Chapitre 40
Rééducation de la main rhumatoïde
Introduction
Définition de la polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent. Cette pathologie se caractérise par des douleurs articulaires associées à un enraidissement matinal et un gonflement articulaire (synovite). L’évolution se fait au rythme de poussées inflammatoires à l’origine de destructions articulaires [1–3].
• atteinte articulaire (nombre et type d’articulations atteintes) : score de 0 à 5 ;
• sérologie (au moins un test réalisé) : facteur rhumatoïde (FR) et anti-citrullinated peptide antibodies (ACPA) : score de 0 à 3 ;
• syndrome inflammatoire (au moins un test réalisé) : protéine C réactive (CRP) et vitesse de sédimentation (VS) : score de 0 à 1 ;
• durée des symptômes (symptômes < 6 semaines ou ≥ 6 semaines) : score de 0 à 1.
Le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde est retenu si le score est ≥ 6/10 [4].
Les principales articulations touchées sont la main (80 % des cas), le poignet (73 %), le genou, l’épaule (53 %), la cheville, le rachis cervical (41 %) et la hanche. Elle affecte majoritairement la femme avec un âge moyen d’apparition de la maladie vers 45 ans [5,6]. La polyarthrite rhumatoïde entraîne un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires [7–9].
Modalités de prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde requiert une prise en charge précoce appropriée. Le traitement médical adapté doit être réalisé en première intention. Malgré les progrès indéniables du traitement médical depuis l’apparition des biothérapies [10], la chirurgie présente des indications dans le traitement du poignet et de la main rhumatoïde. Les traitements locaux s’avèrent nécessaires (synoviorthèses et réparation chirurgicale). La collaboration médico-chirurgicale est indispensable. Ergothérapeutes, masseurs-kinésithérapeutes, et orthésistes-orthopédistes (petit appareillage) sont complémentaires dans la prise en charge globale et pluridisciplinaire des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde [2,11,12,13,14].
Le médecin traitant doit déclencher une demande d’affection de longue durée (protocole de soins en ALD), assurant au patient une prise en charge à 100 % de l’ensemble des soins et des traitements et de ses complications. Il coordonne un suivi régulier, vers le médecin rhumatologue, le chirurgien orthopédiste et l’ensemble des professionnels de santé concernés [15,16].
Les principaux objectifs du traitement sont de contrôler la maladie, de réduire la douleur, de prévenir les destructions articulaires, les déformations, la perte de fonction et le handicap. Il faut maintenir une autonomie fonctionnelle quotidienne, une qualité de vie, une activité professionnelle, une socialisation, des loisirs et un confort de vie tout en limitant le préjudice esthétique. Les répercussions fonctionnelles, psychologiques, sociales et professionnelles sont importantes pour le patient. Les conséquences économiques sont considérables pour la société [1,2,11].
Si le repos articulaire a été prôné pendant de nombreuses années, à tous les stades de la maladie, les recommandations de l’EULAR (15 recommandations en 2010) et de la Haute Autorité de santé (3 recommandations en 2007 [1,2,17]) ont démontré la nécessité d’une rééducation « dynamique ». Il paraît souhaitable de faire évoluer notre prise en charge rééducative [9].
Complexité des déformations du poignet, de la main, des doigts longs et du pouce rhumatoïdes
De nombreux auteurs dont Tubiana, Taleisnik, Zancolli, Alnot [18] ont décrit cette « cascade » des déformations. Nous reprendrons la synthèse décrite par Merle en 2007 [5,6].
Les doigts longs se déforment consécutivement au poignet, avec une inclinaison ulnaire des chaînes digitales. Les articulations IPP se déforment soit en boutonnière IPP : c’est la luxation palmaire des bandelettes latérales après la rupture de la bandelette médiane extenseur ; soit en col-de-cygne IPP, sous l’action du muscle interosseux mis sous tension par le collapsus du carpe, associé à la détente des fléchisseurs et des extenseurs. La déviation ulnaire des doigts longs communément dénommée « coup de vent cubital » est consécutive à la luxation des tendons extenseurs dans les vallées intermétacarpiennes et à la translation ulnaire des tendons fléchisseurs en regard des articulations métacarpophalangiennes. Le pouce rhumatoïde présente soit une déformation dite en « Z » ou en boutonnière (distension de la capsule articulaire et de la sangle extenseur par le pannus synovial avec migration latérale du tendon du muscle extensor pollicis longus vers le versant ulnaire de l’articulation MCP), soit une déformation dite en « M » ou en col-de-cygne, voire en pouce adductus (hyperextension de la MCP et flexion de l’IP, suite à la subluxation de la TM par le pannus synovial et la rétraction de l’adductor pollicis).
Place des orthèses dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde
À tous les stades de la polyarthrite rhumatoïde, les orthèses de la main, du poignet et des doigts sont prescrites en complément d’autres thérapeutiques. Elles s’intègrent dans un parcours de soins, respectant les fragilités de la peau et des structures péri-articulaires [19].
Au stade médical, la prescription d’orthèses de série (fabrication industrielle) est admissible. Les orthèses sur mesure ou orthèses personnalisées sont davantage adaptées au patient polyarthritique. Elles sont bien tolérées, surtout au stade des déformations, par une meilleure adaptation du galbe et de la déformation, et après une intervention chirurgicale. Elles sont en majorité réalisées à l’aide de matériaux thermoformables basse température. Le choix du matériau est laissé à l’appréciation de l’orthésiste et de son expertise. Elles doivent être confortables et esthétiques [2,11].
Elles contribuent à réduire la douleur : seul leur rôle antalgique est démontré. Leur rôle sur la prévention des déformations est incertain [2].
Elles positionnent les articulations dans une position antalgique, indispensable lors de poussées inflammatoires (orthèse de repos). Elles concourent à améliorer la fonction et facilitent les préhensions lors des activités de la vie quotidienne (orthèses de fonction et de correction). Elles complètent une chirurgie et contribuent à la récupération postopératoire (orthèses postopératoires d’immobilisation et d’autorééducation) (tableau 40.1).
Tableau 40.1
Indications des orthèses personnalisées en fonction des stades de la polyarthrite rhumatoïde.
• la subluxation de la tête ulnaire ;
• l’inclinaison radiale du bloc carpo-métacarpien ;
• la déviation ulnaire des doigts longs ;
• la ou les déformations en boutonnière ou en col-de-cygne des IPP ;
En postopératoire, elles complètent le geste opératoire et s’accordent avec les objectifs du chirurgien [11].
Appareillage personnalisé de repos
À tous les stades de la polyarthrite rhumatoïde, il est souhaitable de prescrire une orthèse globale de repos (poignet-main-doigts) (figure 40.1) surtout lors de poussées inflammatoires [20] La HAS a émis un grade C de recommandations quant à leur port dans un but antalgique [2,21].
L’orthèse stabilise le poignet en extension 20/30°. Les articulations MCP sont fléchies à 40°. Les articulations IPP sont légèrement fléchies entre 10 et 20°. La première commissure est ouverte. Le pouce est stabilisé en antépulsion, abduction et opposition ; l’articulation MCP est fléchie à 15°. Afin de veiller à l’inclinaison radiale du bloc carpo-métacarpien, le poignet est maintenu en rectitude (inclinaison neutre). Les doigts longs sont positionnés vers le versant radial afin d’anticiper l’inclinaison ulnaire des chaînes digitales. Un rebord ulnaire au digitus minimus soutient cette correction en rectitude des chaînes digitales. Il est important de bien dégager les contours des articulations MCP.
En dehors de l’orthèse globale de repos, des orthèses de repos partielles peuvent être proposées intéressant un segment isolé (orthèse statique de repos du poignet, orthèse statique de repos du pouce, tuile statique de Michon). Secondairement à l’orthèse globale de repos, une orthèse statique de repos poignet-pouce est régulièrement prescrite (cf. Orthèse statique de stabilisation du poignet et du pouce : orthèse longue).
Appareillage personnalisé de fonction
L’appareillage est amovible, résistant et confortable. À port diurne, il est recommandé lors des activités de la vie quotidienne afin de soulager les articulations, de limiter la douleur et d’aider à une meilleure fonction des mains et des doigts. En 2007, la HAS a émis un accord professionnel lors des recommandations sur la polyarthrite rhumatoïde : les orthèses de fonction facilitent la réalisation d’activités quotidiennes [21–25].
Orthèse statique de stabilisation du poignet
L’appareillage est dorso-palmaire. L’ouverture se situe à la face dorsale de l’avant-bras, entre radius et ulna. La tête de l’ulna est stabilisée pour prévenir la subluxation dorsale. Le poignet est stabilisé en position de fonction : légère extension 20° et inclinaison ulnaire 10°.
Les chaînes digitales sont libres (libération du pli de flexion palmaire MCP). Le pouce est libéré à partir de la TM. L’éminence thénare est ajourée (figures 40.2a et 40.2b).
Orthèse statique de stabilisation du pouce : orthèse courte
L’appareillage stabilise les articulations trapézo-métacarpienne et métacarpo-phalangienne. L’articulation interphalangienne est libre.
Il maintient le 1er métacarpien en antépulsion abduction opposition, fléchie la MCP à 20°, ouvre la première commissure autorisant les pinces pulpo-pulpaires entre le pouce et les doigts longs (figure 40.3). Il faut inciter le patient à ne pas recourir aux pinces termino-latérales entre le pouce et l’index pour ne pas encourager de déviation ulnaire de l’index.
Orthèse statique de stabilisation du poignet et du pouce : orthèse longue
L’appareillage stabilise le poignet (extension 20°) et la colonne du pouce : l’IP est libre pour une orthèse de fonction. Dans le cas, d’une orthèse de repos poignet-pouce, l’IP est maintenue.
Orthèse statique de stabilisation des MCP
L’appareillage stabilise les articulations MCP en rectitude lors des préhensions. Il prévient la luxation des tendons extenseurs dans les vallées intermétacarpiennes, limitant la déviation ulnaire des chaînes digitales (figure 40.4a). Il autorise les mouvements de flexion/extension des articulations MCP [26].

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