Chapitre 5 Anatomie chirurgicale de la rhinoplastie
Introduction
Concevoir une rhinoplastie c’est se représenter mentalement les modifications à apporter aux structures du nez pour leur conférer une nouvelle anatomie plus conforme aux nécessités esthétiques désirées par le patient.
La rhinoplastie est une chirurgie en 4D, c’est-à-dire une chirurgie tridimensionnelle à laquelle le temps apporte ses propres modifications. Elle agit en effet sur un organe creux et, de plus, la qualité de son résultat va évoluer avec l’effet du temps pendant la cicatrisation et le vieillissement.
La grande variabilité anatomique interindividuelle des pyramides nasales, influencée par les notions ethniques et culturelles, explique les diversités des techniques nécessaires à la transformation d’un nez vers une nouvelle morphologie.
Bien que la composition anatomique du nez soit très simple, symétrique et constituée basiquement de 2 os et 3 cartilages, une connaissance anatomique morphodynamique précise est indispensable car elle seule permet, au-delà des « recettes » chirurgicales appliquées sans discernement, de modifier la structure nasale pour lui conférer une morphologie qui associe un respect des structures et des fonctions, et un résultat esthétique conforme aux attentes des patients.
Ce chapitre sera divisé en trois sections : une présentation générale du nez qui traitera des différentes morphologies nasales, des évaluations esthétiques, et précisera la composition anatomique du nez ; une deuxième section appliquée au nez chirurgical proprement dit ; une troisième section qui abordera l’anatomie fonctionnelle avec les notions de valve nasale en particulier.
Présentation générale du nez
Aspect général et segmentation du nez – morphologie et esthétique
Nez externe
Morphologie du nez
Le nez se présente anatomiquement comme une pyramide triangulaire à base narinaire inférieure, une racine au niveau de la jonction nasofrontale, une pointe antérieure et deux parois latérales se poursuivant caudalement avec les ailes du nez.
Au niveau de sa base, les deux ouvertures narinaires, symétriques, situent l’entrée des fosses nasales.
La description morphologique du nez de face et de profil est représentée à la figure 5.1.

Fig. 5.1 Présentation morphologique du nez de face et de profil.
1. Front. 2. Glabelle. 3. Creux nasofrontal (racine du nez). 4. Dorsum nasal. 5. Supra-tip (suprapointe). 6. Pointe (lobule du nez). 7. Columelle. 8. Lèvre supérieure (philtrum). 9. Lèvre supérieure (arc de Cupidon). 10. Menton.
Il est classique de décrire les différentes apparences du nez en fonction des proportions respectives du dos du nez (appelé dorsum) et de la projection de la pointe. Le dorsum nasal (fig. 5.2) est regardé selon sa rectitude, sa hauteur et sa longueur ; il peut ainsi être haut ou bas, convexe (nez en tension ou nez busqué), droit ou concave (nez ensellé) (fig. 5.3A,B). La pointe obéit, quant à elle, à trois paramètres : le volume, la rotation et la projection.

Fig. 5.2 Évaluation du dorsum nasal. Cyphotique/convexe (à gauche), droit (au milieu) ou, ensellé/concave (à droite).
Les relations entre le nez et la face doivent faire l’objet d’une analyse systématique qui commence par l’évaluation des bases osseuses maxillaires et de leur symétrie ; puis du creux nasofrontal, de l’angle nasolabial, de la columelle et de la lèvre supérieure, c’est-à-dire du complexe labiocolumellaire. Par exemple, la columelle peut être rétruse ou « avalée », lorsque peu visible de profil, ou au contraire « pendante ».
De même, l’expression du regard est influencée par la hauteur de la pyramide nasale : un nez haut et un creux nasofrontal comblé donnent une impression d’hypotélorisme – le classique regard d’aigle –, alors que la situation opposée conduit à une impression d’hypertélorisme.
Enfin, l’analyse du nez de profil nécessite une étude de la position du menton dont la projection ou la rétrusion vont modifier l’impression générale du profil.
Tous ces éléments de l’analyse morphologique vont déterminer l’apparence générale du nez dans le visage et conditionner les choix thérapeutiques.
Lignes esthétiques du nez
Il existe de nombreuses propositions de classifications reposant sur des proportions, des lignes et des mesures d’angles (fig. 5.4). Elles différencient en général hommes et femmes et parfois les races.

Fig. 5.4 Proportions de la face.
Le nez (entre B/C) représente le tiers de la hauteur de la face comprise entre la limite du front (A) et le menton (D). Les angles que forme le nez avec la face sont utilisés par certains dans l’évaluation du profil ; leur utilisation n’est pas simple en pratique courante.
Cependant, il nous a semblé plus simple d’envisager l’analyse esthétique du nez en prenant en compte les relations entre nez et lèvre supérieure (fig. 5.5).

Fig. 5.5 Évaluation esthétique de la rotation de la pointe du nez. Intuitivement, la lèvre supérieure donne les proportions et l’orientation de la pointe du nez et de la columelle.
La construction en est directement compréhensible. Le patient peut ainsi facilement participer à l’analyse artistique de son nez qui est simplement accessible à la simulation informatique des modifications que l’on pourra envisager.
Dans cette analyse, la lèvre supérieure du patient est le repère primaire qui va guider la construction des proportions du nez. La lèvre supérieure va en effet conditionner trois paramètres sur la base et la pointe du nez. Sa direction oriente celle de la base du nez, c’est-à-dire de la columelle et du bord narinaire. Sa longueur va indiquer celle de la projection de la pointe ; et sa hauteur influencer celle de la columelle.
Nez interne : cloison et cornets (fig. 5.6A,B)
La fonction respiratoire commençant par la ventilation nasale, il est légitime de n’envisager de rhinoplastie qu’en prenant également en compte l’anatomie endonasale.


A. Vue de la paroi latérale de la fosse nasale gauche et des cornets. B. Coupe frontale des fosses nasales objectivant la cloison et les cornets.
Ainsi, après l’interrogatoire qui aura évalué la fonction nasale respiratoire et olfactive, les antécédents traumatiques, les allergies et les problèmes infectieux – et qui aura aussi éliminé les contre-indications chirurgicales –, l’examen du patient précisera l’état des cornets et de la cloison. Un scanner nasosinusien pourra se discuter au moindre doute.
Les déformations de la cloison antérieure et/ou supérieure ont souvent pour conséquences des perturbations ventilatoires ou des déviations du nez qui ne pourront être corrigées qu’une fois la cloison réparée. Par exemple, une convexité située sous le dorsum va nécessairement conduire à un aspect en C du nez cartilagineux qui ne pourra être corrigé qu’avec une septoplastie adaptée. De même, une hypertrophie pathologique des cornets inférieurs ou une concha bullosa peut constituer un obstacle à la normalisation anatomique et fonctionnelle du nez et, par conséquent, nécessiter une correction préalable.
Ainsi, la septorhinoplastie doit être conçue comme un acte chirurgical global débutant par la correction anatomofonctionnelle des cornets puis de la cloison et enfin, seulement, de la pyramide nasale. D’une manière générale, la prise en charge s’effectue « du fond vers la surface » après une analyse séméiologique préopératoire précise et complète.
Stratification du nez et plans chirurgicaux de dissection
Le nez est composé de couches anatomiques superposées dans lesquelles cheminent vaisseaux et nerfs. On distingue ainsi successivement (fig. 5.7A–C) la peau, le tissu sous-cutané, le plan musculaire, l’espace décollable sous-musculaire, l’enveloppe périchondro-périostée, puis le squelette ostéocartilagineux et enfin la couche profonde cutanéomuqueuse.

Fig. 5.7 Stratification et plans de dissection du nez.
A. Avant dissection. B. Le plan musculaire après résection du plan superficiel cutané et sous-cutané. C. Le squelette ostéocartilagineux.
Peau et tissu adipeux sous-cutané
Bien que de surface externe restreinte, le nez présente de grandes variations dans les caractéristiques de cette couche superficielle. Ces différences vont grandement conditionner l’apparence du nez, et par conséquent les décisions chirurgicales.
Il est important de déterminer l’épaisseur de la peau sur la pointe du nez. Si cette épaisseur est excessive, elle masquera les modifications cartilagineuses réalisées par le chirurgien et se prêtera plus à la fibrose postopératoire, en particulier au niveau de la région de la supra-tip, rendant décevant le résultat esthétique. À l’opposé, une peau trop fine est l’ennemie du chirurgien, car elle exposera sans complaisance le moindre défaut. Cette notion est facile à expliquer au patient avant l’intervention en comparant la peau tantôt à un édredon, tantôt à un foulard de soie.
De plus, en cas de peau épaisse et séborrhéique, constituant au maximum un rhinophyma, deux phénomènes viennent encore compliquer l’acte chirurgical : bien souvent les narines sont larges et vont nécessiter un geste de réduction ; les cartilages alaires sous-jacents sont au contraire plutôt fins en général, et ne contribuent que peu à la forme de la pointe dont ils ne constituent qu’un piètre soutien. Dans ces cas, il est plus adapté d’envisager des greffons modelants de la pointe afin de lui conférer une forme plus distinguée.
De même, la graisse sous-cutanée varie dans son épaisseur et peut justifier, dans ses formes excessives, un « dégraissage » chirurgical prudent.
SMAS nasal et muscles du nez
Séparant la couche cutanéograisseuse du plan musculaire, il existe un plan anatomique décollable superficiel. Celui-ci ne doit pas être considéré comme un plan chirurgical car il expose inutilement et dangereusement la peau lors des suites opératoires.
La couche musculaire du nez doit être envisagée de deux façons : d’une part chirurgicalement comme une lame musculo-aponévrotique continue faisant partie du système musculo-aponévrotique superficiel (SMAS) facial, et d’autre part médicalement comme des muscles individualisés ayant une fonction propre et pouvant être modifiés par des injections telles que la toxine botulique.
SMAS nasal
Le SMAS nasal (fig. 5.8A–D) représente la couche protectrice de la peau. Il contient tous les muscles de la pyramide nasale. Il se comporte comme une lame porte-vaisseaux qui recouvre toute la pyramide nasale sur sa face externe et s’étend de la région frontoglabellaire jusqu’à la pointe du nez. On lui reconnaît une lame primaire qui se divise et envoie des expansions profondes au niveau de la valve nasale interne – où elle s’insère – et du septum membraneux où elle rejoint des expansions du muscle depressor septi nasi [1]. Puis elle se poursuit superficiellement jusqu’au bord libre des narines latéralement et jusqu’à la columelle médialement. À ce niveau, elle contient les deux artérioles columellaires et descend jusqu’à la lèvre supérieure où elle rejoint les faisceaux du muscle orbicularis labii superficialis. Chirurgicalement, il est important de maintenir la continuité de cette lame et de cheminer dans le plan de dissection qui passe juste au-dessous.

Fig. 5.8 SMAS nasal sur une autre dissection.
Vues frontale (A) et latérale (B) objectivant la lame musculo-aponévrotique complète et les vaisseaux qui y courent. Noter aussi le muscle procerus sur la photo de face (A). C. Les expansions superficielles vers la columelle et le bord narinaire ont été sectionnées et le SMAS caudal est relevé céphaliquement, laissant apparaître ses insertions dans la valve intrinsèque du nez. La portion médiane correspond au ligament de Pitanguy. D. Les expansions profondes dans la valve ont été sectionnées et le SMAS nasal relevé vers la racine du nez, exposant le squelette ostéocartilagineux du nez. Il s’agit du plan naturel de dissection lors de la rhinoplastie.
Muscles du nez
Les muscles du nez (fig. 5.9) sont nombreux, pairs et symétriques. Ils affectent la fonction nasale et appartiennent aux muscles de la mimique faciale. On peut distinguer les muscles à fonction mimique prédominante : procerus, levator labii superioris alaeque nasi, depressor septi nasi et parfois compressor narium, volontiers concernés par l’utilisation de la toxine botulique. Les muscles dilatateurs des narines forment un groupe à part : myrtiformis (abaisseur du plancher narinaire), dilatateur propre, dilatateur antérieur ; ce groupe présente de nombreuses variations anatomiques. Enfin, on trouve le transversus nasalis, muscle de la valve nasale, dont l’origine sur le maxillaire en dehors de la fossette myrtiforme peut parfois faire penser à un faisceau du muscle myrtiformis.
Couche périchondro-périostée
Cette couche peut représenter un plan de décollement chirurgical, en particulier au-dessus du septum nasal où il est facile de la séparer du plan profond. Il a été décrit des techniques chirurgicales réalisant, par voie externe, un lambeau périchondro-périosté rabattu latéralement pour permettre les modifications squelettiques, puis remis en place en fin d’intervention et suturé afin de protéger la nouvelle infrastructure modelée par le chirurgien.
Peau vestibulaire et muqueuse nasale
La couche profonde se divise en peau et en muqueuse avec une transition au niveau de la plica nasi.
La peau recouvre le vestibule nasal à la face profonde des narines. Deux parties sont classiquement décrites : la portion pileuse avec les vibrisses (poils du nez) qui correspond à la zone marginale non cartilagineuse des narines, et la peau glabre, plus céphalique, qui recouvre la face profonde du cartilage alaire. Cette transition pileuse/glabre indique à peu près l’emplacement de l’incision marginale lors de la rhinoplastie.
Ailes narinaires
Les ailes narinaires constituent une anatomie particulière. Elles ne contiennent pas de cartilage, contrairement à bien des schémas classiques qui y placent des sésamoïdes qui ne s’y trouvent jamais…
Leurs deux faces externe et profonde sont strictement cutanées et séparées par une couche musculaire constituée des dilatateurs propres et de muscles spécifiques. La peau externe est une des plus séborrhéiques de l’organisme. Les ailes narinaires sont séparées du plan facial par le sillon alofacial.
Vaisseaux et nerfs du nez – anesthésie locorégionale
Vascularisation du nez
Artères du nez (fig. 5.10)
Les artères du nez sont des branches des artères faciales et ophtalmiques. Il existe de nombreuses variations dans leurs distributions. On distingue habituellement les artères longitudinales, qui sont les artères angulaires et dorsales. Ces dernières vont s’anastomoser avec les artères columellaires qui arrivent de la lèvre supérieure. Les artères transversales, qui sont les artères marginales et latérales, courent de part et d’autre des bords du cartilage alaire, la première le long du bord caudal et l’autre dans la valve nasale à la jonction triangulo-alaire. De plus, il existe parfois une artère qui longe le bord narinaire et une autre artère transversale au niveau du radix. Ces artères transversales sont très exposées lors des rhinoplasties car elles sont situées précisément sur les voies d’abord du nez.
Arcades artérielles et anastomoses transfaciales et intercarotidiennes (fig. 5.11)
Ces artères forment en fait un système anastomotique intercarotidien et transfacial bien objectivé par les travaux Doppler [2]. Les anastomoses artérielles permettent une inversion du flux artériel en fonction des circonstances physiologiques ou pathologiques. De ces anastomoses partent les ramifications terminales sous forme de plexus sous-dermique alimenté par des perforantes.
Cette disposition très particulière, notamment à la pointe du nez, explique les nombreux procédés de reconstruction par des lambeaux musculocutanés locorégionaux à pédicules très variables mais tous fonctionnels. Cette notion a pour corollaire la nécessité de protéger cette couche vasculaire par une dissection chirurgicale sous-SMAS.

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