Foie
Jacqueline Fontugne et Dominique Wendum, Relecture Olivier Chazouillères
Item 163 (item 83) – Hépatites virales
I Prérequis : histologie du foie
Histologiquement, le parenchyme hépatique est constitué de lobules, schématiquement hexagonaux, avec un espace porte à chaque sommet. Les lobules sont centrés par une veine centrolobulaire.
L’espace porte (figure 3.1) est constitué d’un tissu conjonctif contenant :
Fig. 3.1 Histologie normale du foie. L’espace porte contient une branche de la veine porte (X), de l’artère hépatique (**), et un canal biliaire (*). Les hépatocytes apparaissent roses avec un noyau central.
Les hépatocytes sont disposés en travées et séparés par les sinusoïdes. La première rangée d’hépatocytes bordant un espace porte constitue la lame bordante hépatocytaire.
Les sinusoïdes sont bordées de cellules endothéliales et de cellules de Küpffer (histiocytes tissulaires).
Les sinusoïdes drainent le sang provenant de l’espace porte vers les veines centrolobulaires (qui se drainent vers les veines sus-hépatiques).
II Généralités
Le diagnostic d’hépatite virale aiguë est clinique et biologique : pas d’indication de la ponction-biopsie hépatique (PBH) en cas d’hépatite aiguë (sauf cas exceptionnels).
La PBH peut être indiquée en cas d’hépatite virale chronique (B, B + delta, C).
A Ponction biopsie hépatique (PBH) et hépatites chroniques virales : les lésions élémentaires
• Infiltrat inflammatoire portal, plutôt lymphocytaire.
• Nécrose hépatocytaire ou activité histologique qui comprend :
– la nécrose périportale (= nécrose parcellaire = hépatite d’interface) : destruction de la lame bordante hépatocytaire par des cellules inflammatoires (figure 3.2) ;
– l’inflammation et nécrose lobulaire (figure 3.3), dont on précise l’étendue :
– nécrose focale : nécrose d’un ou de quelques hépatocytes (corps acidophiles = hépatocyte en apoptose),
– nécrose confluente : nécrose d’un grand groupe d’hépatocytes voisins,
– nécrose en pont : nécrose confluente systématisée d’un vaisseau à un autre (souvent d’une veine centrolobulaire à un espace porte).N.B : l’activité histologique n’est pas strictement corrélée à l’activité sérique des transaminases.
• Fibrose : à point de départ portal puis s’étend plus ou moins dans le lobule pour former des septa ou des ponts fibreux. Au maximum, elle réalise une cirrhose :
– pont fibreux : fibrose reliant deux structures vasculaires entre elles (deux espaces portes, ou un espace porte et une veine centrolobulaire ou deux veines centrolobulaires) (figure 3.4) ;
– cirrhose : destruction de l’architecture par de la fibrose mutilante délimitant des nodules.
Fig. 3.2 Hépatite d’interface (nécrose parcellaire) : l’espace porte (X) est très inflammatoire avec de nombreux lymphocytes qui débordent de l’espace porte et s’insinuent entre les hépatocytes de la lame bordante (flèches).
Fig. 3.3 Inflammation et nécrose intralobulaire avec un corps acidophile (flèche), hépatocyte en apoptose entouré de cellules inflammatoires mononucléées.
Fig. 3.4 Fibrose en pont (double flèche) et septa fibreux (flèches). Le pont fibreux relie deux espaces portes (repérés par une croix, X). La coloration est le rouge Sirius (coloration spéciale de fibrose, la fibrose apparaît en rouge sur un fond jaune).
L’évaluation de la fibrose nécessite la réalisation de colorations spéciales.
B Buts de la PBH au cours des hépatites virales chroniques
• une évaluation semi-quantitative de l’activité nécrotico-inflammatoire ;
• une évaluation semi-quantitative et qualitative de la fibrose ;
• d’obtenir certaines informations concernant l’étiologie de l’hépatite et de rechercher des signes évocateurs d’une pathologie associée (stéatohépatite + hépatite virale ou hépatite virale + hémochromatose…).
Les évaluations semi-quantitatives de l’activité et de la fibrose sont exprimées par un score (score METAVIR le plus souvent).
Ces différents éléments sont importants pour :
• évaluer le pronostic (lié principalement à la fibrose ++, mais aussi à l’activité et l’existence d’autres lésions associées) ;
• aider à l’indication thérapeutique. En général, pas de traitement si l’activité et la fibrose sont minimes (< 2 dans le score METAVIR) ;
• le suivi : évolution de la fibrose au cours du temps en l’absence de traitement, ou en cas d’échec du traitement antiviral par exemple.
C Score METAVIR
Ce score a été conçu pour les hépatites chroniques virales C mais s’applique aussi aux hépatites virales B.
III Hépatite B chronique
Le diagnostic positif d’hépatite chronique virale B est biologique, et défini par un antigène HBs positif de plus de six mois.
La PBH est habituellement recommandée s’il existe une élévation des transaminases et/ou une charge virale élevée, car il est alors possible de trouver des lésions tissulaires assez importantes (activité ou fibrose ≥ 2 en METAVIR) pouvant justifier un éventuel traitement. L’indication de la PBH doit être portée par un médecin spécialiste. Les méthodes non invasives d’évaluation de la fibrose sont moins bien validées que dans l’hépatite C.
Le compte-rendu d’anatomie pathologique précisera toujours :
• la taille de la biopsie (qualité du prélèvement) ;
• l’importance de l’activité (évaluation semi-quantitative par le score METAVIR) ;
• l’importance de la fibrose (évaluation semi-quantitative par le score METAVIR) ;
• la présence de signes histologiques éventuels en faveur d’une autre hépatopathie ajoutée.
IV Hépatite C chronique
Le diagnostic positif est biologique : sérologie de l’hépatite C positive (Ac anti-VHC) associée à une positivité de la recherche d’ARN du VHC par polymerase chain reaction (PCR).
Dans l’hépatite C, l’évaluation du degré de fibrose peut être faite par des méthodes non invasives.
Les recommandations de l’HAS (2008) sont :
• en cas d’hépatite chronique C isolée, non traitée et sans comorbidité, d’utiliser :
– en première intention : un test non invasif (Fibrotest®, FibroMètre®, Hépascore® ou élastométrie impulsionnelle ultrasonore [Fibroscan®]),
– en deuxième intention : un second test non invasif et/ou la PBH ;
• en cas de co-infection VIH-VHC, utiliser :
– en première intention : le test non invasif Fibroscan®,
Le compte-rendu d’anatomie pathologique précisera :
• la taille de la biopsie (qualité du prélèvement) ;
• l’importance de l’activité (évaluation semi-quantitative par le score METAVIR) ;
• l’importance de la fibrose (évaluation semi-quantitative par le score METAVIR) ;
• la présence de signes histologiques éventuels en faveur d’une autre hépatopathie ajoutée.
L’indication d’un traitement antiviral dans l’hépatite C chronique est fonction, entre autres, du degré de fibrose hépatique (quelle que soit sa méthode d’évaluation : méthodes non invasives ou PBH).
Dans l’hépatite C chronique, le traitement antiviral peut se discuter en cas de fibrose ≥ F2.
En cas de cirrhose (= F4) décompensée, le traitement est contre-indiqué.
Références
1. Recommandations HAS.
2. Guide ALD, Hépatite chronique B. 2006.
3. Guide ALD, Hépatite chronique C. 2006.
4. Critères diagnostiques et bilan initial de la cirrhose non compliquée. 2008.
5. Méthodes d’évaluation de la fibrose hépatique au cours des hépatopathies chroniques. 2006.
Item 301 (item 151) – Tumeurs du foie primitives et secondaires
I Tumeurs bénignes
Les lésions hépatiques bénignes sont des lésions très fréquentes et très souvent de découverte fortuite.
Parmi ces lésions, certaines ne sont pas des tumeurs (dans le sens de prolifération cellulaire autonome) mais sont quand même incluses dans ce chapitre car posant le problème clinique d’une anomalie focale du foie.
On distinguera les lésions dont le diagnostic formel repose sur l’imagerie, qui sont les plus fréquentes, des lésions dont le diagnostic de certitude est anatomopathologique, la détection reposant bien sûr dans tous les cas sur l’imagerie.
A Lésions bénignes dont le diagnostic est fait par l’imagerie
1 Kyste biliaire (pouvant être appelé kyste hépatique)
• Lésion fréquente (environ 5 % de la population).
• Nature de la lésion, aspect : kyste dont la paroi fibreuse est tapissée par des cellules de type biliaire et contenant du liquide clair sécrété par ces cellules. Il ne communique pas avec les voies biliaires (figure 3.6).
• Le diagnostic est radiologique (échographie).
• Évolution : les complications sont rares et peuvent être l’hémorragie intrakystique, l’infection, ou la compression de structures avoisinantes intra- ou extrahépatiques en cas de kyste très volumineux.
• Traitement : aucun en l’absence de complication, pas de surveillance. En cas de chirurgie, les prélèvements (paroi du kyste) doivent faire l’objet d’un examen anatomopathologique pour confirmation diagnostique.
2 Hémangiome (angiome)
• Lésion bénigne fréquente (3 % de la population), prédominance féminine.
• Nature de la lésion, aspect : tumeur vasculaire bénigne (probablement plutôt d’origine malformative) faite de cavités de taille variable remplies de sang et bordées par une couche de cellules endothéliales sans signes de malignité (figure 3.7).
• Le diagnostic est radiologique (échographie ++, voire IRM si doute).
• Évolution : en général lésion stable, asymptomatique. La lésion peut se fibroser. Très rarement, elle peut augmenter de volume. Les complications sont très rares et concernent surtout les lésions très volumineuses (hémorragies, thromboses intralésionnelles).
• Traitement : aucun en l’absence de complication, pas de surveillance. Dans les cas compliqués, la résection chirurgicale peut être discutée (avec envoi de la pièce en anatomie pathologique).
3 Hyperplasie nodulaire focale (HNF)
• Lésion intéressant environ 1 % de la population avec prédominance féminine (entre 20 et 50 ans), non associée à la prise d’œstroprogestatifs, souvent de découverte fortuite.
• Nature de la lésion : lésion hyperplasique (polyclonale), secondaire à des anomalies vasculaires focales (thromboses veineuses associées à une hyperartérialisation).
• Aspect anatomopathologique :
– macroscopie : lésion bien limitée homogène sans nécrose ni hémorragie avec une cicatrice fibreuse centrale (très fréquente mais pas toujours présente) (figure 3.8).
• Le diagnostic est affirmé par l’imagerie lorsque l’aspect est typique (cinétique vasculaire typique/présence d’une cicatrice fibreuse centrale).Lorsque le diagnostic est incertain, un examen histologique est indispensable (ponction-biopsie dans la lésion et dans le foie non lésionnel ou biopsie sous cœlioscopie pour certains).
• Évolution : pas de dégénérescence, complications très rares (hémorragies, douleurs).
• Traitement : en général aucun, pas de surveillance nécessaire. L’exérèse chirurgicale peut être discutée en cas de doute diagnostique persistant même après biopsie ou de symptomatologie.
B Lésions bénignes dont le diagnostic de certitude est fait par l’histologie
1 Adénome hépatocellulaire
• C’est une tumeur rare (fréquence réelle mal connue) intéressant la femme entre 20 et 50 ans avec un rôle favorisant des contraceptifs oraux.
• Nature de la lésion : lésion tumorale hépatocytaire bénigne (prolifération monoclonale d’hépatocytes).
• Aspect anatomopathologique :
– macroscopie : lésion bien limitée sans capsule souvent hétérogène (nécrose, hémorragie), pas de cicatrice centrale (figure 3.9) ;
– histologie : prolifération d’hépatocytes sans signes de malignité + petits vaisseaux (figure 3.10).
• Évolution : c’est une lésion tumorale bénigne avec un risque de dégénérescence en carcinome hépatocellulaire et un risque hémorragique (hémopéritoine). Ces deux risques de complications dépendent de la taille de la lésion et deviennent importants au-delà de 5 cm.
• Traitement : arrêt de la contraception orale, surveillance. Pour les lésions supérieures à 5 cm : exérèse chirurgicale avec envoi de la pièce en anatomopathologie.

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