20: Les orthèses dans la rééducation de la main

Chapitre 20


Les orthèses dans la rééducation de la main




« Each splint is an indivual problem. » Norman Capener



Introduction


Le terme orthèse est récent. Il a été proposé en 1956 par Bennett pour désigner tout « appareillage placé sur ou autour d’un membre ou segment de membre afin de lui fournir un support ou l’assister dans sa fonction ». Ce terme est utilisé au niveau international et remplace le mot attelle avec lequel il est interchangeable [1]. Pour la France, la Haute Autorité de santé (HAS) le préconise.


Concevoir et fabriquer une orthèse relève à la fois de l’art et de la science. La création d’un objet unique fabriqué pour un cas précis s’appuie sur des principes bien établis basés sur l’anatomie, la biomécanique, la mécanique et la pathologie.


La main, organe le plus complexe du corps après le cerveau, possède un grand avantage par rapport au membre inférieur. Elle est peu soumise à la gravité. Nous ne marchons pas sur la main, de ce fait, placée dans une orthèse appropriée, une main fragile peut selon la pathologie être immobilisée ou protégée afin de permettre une mobilisation post-traumatique ou postopératoire précise. Une orthèse peut également assister la main dans sa fonction lors d’une paralysie, de douleur ou d’instabilité chronique.



Historique


« On ne connaît une science que lorsque l’on connaît son histoire. » Paul Valéry


L’origine des orthèses et prothèses se confond avec celle de l’humanité [2,3].


Il semble que la prothèse la plus ancienne connue date de 2400 ans av. J.-C. Il s’agissait d’une prothèse de membre inférieur réalisée dans une patte de bouquetin retrouvée au Kazakhstan, sur un corps momifié, amputé au niveau fémoral.


La main prothétique métallique la plus ancienne aurait 2000 ans. Elle fut trouvée sur une momie égyptienne, emmenée et exposée au musée Guilberkian de Newcastle où elle fut détruite dans un incendie.


Le XVIe siècle connaît un grand développement des orthèses avec les écrits entre autres d’Ambroise Paré, de Hans von Gersdorff (Feldbuch Wundtarzeney, 1517) et de Fabricious Hildanus (Opera Chirurgica, 1647).


Le XIXe siècle vit également un grand essor avec le concept – toujours moderne – d’orthèses musculaires fonctionnelles de Duchenne de Boulogne, présentées dans l’ouvrage Physiologie des mouvements (1867), et les orthèses conçues par de grands chirurgiens comme Krukenberg (1892) ou Ribmayer (1886).



L’évolution des orthèses est indissociable de l’évolution des connaissances et technologies


Les matériaux ainsi que les technologies de fabrication utilisés ont suivi l’évolution des connaissances : âge du cuir, de l’os et du bois ; âge du bronze, du fer, de l’acier ; âge de l’aluminium : âge du plastique. Avoir une vision globale sur cette évolution permet de choisir au mieux l’orthèse adaptée et fait gagner beaucoup de temps en évitant de croire réinventer une solution déjà trouvée depuis des siècles. Les solutions trouvées par nos prédécesseurs forcent à l’humilité. Les thermoplastiques actuels et les kits que l’on trouve dans le commerce, d’utilisation aisée, ont permis une vulgarisation des orthèses, ce qui est un bien pour la majorité des patients mais s’accompagne souvent d’une perte de la dextérité et de l’ingéniosité nécessaire au travail de matériaux comme l’acier, le cuir, l’aluminium, qui restent les seuls matériaux disponibles et abordables dans les pays en voie de développement.



L’évolution des orthèses est indissociable de l’évolution des connaissances et des techniques médicales et chirurgicales


Il est possible, schématiquement, de séparer deux époques dans l’évolution de la chirurgie de la main. Avant les années 1970, les réparations chirurgicales étaient suivies par une immobilisation postopératoire réalisée en général par plâtre. Après les années 1970, le concept de réparation tout en un temps suivi par mobilisation protégée prônée par Michon, Kleinert, Duran, Mantero entre autres, entraîna la création d’une multitude d’orthèses sophistiquées. Celles-ci permettent la mobilisation protégée, spécifique pour chaque type de structure. Les travaux de Paul Brand [4,5] sur la biomécanique et la plasticité tissulaire ont permis de comprendre l’influence de l’application d’une force thérapeutique sur les tissus en voie de cicatrisation et le remaniement du tissu conjonctif.


Il en découle toute une gamme d’orthèses de mobilisation qui pour certaines existaient depuis des siècles mais avaient été appliquées de façon empirique.



L’évolution des orthèses et l’influence des différentes pathologies


Les paralysies périphériques d’étiologie infectieuse ont énormément influencé la conception et réalisation des orthèses. Il faut citer les orthèses d’Ucla d’Anderson [6] conçues à l’époque de l’épidémie de poliomyélite, et les travaux exceptionnels de Paul Brand sur le traitement chirurgical et rééducatif de la maladie de Hansen.


L’apparition de la microchirurgie a profondément modifié la récupération nerveuse et diminué les séquelles. Certaines déformations provoquées par une paralysie périphérique, une rétraction ischémique ou des séquelles de brûlures sont devenues rares en Occident. Il est nécessaire de partir dans les pays émergents pour comprendre l’action de certaines orthèses dont l’utilisation est devenue exceptionnelle en Occident, et qui sont encore codifiées par la sécurité sociale.



L’évolution des orthèses et l’influence de différentes écoles


Comme dans d’autres domaines de la technologie : automobiles, systèmes d’armes, etc., il est possible schématiquement de décrire plusieurs écoles qui ont marqué la conception des orthèses. Connaître ces différentes technologies permet d’être plus efficace, notamment lorsque certains matériaux ne sont pas disponibles.




L’école britannique


Les travaux de Norman Capener [8], de Whynn Parry [9] entre autres, ont décrit le concept de « lively splints », orthèses profilées, conviviales dont le cadre en cordes à piano constitue en même temps le moteur. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les embases étaient souvent fabriquées en fer-blanc récupéré sur des boîtes de conserve, rembourrées de cuir ou de feutre.




L’école indienne


B.B. Yoshi [10] a montré qu’il est possible avec un peu d’ingéniosité de réaliser une orthèse avec les moyens du bord que l’on peut trouver dans tout pays en voie de développement. Fil de fer, chambre à air et rayon de roue de bicyclette, tuyau d’arrosage, boîte de conserve, etc. (figure 20.1).





Classification des orthèses


Il existe plusieurs classifications :



Baser une classification uniquement sur le mode d’action statique ou dynamique porte à confusion.


Le terme dynamique est souvent assimilé et réduit à l’amélioration des amplitudes articulaires, alors que l’application d’une force calibrée par orthèse dynamique peut avoir plusieurs finalités thérapeutiques :



En reprenant la classification utilisée par l’ASHT [11], mieux vaut parler d’attelles d’immobilisation et d’attelles de mobilisation.


Une orthèse statique, en immobilisant une articulation en position de fin d’amplitude articulaire, permet également d’améliorer les amplitudes et/ou de comprimer une cicatrice.


Dans ce chapitre, nous baserons la classification sur les indications ou buts recherchés en cherchant à répondre aux questions : où ? pourquoi ? comment ?


Toutes les orthèses peuvent être classées en cinq familles principales :



Cette classification par but recherché à laquelle se rajoutent la zone anatomique couverte, le mode d’action appliqué et éventuellement le nom du concepteur de l’orthèse, peut sembler longue mais permet une description et une communication précises.


La classification par but permet de comprendre que le même type d’orthèse peut être utilisé à deux fins différentes. Une orthèse dynamique type profil bas d’extension peut être utilisée pour améliorer une amplitude articulaire digitale en extension et légèrement modifiée, pour la mobilisation protégée postopératoire d’une réparation d’un tendon extenseur. Une orthèse statique digitale peut servir à immobiliser une IPP ou au contraire, selon le réglage, à améliorer l’extension de l’IPP (tableau 20.1).




Orthèses d’immobilisation


En médecine orthopédique, la règle est d’immobiliser les articulations sus- et sous-jacentes au segment à appareiller. Ceci peut être appliqué avec une orthèse qui par définition est amovible. Cependant, connaissant les effets iatrogènes de l’immobilisation et si la pathologie le permet, il est préférable de laisser libres les articulations non concernées. Par exemple dans le cas d’une fracture stable de métacarpien, seul le métacarpe sera immobilisé.


Les buts de l’immobilisation sont les suivants :




Immobilisation pour protéger la cicatrisation


Les orthèses d’immobilisation sont utilisées en général pour assurer la cicatrisation osseuse et des parties molles : tendons, ligaments, nerfs, vaisseaux, muscles, etc. Nous ne citerons ici que quelques exemples.



• Exemple pour la cicatrisation osseuse : les coques métacarpiennes, basées sur le concept du traitement fonctionnel des fractures ou « facture bracing » de Sarmiento, laissent libre la flexion-extension des MCP et du poignet. Elles accroissent la stabilité d’une fracture engrenée ou d’une ostéosynthèse. Elles protègent la main et incitent le patient à utiliser sa main diminuant le risque de raideur et de séquelles (Thomas – Moutet 1990) [12] (figure 20.2).



    Avant que le cal osseux ne se forme, il est parfois possible d’agir sur une rotation vicieuse en ajoutant une syndactylie ramenant le doigt dans l’axe ou de réaligner un cal en ajoutant deux appuis et un contre-appui dans l’orthèse [13] (figure 20.3).



• Exemple pour la cicatrisation capsulo-ligamentaire : l’immobilisation de la MCP du pouce pour une entorse grave après suture ou réinsertion ligamentaire est assurée de façon efficace par une orthèse qui souvent autorise la poursuite de l’activité sportive (figure 20.4).



• Exemple pour la cicatrisation tendineuse. Dans le cas de rupture tendineuse sous-cutanée, lorsqu’il n’y a pas de retrait tendineux comme en zone I et III des extenseurs, doigt en maillet et boutonnière, l’immobilisation de l’IPD en extension par une orthèse de Stack (doigt en maillet) ou de l’IPP (boutonnière) par une orthèse digitale circulaire suffit généralement à assurer la cicatrisation.


• Exemple pour la cicatrisation nerveuse. Après suture de la gaine d’un nerf, une orthèse plaçant une ou plusieurs articulations en flexion est préconisée pour éviter toute traction sur la suture.

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 20: Les orthèses dans la rééducation de la main

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