5 Pathologie de la base du crâne
PATHOLOGIE DE L’ÉTAGE MOYEN DE LA BASE DU CRÂNE
Les lésions de l’angle pontocérébelleux (APC) peuvent être évaluées comme le montre le tableau 5.1, en fonction de leur signal (pondération T1/T2), de leur prise de contraste et de leurs aspects les plus fréquemment observés ou caractéristiques. Secondairement, en fonction la symptomatologie clinique, les diagnostics les plus probables peuvent être évoqués. Noter que le tableau 5.1 n’est pas exhaustif et que des variations de présentation sont possibles. Certaines des pathologies de l’APC seront discutées dans ce chapitre.
PSEUDO-TUMEURS DE L’APEX PÉTREUX
Diagnostic différentiel
Hémangiome, kyste à cholestérol (granulome), cholestéatome, kyste épidermoïde et lymphangiome.
Points à évaluer
Les pseudo-tumeurs de l’apex pétreux sont souvent découvertes de façon fortuite, en rapport avec des variantes anatomiques. Il est important de tenir compte de leur innocuité et de rassurer le patient.
Les hémangiomes présentent un aspect poivre et sel, bien qu’ils soient rares au niveau de l’apex pétreux.
Un kyste à cholestérol (granulome) est hyperintense en T2 du fait de la stase du mucus, et hyperintense en T1 du fait des transformations hémorragiques, avec de possibles prises de contraste et un aspect expansif.
Un cholestéatome apparaît moins brillant en T1.
Les kystes épidermoïdes sont hypointenses en T1 et hyperintenses en T2.
Fig. 5.1 a–c Patient avec acouphènes adressé par autre hôpital pour une masse de la région de l’apex pétreux droit.
SCHWANNOME DU MÉAT ACOUSTIQUE INTERNE
Diagnostic différentiel
Schwannome vestibulaire, schwannome du facial, tumeurs vasculaires, processus inflammatoires tels que méningite, névrite et gommes. Rarement : méningiome, lipome, métastases, lymphome.
Points à évaluer
Le schwannome vestibulaire est la plus fréquente pathologie (90 %) de cette région. La présentation clinique en facilite le diagnostic du fait des problèmes auditifs (cochléovestibulaires).
Des atteintes multiples des nerfs crâniens sont évocatrices de processus inflammatoires.
Un méningiome avec comme seule localisation et origine le méat acoustique interne est possible mais extrêmement rare ; ces tumeurs sont habituellement des lésions de l’APC qui s’étendent vers le méat. En cas de suspicion de lésion de l’APC, la réalisation d’une IRM est recommandée.
Fig. 5.3 a–c Patient avec surdité neurosensorielle gauche lentement progressive.
b. IRM pondérée en T1, coupe axiale. Cette coupe en T1 montre la lésion (1) située dans le méat acoustique interne gauche, isointense au tronc cérébral (2) et au cervelet (3). Le contenu normal du méat acoustique interne (4) est moins bien visualisé que sur la séquence en T2. Comparer avec la fig. 5.3a.
SCHWANNOME VESTIBULAIRE
(Pour le diagnostic différentiel et les points à évaluer, voir Schwannome cochléaire.)
SCHWANNOME COCHLÉAIRE
Diagnostic différentiel
À côté de la grande fréquence des schwannomes : processus inflammatoires ou immunologiques, calcifications secondaires, anomalies congénitales de l’oreille interne.
Points à évaluer
Des prises de contraste discrètes ou diffuses sont aussi évocatrices de processus immunologiques actifs ou d’infections intralabyrinthiques.
Une fibrose ou une ossification peut survenir en quelques mois, empêchant la pose d’un implant cochléaire en cas de surdité bilatérale.
Le scanner peut différencier une fibrose intraluminale d’une ossification.
SCHWANNOME DE L’ANGLE PONTOCÉRÉBELLEUX
Diagnostic différentiel
Schwannome vestibulaire, schwannome du facial, tumeurs vasculaires, processus inflammatoires tels que méningite, névrite et gomme. Rarement : lipome, métastases, lymphome.
Points à évaluer
Le schwannome vestibulaire est la plus fréquente lésion (90 %) de cette région. Sa présentation clinique initiale peut aider à déterminer l’origine de la lésion, qu’il s’agisse de problèmes d’audition (cochléovestibulaire) ou de parésie faciale.
Un méningiome peut présenter un épaississement dural connu sous le nom de dural tail, bien qu’il ne soit pas toujours présent ; l’atteinte du méat acoustique interne est plus rare.
Les kystes épidermoïdes ont un aspect plus arrondi avec un contenu qui peut aussi être hyperintense en T1, mais sans prise de contraste après injection.
Les kystes arachnoïdiens dans l’APC peuvent être confondus avec des tumeurs kystiques.
Un siège antérieur peut aussi évoquer un schwannome du trijumeau.
Fig. 5.7 a–d Garçon de 9 ans handicapé mental, suivi depuis plusieurs années par des ORL qui attribuaient la surdité à des poches de rétraction tympanique, jusqu’à ce qu’une hypertension intracrânienne ait entraîné des déficits neurologiques.
b–d. IRM pondérée en T1 (b), T2 (c), et T1 avec injection de gadolinium, (d), coupe axiale. Volumineuse masse dans l’APC (1), hypointense en T1, essentiellement hyperintense en T2, rehaussée par le contraste. Absence de prise de contraste dans le méat acoustique interne. Bien que cet aspect soit moins typique de schwannome, il n’exclut pas le diagnostic du fait de son aspect caractéristique et arrondi. Compression sévère du tronc cérébral (3) et du cervelet (4) avec rehaussement du contenu du sinus sigmoïde droit (5) qui, associé à son hyperintensité en T1, est évocateur de thrombose de ce sinus sigmoïde.
KYSTES ARACHNOÏDIENS
Diagnostic différentiel
Kystes épidermoïdes, granulome à cholestérol, schwannome vestibulaire kystique. Plus rarement : cysticercose, kystes congénitaux.
Points à évaluer
Les kystes épidermoïdes, qui sont aussi hypointenses en T1 et hyperintenses en T2, peuvent être différenciés sur la séquence de diffusion (DWI).
À l’inverse, les lipomes sont hyperintenses en T1 et hypointenses en T2 spin écho.
La cysticercose est vue en zones endémiques, avec des lésions souvent de plus petite taille.
Fig. 5.8 a–e Patients examinés pour acouphènes invalidants.
d. IRM pondérée en T2, coupe axiale. Les kystes arachnoïdiens sont souvent asymptomatiques et notés comme des découvertes fortuites au scanner ou à l’IRM. Ils peuvent être de diagnostic difficile du fait de leur signal kystique similaire à celui du liquide cérébrospinal avoisinant, comme sur la figure à droite (1) ; petite asymétrie du tronc cérébral (2) et du cervelet (3) entre les deux côtés, probablement en rapport avec un petit effet de masse.
e. IRM pondérée en T1, coupe sagittale. Même patient que dans la fig. 5.8d. Le kyste arachnoïdien droit (1) comprime en avant le cervelet (2). Absence de composante solide comme on peut parfois en voir dans les schwannomes avec dégénérescence kystique (voir paragraphe).
KYSTE (ÉPI)DERMOÏDE
Diagnostic différentiel
Kyste arachnoïdien, granulome à cholestérol, schwannome kystique, tumeurs vasculaires (hémangiome, tumeur du sac endolymphatique). Rarement : cysticercose, kystes dermoïdes et congénitaux.
Points à évaluer
Les kystes épidermoïdes peuvent être différenciés des autres lésions comme les kystes arachnoïdiens sur les séquences de diffusion (DWI). Les kystes arachnoïdiens comme les autres tumeurs et kystes à contenu liquidien ont un signal bas en DWI.
En IRM, les lipomes sont hyperintenses en T1 et hypointenses en T2.
La cysticercose est vue en zones endémiques, avec des lésions souvent de plus petite taille.
CHOLESTÉATOME AVEC ATTEINTE INTRACRÂNIENNE
Diagnostic différentiel
Les lésions de la région mastoïdienne au niveau de la base du crâne : cholestéatome congénital ou acquis, kystes dermoïdes et épidermoïdes, mucocèle, tumeur du sac endolymphatique, lésions inflammatoires ou auto-immunes, méningo(encéphalo)cèle, méningiome.
Points à évaluer
Les kystes épidermoïdes et les granulomes à cholestérol sont plus souvent situés dans l’apex pétreux.
La tumeur du sac endolymphatique naît de la région située entre le canal semi-circulaire postérieur, la fosse cérébrale moyenne et le sinus sigmoïde, avec des aspects typiques en imagerie (voir paragraphe séparé).
Une méningo(encéphalo)cèle ou un méningiome présente une destruction osseuse de l’étage moyen ou postérieur de la base du crâne ainsi qu’une continuité avec les structures durales ou intracrâniennes.
Fig. 5.10 a–g Patient avec une otite chronique moyenne et un écoulement purulent.
b–d. IRM pondérée en T1 (b), T2 (c), et T1 avec injection de gadolinium (d), coupes axiales. L’IRM montre mieux les détails des caractéristiques et de la relation de la lésion avec les structures avoisinantes. La masse (1) est hypointense en T1 et hyperintense en T2. La capsule (2) se rehausse, probablement formée de tissu de granulation très hypervascularisé dû à l’inflammation chronique. Ces aspects sont compatibles avec ceux d’un cholestéatome dans lequel la kératine intralésionnelle ne se rehausse pas. En arrière de la lésion (3), un peu d’air est probablement trappé, apparaissant en vide de signal sur toutes les séquences. Contact entre la lésion et le canal semi-circulaire latéral (4) correspondant à la fig. 5.10a (repère 2).
e–g. IRM pondérée en T1 (e), T2 (f), et T1 avec injection de gadolinium (g), coupes axiales. Même patient que sur les images précédentes, 5 ans après ablation chirurgicale du cholestéatome par antro-attico-mastoïdectomie, fermeture du méat acoustique externe et comblement de la cavité par de la graisse abdominale. Cette graisse abdominale remplit la cavité (1). En avant, sur les images en T1 et en T2, visibilité d’une lésion discrètement hyperintense (2), qui peut correspondre à un cholestéatome résiduel. Les structures de l’oreille interne avec leur contenu liquidien sont mieux visibles sur la coupe en T2; il existe une destruction du canal semi-circulaire latéral (3) mais la cochlée est intacte (4).
DÉGÉNÉRESCENCE KYSTIQUE D’UN SCHWANNOME DE L’APC
Points à évaluer
Un kyste arachnoïdien peut être secondaire à un plissement ou une inclusion de membranes arachnoïdiennes dus à la compression par un méningiome ou un schwannome. Ils sont principalement situés en dehors des limites de la lésion causale.
Une mucocèle peut être suspectée lorsque le kyste est situé dans une structure couverte de muqueuse.
Bien qu’un hémangioblastome ne se présente que rarement comme une lésion de l’APC, il peut entraîner une dégénérescence kystique massive et rapidement progressive avec prise de contraste partielle de sa composante solide ; il est fréquemment observé dans la maladie de Von Hippel-Lindau.
Fig. 5.11 a–d Patient avec schwannome vestibulaire sous surveillance simple.
a, b. IRM pondérée en T1, coupes sagittales. La fig. 5.11a montre le schwannome (1) dans l’APC avec une discrète compression cérébelleuse. À droite, après 1 an de surveillance attentiste, la lésion a rapidement augmenté de volume du fait des remaniements kystiques dans les régions postérieure crânienne (3) et caudale (4) tandis que la partie (solide) du schwannome n’a pas augmenté de taille.
c, d. IRM pondérée en T2 (c) et T1 avec injection de gadolinium (d), coupes axiales. Une coupe caudale (fig. 5.11c) montre une lésion kystique arrondie (1) avec une fine capsule. Son signal est identique à celui du liquide cérébrospinal avoisinant. Absence de composante solide visible à ce niveau. Pour éviter une interprétation erronée de cette lésion comme kyste arachnoïdien, la continuité de cette zone kystique avec la composante solide du schwannome doit être établie sur les coupes adjacentes. Après gadolinium, la composante kystique ne se rehausse pas (1) tandis que le rehaussement de la composante solide est visible (2). Bien qu’il existe des options thérapeutiques pour ces lésions rapidement expansives, prédire leur effet en préopératoire reste difficile.
EFFETS DE LA RADIOTHÉRAPIE SUR LES SCHWANNOMES DE L’APC
NEUROFIBROMATOSE DE TYPE II (NF II)
Diagnostic différentiel
Des lésions multiples et l’atteinte d’autres organes sont également observées dans la maladie de Von Hippel-Lindau ou les pathologies inflammatoires comme la sarcoïdose et la syphilis.
Points à évaluer
La neurofibromatose peut se révéler par des déficits auditifs.
La seule lésion ORL découverte en cas de maladie de Von Hippel-Lindau est la présence d’une tumeur du sac endolymphatique uni ou bilatérale.
Les maladies inflammatoires ont souvent une évolution rapidement progressive avec atteintes multiples des nerfs crâniens, parfois associées à une méningite.