3 L’examen de l’enfant
Entretien clinique
Au cours des entretiens d’investigation le but est non seulement d’évaluer le normal ou le pathologique d’une conduite, mais aussi d’aménager les possibilités thérapeutiques immédiates (consultations thérapeutiques) ou ultérieures. Le lecteur pourra se reporter aux chapitres consacrés à la question du normal et du pathologique (cf. chap. 1), aux entretiens d’investigation et à la consultation thérapeutique (cf. chap. 26). À l’évidence une connaissance approfondie du développement normal de l’enfant est nécessaire. Nous n’aborderons ici que les aspects techniques des entretiens. Deux points sont particulièrement délicats et représentent la dimension la plus spécifique de l’entretien en pédopsychiatrie :
Relations parents–enfant–clinicien
Premier rendez-vous
l’enfant avec la mère représente la situation banale dont on ne peut rien préjuger ;
l’enfant avec les deux parents s’observe dans les familles attentives et motivées, mais aussi dans les familles en discorde où chacun tient à veiller sur la parole de l’autre ;
la mère seule tente souvent d’inclure le clinicien dans la maîtrise omnipotente qu’elle veut exercer sur l’univers de son enfant ;
l’enfant, la mère et la fratrie mettent en avant des problèmes d’interactions fraternelles (que ce soit dans le psychisme de la mère ou dans celui des enfants) ou s’observent quand la mère est débordée par sa progéniture dans une insertion sociale médiocre (pas de possibilité de garde) ;
l’enfant seul (ou avec un tiers : assistante sociale, grand frère, grand-parent, voisin, etc.) vient exprimer une souffrance abandonnique ou un rejet familial plus ou moins net ;
l’enfant avec le père traduit fréquemment une discorde familiale, un divorce, ou une situation inhabituelle (décès de la mère, travail du père à la maison, etc.).
Compte tenu de ces diverses modalités nous essayons de nous en tenir aux règles exposées ci-après.
Le consultant doit être attentif aux divers niveaux de communication et d’échanges familiaux :
niveau infraverbal : répartition des personnes dans l’espace, vers qui va l’enfant, comment se répartit la parole, les gestes et mimiques des participants ;
niveau verbal : qualité formelle et articulatoire du discours, contenu patent, rupture de style ou de logique, etc.
Entretiens ultérieurs
Trois à quatre entretiens d’investigation sont en général nécessaires. Si la nature des intervenants au premier entretien dépend de la famille ellemême, le clinicien doit pouvoir, aux entretiens suivants, prévoir les rencontres. La facilité ou la difficulté à rencontrer les divers membres de la famille est bien évidemment un indice de son fonctionnement (en particulier la venue du père à la consultation) et de son degré de motivation.
quand ceux-ci le demandent expressément ;
quand l’enfant apparaît comme l’enjeu d’un conflit de couple ;
quand il semble être le symptôme d’une pathologie parentale importante.
Mode de communication entre enfant et clinicien
Pouvoir établir une communication véritable, qui repose sur un échange affectif positif et pas seulement sur une réserve défensive, constitue l’objectif des entretiens d’investigation et présente en soi une dimension thérapeutique (cf. chap. 26, La consultation thérapeutique). Tout l’art du clinicien est alors d’offrir à l’enfant un contexte et une atmosphère tels que cette communication puisse s’établir. Une bonne connaissance des modes habituels de communication entre enfant et adulte est nécessaire, connaissance qui ne peut s’acquérir qu’aux contacts répétés des enfants de tous âges. Très schématiquement les principaux modes de communication sont les suivants.
Jeu
Jeu de petites autos ou de trains, jeu de poupée, jeu de dînette au cours desquels l’enfant met en scène ses fantasmes, maîtrise son angoisse, s’identifie aux personnes de son entourage, etc. (cf. chap. 11). Pendant ce jeu l’enfant bouge, occupe l’espace : le clinicien peut alors évaluer la qualité de la motricité et se faire une idée de l’image dynamique du corps. Une maladresse gestuelle, une instabilité, des dystonies peuvent se révéler, justifiant d’un bilan psychomoteur.
Dessin
Le dessin est une technique particulièrement utilisée en France. Nous conseillons vivement la lecture des ouvrages de Widlöcher ou de Debienne. Souvent l’enfant dessine volontiers et spontanément. Après un premier dessin spontané, il peut être utile, si le dessin est très conventionnel ou défensif (une maison, un bouquet de fleurs), de proposer un thème pour un second dessin (un bonhomme, une famille, etc.). Chez certains enfants inhibés par la feuille blanche, la suggestion initiale d’un thème ou l’ébauche d’une forme par la technique du Squiggle proposée par Winnicott (cf. chap. 26, La consultation thérapeutique) sont souhaitables.
Dialogue traditionnel enfin en face à face
L’utilisation de ces divers modes de communication dépend un peu de l’aisance du clinicien à manier telle ou telle technique, un peu de la psychopathologie de l’enfant et beaucoup de son niveau de développement. Le tableau 3.1 donne les âges approximatifs auxquels correspondent ces diverses techniques. Il va de soi que ces limites peuvent être fluctuantes d’un enfant à l’autre, compte tenu en particulier de sa pathologie (la débilité ou la psychose réduisent beaucoup les possibilités de communication). Enfin quelques techniques particulières peuvent aussi être utilisées : pâte à modeler, jeux d’eau et/ou de sable, terre, etc.
Langage du clinicien
Il doit être accessible à l’enfant en tenant compte de l’âge et du niveau de développement atteint. Avant 5–6 ans, les questions directement posées à l’enfant exercent fréquemment une action inhibitrice. Les phrases doivent être courtes, les mots simples, souvent répétés ; ceci est d’autant plus important que l’enfant est jeune (cf. sur ce point l’attitude du thérapeute dans les psychothérapies couplées de la mère et du petit enfant). Le clinicien doit aussi être attentif à tous les autres modes de communication infraverbaux (communication analogique en particulier : cf. chap. 2, Théories de la communication et théories systémiques) auxquels les enfants sont particulièrement sensibles : intonation de la voix, attitudes gestuelles, etc.
Explorations complémentaires
Dans quelques cas, les entretiens d’investigation doivent être complétés par un certain nombre d’explorations complémentaires, les unes portant sur des secteurs particuliers du fonctionnement psychique, les autres sur des éléments somatiques. Parmi les explorations psychologiques il s’agit d’une part des divers tests psychologiques et d’autre part du bilan des grandes fonctions instrumentales (bilan de langage, bilan psychomoteur) ou des acquis scolaires. Seuls sont envisagés ici les tests psychologiques de personnalité car les autres explorations sont étudiées dans le chapitre 9 consacré aux fonctions instrumentales correspondantes.
Quant aux examens complémentaires somatiques il s’agit essentiellement de l’électroencéphalographie, de la tomodensitométrie cérébrale et des explorations de l’audition. Les autres examens ne seront demandés que s’il existe des signes d’orientation et en accord avec le médecin somaticien. L’électroencéphalogramme, technique d’enregistrement de l’électrogenèse cérébrale, ne sera pas détaillé ici ; le lecteur est prié de se reporter à des articles spécialisés, ainsi qu’au chapitre 13 consacré à l’épilepsie. En raison de leur intérêt nous dirons quelques mots de la tomodensitométrie et des explorations auditives.
Tomodensitométrie par rayons X (TDM : scanner) imagerie par résonance magnétique nucléaire (RMN)
Principe
Ces deux méthodes neuroradiologiques ont en quelques années profondément modifié l’exploration du système nerveux central, grâce à leur innocuité et aux résultats remarquables obtenus. L’évolution rapide des appareils ne cesse de rendre les examens plus rapides, les coupes explorées plus fines. Le prix élevé de ces explorations reste un facteur limitant. « La tomodensitométrie par reconstruction d’images consiste à analyser quantitativement le coefficient d’atténuation des rayons X et à reconstruire la topographie anatomique de ces densités » (TDM) (Touitou). L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (RMN) fournit des images multicoupes dans à peu près n’importe quel plan et même une imagerie tridimentionnelle. Actuellement on arrive à faire varier les coupes de 1 à 10 mm d’épaisseur.