20 Monitorage du gaz carbonique expiré télé-expiratoire (PetCO2)
Définition
PaCO2 : valeur de la pression partielle en CO2 dans le sang artériel.
PACO2 : valeur de la pression partielle en CO2 au niveau des alvéoles pulmonaires en fin d’expiration.
PetCO2 (= EtCO2) : valeur de la pression partielle en CO2 au niveau du site de prélèvement (sonde trachéale ou filtre humidificateur) en fin d’expiration (reflétant la concentration de CO2 dans les alvéoles en fin d’expiration juste avant l’inspiration).
FetCO2 : mesure du CO2 exprimée en concentration fractionnelle.
P[a-et]CO2 : différence de pressions en CO2 entre le sang artériel et l’air contenu dans les alvéoles en fin d’expiration.
EtCO2 (End tidal CO2) = concentration maximale de CO2 en fin d’expiration.
Capnométrie (= analyse quantitative) : mesure continue de la concentration en gaz carbonique expiré (PetCO2) dans le gaz du circuit respiratoire avec affichage numérique (valeur inspiratoire et pic de fin d’expiration pour chaque cycle ventilatoire sous forme digitalisée).
Capnomètre : appareil qui permet la mesure et l’affichage de la concentration maximale en CO2 dans les gaz inspirés et expirés. Sa mesure suppose un recueil continu par échantillonnage des gaz au niveau de la sonde d’intubation ou du filtre humidificateur.
Capnographie (= analyse qualitative) : enregistrement et affichage graphique sous forme d’une courbe (capnogramme) des variations de la concentration en CO2 dans les gaz respiratoires au cours du cycle respiratoire complet :
Capnogramme : courbe qui représente sur une échelle temporelle les valeurs mesurées de CO2 expiré. Signal analogique comprenant deux parties : inspiratoire et expiratoire.
Principes physiologiques
CO2 : produit du métabolisme cellulaire transporté par le sang et éliminé par les poumons.
Les trois déterminants de la pression télé-expiratoire en CO2 (PetCO2)
La production métabolique de CO2 (= métabolisme oxydatif cellulaire).
Son transport vers les poumons par la circulation (sous la dépendance de la pression de perfusion systémique et du débit cardiaque).
Son élimination par la ventilation (modifiée par l’espace mort, la ventilation alvéolaire, l’écoulement des gaz au niveau bronchique et trachéal).
Ventilation alvéolaire
= Déterminant essentiel de la PetCO2.
Estimation de PaCO2 à partir de PetCO2
En l’absence de troubles de la diffusion alvéolocapillaire, le gradient P[a-et]CO2 est de 3 à 5 mmHg. Dans ce cas, la PetCO2 permet une estimation de la PaCO2.
une anomalie du rapport ventilation/perfusion avec augmentation de l’espace mort physiologique (embolie pulmonaire, hypovolémie ou décubitus latéral) ;
certains modes de ventilation artificielle qui n’autorisent pas une vidange alvéolaire complète (jet ventilation à haute fréquence…) ;
un défaut d’échantillonnage du capnomètre (erreur de calibrage, fuite sur le circuit d’aspiration).
Matériel
Spectrophotométrie d’absorption infrarouge = analyseur de CO2 à infrarouge
Principe : utilise la capacité du CO2 à absorber la lumière infrarouge.
Les analyseurs de CO2 à infrarouge se distinguent par leur site de mesure.
La mesure du CO2 se fait soit par :
analyse de tout le flux de gaz qui traverse un capteur (mesure directe du flux système, non aspiratif ou main stream) ;
Capnomètre non aspiratif – main stream (figure 20.1a)
Mesure se faisant directement sur le flux gazeux du circuit ventilatoire permettant une lecture directe.
Cellule d’analyse placée entre la sonde d’intubation et le raccord en Y du circuit du ventilateur.
Procédure de mesure
Pour mesurer une concentration moyenne dans un échantillon de gaz expiré (FECO2) ou en ventilation spontanée chez un malade non intubé, seuls les capnographes aspiratifs sont utilisables.
Effectuer un étalonnage de l’appareil avant chaque mesure et toutes les 24 heures en fonctionnement continu (indispensable) : selon les recommandations du constructeur soit en air ambiant, soit avec une cellule-test.
Nettoyer le capteur selon les recommandations du constructeur : l’interposition de sécrétions devant la cellule de capnographe nuit à la qualité de la mesure.
Quelle que soit la technique utilisée, la connexion du capnomètre sur le circuit doit s’effectuer le plus près possible de la sonde d’intubation, mais après le filtre bactérien, compte tenu des risques de contamination par des sécrétions bronchiques et ce, même s’il existe une modification modérée de la fiabilité de la mesure.
Protéger le capteur ou le cathéter aspiratif en incorporant un filtre échangeur de chaleur et d’humidité entre la sonde du malade et le point d’échantillonnage.
Importance du filtre car il permet d’absorber la vapeur d’eau : le placer en amont. N.B. : l’enregistrement du signal s’effectue à vitesse lente (10 mm/min) pour l’appréciation des tendances et/ou rapide (600 mm/min) pour l’analyse du signal.
Avantages et limites des deux capnomètres (tableau 20.1)
Avantages | Limites | |
---|---|---|
Capnomètre aspiratif > (side stream) | Peu encombrant au site de prélèvement et pouvant se connecter directement sur le filtre antibactérien Utilisable même chez le patient non intubé (VS), connexion de la tubulure à la sonde nasale, même si l’on administre de l’oxygène Permet l’analyse de plusieurs gaz à la fois Appareil petit, compact, léger Facilité de connexion Utilisation facile, quelle que soit la position du sujet Temps de latence court Ne nécessite que peu d’entretien Appareil relativement fiable Stérilisation facile | Risque d’accumulation de sécrétions et d’eau dans le tube de prélèvement : expose au risque d’obstruction du capillaire par de l’eau de condensation et impose un déphasage obligé, lié au temps de transit du gaz vers l’analyseur. Solution : connecter le capillaire sur le versant amont du filtre, la texture spécifique (microporeuse) de ces capillaires réduisant le risque d’obstruction par de l’eau Délai de réponse de quelques secondes entre le prélèvement et le signal (1–3 s) Risque de mixage de plusieurs cycles respiratoires en cas de longueur excessive du tuyau de prélèvement Distorsion du signal liée à l’existence d’un échantillon et à son transport vers une chambre de mesure à distance, avec un risque d’obstruction de la tubulure d’analyse, de fuite Utilisation indispensable d’un débit d’aspiration supérieur à 150 L/min Impossibilité de mesurer l’oxygène Perte continue de gaz qui peut être significative lors de bas débit Accumulation d’eau avec risque d’erreurs sur la mesure du CO2 Risque d’interférence entre les gaz Déformation des capnogrammes chez les sujets de petite taille à respiration rapide |
Capnomètre non aspiratif (main stream) | Capnographe plus précis en cas de fréquence respiratoire élevée Mesure très rapide (100 ms) et sans distorsion de la concentration en CO2 Pas d’obstruction de tubulure d’analyse Aucune incidence des modifications d’humidité dans le circuit Pas de modification du capnogramme par dispersion des gaz | Dispositif encombrant Dispositif lourd ajoutant un poids à la sonde d’intubation Représente un espace mort non négligeable (augmentation de l’espace mort instrumental) Calibration souvent longue Sensible à la condensation de la vapeur d’eau sur son module optique Fragilité de la cellule Risque de déconnexion accrue Stérilisation difficile |
Avantages et limites du monitorage de PetCO2 (tableau 20.2)
Avantages | Limites |
---|---|
Utilisation simple Permet de contrôler la ventilation en continu de façon non invasive Rapide à mettre en œuvre Limite le recours aux dosages des gaz du sang Fournit des informations sur la fréquence et l’amplitude de la respiration Précision plus grande que la SpO2 car la variation est instantanée Permet le diagnostic et la quantification précise de la tachypnée, de la bradypnée et surtout des arythmies ventilatoires Permet de préciser la fréquence, la durée, le type et le caractère expiratoire ou inspiratoire des pauses ventilatoires éventuelles Monitorage rapide de la réanimation de l’arrêt circulatoire | Difficultés d’interprétation de la PetCO2 chez des patients de réanimation présentant : – des modifications importantes de leur métabolisme de base – et/ou des troubles des rapports ventilation–perfusion en rapport avec leur pathologie pulmonaire ou des variations hémodynamiques N.B. : la capnométrie ne peut être utilisée, dans ces conditions, pour monitorer la PaCO2 de manière non invasive |
Indications et contre-indications du monitorage de PetCO2 (tableau 20.3)
Indications | Contre-indications |
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Intubation : confirmation de la position endotrachéale de la sonde. N.B. : le capnographe devrait être utilisé pour toute intubation, qu’elle soit réalisée au bloc opératoire, en réanimation ou au service des urgences Détection d’une intubation sélective involontaire (soit lors de l’intubation trachéale, soit lors de la migration secondaire du tube) Surveillance de la stabilité du patient intubé/ventilé Vérification de la normoventilation : en cas de pathologie où la PaCO2 doit être contrôlée (ex. : HTIC). Surveillance du circuit de ventilation Détection rapide des débranchements du circuit de ventilation (notamment durant le transport du patient) ou d’une extubation accidentelle Arrêt cardiorespiratoire (témoin de l’efficacité d’une RCP) Détection précoce de l’embolie gazeuse ou pulmonaire Évaluation du degré d’obstruction bronchique Aide au réglage du ventilateur Détection de l’hyperthermie maligne | Relative : hypercapnie majeure nécessitant de réduire au maximum l’espace mort instrumental |
Interprétation des résultats
Valeur normale PetCO2
Sujet sain : de l’ordre de 5 à 6 % ou 35 à 37 mmHg.
Il existe un gradient entre PetCO2 et PaCO2 de :