4. Facteurs de risques génétiques



Introduction45


Gènes de prédisposition aux cancers et risque de cancers46


Prise en charge du risque génétique50


Impact psychologique du test en oncogénétique54


Aspects éthiques57


Conclusion59



INTRODUCTION


Le cancer est une maladie génétique de la cellule puisque les pathologies tumorales sont caractérisées par l’accumulation d’anomalies chromosomiques et/ ou génétiques qui sont responsables du passage d’un état normal à un état tumoral. Les altérations sont globalement de deux types : il s’agit soit de mutations ponctuelles, soit de remaniements chromosomiques. Elles peuvent être acquises spontanément du fait d’erreurs de réplication de l’ADN lors de la division cellulaire ou bien être induites par des agents mutagènes. Ce sont des mutations somatiques car acquises au cours de la vie et n’étant transmises qu’aux cellules qui en descendent (clone de cellules). La cellule est dotée de systèmes de réparation de l’ADN qui lui permettent de limiter l’accumulation de ces altérations. En cas d’accumulation de ces accidents génétiques, la cellule est dotée d’un autre système pouvant induire sa mort, c’est le mécanisme de l’apoptose. Mais les cellules peuvent échapper à l’apoptose et ainsi conserver les mutations et devenir tumorales. Il faut noter que toutes les altérations qui surviennent dans une cellule ne vont pas nécessairement être impliquées dans le processus tumoral : les mutations doivent survenir dans des gènes dont le produit participe à une, voire à des voies cellulaires impliquées dans le cycle cellulaire, l’apoptose, la réparation de l’ADN, la différenciation, etc.. Le nombre de mutations, ou plutôt le quota de mutations, nécessaires à la transformation cellulaire est faible, variable d’une tumeur à une autre. Il est probablement inférieur à cinq dans les tumeurs embryonnaires de l’enfant et d’une dizaine dans les carcinomes de l’adulte.

On oppose aux mutations somatiques les mutations constitutionnelles (ou mutations germinales). Les mutations constitutionnelles sont retrouvées dans toutes les cellules d’un organisme. Elles sont héritées de l’un des deux parents ou secondaires à une néomutation survenue dans les gamètes parentaux. Elles sont héréditaires et peuvent donc être transmises de génération en génération.



GÈNES DE PRÉDISPOSITION AUX CANCERS ET RISQUE DE CANCERS



Généralités


Le cancer est une pathologie fréquente retrouvée dans toutes les familles. On décrit, depuis déjà de nombreuses années, des formes familiales de cancer dans lesquelles on retrouve un nombre particulièrement élevé d’individus ayant été atteints d’un ou plusieurs cancers. Broca, au XIXe siècle, avait rapporté dans l’un de ses ouvrages une généalogie qui comprenait vingtquatre femmes sur cinq générations, dix décès par cancer du sein et quatre autres par cancer du foie. De même, Warthin décrit, dès 1913, des formes familiales de cancers du côlon à partir de l’histoire familiale de sa femme de ménage (Marra et Boland, 1995). Au cours des vingt dernières années, les connaissances médicales sur les prédispositions génétiques aux cancers se sont considérablement accrues, d’abord par une meilleure approche épidémiologique des formes familiales de cancer, puis par la découverte d’un certain nombre de gènes responsables. Le tableau 4-1 reprend une trentaine de syndromes de prédisposition génétique identifiés en 2007. Une prédisposition donnée est associée à une ou plusieurs localisation(s) tumorale(s) – «spectre tumoral».












































































Tableau 4-1 Principaux syndromes de prédisposition génétique.
Syndrome de prédisposition Gènes de prédisposition Risques tumoraux principaux
Cancer du sein et / ou de l’ovaire familial BRCA1
BRCA2
Sein, Ovaire
Sein, Ovaire (Prostate, Pancréas, Mélanome)
Syndrome HNPCC (ou Syndrome de Lynch) Gènes MMR MLH1, MSH2, MSH6, PMS2 Spectre étroit (Côlon, Rectum, Endomètre, Instestin grêle, Voies excrétrices urinaires)
Spectre large (Estomac, Ovaire, Voies biliaires)
Polypose adénomateuse familiale APC Côlon, Duodénum, Tumeurs desmoïdes, Thyroïde, Tumeurs cérébrales (Médulloblastomes), Tumeurs hépatiques (Hépatoblastome chez l’enfant), Pancréas
Polypose juvénile SMAD4, BMPR1A Côlon, Estomac
Neurofibromatose de type 1 NF1 Phéochromocytome, Sarcomes, Tumeurs des gaines nerveuses (Schwannomes), Tumeurs endocrines du pancréas, Cancer médullaire de la thyroïde, Méningiomes, Ependymomes
Neurofibromatose de type 2 NF2 Schwannomes, Méningiomes, Gliomes, Neurinome de l’acoustique, Ependymomes
Syndrome de Peutz-Jeghers STK11 Ovaire, Testicule, Pancréas, Côlon, Duodenum, Intestin grêle, Sein, Foie, Col utérin
Rétinoblastome RB1 Rétinoblastome, Sarcomes, Pinéalome, Tumeurs bronchiques, Mélanome
Mélanome p16 (CDKN2A), CDK4 Mélanome, Pancréas
Syndrome de Li et Fraumeni TP53 Sarcomes, Sein, Tumeurs cérébrales, Corticosurrénalome
Syndrome de von Hippel Lindau VHL Rein, Phéochromocytome, Hémangioblastome, Pancréas (tumeurs endocrines)
Syndrome de Cowden PTEN Sein, Thyroïde, Rein, Endomètre
Cancer de l’Estomac Familial CDH1 Estomac (formes diffuses), Sein (carcinomes de type lobulaire)
Néoplasie Endocrine Multiple de type 1 MEN1 Adénomes hypophysaires, Parathyroïde, Tumeurs endocrines du pancréas
Néoplasie Endocrine Multiple de type 2A RET Phéochromocytome, Adénome parathyroïdien, Thyroïde (Cancer médullaire)
Denys-Drash / WAGR WT1 Néphroblastome, Mésothéliome, Gonadoblastome, Tumeurs de Wilms
Sclérose Tubéreuse de Bourneville TCS1-2 Rein, Hémangioblastome, Astrocytome

Les prédispositions génétiques connues aujourd’hui correspondent le plus souvent à un déterminisme génétique simple, c’est-à-dire à une situation monogénique de transmission autosomique dominante associée à un risque tumoral majeur, et donc à une pénétrance élevée – la pénétrance correspond à la proportion d’individus possédant un trait génétique donné (génotype) qui exprime le caractère (phénotype) correspondant. Les gènes responsables de ces prédispositions sont présents dans chaque cellule en deux exemplaires : un exemplaire d’origine paternelle et un exemplaire d’origine maternelle. La prédisposition génétique de mode dominant correspond à la mutation constitutionnelle d’une seule copie du gène. Les prédispositions génétiques sont héréditaires : si un parent est porteur d’une prédisposition génétique, il a un risque sur deux de la transmettre à sa descendance, que ce soit à un garçon ou à une fille (aujourd’hui, tous les facteurs de prédisposition génétique identifiés sont localisés sur les autosomes, chromosomes communs aux hommes et aux femmes).


Les risques de cancers sont différents d’une prédisposition génétique à l’autre. Le spectre tumoral peut être dépendant de la fonction du gène et de son expression tissulaire (par exemple, le carcinome médullaire de la thyroïde et les altérations du gène RET). Dans la plupart des cas, le spectre tumoral a une spécifité spatiale, voire même temporelle, alors qu’il s’agit de gènes d’expression ubiquitaire impliqués dans le contrôle du cycle cellulaire (mutation du gène RB1 et risque majeur de rétinoblastome dans la petite enfance) ou dans la réparation de l’ADN (mutation de BRCA1 ou BRCA2 et risque de cancer du sein et de l’ovaire). Ce paradoxe est encore inexpliqué, mais de gros efforts sont mis en œuvre pour essayer de le comprendre.


Il reste un certain nombre de facteurs de prédisposition génétique à identifier puisqu’un très grand nombre de formes familiales de cancers ne peuvent pas être expliquées par des altérations des gènes mis en cause aujourd’hui. Des gènes de transmission autosomique dominante pourraient encore être impliqués (même si elle paraît peu probable, l’identification du gène BRCA3 est toujours espérée pour les formes familiales de cancer du sein), mais il semble maintenant évident que des situations plus complexes restent à découvrir. D’autres modèles de transmission génétique sont évoqués pour ces gènes, avec notamment la ségrégation des facteurs de prédisposition selon un mode de transmission récessif (il faudrait que les deux parents transmettent un allèle altéré pour que l’enfant soit porteur de la prédisposition). Des modèles digéniques, voire oligogéniques sont aussi évoqués : les altérations d’un gène donné donneraient de façon isolée une faible augmentation du risque tumoral, mais l’interaction avec d’autres gènes de susceptibilité pourrait entraîner un risque tumoral élevé.

Ces gènes pourraient être responsables d’un nombre important de cas de cancers sporadiques (cas isolés). Leur pénétrance étant peu élevée, ils ne conduiraient pas toujours à l’apparition d’une forme familiale. Leur identification est d’autant plus difficile qu’il existe certainement une forte hétérogénéité génétique, c’est-àdire des gènes différents à l’origine d’un même risque, et donc probablement une pénétrance faible. On comprend alors aisément que les prédispositions génétiques clairement identifiées aujourd’hui ne concernent qu’une faible partie des personnes touchées par le cancer. Pour reprendre la métaphore de l’iceberg, il est clair que l’essentiel des facteurs de prédisposition aux cancers, constitué par sa partie immergée, n’est pas identifié. Les dix ou vingt prochaines années du développement de l’oncogénétique seront celles de la compréhension des situations de prédispositions complexes, car multigéniques et faisant intervenir l’environnement.


Prédisposition génétique aux cancers du sein et de l’ovaire


Trois cancers du sein chez des apparentées au premier ou au deuxième degré quel que soit l’âge de leur survenue, et/ou deux cancers du sein chez des apparentées au premier degré dont un au moins est survenu avant 40 ans et/ou avec une atteinte bilatérale (au niveau des deux seins), et/ou association dans une même famille ou chez un même cas index de cancers du sein et de l’ovaire sont des exemples d’histoires familiales pouvant évoquer l’existence d’une prédisposition génétique. Les cancers du sein chez l’homme étant rares, ils sont très évocateurs de prédisposition génétique dans les histoires familiales de cancer du sein et/ou de l’ovaire. Un cancer du sein chez une jeune femme (âgée de moins de 36 ans) sans histoire familiale est aussi évocateur d’une prédisposition génétique (Eisinger, Alby et coll., 1998a).

Il est important de noter qu’aujourd’hui, les situations évocatrices de prédisposition génétique aux cancers du sein et/ou de l’ovaire liée à une altération des gènes BRCA1 ou BRCA2 ne reposent essentiellement que sur l’analyse des histoires familiales de cancer. Il est donc possible, dans certaines situations, de ne pas retenir une histoire familiale comme évocatrice d’une prédisposition alors qu’un facteur de prédisposition ségrège dans la famille. C’est le cas par exemple des histoires familiales peu informatives qui comportent peu de membres, voire des familles avec une surreprésentation masculine qui masque la possibilité de voir apparaître une forme familiale de cancer du sein et/ou de l’ovaire. C’est donc là l’une des limites de l’analyse des histoires familiales comme seul critère pouvant faire évoquer les syndromes de prédisposition génétique aux cancers et ainsi orienter vers une étude génétique. D’autres critères pourraient être intégrés dans les années à venir et être considérés comme évocateurs de prédisposition génétique. Les caractéristiques tumorales pourraient en faire partie, comme c’est déjà le cas pour les tumeurs digestives liées aux altérations des gènes MMR dans le syndrome HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer – cancer du côlon héréditaire non polyposique) qui ont la caractéristique de présenter une instabilité génétique. Déjà, des éléments d’orientation existent pour le gène BRCA1 : ce sont le plus souvent des carcinomes canalaires infiltrants, de grade SBR III, récepteurs aux oestrogènes et à la progestérone négatifs et HER2 négatif. Enfin, dans 10 % des tumeurs environ, il s’agit de formes médullaires (Lakhani, Gusterson et coll. 2000; Lakhani, Jacquemier et coll., 1998).

Deux gènes de prédisposition aux cancers du sein et/ ou de l’ovaire donnant des risques majeurs ont été identifiés. Il s’agit du gène BRCA1, localisé sur le chromosome 17, et du gène BRCA2, localisé sur le chromosome 13. Ils sont impliqués dans 65 % des familles «sein-seul» et dans 95 % des familles «sein-ovaire» réunissant au moins quatre cas de cancer du sein avant l’âge de 60 ans et appartenant à la même branche parentale (Ford, Easton et coll., 1998). Tous deux ont une pénétrance incomplète mais forte. Le risque cumulé de développer un cancer du sein chez les femmes porteuses d’altérations de ces gènes à l’âge de 70 ans est de 65 % (intervalle de confiance à 95 % compris entre 44 % et 78 %) pour le gène BRCA1 et de 45 % (intervalle de confiance à 95 % compris entre 31 % et 56 %) pour le gène BRCA2 (le risque moyen de la population générale étant de l’ordre de 9 %). Le risque cumulé de cancer de l’ovaire à l’âge de 70 ans est de 39 % (intervalle de confiance à 95 % compris entre 18 % et 54 %) pour le gène BRCA1 et de 11 % (intervalle de confiance à 95 % compris entre 2 % et 19 %) pour le gène BRCA2 (risque moyen de la population générale de l’ordre de 1 %) (Antoniou, Pharoah et coll., 2003) – voir tableau 4-2. Les risques de cancer de l’ovaire semblent cependant très variables d’une famille à l’autre et l’implication de gènes modificateurs du risque ovarien est plus que probable.




































Tableau 4-2 Mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 : risque cumulé à 70 ans de développer un cancer.
(Antoniou, 2003)
IC = Intervalle de confiance à 95 %.
Type de cancer Risque
dans la population générale
Risque pour l’individu porteur
de la mutation brca1
Risque pour l’individu porteur
de la mutation brca2
Cancer du sein/femme 9 % 65 % (IC : 44-78 %) 45 % (IC : 31-56 %)
Cancer de l’ovaire 1 % 39 % (IC : 18-54 %) 11 % (IC : 2-19 %)
Cancer du sein/homme 0,05 % < 1 % 4-5 %
Cancer de la prostate 12 % Accru Accru
Autres cancers
Légèrement accru Légèrement accru (pancréas, mélanome, estomac …)

Ces deux gènes ne rendent pas compte de l’ensemble des prédispositions héréditaires au cancer du sein et/ ou de l’ovaire. Il existe des familles dont l’histoire est très évocatrice d’une prédisposition et qui ne sont pas liées à BRCA1 ou BRCA2. Il existe ainsi d’autres gènes de prédisposition au cancer du sein et/ou de l’ovaire, certains étant déjà identifiés comme facteur causal, d’autres étant encore inconnus. Pour les gènes connus, on évoque notamment le gène TP53, responsable du syndrome de Li Fraumeni, dont les altérations augmentent très fortement les risques de cancer du sein (Birch 1994). Ce syndrome est cependant rare et ne concerne que très peu de femmes, moins de 1 % des cas de cancer du sein. Il existe aussi les gènes PTEN ou STK11, responsables respectivement des syndromes de Cowden et de Peutz-Jeghers.


Des spécialistes (oncogénéticiens, oncologues, radiologues, gynécologues, etc.) se sont accordés sur des recommandations de prise en charge des risques mammaires et ovariens pour les femmes porteuses d’altérations des gènes BRCA1 ou BRCA2 ou pour les femmes à très haut risque familial (Eisinger, Bressac et coll., 2004). Pour la prise en charge mammaire, le dépistage consiste en une autopalpation mensuelle des seins, une palpation clinique bi-annuelle par un médecin spécialisé et une surveillance annuelle par mammographie, échographie et IRM, à débuter à partir de l’âge de 30 ans ou cinq ans avant l’âge le plus jeune de survenue d’un cancer du sein dans la famille.L’alternative de la mammectomie prophylactique est recevable dans ces contextes et représente le seul moyen réel de prévention du cancer du sein. Il est à noter que l’ovariectomie prophylactique diminue également d’un facteur 2 (le risque est deux fois moindre) le risque de cancer du sein (Rebbeck, Levin et coll., 1999). Cette alternative doit être évoquée systématiquement auprès de ces femmes à risque. Pour la prise en charge ovarienne, le dépistage des lésions est beaucoup plus difficile. Il est proposé de débuter une surveillance annuelle par échographie pelvienne à partir de l’âge de 35 ans, tout en ayant connaissance des limites de ce dépistage. La seule prévention du risque ovarien passe par l’ovariectomie prophylactique (en réalité annexectomie prophylactique : ovaires et trompes) qui est recommandée à partir de l’âge de 40 ans en cas d’altération du gène BRCA1 ou à partir de 50 ans en cas d’altération du gène BRCA2 (chirurgie qui peut être recommandée vers 45 ans s’il s’agit d’altération du gène BRCA2 dans des familles «seinovaire»). Un traitement hormonal préventif par Tamoxifène (anti-œstrogène) est proposé dans certains pays, mais celui-ci est associé à un risque carcinogène (augmentation de la fréquence des tumeurs de l’endomètre) et n’est pas utilisé en France aujourd’hui. Le tableau 4-3 reprend les alternatives de prise en charge actuellement proposées.






Tableau 4-3 Mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 : alternatives de prise en charge.

PRISE EN CHARGE MAMMAIRE POUR LES INDIVIDUS PORTEURS D’UNE MUTATION BRCA1 ET BRCA2


– Surveillance clinique mammaire biannuelle dès l’âge de 18 ans et surveillance par échographie, mammographie et IRM annuelle dès l’âge de 30 ans (ou 5 ans avant l’âge du diagnostic le plus jeune dans la famille)


– Mammectomie prophylactique bilatérale discutée à partir de l’âge de 30 ans

PRISE EN CHARGE OVARIENNE POUR LES INDIVIDUS PORTEURS D’UNE MUTATION BRCA1 ET BRCA2


– Surveillance par échographie pelvienne annuelle dès l’âge de 35 ans


– Recommandation forte d’annexectomie (ovaires et trompes) prophylactique à partir de 40 ans en cas d’altération du gène BRCA1, à partir de 50 ans en cas d’altération du gène BRCA2 (voire 45 ans s’il existe un antécédent de cancer de l’ovaire dans la famille)

L’alternative de la mammectomie prophylactique rencontre de nombreuses réticences mais est régulièrement pratiquée en Hollande ou aux États-Unis (Lynch, Watson et coll., 1993). Si la chirurgie réduit considérablement le risque de cancer, elle ne le supprime pas totalement. Un cancer peut encore se développer à partir de tissus mammaires résiduels. Il en est de même pour l’annexectomie prophylactique, en général mieux acceptée, mais qui n’élimine pas complètement le risque de carcinose péritonéale (Laki, Kirova et coll., 2007).


PRISE EN CHARGE DU RISQUE GÉNÉTIQUE



Diagnostic de prédisposition génétique



Du fait de la grande diversité des mutations, d’une famille à l’autre, et surtout du fait qu’une mutation clairement délétère n’est pas toujours identifiée, les tests sont conduits en deux temps : analyse d’un cas index (test génétique), analyse des apparentés si une mutation a été identifiée (test ciblé). Le cas index est en général une personne qui a la plus forte probabilité, dans une famille donnée, d’être porteuse de la prédisposition génétique. Si à l’issue du test génétique, aucune mutation n’a été identifiée, le test est considéré comme peu informatif et aucun test ciblé ne peut être proposé aux apparentés; en revanche, si une mutation a été identifiée, alors un test ciblé peut être réalisé chez ces derniers. Si celui-ci est négatif, on peut retenir que l’apparenté testé n’a pas hérité du facteur familial de prédisposition.


Objectifs et déroulement de la consultation oncogénétique


Depuis les années 90, se sont organisées à travers le monde des consultations d’oncologie génétique (Eisinger, Bressac et coll., 2004; Thompson, Wiesner et coll., 1995). Au cours de la consultation d’oncogénétique, les patients reçoivent une information personnelle sur leur risque génétique de cancer et sur celui de leurs apparentés. Elle permet de déterminer la personne de la famille (cas index) chez laquelle la première étude génétique serait la plus informative. La consultation d’oncogénétique est aussi l’occasion de considérer les options de surveillance ou les interventions de prévention en fonction du risque établi. L’oncogénéticien va également se soucier de l’anticipation de la transmission du résultat du test génétique et de la nécessité de partage de l’information au sein de la famille.

La première étape de la consultation consiste à estimer le risque pour la personne d’être porteuse d’une prédisposition. La reconstitution de l’histoire familiale et l’analyse de l’arbre généalogique sont effectuées à partir des antécédents médicaux familiaux et personnels (données d’anamnèse ou confirmation diagnostique par le dossier médical). L’estimation d’une probabilité de prédisposition génétique à partir de l’arbre généalogique reste grossière mais elle permet de mieux apprécier les risques tumoraux et les chances d’identifier des altérations de gènes de prédisposition. Dans le cadre des prédispositions au cancer du sein et/ ou de l’ovaire, il existe un certain nombre de modèles capables d’aider le clinicien dans l’estimation de ces probabilités ou des risques de cancer (modèle de Claus, BRCAPRO par exemple). Un progrès majeur dans la compréhension des histoires familiales de cancer a vu le jour depuis l’identification de mutations dans des gènes de prédisposition qui confèrent une suceptibilité à certains types de cancer. Les techniques actuelles permettent de rechercher directement des mutations chez les individus qui répondent aux critères de test et d’identifier des facteurs de prédisposition génétique. Il est important de noter ici que l’absence d’identification d’un facteur de prédisposition génétique à l’issue d’une analyse génétique ne permet pas de conclure à l’absence d’une prédisposition génétique. Elle permet seulement de conclure à l’absence de prédisposition génétique liée à une altération des gènes étudiés (en sachant que la sensibilité de détection des techniques n’est jamais de 100 %). Par contre, l’identification d’un facteur de prédisposition permet de réaliser des tests ciblés chez les apparentés du cas index.

Lorsqu’un test génétique est envisagé, plusieurs consultations sont prévues avec le généticien : dans le meilleur des cas, une consultation pré-test d’information, une consultation de réalisation effective du test génétique, une consultation post-test et des consultations de suivi. Au cours de ces consultations sont envisagés, discutés et interprétés les tests génétiques, leurs limites et enjeux. Avec le développement des connaissances médicales dans ce domaine, des consultations ultérieures peuvent être nécessaires pour mettre à jour les informations données ou répondre aux nouvelles questions. Le tableau 4-4. fournit une liste de thèmes et leur contenu abordé durant la consultation en oncogénétique (Calzone, Prindiville et coll., 2005).






















Tableau 4-4 Consultation d’oncogénétique dans le cadre des mutations BRCA1 et BRCA2 : contenu des informations fournies.
(d’après Calzone, 2005)
Thèmes Contenu
Introduction Biologie générale
Définitions du cancer et des risques
Éléments sur le cancer du sein ou de l’ovaire Incidence du cancer du sein ou de l’ovaire
Facteurs de risque du cancer du sein ou de l’ovaire (âge, sexe, antécédents de grossesse, maladie bénigne du sein, histoire familiale, hygiène de vie, antécédents médicaux, origine ethnique);
Les syndromes héréditaires du cancer du sein ou de l’ovaire, incidence et caractéristiques;
Gènes, chromosomes et hérédité
Mutations BRCA1 ou BRCA2, risques Exemples d’arbres généalogiques et d’histoires familiales
Risque de cancer du sein ou de l’ovaire dans la population versus chez l’individu
porteur d’une mutation; risque d’autres cancers
Test génétique Résultats du test BRCA1 ou BRCA2 et leurs implications (mutation positive délétère, variant de signification inconnue, résultat négatif non-informatif, résultat négatif informatif)
Limites du test génétique (sensibilité, spécificité)
Risques du test génétique (psychologique, social, professionnel)
Bénéfices
Surveillance ou prévention chez les individus portant d’une mutation BRCA1 ou BRCA2 Recommandation pour la population générale et pour les individus à risque Discussion de l’auto-examen ou de l’examen clinique des seins, la mammographie, l’échographie ou l’IRM mammaire, l’échographie pelvienne, le CA-125 Option ou recommandation de prévention de chirurgies prophylactiques (bénéfices, limites et risques), chimioprévention, essais cliniques


Le modèle de la prise de décision médicale informée, partagée entre clinicien et patient, s’applique tout particulièrement à ce contexte (Emanuel et Emanuel, 1992; Hack, Degner et coll., 2006; Protiere, Moatti et coll., 1998). En effet, ce modèle répond à une situation de choix entre plusieurs options : choix d’entreprendre ou non un test génétique; d’en connaître ou non le résultat; de décider de transmettre ou non, de manière immédiate ou différée, les informations reçues, aux membres de la famille qui sont également concernés par cette information; d’opter pour une attitude de surveillance ou bien une prévention chirurgicale dans l’objectif de diminuer son risque personnel de développer un cancer.

Sur ces différents points et en particulier lorsque l’incertitude existe quant au rapport bénéfices/risques de chacune des alternatives de la décision, il est fondamental d’impliquer le patient de manière étroite, en l’aidant à révéler ses valeurs et ses préférences après avoir vérifié sa bonne compréhension du choix à faire (Moumjid, Carrere et coll., 2003; Schwartz, Peshkin et coll., 2005).

En principe, le mode de communication inhérent à la consultation d’oncogénétique est principalement rationnel et est centré sur un apport d’informations médicales favorisant la prise de décision informée du patient. Cependant, si l’on cherche à assurer une compréhension optimale de ces informations par le consultant (le terme «consultant» peut être ici utilisé à la fois pour signifier la «personne qui consulte, qui demande un avis et un conseil dans une consultation» mais aussi «le médecin spécialiste en oncogénétique»), et à répondre à ses besoins de soutien émotionnel et d’aide à la décision ou à la communication dans la famille, le mode de communication «centrée sur le patient» doit être privilégié. Il s’agit de chercher à clarifier les besoins, préoccupations, croyances et en particulier la perception du risque afin de déterminer une démarche respectueuse de son autonomie dans la prise de décision (Charles, Gafni et coll., 1999). Un processus graduel d’information doit se mettre en place (Julian-Reynier, Welkenhuysen et coll., 2003). En effet, le clinicien en oncogénétique est confronté à la difficulté de fournir une information complexe dans un contexte émotionnellement chargé compte tenu notamment des antécédents familiaux de cancer (Dolbeault, Flahault et coll., 2006).

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Jun 20, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 4. Facteurs de risques génétiques

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