21: L’enfant et l’école

21 L’enfant et l’école



Généralités


Ce chapitre est consacré aux interactions entre l’enfant et l’école : difficultés de l’enfant à l’école et difficultés de l’école avec les enfants, ces deux dimensions devant être nécessairement mises en perspective réciproque.


Les causes de ces difficultés sont recherchées tantôt dans l’aspect formel de la scolarité (rythme scolaire, surcharge des classes, progression « frontale » en fonction de l’âge, ne tenant pas compte des disparités entre enfants, et chez un même enfant, etc.), tantôt dans le contenu même de l’enseignement (âge et surtout méthodes d’apprentissage de la lecture, formation et motivation des enseignants, etc.), tantôt dans des difficultés propres à l’enfant (dyslexie, déficit intellectuel, etc.), tantôt enfin dans le contexte familial et milieu social (grandes précarités, maltraitance, absence de stimulation, etc.).


Sans entrer dans cette polémique souvent vive, il nous semble que l’étude des difficultés scolaires est en quelques décennies passée d’un point de vue purement moral (l’échec était dû à la paresse de l’enfant, et par conséquent il en était le premier fautif), à un point de vue médical pathologique (l’échec est dû à l’inadaptation de l’enfant, concept qui sous-tend plus ou moins un défaut d’équipement neurophysiologique de base : voir le problème de la débilité mentale), puis enfin à un point de vue sociologique (l’échec est dû à l’inadaptation des structures scolaires actuelles face à une proportion non négligeable de la population). Curieusement, bien que le cadre de référence de ces points de vue soit à l’évidence très différent, chaque étape a eu tendance à englober, puis annuler, l’étape précédente.


Dans ce bref chapitre nous ne décrirons pas les difficultés scolaires qui renvoient à une sémiologie déjà étudiée par ailleurs, telle que les troubles du langage, de la latéralisation, la dyslexie–dysorthographie, le trouble hyperactif avec déficit de l’attention. Nous nous limiterons aux difficultés centrées sur l’école (échec scolaire, refus scolaire, phobie scolaire) ou sur certains apprentissages (trouble de l’apprentissage des mathématiques), avant de présenter les derniers aménagements de la scolarisation des élèves handicapés.


La place qu’occupe l’école dans le champ d’activité du pédopsychiatre ne doit pas être ignorée. Au total, pour environ 70 % des enfants consultants en pédopsychiatrie publique ou privée, un motif scolaire est invoqué. Le mode de consultation privilégié dépend plus du niveau socio-économique des familles que de la nature même des difficultés de l’enfant : ainsi les familles de bon niveau socio-économique ont plutôt tendance à consulter spontanément ou sur simple conseil médical majoritairement en privé, tandis qu’en cas de niveau socio-économique défavorisé, les familles consultent sur la pression de l’école ou des services sociaux en centre médico-psychologique ou psychopédagogique (Schmid, 1975). L’école étant un lieu majeur de la socialisation et de l’investissement narcissique de l’enfant, de très nombreuses situations psychopathologiques peuvent conduire à une difficulté scolaire et, a contrario, toute difficulté scolaire chronique peut entraîner chez l’enfant des troubles psychopathologiques de la série dépressive–narcissique et/ou des troubles du comportement. C’est pour nous le cercle vicieux de la confiance que nous avons résumé dans la figure 21.1, en distinguant le monde interne (ou ressenti de l’enfant) et le monde externe (ou expression des difficultés). Du coup, l’inadéquation scolaire est souvent le premier symptôme mis en avant, même si celui-ci n’est qu’un trompe-l’œil et/ou la manifestation d’une pathologie plus complexe. Dans tous les cas, confronté à l’inadéquation scolaire il faut prendre en considération les trois partenaires que sont l’enfant, sa famille et l’école ; tenter d’évaluer leur interaction réciproque avant d’envisager une aide thérapeutique.;




L’enfant


Chez l’enfant, il faut distinguer entre les possibilités d’apprendre et le désir d’apprendre. L’évaluation des possibilités repose sur l’examen soigneux et complet des capacités physiques (recherche de déficit sensoriel partiel) et psychiques. Nous ne reviendrons pas ici sur les diverses explorations nécessaires en cas de doute, ni sur l’étude des capacités cognitives et de leurs divers stades (cf. chap. 9).


Il convient d’ailleurs de reconnaître que seul un très petit nombre d’enfants n’ont pas l’équipement neurophysiologique de base nécessaire à un bon apprentissage et peuvent, par conséquent, être considérés comme incapables de suivre une scolarité.


Dans le désir d’apprendre, des facteurs très nombreux interviennent : il s’agit de la motivation de l’enfant. Celle-ci peut être :



Le système de motivation évolue avec l’âge, passant progressivement d’une motivation extérieure telle qu’imiter l’adulte puis faire plaisir aux parents et/ou à la maîtresse, à une motivation interne dont la nature varie aussi : plaisir à la compétition ou attitude de prestance, puis intégration de la nécessité d’apprendre un métier ou désir d’accéder aux valeurs culturelles. En réalité, ce dernier palier n’est jamais atteint avant 11–12 ans, quand il est atteint !



La famille


La famille intervient à la fois dans la dynamique des échanges intrafamiliaux, et par son degré de motivation à l’égard de l’école. Lorsque l’enfant quitte sa famille pour aller à l’école, cela signifie qu’il passera désormais une part non négligeable de son temps hors de la famille : corrélativement ceci implique que les parents, surtout la mère, acceptent ces nouveaux investissements et s’en réjouissent. Les phobies scolaires qui sont si souvent intriquées à des angoisses de séparation (cf. plus loin) sont un exemple de cette incapacité du groupe familial à redistribuer ses investissements lorsque l’enfant va à l’école. Il va de soi que l’équilibre affectif familial joue un rôle fondamental sur lequel nous ne reviendrons pas.


Le niveau socioculturel de la famille représente un facteur essentiel dans l’adéquation enfant–école dont nous reparlerons. Nous évoquerons brièvement ici la place du langage dans les échanges familiaux : l’adaptation de l’enfant à l’école, et ce dès l’école maternelle, est liée à son degré de maîtrise du langage, lequel dépend en grande partie de la qualité et de la quantité des échanges verbaux au sein de la famille. Il est évident que des enfants issus de milieux culturels proches, sinon identiques à celui des enseignants et plus généralement proches des valeurs et systèmes de communication proposés par l’école, auront de plus grandes facilités que les enfants dont les familles utilisent peu le langage ou uniquement dans des situations concrètes.


Le degré de motivation de la famille est aussi fonction de ce niveau socioculturel, de l’accord avec les buts et/ou moyens de l’école. Certains parents mettent ainsi systématiquement leur enfant en situation d’opposition avec l’école, la dénigre et la dévalorise constamment. Toutefois, l’attitude opposée peut aussi provoquer un blocage chez l’enfant : l’hyperinvestissement par les parents des résultats scolaires, leurs contrôles et leur vigilance incessante du travail de l’enfant dans un climat obsessionnalisé ou perfectionniste peuvent entraîner un renoncement, voire un refus.



L’école


L’école est le troisième triptyque de ce triangle relationnel enfant–famille–école. L’enseignement pré-élémentaire (la maternelle) s’adresse aux enfants de 2 à 6 ans : il est facultatif. Les taux de scolarisation se sont stabilisés (ministère de l’Éducation nationale) :



Une fréquentation régulière de l’école maternelle réduirait les risques de redoublement à l’école élémentaire.


L’enseignement élémentaire comporte cinq années réparties en trois cycles depuis la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 :



L’idée maîtresse de cette réforme était de réduire l’échec scolaire largement conditionné jusqu’alors sur le rythme d’apprentissage. L’obligation d’acquérir la lecture en une année suscitait de nombreux redoublements dont C. Chiland avait montré, dès 1971, dans son ouvrage sur « l’enfant de six ans et son avenir », le redoutable pronostic. L’idée du cycle repose dorénavant sur la possibilité pour un enfant de disposer de trois années pour s’approprier les savoirs.


L’enseignement secondaire débute à partir de la 6e à l’âge normal de 11 ans. Il est lui aussi « découpé » en trois cycles :



L’école a subi au cours de ces dernières années de profondes modifications. Elle a dû aussi faire face à une vague démographique importante qui, bien qu’en régression actuellement, continue d’en modifier les structures. L’accès à l’école de l’ensemble des classes sociales, la scolarisation d’un nombre important d’enfants étrangers a posé et pose des problèmes. Face à ces bouleversements, l’école n’a pas toujours su ou pu s’adapter avec la souplesse nécessaire, tant dans son organisation matérielle (problème du rythme scolaire, des vacances, du nombre d’enfants) que dans son contenu même.


L’importance quantitative prise par l’échec scolaire montre que l’inadaptation de l’école aux structures sociales actuelles doit être prise en compte dans l’évaluation de l’inadaptation école–enfant avant de déclarer ce dernier « inadapté ».


Par ailleurs, la relation directe entre le niveau socioculturel et la réussite scolaire ne peut plus être mise en doute : plus le niveau est bas, plus le risque d’échec scolaire est grand (tableau 21.1). Il apparaît que le taux d’échec scolaire est fortement corrélé au niveau de la qualification professionnelle du père et peu avec l’existence ou non d’un travail de la mère ; en revanche, il est corrélé avec le niveau d’études de celle-ci. Les enfants de travailleurs migrants sont une triste illustration de ces corrélations car ils cumulent à la fois le handicap linguistique et les conditions socio-économiques défavorables : ainsi on peut considérer que seuls 20 % des enfants de migrants échappent à l’échec scolaire (cf. chap. 22). Cet échec n’est pas à attribuer au bilinguisme car les enfants étrangers, issus de milieu socio-économique favorisé, ont une réussite scolaire analogue aux enfants autochtones (Rivière, 2000).


Tableau 21.1 Taux d’échec scolaire en fonction de la profession du père*



























Profession du père Pourcentage d’échec scolaire des enfants de 9 ans
Manœuvres 27,1 %
Agriculteurs, employés 15,1 %
Ouvriers qualifiés 13,1 %
Commerçants 11,6 %
Artisans, employés qualifiés 10,5 %
Cadres moyens 6,1 %
Cadres supérieurs 4,3 %

* Schmid : population scolaire du canton de Vaud.


En outre les évaluations précédentes ne tiennent pas compte de l’éducation spécialisée qui représente environs 3 % des effectifs (SES, EMP, etc.).


De tels chiffres interdisent de considérer l’échec scolaire comme le seul résultat de l’inadaptation de l’enfant, ce qui reviendrait à dire que plus de la moitié des enfants sont des inadaptés, et nécessitent des soins et une scolarité particulière.


Sans entrer dans une analyse détaillée des diverses causes de cet échec de l’école, nous citerons simplement ici :



image le trop grand nombre d’enfants par classe (les chiffres moyens de l’Éducation nationale masquent en réalité une extrême disparité entre des classes avec peu d’élèves dans des régions en voie de dépeuplement, et des classes surchargées dans les banlieues urbaines où sont précisément les enfants qui cumulent le plus de difficultés) ;


image l’évolution du statut de l’enseignant et de ses motivations (dont témoigne la féminisation extrême) et corrélativement l’évolution de la relation; maître–élève (la motivation inconsciente de l’enseignant est hélas plus souvent le plaisir pris à la maîtrise du groupe que le plaisir pris à la progression de chacun) ;


image la nature même de la progression scolaire (progression de type frontal qui suppose acquises les notions de l’année précédente et où chaque lacune exerce un effet cumulatif sur l’apprentissage ultérieur, ne permettant pas le rattrapage, mais au contraire aggravant le retard) ;


image l’évolution du rôle de l’école primaire (dont l’objectif n’est plus de donner à chaque enfant un acquis concret : lire–écrire–compter, directement utilisable pour accéder à un métier, mais de le préparer à l’enseignement secondaire et supérieur : il suffit pour cela de voir la place de l’enseignement des mathématiques modernes) ;


image le non-respect des rythmes propres à l’enfant (durée excessive de la journée scolaire et mauvaise répartition dans l’année) même si ce point reste controversé ;


image la compétence de l’enseignant enfin, sujet quasiment tabou, semble déterminer en grande partie le pourcentage moyen de réussite ou d’échec dans une classe particulière. Ravard et Ravard (1982) ont étudié sur cinq années scolaires le pourcentage d’échec en apprentissage de la lecture (6–7 ans : cours préparatoire) dans trois classes dont les autres variables (types de population, niveau socioculturel) sont comparables à l’exception de la personne de l’enseignant ; le pourcentage d’échec moyen peut osciller de 10 à 42 % : la « compétence » de l’enseignant semble être selon les auteurs la variable la plus importante pour expliquer les écarts enregistrés dans les pourcentages d’échec scolaire. Une étude plus récente sur la circonscription d’Issy-les-Moulineaux, contrôlant également les variables socio-économiques, a reproduit les mêmes résultats pour ce qui concerne la variable « enseignant » (Plaza et Touzin, 2002).


Jusque-là toutes les solutions proposées par l’Éducation nationale sont allées, quelles que soient les bonnes intentions initiales affichées, dans le sens de la ségrégation des enfants (classe spécialisée, classe de rattrapage, classe passerelle) ou, plus récemment, vers la sous-traitance des problèmes vers le privé. Dans tous les cas, il semble que la manière d’aborder les problèmes essentiels, ceux de la formation des enseignants et de leur motivation à s’occuper d’enfants difficiles, soit inappropriée, si bien que dans l’esprit de l’enseignant et/ou des élèves, ces classes apparaissent comme le résultat de sanction, de rejet ou d’échec, renforçant encore ce que certains appellent « la spirale de l’échec ». De même que la nature de la relation maître–élève n’est jamais remise en cause, pas plus que le type de progression scolaire qui suppose une homogénéité extrême pour chaque classe d’âge.



Clinique des difficultés scolaires



Les difficultés scolaires comme signe d’appel


Lorsqu’un enfant est adressé par l’école au centre médico-psychopédagogique, ou lorsque les parents consultent spontanément ou sur les conseils de leur médecin, dans tous les cas les difficultés scolaires occupent le devant de la scène. Toutefois, les parents et l’enseignant utilisent une grille symptomatique très variable où se mêlent des valeurs morales (paresseux, turbulent, méchant), des valeurs supposées médicales (instabilité, dyslexie, débilité), des valeurs sociales au sens de la norme (« il n’est pas du niveau »), etc. Ainsi, à titre d’exemple, le tableau 21.2 présente par ordre de fréquence les difficultés alléguées par des enseignants dans un échantillon d’enfants de 6–7 ans et les diagnostics DSM-IV retenus dans un échantillon d’enfants américains consultant un « psy » en milieu scolaire.



Dans tous les cas, l’instabilité est le motif de signalement le plus fréquent, rubrique où les garçons sont nettement surreprésentés. En revanche, il existe de grands écarts d’une école à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre au niveau du pourcentage global d’enfants signalés, ce qui témoigne d’une sensibilité (ou d’une intolérance) très variable d’une part, et de possibles effets géographiques (carte scolaire), d’autre part.


Avec l’âge, la nature des difficultés évolue, marquée par l’existence de difficultés dites spécifiques (dyslexie, dyscalculie) puis par l’apparition de l’échec scolaire. En ce qui concerne l’instabilité, l’hyperactivité, les difficultés motrices diverses, nous renvoyons le lecteur aux chapitres 5 et 18. Les difficultés de langage (chap. 6), de niveau intellectuel (chap. 9) ont été étudiées ailleurs de même que l’inhibition (chap. 15).


Nous aborderons ici : les difficultés dites spécifiques ; l’absentéisme scolaire ; l’échec et le retard scolaire ; la phobie scolaire enfin.;



Difficultés spécifiques d’apprentissage


On appelle « difficultés spécifiques » des difficultés strictement localisées à un type d’apprentissage tel que la lecture ou l’écriture ou le calcul, et n’entraînant pas, du moins théoriquement, de difficultés dans les autres domaines. On les rencontre de façon privilégiée dans les classes d’apprentissage (CP, CE1, CE2). Ultérieurement il est habituel que la difficulté, d’abord spécifique, retentisse sur l’ensemble de la scolarisation : le risque est alors d’aboutir à l’échec scolaire.




Troubles des apprentissages des mathématiques et dyscalculie


Il s’agit d’un domaine où les définitions ne sont pas consensuelles. Pour certains, beaucoup plus rares que les précédents, ils sont probablement aussi fréquents même s’ils recouvrent des difficultés diverses. La forme la plus sévère ou syndrome de Gerstmann associe : des troubles d’acquisition du calcul ; une agnosie des doigts ; une indistinction droite–gauche ; une dysgraphie ; et une apraxie constructive.


Le DSM-IV a du coup retenu une définition large recouvrant toutes les situations possibles : les aptitudes en mathématiques, évaluées par des tests standardisés passés de façon individuelle, sont nettement en dessous du niveau escompté compte tenu de l’âge chronologique du sujet, de son niveau intellectuel et d’un enseignement approprié à son âge. Les difficultés décrites interfèrent de façon significative avec la réussite scolaire ou les activités de la vie courante faisant appel aux mathématiques.


Sur le plan cognitif, un raisonnement mathématique peut faire appel à de très nombreuses aptitudes, en premier, au sens du nombre qui contrairement à la lecture est présent dès le début de la vie. On a montré récemment la présence d’un sens élémentaire des nombres très tôt au cours du développement humain et dans de nombreuses espèces animales (singe, dauphin, oiseaux, rongeurs). Des tests non verbaux ont montré que le nourrisson a des capacités insoupçonnées à discriminer des petites quantités, mais aussi à additionner ou soustraire des petites quantités. Dès l’âge de 6 mois, les nourrissons sont capables de différencier huit objets de seize objets, mais échouent en revanche dans des comparaisons plus précises de huit objets avec douze objets. Plus intéressant encore, les études de la perception numérique chez l’animal et l’homme suggèrent que la représentation mentale des nombres au cours de l’évolution partage des processus élémentaires communs suivant des principes généraux de physiologie sensorielle (Molko et coll., 2004). Au cours du développement, l’enfant devra pouvoir manipuler les trois représentations du nombre que sont la grandeur (ou sens du nombre), le chiffre arabe et la représentation verbale, d’où le modèle du triple code (Dehaene et coll., 2004). Cela étant, les mathématiques ne requièrent pas exclusivement un sens du nombre suffisamment développé, puisque l’apprentissage des mathématiques demande à l’enfant de s’exercer dans trois champs principaux : la fonction numérique, le raisonnement, la géométrie (Van Hout et Meljac, 2001).


Au plan de la classification, on distinguera :



Du reste, les aspects de comorbidité sont très importants. Ainsi, on retrouve souvent chez les enfants qui présentent un trouble des apprentissages des mathématiques une dyspraxie digitale et/ou un trouble de l’acquisition motrice, un décalage entre les scores des QI verbal (bons, voire supérieurs) et de performance, un déficit visuospatial ou d’organisation spatiale, un trouble attentionnel enfin.


Sur le plan des causes, on retiendra un défaut dans la pédagogie, les carences psychosociales sévères, les atteintes organiques (prématurité, syndrome de Turner, les consommations d’alcool pendant la grossesse, etc.), les atteintes cognitives plus générales d’origine non déterminée (déficit attentionnel, déficit en mémoire de travail, etc.), les pathologies psychiatriques avec retentissements scolaires (dépression, inhibition anxieuse, etc.), les pathologies psychiatriques avec trouble du développement (dysharmonie, syndrome d’Asperger, etc.).


La rééducation des troubles des apprentissages des mathématiques, en dehors des facteurs psychoaffectifs (Brousselle, 1973), passe d’abord par une rééducation orthophonique dite logico-mathématiques où seront travaillés en fonction des difficultés le sens du nombre, d’une part, et le raisonnement, d’autre part. Les exercices peuvent comprendre des comparaisons de grandeurs, des mouvements de comptage, des jeux de l’oie, des manipulations de sériation, de groupement, de correspondance terme à terme à partir d’un matériel concret (jetons, tiges, règles). Certains dispositifs informatisés sont aussi disponibles (Wilson et coll., 2006). À chaque fois qu’un trouble de la motricité fine ou de l’organisation spatiale est associé, une rééducation psychomotrice centrée sur l’organisation du schéma corporel et sur la différenciation des gnosies digitales sera proposée (Hasaert-Van Geertruyden, 1975).



Absentéisme scolaire




Causes


Elles sont multiples et très souvent corrélées entre elles. On distingue les causes organiques, psychiatriques et environnementales-sociales. Nous traiterons des causes psychiatriques (principalement trouble des conduites, trouble oppositionnel, trouble anxieux, dépression), qui n’expliquent que 25 % des absentéismes conséquents (plus de onze jours par mois), avec le refus scolaire puisqu’elles sont les mêmes, l’absentéisme s’inscrivant alors dans un continuum avec le refus scolaire (Eger et coll., 2003). Les causes organiques sont nombreuses et nous en avons listé certaines dans le tableau 21.3. Au premier rang d’entre elles, l’asthme et les problèmes respiratoires. Le nombre de journées d’école ratées suite à un asthme a été estimé en 2002 à plus de 14 millions (Center for Disease Control and Prevention, 2004) ! Outre leur impact propre, l’absentéisme scolaire lié aux pathologies organiques est également aggravé par les facteurs environnementaux–sociaux auxquels la pathologie se surajoute alors. Parmi ceux-ci, on peut retenir : la pauvreté et les difficultés de logement ; les mères adolescentes ; les contextes scolaires violents ; le climat scolaire variable souvent sous-estimé qui importe tant du point de vue collectif que du point de vue de l’enfant lui-même ; l’implication parentale dans la scolarité ; le contexte familial particulier tant d’un point de vue psychopathologique et fonctionnel que d’un point de vue social (maltraitance, séparation, conflit, etc.).;


Tableau 21.3 Principales pathologies organiques entraînant un absentéisme scolaire et raisons invoquées par les jeunes de collèges quittant l’école









Pathologies organiques Raisons invoquées pour quitter l’école prématurément
Asthme et pathologies respiratoires
Allergies et rhinites
Cancer
Maladies chroniques et douloureuses (par exemple : drépanocytose)
Épilepsie
Céphalées chroniques
Pathologies traumatiques mineures
Obésité
Syndrome du côlon irritable
Trouble du sommeil
Diabète de type I
Trop de jours d’école ratés (43 %)
Échec scolaire et résultats décevants (38 %)
N’aime pas l’école (36 %)
N’arrive pas à faire face aux devoirs (32 %)
Enceinte, pour les filles seulement (27 %)
Trouver du travail et/ou soutenir la famille (20–25 %)
N’aime pas les professeurs (25 %)
Sentiment de n’être pas à sa place à l’école (20 %)
N’aime pas les autres élèves (18 %)
Renvoyé de l’école (16 %)
Sentiment d’insécurité à l’école (10 %)

(d’après Kearney, 2008)




Retard scolaire et échec scolaire


On distingue classiquement le retard scolaire de l’échec scolaire, ce dernier terme étant réservé aux retards supérieurs à deux années. En réalité, le retard précède toujours l’échec, et y aboutit fréquemment si aucune action préventive n’est mise en place (Chiland et Young, 1990 ; Basquin, 1996).


Nous ne reviendrons pas sur l’importance de ce phénomène, ni sur sa dimension sociale (cf. partie I) qui constitue la toile de fond de l’échec scolaire (Carric, 1977). L’échec scolaire est différent du fléchissement scolaire : dans ce dernier cas, on note une période de scolarité satisfaisante avant que l’échec n’apparaisse. Dans la majorité des cas, le fléchissement scolaire apparaît réactionnel, soit à des difficultés familiales (maladie de la mère, séparation des parents, décès), soit à des conflits actuels propres à l’enfant. Dans quelques cas, un fléchissement scolaire soudain, sans aucune cause apparente, peut être le premier indice d’une désorganisation plus grave ou d’une pathologie débutante.


L’échec scolaire « permanent » apparu dès le début de la scolarité, a des causes multiples : sociales, familiales, pédagogiques, déjà envisagées, mais aussi au niveau de l’enfant lui-même. Ce sont ces dernières que nous examinerons ici.



Déficience intellectuelle


Si une déficience intellectuelle moyenne entrave nécessairement la progression scolaire, en revanche la déficience légère ou limite (cf. chap. 9) n’apparaît pas comme la cause principale de l’échec scolaire, le niveau intellectuel des enfants en situation d’échec étant très variable, même si le sommet de la courbe est décalé vers une moyenne légèrement inférieure. On sait l’importance du facteur socio-économique dans le déterminisme de la déficience mentale limite si bien qu’on observe ici un effet cumulatif entre déficience intellectuelle–limite et échec scolaire, l’un renforçant l’autre, l’enseignant ou l’Éducation nationale se satisfaisant de cette approche explicative simpliste.






Phobie scolaire et refus scolaire anxieux


En 1941, A. Johnson et coll. utilisent le terme « phobie scolaire » pour décrire « des enfants qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de panique quand on essaie de les y forcer ».


Quelques années plus tard, Estes et coll. (1956) situent le nœud pathologique non pas dans la peur de l’école mais dans l’angoisse de quitter la mère et introduisent le concept d’angoisse de séparation, le refus scolaire n’en étant qu’une des expressions manifestes. Par la suite l’expression « refus anxieux de l’école » (Last et coll., 1987) tend à prendre le relais, en particulier dans la littérature anglo-saxonne. La classification américaine situe la phobie scolaire ou le refus anxieux de l’école soit du côté du trouble angoisse de séparation, soit comme expression symptomatique d’une phobie sociale, classification qui semble surtout dépendante de l’âge.


L’âge du début de la phobie scolaire présente plusieurs pics, vers 5–7 ans, vers 10–11 ans et à l’adolescence vers 13–15 ans (King et Berstein, 2001) Seules seront abordées ici les phobies scolaires du jeune enfant (pour le grand enfant et l’adolescent : cf. Marcelli D, Braconnier A. Adolescence et psychopathologie. 7e éd. Masson ; 2008), formes dans lesquelles l’angoisse de séparation semble être l’axe pathologique dominant (cf. chap. 15).


Repères épidémiologiques. Il est difficile d’avoir une idée précise de la fréquence de la phobie scolaire chez l’enfant dans la mesure où la majorité des études inclut l’adolescence, âge où cette pathologie semble être plus fréquente. Globalement sur l’ensemble de la population consultante en psychiatrie (enfants et adolescents) ce trouble représenterait 5 % des cas (Hersov, 1990). Dans une enquête en population générale portant sur les manifestations cliniques d’angoisse de séparation selon les critères du DSM-III-R (en particulier le critère de durée : manifestation pendant deux semaines consécutives sachant que ce critère a été porté à 4 semaines dans la version DSM-IV), nous avons retrouvé une incidence de 1,6 % (± 1) selon les enseignants, 3,9 % (± 1,5) selon les parents, lors de l’entrée à l’école primaire entre 5 ans et demi et 6 ans et demi. Cette incidence est de 4,8 (± 1,7) selon les enseignants et de 7,8 % (± 2,2) selon les parents lors de l’entrée à l’école maternelle entre 2–3 ans (Gorin et coll., 1996).


Plus l’enfant est jeune plus il paraît difficile de différencier l’angoisse de séparation dite développementale, d’une angoisse de séparation devenant pathologique. C’est la raison pour laquelle il paraît prudent de réserver le terme « phobie scolaire » ou « refus anxieux de l’école » aux enfants qui entrent à l’école primaire (6–7 ans environ) même s’il paraît important de repérer les jeunes enfants qui développent des refus de l’école maternelle. Pour ces derniers, seul le terme « angoisse de séparation » devrait être utilisé.



Étude clinique


Parfois progressif, le début est plus souvent brutal chez l’enfant jeune. Parfois manifeste dès le commencement de l’année scolaire, l’apparition des symptômes cliniques peut être retardée de quelques semaines ou mois en particulier après une interruption scolaire pour des vacances, une maladie ou un événement intercurrent (déménagement, changement d’école, d’enseignant, départ d’un camarade de classe, etc.). Parfois un événement est rendu responsable : réprimande de l’enseignant, conflit avec des camarades, épisode encoprétique. Il ne faut pas méconnaître la possibilité d’une agression ou d’une menace (racket) à laquelle l’enfant tente d’échapper par le refus scolaire.


Si dans ce dernier cas, les conditions environnementales sont à prendre en considération, il n’en demeure pas moins que l’enfant présente souvent aussi des traits psychopathologiques où dominent l’anxiété, l’inhibition.


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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 21: L’enfant et l’école

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