25: Sectorisation et structures de soins en psychiatrie de l’enfant

25 Sectorisation et structures de soins en psychiatrie de l’enfant1



Le secteur : principes généraux


Calquée sur le modèle du secteur adulte, l’existence du secteur de psychiatrie infanto-juvénile a progressivement émergé des textes réglementaires à partir du texte princeps du 15 mars 1960 qui précise simplement que l’hospitalisation en service de pédopsychiatrie doit se faire uniquement sous le régime du placement libre.


Par la suite, une série de circulaires (13 septembre 1961, 18 janvier 1971, 16 mars 1972, 11 décembre 1992) a précisé l’organisation des intersecteurs de pédopsychiatrie infanto-juvénile, leurs modalités d’accueil, les structures de soins.


Il y a actuellement en France environ 800 secteurs adultes pour 300 secteurs infanto-juvéniles.


L’articulation secteur de psychiatrie adulte/secteur infanto-juvénile n’est pas toujours facile compte tenu du flou des textes concernant la limite d’âge supérieure car celle-ci n’est pas clairement fixée. Seule la limite inférieure d’accès aux soins en secteur adulte est définie à 16 ans. Le texte de décembre 1992 suggère « qu’il fait partie intégrante de la mission des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile de répondre aux besoins de santé mentale des adolescents quel que soit leur âge ».


Les deux tiers des secteurs sont rattachés à des centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie (CHS), un tiers est rattaché à des hôpitaux généraux.


Le tableau 25.1 résume les principales missions de la psychiatrie infanto-juvénile.


Tableau 25.1 Le rôle des secteurs de psychiatrie infanto-juvénile (circulaires du 16 mars 1972 et du 11 décembre 1992)







* Dépistage précoce des difficultés psychiques des enfants et des adolescents, au besoin en participant activement au fonctionnement des structures médicales (maternité, pédiatrie, hôpital général), sociales (crèches, PMI) ou scolaires.


Comme pour la psychiatrie adulte, la sectorisation se fonde sur cinq principes d’organisation (George et Tourne, 1994) :



image un partage territorial : l’aire géodémographique du secteur de psychiatrie infanto-juvénile correspond à 200 000 habitants, soit 40 à 50 000 enfants de 0 à 16 ans. Cette population couvrant trois secteurs de psychiatrie générale (67 000 habitants pour un secteur), les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile ont d’abord été appelés « intersecteurs » ;


image la mise en place d’une équipe pluridisciplinaire (pédopsychiatre, psychologue, orthophoniste, psychomotricien, psychopédagogue, infirmier, éducateur spécialisé et travailleurs sociaux).


image le développement d’un équipement diversifié, associant structures publiques et privées, placé au plus près des populations à servir : lieux de consultations, hôpitaux de jour, centres d’accueil à temps partiel, institutions spécialisées fonctionnant en externat, en internat ou en prise en charge à domicile (cf. chap. 27) ;


image lorsque la population est importante ou que la zone géographique est étendue (zone rurale), plusieurs équipes sont créées afin de faciliter l’accés aux soins ;


image une intégration aux soins généraux : soit directement (présence de l’équipe dans les services pédiatriques ou en maternité par exemple) ; soit indirectement (prestation de conseils et de formation auprès des médecins et de l’ensemble du personnel soignant) ;


image l’intégration aux instances de concertation au plan départemental et régional, comme par exemple le conseil de santé mentale et les commissions scolaires ad hoc.



Principaux dispositifs de soins


Certaines structures dépendent directement de l’intersecteur, citons :



D’autres structures ou institutions peuvent compléter l’éventail des possibilités thérapeutiques. Dans quelques cas des associations ou structures privées, liées par convention, assurent les tâches habituellement dévolues à l’intersecteur.



Centre médico-psychologique (CMP)


Animé par une équipe pluridisciplinaire, il est le pivot de l’organisation des soins : unité d’accueil et de coordination, organisant des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d’interventions à domicile. Le CMP peut comporter des antennes (établies de façon conventionnelle) auprès de toute institution ou établissement nécessitant des prestations psychiatriques : en 1993, la moyenne était de cinq CMP par secteur. Il faut cependant noter l’existence d’une disparité dans les équipements et le fonctionnement selon l’implantation urbaine ou rurale et la nature de l’hôpital de rattachement (CHS ou CHG).


Il n’y a pas d’avance financière à faire pour la consultation et bien qu’en principe les patients doivent justifier d’une couverture sociale et être affiliés à un régime d’assurance maladie, cette condition n’entrave pas, dans les faits, le traitement d’un enfant.


Ces mesures ont été prises dans le but de faciliter l’accès aux soins des populations dites défavorisées, mais aussi de certaines catégories de personnes, comme les adolescents. Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur la validité de telles prises en charge, ce système peut permettre à certains adolescents de révéler des situations dans lesquelles ils sont en danger (mauvais traitements, inceste, etc.)


La pratique de ces équipes s’est élaborée de manière originale, en constante interaction avec les autres institutions assurant les soins somatiques (services de maternité, de pédiatrie), l’éducation (Éducation nationale) ou la protection des enfants (PMI). Ceci a pour effet de permettre un repérage plus précoce des troubles. En effet, c’est à leur contact que s’expriment les difficultés des enfants et de leur famille, car malgré de grands progrès dans la sensibilisation des parents à la dimension psychologique de certains symptômes (échec scolaire, instabilité, énurésie, etc.), nombre d’entre eux restent très réticents pour prendre l’initiative d’une consultation.


La réticence du public à venir consulter au secteur de psychiatrie infanto-juvénile tient certes à l’image de la spécialité, du moins telle que la véhicule la psychiatrie générale, mais plus encore à la concurrence qu’elle est venue représenter pour les institutions de l’enfance inadaptée déjà implantées : CMPP, institutions diverses, médicosociales (George et Tourne, 1994).


Aussi, plutôt que d’ouvrir plusieurs centres médico-psychologiques différenciés, certains secteurs ont ouvert des antennes dans des centres médico-sociaux accueillant aussi des permanences de service social, des consultations de Protection maternelle et infantile (PMI), etc. Mais le risque est alors que les équipes s’épuisent en trajet au lieu de se consacrer aux soins.


D’autres, plutôt que de développer des structures sectorielles ont privilégié la collaboration avec les institutions médico-sociales (IME, CMPP, CAMSP). Ainsi, grâce à un travail de coordination, l’équipe met en place, avec les autres partenaires, un dispositif d’intégration scolaire avec un projet personnalisé pour chaque enfant, qui bénéficie des structures adaptées, empruntées aux trois réseaux (Éducation nationale, secteur pédopsychiatrique, institutions médico-sociales).


Dans l’ensemble, le CMP est le lieu de soins le plus utilisé en matière de psychiatrie infanto-juvénile.


Plus récemment ont été constitués, pour les très jeunes enfants (0 à 6 ans), des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ; certains sont directement rattachés à l’intersecteur, d’autres ont un fonctionnement associatif et sont souvent spécialisés dans un type de pathologie (déficience sensorielle, motrice, anomalies génétiques, etc.). CAMSP et CMP ont un fonctionnement similaire.



Hôpital de jour


Apparu en France dans les années 65–70, l’hôpital de jour (HDJ) est une structure de soin, dirigée par un médecin dont la quasi-totalité des intersecteurs sont pourvus. Parfois, il est géré par une association privée à but non lucratif. Il accueille les enfants et adolescents directement, sans passer par la MDPH, et comporte un prix de journée en matière de paiement. Il répond à deux dynamiques différentes : réaliser des évaluations multidisciplinaires approfondies sur un temps court (1 à 2 semaines) ; proposer une prise en charge cohérente avec plusieurs intervenants et une scolarité intégrée dans des troubles psychopathologiques sévères. Nous détaillerons cette deuxième dynamique car elle est consubstantielle d’une perspective institutionnelle.



Population accueillie


Au début plutôt consacrés à la tranche d’âge 7–12 ans, les hôpitaux de jour se sont diversifiés et parfois spécialisés dans l’accueil et le soin plus spécifiques à certains âges. Ainsi existent des hôpitaux de jour pour adolescents (en général 12–13 ans à 18–19 ans) et des hôpitaux de jour pour jeunes enfants (le plus jeune possible mais souvent à partir de l’acquisition de la marche : 13–18 mois à 5–6 ans). Cette spécialisation n’est possible que dans les centres urbains suffisamment importants.


En termes de diagnostic les troubles envahissants du développement et les psychoses de l’adolescence représentent la majorité des indications. Sont aussi accueillis d’autres troubles graves du développement (dysharmonies, pathologie abandonnique), parfois des troubles anxieux invalidants (en particulier à l’adolescence : phobie scolaire, trouble obsessionnel compulsif). En réalité tous les troubles psychiques susceptibles d’entraver la fréquentation scolaire et surtout l’acquisition des connaissances en même temps qu’existent des signes patents de souffrance psychique sont des indications potentielles d’hôpital de jour.


En revanche, l’hôpital de jour n’accueille pas, du moins en théorie, les enfants déficients intellectuels quand le retard mental est isolé : ces enfants relèvent d’une orientation MDPH vers des filières scolaires ou des établissements adaptés type externat médico-psychologique (EMP). Si la distinction est aisée dans les cas simples, dans bien des situations les symptômes de souffrance psychique et les signes déficitaires sont intriqués et se renforcent réciproquement.




Actions thérapeutiques


Si quelques rares équipes ont un projet thérapeutique rigoureusement unifié autour d’une approche particulière (psychanalytique, rééducative, comportementale), dans la majorité des cas les actions thérapeutiques sont multiples et plurifocales portant sur l’enfant lui-même ; les parents ; le groupe institutionnel.


On ne détaillera pas les diverses approches thérapeutiques concernant l’enfant. Elles sont en grande partie explicitées dans les chapitres suivants. Il peut s’agir de psychothérapie proprement dite, souvent d’inspiration analytique. En fonction des symptômes, diverses « rééducations » (orthophonique, psychomotrice) peuvent être proposées. Les enfants sont scolarisés dans de petits groupes avec une pédagogie adaptée ; dans certaines équipes une réflexion et une recherche pédagogique sont poursuivies, parties prenantes de l’action thérapeutique. Le lieu de vie constitue enfin un des moyens thérapeutiques par l’organisation spatiotemporelle (rythme des journées, des semaines ; repérage des places des noms) et les multiples activités qui y sont proposées (activités : expressives – type mime, dessin, théâtre ; ludiques ; imaginatives – type atelier conte, photo, journalisme). À partir d’un cas concret, ces ateliers sont l’occasion pour chaque enfant, en fonction de ses possibilités, d’arriver à une expression idiosyncrasique d’abord, partagée par le groupe d’enfants puis le soignant ensuite, d’émotion, d’affect, de désir, de pensée, en un mot d’apprendre peu à peu la communication. Les techniques et le contenu de chaque atelier varient presque à l’infini ; la vertu thérapeutique dépend avant tout de l’intérêt du soignant pour cette technique particulière, de sa conviction et de son désir de faire partager à l’autre une partie de cet intérêt et de ce plaisir.


Le travail avec la famille est également important, qu’il s’agisse des rencontres informelles (sur le pas de la porte) à l’arrivée ou au départ quotidien, de réunions avec les soignants autour de l’enfant ou enfin de groupes de parents allant du simple groupe de parole abordant les problèmes les plus concrets au groupe thérapeutique proprement dit. Le va-et-vient de l’enfant entre l’hôpital de jour et sa famille représente un des éléments forts de la stratégie thérapeutique. Il existe nécessairement des zones d’opposition, d’alliance, de silence, de transgression, de soumission, etc., qui chacune représente une reprise transférentielle d’un conflit psychique. Le travail institutionnel d’élaboration psychique consiste en une reprise de ces dernières lignes conflictuelles : travail de groupe indispensable pour accéder à une prise de conscience des divers types de relations établies par l’enfant et/ou ses parents avec tel ou tel soignant ou enfant. Ce transfert institutionnel ne peut être analysé qu’en travail de groupes : groupes de patients, travail de synthèse des soignants. Pour cette raison, les réunions institutionnelles sont indispensables. Cependant une « bonne » institution veille à ce que ces réunions n’empiètent pas de façon excessive sur la disponibilité et la présence des adultes auprès des enfants, et surtout, que le projet de soins de l’enfant ne se confonde pas avec la seule dynamique institutionnelle, le privant alors de propositions thérapeutiques plus centrées sur sa problématique.

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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 25: Sectorisation et structures de soins en psychiatrie de l’enfant

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