (ωr et ωx) coïncident (voir Annexe 13).



Dans l’exemple précédent, le gradient est appliqué selon l’axe cranio-caudal du patient et les coupes obtenues d’épaisseur 1 cm (10 mm) sont axiales. Pour réaliser des coupes sagittales ou frontales, le gradient de sélection de coupe Gss devra être orienté respectivement de droite à gauche ou d’avant en arrière (fig. 6-9).



Par combinaison de deux, voire trois, de ces gradients dont on fait varier la force, on accède à n’importe quel plan oblique (exemple : par combinaison de deux gradients de même valeur, on obtient un plan oblique perpendiculaire à la bissectrice formé par la direction des deux gradients).


L’épaisseur du plan de coupe peut être déterminée de deux façons. Pour un gradient donné, l’épaisseur de coupe est fonction de la bande de fréquence (également appelée bande passante) de l’impulsion sélective RF. C’est le paramètre que nous avions appelé Δω un peu plus haut. Lorsque la bande passante est étroite, l’épaisseur de coupe diminue (et, inversement, en augmentant la bande passante, la coupe est plus épaisse, toujours à gradient équivalent) (fig. 6-10).



Pour donner une comparaison imagée, on peut utiliser l’exemple du tuyau d’arrosage. La bande passante de l’impulsion RF correspond à la largeur du jet sortant du tuyau. Ce jet est en général réglable : lorsqu’il est fin, on ne «couvre» qu’une étroite bande de terrain; au contraire, avec un jet plus large, on arrose une zone plus large.


Si l’on revient à l’impulsion RF, il faut encore préciser que la largeur de la bande passante dépend de la durée d’application de l’impulsion : c’est l’inverse de la période de l’impulsion, donc du temps. Ainsi, en augmentant la période (c’est-à-dire le temps), on diminue la bande passante et, par conséquent, l’épaisseur de coupe (à gradient équivalent) (pour plus de détails, voir Chapitre 8). Comme nous le verrons souvent en IRM, «pour faire mieux, il faut y mettre le temps» (merci à Sandrine Lefort pour cette analogie).


À largeur de bande passante fixe, l’épaisseur de coupe est fonction de l’amplitude (la «force») du gradient. Si le gradient est élevé, les coupes sont fines et inversement, cette approche étant simplement géométrique (fig. 6-11)1.



Après l’application de ce premier gradient Gss, en même temps que l’impulsion RF de 90°, on a donc sélectionné un plan de coupe, d’une certaine épaisseur (en fonction de la largeur de la bande passante de l’impulsion et de l’amplitude du gradient), dans lequel tous les protons sont à la même fréquence, différente des plans voisins. Si, par exemple, le gradient est appliqué dans l’axe z et que la fréquence d’impulsion RF est ω0, tous les protons du plan de coupe sélectionné sont à cette fréquence.


On peut maintenant commencer à construire le chronogramme de la séquence d’écho de spin (qui va nous servir d’exemple pour cet exercice), c’est-à-dire la chronologie des impulsions sélectives de radiofréquence et des gradients (fig. 6-12)2 :






Il faut maintenant encore réaliser le codage dans la coupe sélectionnée. Il va s’effectuer à l’aide de deux autres gradients : le gradient de fréquence (ou gradient de lecture) et le gradient de codage de phase.



Notion de codage de phase et fréquence


Avant de compléter le codage à l’intérieur du plan de coupe, il est indispensable de préciser un peu plus l’action des gradients de champs magnétiques. En effet, nous avons vu, au début du chapitre, qu’un gradient modifie linéairement le champ magnétique et, par conséquent, modifie linéairement aussi la fréquence de résonance des spins : on accède ainsi à un codage par la fréquence, comme nous venons de l’expérimenter pour sélectionner un plan de coupe. Mais, cette évolution des fréquences provoque, inévitablement, un déphasage progressif des spins, ouvrant ainsi la perspective vers un autre codage, par la phase cette fois.


Pour bien différencier ces deux concepts, prenons l’exemple de trois toupies alignées et placées dans trois assiettes (fig. 6-13). Dans un premier temps, donnons-leur avec les doigts en permanence des impulsions circulaires (régime d’entretien), de telle sorte qu’elles tournent à la même vitesse (ou fréquence) angulaire ω0 (équivalent du champ image sans gradient) : on ne peut les différencier. Maintenant, on donne une impulsion supplémentaire de plus en plus forte de la première à la troisième toupie (équivalent d’un gradient), de telle sorte qu’elles tournent avec des vitesses croissantes ω1 à ω3 (pour simplifier l’explication, on néglige la notion de symétrie du gradient par rapport à image). À chaque assiette 1-2-3 (lieu) correspond cette fois-ci une toupie avec respectivement une vitesse ω123, ce qui permet de les différencier (par leur vitesse et position) : nous avons réalisé un codage par la fréquence.



Reprenons l’expérience mais cette fois-ci en faisant un trait au marqueur sur les toupies pour visualiser leur angle (phase!), de telle sorte qu’au départ les trois traits soient parallèles et devant vous (pas de différences de phase au départ) (fig. 6-14). Si les toupies tournent à la même vitesse ω0, les traits passent devant vous au même moment (les toupies restent en phase comme au départ). Comme précédemment, donnons-leur maintenant une impulsion de plus en plus forte de la première à la troisième toupie (gradient), de telle sorte qu’elles tournent de nouveau avec des vitesses croissantes ω1, ω2, ω3 : les traits ne passent plus devant vous de façon synchrone. Le trait de la troisième toupie (la plus rapide) passe en premier, puis celui de la deuxième, enfin celui de la première : les toupies ne sont plus en phase. À chaque assiette 1–2–3 (lieu) correspond cette fois une toupie avec respectivement une phase φ1, φ2, φ3 : nous venons de réaliser un codage par la phase. Le gradient induit des différences en fréquence (non exploitées ici) qui, par voie de conséquence, entraînent des différences en phases. De plus, si on arrête d’appliquer le gradient, les toupies tournent de nouveau à la même vitesse (ω0 : régime d’entretien) mais conservent leur différence en phase : cela signifie que le codage par la phase peut être exploité par la suite à distance de l’application du gradient (véritable «marquage» des toupies par les décalages de phase!). À l’opposé, pour le codage par la fréquence, il faut mesurer les différences en fréquences (vitesse angulaire) pendant l’application du gradient, car dès lors qu’on arrête de l’appliquer, les toupies tournent de nouveau à la vitesse ω0 (avec certes des différences en phase, non exploitées ici).


Jun 17, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 6: Codage spatial du signal et mise en place des événements d’une séquence IRM

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