27: Les traitements psychothérapeutiques et rééducatifs

27 Les traitements psychothérapeutiques et rééducatifs


Les choix thérapeutiques en pédopsychiatrie sont apparemment complexes si l’on considère la multiplicité des techniques thérapeutiques proposées, des cadres institutionnels existants, des théories étiopathogéniques sous-jacentes. En réalité, les divers choix possibles reposent avant tout sur de grandes options thérapeutiques qu’il est essentiel d’avoir présentes à l’esprit : maintien ou non des relations habituelles de l’enfant, abord centré sur le symptôme ou sur le sujet dans une perspective intégrative.


Maintien, réparation ou restauration des relations habituelles de l’enfant. Ce sont toutes les thérapies qui se déroulent sans modification fondamentale du cadre de vie de l’enfant. Dans ce contexte, l’essentiel de l’action thérapeutique peut alors porter soit sur l’enfant lui-même, soit sur la totalité de la structure familiale :



Établissement d’un nouveau cadre de vie. Thérapie institutionnelle diverse, internat, placement familial spécialisé, foyer d’adolescent, etc. (cf. chap. 25).


Nous ne prétendons pas ici être exhaustifs dans la mesure où dans les chapitres cliniques nous avons rapporté les principales études d’evidence-based medecine qui permettent aujourd’hui d’affirmer que dans la majorité des troubles psychiatriques de l’enfant et de l’adolescent, un travail de nature psychothérapique, quelle qu’en soit la technique, est le traitement de première intention (Kazdin, 2004 ; Weisz et coll., 2004). Ici, nous nous limiterons aux principales indications des thérapeutiques non médicamenteuses. De même pour ce qui concerne la technique propre à chaque thérapeutique, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spécialisés sur tel ou tel type de technique.



Rééducations et remédiations


Nous regroupons ici les diverses thérapies qui se donnent comme objectif immédiat la réduction d’une problématique jugée déviante, touchant généralement une fonction instrumentale, au moyen de diverses techniques centrées sur la relation entre le thérapeute et l’enfant, mais sans que la nature du lien relationnel soit explicitée. En termes de technique psychanalytique, ceci signifie que le transfert et le contre-transfert ne sont pas abordés. En revanche, la relation qui s’établit entre les deux protagonistes reste toujours, in fine, quelles que soient les techniques particulières envisagées, le véritable moteur des progrès. C’est dire que la personnalité du rééducateur, sa capacité de s’adapter à tel ou tel enfant, son empathie, son soutien chaleureux, jouent ici un rôle fondamental. Il n’existe pas de thérapie rééducatrice qui puisse avoir de bon résultat dans un climat de contrainte, d’opposition ou de froideur technique.


L’intervention centrée sur la conduite symptomatique ne doit pas être négligée chez l’enfant en raison du rôle pathogène potentiel de celle-ci. L’abord thérapeutique du symptôme est indiqué quand ce symptôme paraît relativement isolé ; quand il touche l’une des grandes fonctions instrumentales dont la distorsion suscitera inéluctablement des troubles nouveaux à la fois dans cette même fonction et sur l’ensemble de la personnalité ; ou quand il apparaît comme une sorte de séquelles comportementales, véritable trace ontogénique d’un palier maturatif actuellement dépassé. La même approche thérapeutique est utile quand le symptôme, par son caractère ou son intensité, semble entraver le développement des autres lignées maturatives. Enfin, il faut parfois se limiter à cette modalité de traitement et renoncer à une psychothérapie quand l’environnement paraît soit hostile, soit non motivé, soit même incapable d’accompagner l’enfant dans son élaboration psychologique.


Ainsi, ces thérapeutiques centrées sur la conduite poursuivent toujours une double finalité : agir sur le trouble instrumental et permettre une reprise d’un développement harmonieux de la fonction, supprimer ou du moins atténuer le retentissement de ce trouble sur l’ensemble de la personnalité. Leur durée doit faire l’objet d’une réévaluation régulière. Dans des conditions correctement définies une thérapie centrée sur le symptôme dure quelques mois, une année scolaire au plus sauf dans les troubles instrumentaux sévères où elles peuvent se prolonger. Quand les effets bénéfiques n’apparaissent pas, le choix de l’indication doit être rediscuté. En général, les problèmes de structure psychopathologique ou d’organisation pathologique familiale expliquent cette résistance et justifient un autre type d’abord.




Rééducations psychomotrices


Elles visent à modifier la fonction tonique, statique et dynamique de façon que l’enfant organise mieux son comportement gestuel dans le temps et l’espace. Ces rééducations utilisent soit des techniques souples (jeu de balles, d’eau, etc.) soit des techniques plus codifiées avec des exercices gestuels définis.


Quelle que soit la technique, l’utilisation de divers rythmes vise à intégrer la nécessaire séquence temporelle inhérente à toute gestualité de même que la référence explicite au schéma corporel vise à intégrer la nécessaire séquence spatiale inhérente au même geste (André et coll., 1995).


Ces techniques psychomotrices sont largement utilisées chez le jeune enfant, en particulier avant l’apparition du langage. Les indications sont assez larges et ne répondent pas aux codifications plus rigoureuses des rééducations orthophoniques. Elles sont indiquées dans les troubles psychomoteurs (dyspraxies, troubles de la coordination motrice, tics) mais aussi dans l’instabilité émotionnelle et hyperactivité, les crampes, les tremblements émotionnels, le bégaiement, certains strabismes (Xavier et coll., 2006). On utilise parfois les rééducations psychomotrices couplées à des rééducations orthophoniques dans le retard de langage, en particulier quand s’y associent des troubles de l’organisation temporospatiale. Enfin, elles se prêtent bien à une possibilité de rééducation en petit groupe (trois à quatre enfants), surtout avec les enfants jeunes (jusqu’à 4–5 ans).



Rééducations psychopédagogiques


On regroupe sous ce vocable un ensemble de techniques (pédagogie relationnelle, pédagogie curative, psychopédagogie, etc.) qui se donnent pour but, grâce à l’aménagement relationnel adapté et à des exercices pédagogiques appropriés, de palier les lacunes laissées par les apprentissages scolaires ordinaires. Les rééducations psychopédagogiques concernent les difficultés d’apprentissage de la lecture ou de l’écriture, de l’orthographe, l’échec à accéder aux premières notions mathématiques, enfin et surtout l’échec scolaire plus ou moins global. Sous cet échec scolaire, il est habituel de découvrir une mosaïque de lacunes siégeant à des niveaux de connaissances théoriques très divers, associées à des difficultés psychologiques secondaires ou majorées par cet échec (réaction de refus ou de prestance, attitude d’accablement et de défaitisme, renoncement, etc.).


La qualité de la relation établie par le psychopédagogue, un apprentissage qui ne repose plus sur une exigence d’allure surmoïque ni sur la sanction, une pédagogie fondée sur l’échange (jeu à tour de rôle) et sur les succès, des techniques attrayantes avec un large support concret (image, jeton, jeux de société divers) tels sont les ressorts principaux de ces techniques rééducatives. Elles trouvent leurs indications dans les échecs scolaires spécifiques ou non, et sont parfois utilement associées à une psychothérapie quand la composante névrotique de l’échec est importante, mais quand cet échec a par lui-même un rôle pathogène.



Psychothérapies individuelles psychodynamiques


S. Freud publie en 1909 L’Analyse de la phobie d’un garçon de 5 ans qui constitue le premier exemple d’application à l’enfant de la technique psychanalytique. Il fallut ensuite attendre 1920 pour que H. Hug-Hellmuth décrive « la technique de l’analyse des enfants », introduisant par ses positions théoriques sur la nécessaire fonction éducative du psychanalyste d’enfants le débat entre M. Klein et A. Freud dans les années 30–40.


Très rapidement en effet, par-delà les difficultés techniques elles-mêmes (le jeu remplace-t-il chez l’enfant la technique des associations libres de l’adulte ?), le débat devait se centrer sur un point théorique crucial : le processus transférentiel est-il possible chez l’enfant ? Si oui, sa nature est-elle identique à celle de l’adulte et peut-on l’analyser ?


Derrière ces interrogations se profile le rôle des parents avec leur fonction éducative. La névrose chez l’enfant est beaucoup moins fréquente que la névrose chez l’adulte, la « névrose infantile » fonctionnant plus comme un modèle de la psychopathologie adulte que comme une réalité de la clinique de l’enfant. Le transfert d’un enfant sur son thérapeute est tout entier contenu dans le temps présent et se nourrit sans cesse de l’actualité et de la réalité de ses parents, sans que le refoulement, puis l’après-coup de la scène traumatique permettent la réélaboration des images parentales internes et l’éventuelle constitution d’un nœud névrotique (cf. à ce sujet la discussion théorique sur la névrose infantile et la névrose chez l’enfant, chap. 15).


Les querelles historiques entre M. Klein et A. Freud sont certes dépassées, mais elles éclairent en partie les diverses techniques thérapeutiques et leurs implications théoriques. En effet, s’opposent toujours les partisans d’une interprétation rapide du niveau le plus inconscient des conflits les plus archaïques, et les partisans plus orthodoxes d’une interprétation allant du niveau superficiel conscient au niveau inconscient des conflits.


Toutefois, sur le plan théorique, la psychanalyse ou les méthodes qui s’en rapprochent (psychothérapie psychanalytique, psychodrame analytique) ont pour but d’amener à la conscience l’origine des conflits et des conduites symptomatiques, à mesure qu’ils apparaissent et se reproduisent dans le cours des séances, puis de donner à l’enfant les moyens de mieux élaborer, surmonter et/ou tolérer ses conflits. Par rapport à l’adulte, la psychanalyse de l’enfant pose un problème théorique, celui du transfert, et un problème de technique, celui du mode de communication entre l’adulte et l’enfant.



Transfert chez l’enfant


Il convient de reconnaître qu’un transfert existe bien chez l’enfant, sans exercer nécessairement une attitude de séduction, mais que ce transfert ne peut être assimilé à la névrose de transfert (ou même la psychose de transfert) de l’adulte. La présence physique des parents, le surgissement d’inévitables conflits de développement (conflit œdipien, conflit de l’adolescence) ou de circonstance externe traumatique (séparation) donnent à l’enfant une moindre latitude par rapport à son organisation psychique interne. Souvent l’enfant reproduit d’abord dans le transfert une relation et des sentiments analogues à ce qui se produit dans la réalité actuelle. L’attitude du thérapeute, différente du système d’interaction familiale qui assigne à l’enfant une place particulière, permettra à ce dernier, grâce aux interprétations progressives, de reconnaître la projection de ses conflits, puis de les analyser. Certains enfants semblent d’ailleurs percevoir très vite la nature très différente de la relation qui leur est proposée.


La nature des interventions et interprétations sur le transfert diffère selon les thérapeutes. Certains, suivant les recommandations de M. Klein, interviennent très vite sur le sens inconscient des productions de l’enfant (jeu ou dessin), d’autres suivant A. Freud, préfèrent se limiter à l’interprétation du seul sens préconscient de ses productions à mesure que leur signification transférentielle se fait plus évidente, en respectant à rebours l’évolution développementale (allant du préconscient à l’inconscient, du niveau œdipien au niveau archaïque, du génital ou prégénital, etc.). D’autres enfin se gardent de toute intervention directe sur le matériel apporté par l’enfant, estimant que la seule acceptation par le thérapeute du conflit de l’enfant, ses réponses au niveau du jeu qui montrent sa compréhension, son commentaire sur les dessins faits pendant la séance, suffisent sinon à dévoiler le sens inconscient du conflit, du moins à le réintroduire dans le Moi de l’enfant et à autoriser la reprise du développement.


Dans tous les cas les parents peuvent, par leur attitude inadéquate, s’opposer au travail d’élaboration de leur enfant, ou ne pas en comprendre la nature (ainsi lors des premières interventions certaines aggravations transitoires des symptômes qui traduisent le renforcement des résistances). Une relation thérapeutique avec les parents est dans la majorité des cas souhaitable, sinon indispensable (cf. plus loin).



Modalités de communication


Très rapidement la technique des associations libres est apparue inadaptée aux enfants. L’aptitude à communiquer est un obstacle supplémentaire car la communication véritable entre l’enfant et l’adulte ne passe pas par le seul langage, ce d’autant plus qu’il est jeune. Le thérapeute doit donc connaître les paliers maturatifs, les moyens d’expression privilégiés en fonction de l’âge ; il devra être familiarisé avec le « monde de l’enfant », ses tournures de langage, le niveau de compréhension, etc. Établir une communication ne résume certes pas le processus psychothérapique lui-même. Néanmoins l’établissement d’un cadre adéquat où l’enfant puisse communiquer véritablement avec l’adulte représente le temps premier de toute démarche thérapeutique.


Sur le plan pratique les aménagements sont multiples : l’essentiel nous paraît être de laisser à l’enfant le choix de son mode de communication privilégié, mais d’éviter des jeux trop sophistiqués ou réalistes qui l’enfermeraient dans une répétition stérile du monde de la réalité. En matière de psychothérapie la surabondance des jeux et jouets est aussi néfaste que l’absence de tout matériel. Pour notre part nous essayons de disposer du matériel cité dans le tableau 27.1. Cette liste donnée à simple titre d’exemple n’est ni exclusive ni limitative. Fréquemment il s’avère qu’après les premières séances l’enfant adopte un type de matériel et le conserve pendant toute la thérapie.


Tableau 27.1 Exemple de liste de matériel en psychothérapie d’enfants





Feuilles blanches, crayons noirs et de couleurs, feutres de couleurs.
Une règle, une gomme.
Une paire de ciseaux, une pelote de ficelle, un pot de colle, un rouleau de Scotch.
Pâte à modeler.
Quelques petites autos, quelques poupées pas trop grosses et/ou des petites figurines.
Quelques éléments de dînette, un biberon.
Quelques animaux sauvages et de ferme, les plus connus.
Des cubes en bois.
Quatre ou cinq marionnettes.

En début de thérapie, les recommandations à l’enfant doivent être formulées de manière claire, mais non ambiguë. La libre association reste le principe de base des thérapies d’inspiration analytique. Les jeunes thérapeutes font l’erreur fréquente de proposer à l’enfant « ici tu peux faire ce que tu veux ». Une telle formulation met trop en valeur le « faire », la mise en acte et représente une incitation au passage à l’acte. L’enfant n’oublie jamais lors de la première limitation physique (quand par exemple il se penche dangereusement à la fenêtre) de rappeler : « mais tu m’as dit que je pouvais faire ce que je voulais ». À titre d’indication la formulation de la libre association peut se faire ainsi : « à partir d’aujourd’hui on va se rencontrer régulièrement ; quand on sera ensemble tu peux dire tout ce que tu penses. Tu peux le dire aussi en dessinant ou en jouant. Ensemble, on va essayer de comprendre ce qui se passe en toi ». Une telle formulation insiste sur la valeur du langage et montre d’emblée que le jeu ou le dessin seront entendus comme des équivalents. Le thérapeute sera ensuite plus libre de limiter, en les interprétant si nécessaire, les passages à l’acte de l’enfant.


Une attention toute particulière doit être portée aux changements brusques des modes de communication de l’enfant : passage soudain du dessin au jeu, interruption d’un dessin et nouvelle production au verso de la feuille, changement de thème inopiné. Ces ruptures, analogues aux brusques arrêts de la chaîne associative du discours de l’analysant adulte, traduisent toujours une émergence fantasmatique ou un conflit inconscient et offrent au thérapeute l’occasion, par son interprétation, d’un travail de liaison dans les productions de l’enfant.



Aménagements pratiques


Le rythme des séances, dans l’idéal, devrait dépendre de l’importance des difficultés, de la capacité d’élaboration du matériel analytique entre les séances, de l’intensité des résistances. Deux à trois séances par semaine semblent être le rythme minimum pour qu’un réel travail de psychothérapie analytique se mette en place.


Trop souvent en France l’habitude s’est instaurée de proposer une séance hebdomadaire. Les nombreuses difficultés pour voir un enfant plusieurs fois par semaine, la pratique de nombreuses thérapies en dispensaire ont abouti à ce compromis : cela est parfois satisfaisant, certains enfants s’engageant dans un réel processus transférentiel avec une capacité étonnante de lier le matériel d’une séance à l’autre et de surinvestir le temps de la séance. Dans d’autres cas, ce rythme est trop espacé, va trop dans le sens des résistances (en particulier dans le cas de l’inhibition ou de la passivité) : il importe alors que le thérapeute ait la vigilance nécessaire pour adapter le cadre pratique aux nécessités du cas clinique.


Quant à la durée des séances, sans faire preuve d’un formalisme excessif, il nous semble là encore que l’habitude de séances légèrement plus brèves qu’avec l’adulte (30 minutes) n’est pas toujours justifiée. Nous rappellerons à ce propos que, pour les premiers psychanalystes d’enfants, tout comme avec l’adulte, la séance c’était l’heure.


Une modalité d’aménagement particulier est représentée par le psychodrame psychanalytique : il s’agit d’une technique de mise en jeu et en mime d’un scénario imaginaire proposé par un enfant. À chaque séance l’enfant reçu par l’animateur (qui le plus souvent ne joue pas) propose un scénario, distribue les rôles, s’en choisit un (il est préférable qu’il ne joue pas lui-même son propre rôle, mais que celui-ci soit joué par un autre). Deux à trois thèmes sont ainsi mis en scène à chaque séance, thèmes interrompus par l’animateur. Les interprétations se font soit par les acteurs–thérapeutes sous couvert du jeu lui-même, soit par l’animateur après l’interruption. Il s’agit d’une méthode particulièrement mobilisatrice, utile quand l’expression verbale en face à face est entravée soit par l’inhibition, soit par la difficulté à maîtriser un rapport de type adulte. Ainsi le psychodrame est probablement une des techniques les plus favorables pour l’abord des enfants en fin de latence ou en préadolescence (entre 11 et 14 ans), à un âge où la thérapie par le jeu est refusée et où le dialogue en face à face renforce les processus d’inhibition. Par essence, il implique également une part de médiation corporelle du fait du jeu et du mouvement.



Indications et contre-indications des thérapies analytiques


Les indications sont larges, elles ne reposent pas sur les conduites symptomatiques, mais sur la dynamique conflictuelle sous-jacente. Les indications premières concernaient les enfants confrontés à des conflits de niveau œdipien. Ce sont encore les cas les plus favorables. Par la suite on a assisté à une spectaculaire extension des indications si bien qu’il n’y a guère de symptômes ou surtout de structure psychopathologique pour lesquels on ait proposé une approche analytique. En termes d’études cliniques avec des aménagements de durée et de protocole permettant la conduite d’études contrôlées, seules les pathologies non psychotiques ont pu être validées comme dans les troubles anxieux (Muratori et coll., 2003) et la dépression (Mufson et coll., 2003 ; 2006. Elles semblent également particulièrement intéressantes dans les pathologies dysharmoniques ou multiplexes (cf. chap. 18). Il est évident que tout enfant peut, en théorie, bénéficier d’une thérapie analytique et que par conséquent les indications et contre-indications ne siègent pas au niveau de l’enfant lui-même. En revanche, il est tout aussi évident que d’importantes limites sont tracées à la fois en raison des contraintes pratiques et des conditions d’environnement nécessaires au bon déroulement d’une cure d’une part, et des attentes thérapeutiques, d’autre part, puisque certaines difficultés développementales ne sont pas accessibles au traitement psychanalytique en tant que tel.




Limitations et contre-indications dues à l’environnement


S’il n’y a pas de contre-indication au niveau de l’enfant lui-même, il peut y en avoir au niveau de l’entourage, en particulier chez les parents. L’opposition ouvertement exprimée à une thérapie analytique doit faire surseoir toute décision, même si l’opposition provient d’un seul parent. En général, ce désaccord sur les modalités de traitement masque un conflit parental. L’enfant pris en psychothérapie analytique dans ces conditions a toutes les chances d’être placé, du fait de ce traitement, au sein même du conflit dans une position ininterprétable et inélaborable.


Une autre contre-indication provient des interdits parentaux. Les parents peuvent interdire au thérapeute d’utiliser des renseignements qu’ils lui ont communiqués, en particulier des renseignements sur la filiation.


Parfois les parents interdisent à l’enfant de communiquer au thérapeute un secret familial (membre de la fratrie malade ou situation sociale inhabituelle, etc.). Dans tous les cas l’interdiction d’exprimer librement ces conflits ou d’en donner librement une interprétation rend le processus analytique vide de sens et d’effet, aboutit à une parodie plus néfaste qu’utile. Si dans le premier cas le thérapeute connaît dès le début les conditions défavorables, il peut en revanche rester ignorant d’un interdit de parole pesant sur l’enfant : la thérapie s’engage alors dans une impasse. Il importe de la repérer aussi vite que possible.


Enfin, sans constituer une véritable contre-indication, certains parents incapables de parler en leur nom propre, font de l’enfant le messager de leur conflit. C’est le cas de parents narcissiques dont les enfants–symptômes représentent une projection de leur problématique ; c’est aussi à un degré supplémentaire le cas des inclusions quasi délirantes entre l’adulte et son enfant.


Diatkine, essayant d’analyser les résistances du côté parental, souligne qu’on risque de conduire l’enfant dans une position intenable : « Si les parents n’ont pas le sentiment que l’enfant existe en tant que personne autonome ; s’ils n’ont pas le sentiment qu’eux-mêmes ont un psychisme inconscient ; s’ils ne sont pas capables d’utiliser cette connaissance autrement que pour rejeter l’enfant. »


Dans ces cas l’enfant en vient rapidement à désinvestir la psychothérapie analytique, ou à exhorter ses parents à une interruption (en se plaignant par exemple des propos de l’analyste) ou encore, quand l’investissement dans la thérapie est puissant, à trouver un compromis satisfaisant pour lui-même et ses parents : il répète d’une séance à l’autre les mêmes productions.


Dans tous les cas où une « contre-indication » apparaît du côté parental, le consultant tentera de dégager des solutions intermédiaires depuis l’abord thérapeutique de l’enfant seul, ou du/des parents seuls, jusqu’à l’abord de la famille dans son ensemble. Depuis la simple guidance parentale jusqu’à la thérapie pour le parent lui-même, l’éventail des propositions doit s’adapter au niveau de chaque pathologie relationnelle, tenir compte de l’intensité des résistances, mais en refusant d’aller au-delà du compromis dans ce qui deviendrait une compromission.



Autres psychothérapies individuelles



Relaxation et psychothérapie à médiation corporelle


Les thérapies à médiation corporelle proposent à l’enfant ou à l’adolescent un média thérapeutique privilégiant l’éprouvé corporel statique ou cinétique, dans une perspective psychothérapique. De très nombreuses techniques ont été développées. On peut les regrouper en quatre grandes classes : les techniques de relaxation ; les techniques de contact sensoriel ; les techniques d’expression ; les techniques à médiation physique ou sportive (André et coll., 1995). D’une manière générale, les thérapeutes psychomotriciens tentent de modifier une organisation pathologique en utilisant les expériences corporelles, motrices et perceptives. Ils permettent à l’enfant de mettre en acte sa souffrance psychique puis l’aident à décrypter et mettre en mots sa problématique à partir du jeu et de l’engagement corporel. Cinq axes organisent les prises en charge à médiation corporelle : favoriser l’éveil de l’imaginaire et du perceptif avec comme prétexte la médiation corporelle ; à travers la mise en acte permettre la prise de conscience des conflits internes ; rétablir le lien entre les manifestations corporelles et la psyché et permettre à l’enfant de mieux habiter son corps ; aider l’enfant à mettre des mots sur l’agir corporel ; enfin, remédier certains troubles psychomoteurs liés à la maladresse motrice, à une organisation du schéma corporel précaire, même si ce dernier axe renvoie plus aux techniques de rééducation (Xavier et coll., 2006).


La technique de médiation la plus utilisée est la relaxation qui vise à une modification de l’état tonique, à travers une relation médiatisée par le corps et ses représentations psychiques : la phase de relâchement tonique, toujours essentielle, s’obtient par mobilisation passive (méthode de Wintrebert) ou par simple palpation, associée à l’évocation de représentation mentale suggérée à l’aide de mot lié au segment du corps concerné (méthode de Schultz). Les relaxations visent à réduire les attitudes de fond qui entravent souvent la réalisation praxique ou qui se surajoutent à toute émergence d’affect. Elles observent fréquemment une suite logique fondée sur l’exploration des divers segments du corps, des masses musculaires et des articulations, avec une prise de conscience progressive des états toniques propres à chaque segment. La verbalisation est volontairement limitée au cours de chaque séance, afin d’éviter toute intellectualisation défensive en fin de séance. Au contraire, dans certains dispositifs techniques avec les plus grands surtout (thérapie psychanalytique de relaxation), dans le temps de plus grand relâchement, le patient peut être invité à associer librement ou en fin de séance à dessiner ou à modeler (André et coll., 1995). Les cures de relaxation durent en moyenne cinq à six mois : elles peuvent être isolées ou associées à d’autres modalités thérapeutiques. Les diverses techniques de relaxation ont été reprises et adaptées à l’enfant par Berges et Bounes (1979).


Les indications sont assez larges et les pratiques peuvent s’inscrire dans des prises en charge en individuelles ou en petit groupe. Notons comme indications, les troubles anxieux, les pathologies de l’agir (trouble oppositionnel, trouble des conduites), les retards de développement (retard mental, trouble envahissant du développement) même en l’absence de troubles psychomoteurs spécifiques, les troubles du comportement alimentaire.



Thérapies comportementales


Leur utilité ne doit pas être négligée dans l’abord thérapeutique de l’enfant. Elles reposent sur les lois du conditionnement et de l’apprentissage et ont pour objectif de modifier les comportements inadaptés. Les habitudes inadaptées sont affaiblies et éliminées (Wolpe, 1975). Cette définition correspond non seulement au conditionnement pavlovien classique (conditionnement répondant), mais aussi au conditionnement opérant de Skinner. Ces thérapies comportementales se fondent sur les théories de l’apprentissage qui considèrent que les comportements sont acquis par différentes modalités de conditionnement. Elles délaissent les notions de structure psychopathologique, de fixation, de régression, en un mot l’ensemble du fonctionnement psychique interne pour ne s’intéresser qu’au versant extérieur. Les techniques thérapeutiques sont variées : inhibition réciproque, provocation d’anxiété, conditionnement opérant, aversion, etc.


D’abord utilisées chez l’adulte névrotique, en particulier phobique (thérapie par immersion ou exposition prolongée contrôlée), puis chez l’adulte psychotique (thérapeutique institutionnelle par « jetons »), leur champ d’application commence à s’étendre à la pédopsychiatrie.


Depuis longtemps certaines approches thérapeutiques utilisaient des techniques de conditionnement sans l’avoir clairement explicité : citons à cet égard le traitement de l’énurésie avec l’appareil sonore où la stimulation électrique entre les deux faces du drap (conduction due à l’urine) déclenche un signal sonore ou une légère décharge électrique : l’enfant se réveille dès le début de la miction, puis, après quelques nuits, avant même la miction. Il s’agit là d’une méthode typique de conditionnement aversif. De même, la méthode du cahier (cf. chap. 8) peut être assimilée à un conditionnement opérant.


Les thérapies comportementales ont certainement des champs d’application possibles dans ces diverses « habitudes comportementales et surtout motrices » où la signification primaire de la conduite s’est progressivement effacée à mesure que la maturation permettait un dépassement du conflit, mais en laissant persister la trace comportementale. C’est le cas par exemple de certains bégaiements ou de phobies. Ces approches ont l’intérêt de faire disparaître assez vite une conduite symptomatique gênante, mais laissent entier le problème de la structure psychologique sous-jacente.


Plus récentes sont les thérapies comportementales appliquées aux enfants présentant un trouble envahissant du développement ou un retard mental. La méthode développée par Lovass (ABA pour Applied Behavioral Analysis) cherche à enseigner à l’enfant comment apprendre en se centrant sur certaines habiletés (être attentif, imiter, développer le langage réceptif et expressif, les habiletés pré-académiques et d’autonomie personnelle) par la technique des essais distincts répétés : chaque essai ou tâche demandés à l’enfant se propose en trois temps : la demande, la réponse attendue, la conséquence qui sera un renforcement positif ou négatif.


La méthode TEACCH (cf. chap. 14), largement utilisée dans les pays anglo-saxons, commence à être utilisée par quelques équipes de soins en France ; elle appartient aussi à ce champ des thérapies éducatives et comportementales des troubles envahissants du développement. Néanmoins, elle intègre beaucoup mieux les spécificités individuelles de l’enfant, intègre les parents comme co-thérapeutes et s’inscrit dans une perspective développementale (Schoppler, 1997).


Enfin, des programmes comportementaux ont aussi été développés à destination de certains jeunes adolescents marginaux présentant un trouble des conduites avec ou sans toxicomanie, le plus souvent dans des abords dits multisystémiques car intégrant une prise en charge intensive du milieu à domicile (Kazdin, 2000 ; Périsse et coll., 2006). Si l’utilisation de techniques de conditionnement opérant à base de récompense ne pose pas d’autre problème que théorique, il n’en va pas de même des thérapeutiques aversives qui posent et doivent poser à leurs utilisateurs des problèmes éthiques où la finalité ne doit pas systématiquement justifier les moyens. On entend par « thérapeutique comportementale aversive » la recherche de la disparition ou de l’extinction d’une conduite au moyen d’une sanction. La différence théorique d’avec la punition provient du fait que la sanction est dénuée de caractère moral et de valeur relationnelle. Elle prétend se présenter simplement comme une conséquence « logique » d’un comportement déviant, d’où l’intérêt de codifier le plus possible le catalogue des comportements qui feront l’objet d’un conditionnement aversif.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 27: Les traitements psychothérapeutiques et rééducatifs

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