Chapitre 4 Lésions palpables et solides
Il existe plusieurs types de lésions palpables que l’on distingue en fonction de leur contenu (liquidien ou solide), de la présence éventuelle d’une altération de la surface cutanée, de leur taille et de leur localisation cutanée (superficielle ou profonde).
Les mécanismes qui sont à l’origine de ces lésions peuvent être déterminés par l’examen histopathologique seulement : œdème, infiltration par des cellules inflammatoires ou tumorales, substances de surcharge (amylose, mucine, etc.).
Papule
La papule est habituellement définie comme une lésion palpable de petite taille, ne dépassant pas 10 mm, de contenu non liquidien (fig. 4-1). Il s’agit en général de lésions surélevées, dépassant le niveau de la peau adjacente. Vue d’en haut, une papule peut être ronde (fig. 4-2), ovale, ombiliquée (petite dépression centrale) (fig. 4-3) ou polygonale. Vue de profil, elle peut être plane, en dôme, sessile, pédiculée ou acuminée (conique, pointue) (fig. 4-4). La surface peut être lisse (fig. 4-5), érosive, ulcérée ou nécrotique (fig. 4-6), recouverte de squames (fig. 4-6), de croûtes ou de squamescroûtes (fig. 4-6) ; les orifices pilaires peuvent être saillants et conférer un aspect en peau d’orange (fig. 4-7). Enfin la distribution peut être folliculaire (fig. 4-4) ou non.

Fig. 4-1 Papules. Xanthomes éruptifs. Il s’agit de papules, c’est-à-dire de lésions palpables mesurant moins de 1 cm, sans altération de la surface cutanée, rouges ou jaune orange. Elles sont généralement nombreuses et apparaissent de façon éruptive. Elles sont l’expression cutanée d’une hypertriglicéridémie souvent majeure pouvant mettre en cause le pronostic vital, car il existe alors notamment un risque de pancréatite.

Fig. 4-2 Papules hémisphériques, en dôme, angiomateuses multiples. Hémangiomatose diffuse néonatale. Cette affection est potentiellement grave par la possibilité d’hémangiomes viscéraux, notamment hépatiques et spléniques, d’une insuffisance cardiaque à débit élevé et d’une hypothyroïdie par sécrétion inappropriée d’une enzyme dégradant la thyronine.

Fig. 4-3 Papule ombiliquée. Molluscum contagiosum. Papule rose hémisphérique, avec une dépression centrale appelée ombilication, très caractéristique d’une lésion viro-induite. On peut aussi relever les télangiectasies latéralement. Le molluscum contagiosum est une lésion liée à un poxvirus. Il est fréquent chez l’enfant. Sa survenue en grand nombre chez un adulte impose la recherche d’un déficit immunitaire.

Fig. 4-4 Papules kératosiques acuminées (pilaires), sur plaque érythémateuse. Pityriasis rubra pilaire. Ces papules ont un aspect conique, à sommet superficiel et à base épidermique, typique d’une papule pilaire.

Fig. 4-5 Papules rouges œdémateuses lisses, sans altération de la surface cutanée. Engelures. Ces papules sont mal limitées et érythémateuses. Le siège aux extrémités et l’apparition par température fraîche et humide sont caractéristiques des engelures, qui sont le plus souvent idiopathiques, mais qui peuvent aussi révéler des affections comme une leucémie myélomonocytaire, un lupus érythémateux, un syndrome des anticorps antiphospholipides, une cryopathie ou encore, chez un nourrisson, un syndrome d’Aicardi-Goutières.

Fig. 4-6 Papules et plaques nécrotiques. Papulose lymphomatoïde. Ces papules et plaques rouges ont une évolution squameuse, croûteuse et nécrotique (flèches). Elles se couvrent d’une croûte hémorragique. Cette évolution est caractéristique de la papulose lymphomatoïde, un lymphome auto-abortif conférant un surrisque de maladie de Hodgkin, de lymphome anaplasique et de mycosis fongoïde.

Fig. 4-7 Papules érythémateuses. Granulome de Lever. Noter les orifices pileux saillants, conférant un aspect en peau d’orange (flèche), caractéristique de cette affection qui siège volontiers sur le visage.
La consistance d’une papule est variable selon sa nature ; certaines lésions sont très dures, d’autres molles et dépressibles (fig. 4-8). Les papules par prolifération ou dépôts épidermiques (ex. : verrue plane, kératose séborrhéique) ont habituellement des limites nettes et rectilignes et sont souvent rugueuses (fig. 4-9), alors que les papules dermiques (ex. : granulome annulaire) sont moins bien limitées, mais plus lisses (fig. 4-10). Les papules doivent être distinguées des autres lésions palpables qui sont plus grandes (plaque, nodule, tumeur), situées plus profondément (nouure), de contenu liquidien (vésicule, bulle) ou qui résultent principalement d’altérations de la surface de la lésion (corne, kératose). Ces dernières peuvent également être dénommées papules kératosiques.

Fig. 4-8 Papule exophytique dépressible. Neurofibrome. La dépressibilité d’une papule est rare. Elle se voit notamment dans les neurofibromes, l’anétodermie, certains naevus, les papules piézogéniques et les pendulum.

Fig. 4-9 Papule brun foncé et plaque brun clair. Kératoses séborrhéiques. Noter les bords très rectilignes; ces deux lésions sont comme «posées» sur la peau. Cet aspect est caractéristique des papules épidermiques. Comparer les bords avec ceux de la lésion de la fig. 4-10. La kératose séborrhéique résulte d’une prolifération épidermique. C’est une lésion bénigne et très commune, notamment chez les sujets de plus de 60 ans.

Fig. 4-10 Papules et plaques de configuration annulaire. Granulome annulaire. Noter les bords de cette lésion : ils sont moins rectilignes et moins nets que ceux de la fig. 4-9. La peau semble soulevée par une lésion sous-jacente. Cet aspect sémiologique caractérise les lésions dermiques, ce qui est le cas du granulome annulaire, correspondant sur le plan microscopique à une inflammation granulomateuse («granulome palissadique») du derme.
Le terme de tubercule devrait être abandonné. C’est une lésion palpable intradermique sans (ou avec peu de) relief. Il s’agit donc simplement d’une papule intradermique (fig. 4-11). Ces lésions sont souvent d’évolution chronique ou ont tendance en régressant à laisser une cicatrice (ex. : lupus tuberculeux). Elles sont circonscrites et mobiles par rapport à l’hypoderme.

Fig. 4-11 Papule intradermique. Fibrome. À la palpation, il s’agit d’une lésion très ferme. Cette papule est déprimée sous le plan de la surface cutanée. Le pincement entre le pouce et l’index permet de former des fossettes qui recouvrent partiellement la lésion [dimple sign). Ce signe est caractéristique des fibromes.
Plaque
Le terme de plaque désigne des lésions en relief plus étendues en surface qu’en hauteur et mesurant plus de 1 cm (ex. : syndrome de Sweet, fig. 4-12). Certaines plaques résultent de la confluence de papules alors que d’autres sont d’emblée des lésions mesurant plus de 1 cm. Les différents aspects sémiologiques discutés avec les papules s’appliquent également aux plaques, qui peuvent par exemple être angiomateuses (ex. : hémangiome, fig. 4-13), érythématosquameuses (ex. : psoriasis, fig. 4-14), érosives (ex. : maladie de Paget extramammaire, fig. 4-15).

Fig. 4-12 Plaque. Syndrome de Sweet. La plaque est une lésion palpable mesurant plus de 1 cm, plus étalée dans le plan horizontal (en surface) que dans le plan vertical (en hauteur ou en profondeur). Dans cet exemple, il s’agit d’une plaque rouge, dont la surface n’est pas altérée (à l’exception d’une discrète zone centrale qui desquame). Le syndrome de Sweet fait partie des maladies neutrophiliques (cf. chapitre 15) ; le diagnostic repose sur la biopsie cutanée. Une fièvre et des douleurs articulaires sont souvent associées aux lésions cutanées. Un syndrome de Sweet incite à chercher une hémopathie, une infection, une maladie auto-inflammatoire ou une connectivite, dont ce syndrome peut être révélateur.

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