Chapitre 19. Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques
Hélène Brissart, France Daniel and Gilles Defer
Avant d’aborder ce chapitre, il semble essentiel de rappeler que les termes employés en langue française pour définir la prise en charge neuropsychologique peuvent être multiples. Ainsi «remédiation», «revalidation» et «rééducation» peuvent être employés indifféremment en traduction du terme anglophone de rehabilitationrehabilitation.
La revalidationrevalidation cognitive date du milieu du xxe siècle avec la description de rééducations d’aphasiesaphasies au décours d’accidents vasculaires cérébraux principalement [[1][2] and [3]]. Aujourd’hui, l’association cognition-cerveau n’est plus envisagée comme localisationniste mais avec l’idée que les fonctionsfonctions cognitives sont sous-tendues par des réseaux incluant plusieurs régions cérébrales. Nous savons par ailleurs que le cerveau, suite à la survenue de lésionslésions, est capable de se réorganiser, les aires intactes pouvant prendre le relais des aires endommagées. L’organisation fonctionnelle du cerveau pourrait donc être modifiée par un entraînement. Ainsi, l’idée de plasticité cérébraleplasticité cérébrale acceptée, et du fait de l’avancement sur les connaissances concernant le fonctionnement cognitif, la «rééducationrééducation» se développe peu à peu. Elle connaît toutefois un véritable essor depuis l’extension de ces techniques à d’autres pathologies comme le traumatisme crânien [4, 5]. En effet, le caractère acquis et non «dégénératif» du traumatisme crânien permet un bilan neuropsychologique de référence et autorise l’application d’une stratégie de revalidation définie. Plus récemment, la prise en charge neuropsychologique s’est orientée progressivement vers les maladies dégénératives grâce notamment au développement d’ateliers de «stimulation cognitive», essentiellement dans les maladies d’AlzheimerAlzheimer et de Parkinson. Ces dernières années ont donc vu l’élargissement du champ d’application de la «remédiationremédiation» cognitive. D’une part, cette dernière ne se limite plus aux troubles du langage mais s’intéresse à d’autres domaines cognitifs comme la mémoire, l’attention, l’héminégligence, les fonctions exécutivesfonctions exécutives ou les praxies. D’autre part, elle n’est plus réservée aux patients souffrant d’AVC ou de traumatismes crâniens mais s’étend aujourd’hui aux troubles cognitifs potentiellement évolutifs.
Ces différentes raisons et le fait que la SEP touche des patients en pleine construction de vie personnelle et professionnelle font que des travaux portant sur la prise en charge de leurs troubles cognitifs commencent à se développer. Travaux que nous présenterons après avoir défini ce que regroupe la notion de «prise en charge neuropsychologique».
Prise en charge neuropsychologique : généralités
X. Seron et M. Van der Linden [6] distinguent plusieurs formes de prise en charge selon l’importance et l’évolution des troubles et les objectifs fixés.
Rétablissement de la fonction. Il se définit comme la restauration du niveau de fonctionnement cognitif antérieur. C’est par exemple la réinstallation des processus attentionnels en entraînant le patient dans des tâches de temps de réaction à choix.
Les techniques de restauration se fondent donc sur le postulat implicite que la cognition est un «muscle» qu’il suffit d’entraîner. Cette prise en charge est identique pour tous les patients et se compose d’exercicesexercices répétitifs, de stimulations indifférenciées, de jogging mental… Notons cependant que Prigatano et al. [7] n’ont observé que peu d’amélioration après 625 heures d’entraînement, ou seulement sur les tâches entraînées, ne traduisant ni transfert, ni généralisation aux situations de la vie quotidienne.
RéorganisationRéorganisationfonctionnelle et exploitation des fonctions intactes. La première se définit comme un «essai d’amélioration du fonctionnement cognitif par le recours à des procédures de traitement que le sujet n’utilisait pas auparavant ou de manière peu fréquente et non systématique». C’est, par exemple, apprendre à un patient dyscalculique une stratégie inhabituelle de résolution de problèmes [8]. L’exploitation des fonctions intactes se rapproche de la réorganisation. Elle vise à apprendre au patient à utiliser des stratégies de facilitation résiduelles, encore intactes. Les techniques de facilitation/réorganisation peuvent par exemple reposer sur la meilleure utilisation d’indices d’accès lexical pour un patient ayant un manque du mot [8]. Elles peuvent également encourager à l’utilisation de techniques d’imagerie mentale [9], ou de stratégies verbales [[10][11] and [12]] pour améliorer des déficits mnésiques.
Ces prises en charge sont individualisées et proposent donc de définir pour un patient donné la (les) méthode(s) la (les) plus adéquate(s) compte tenu des difficultés cognitives qu’il rencontre au quotidien.
Aménagement des conditions d’exercices.En cas de troubles très importants et irréversibles (en particulier dans les maladies dégénératives ou chez certains patients traumatisés crâniens), l’objectif n’est plus d’améliorer le fonctionnement cognitif mais d’aménager l’environnement et de réorganiser la vie quotidiennevie quotidienne afin que les déficits cognitifs entraînent le moins de handicap possible, notamment par le biais de ce que les auteurs appellent les «prothèses mentales» (aide-mémoire, agenda…).
Les aides externes sont donc réservées aux déficits les plus sévères, mais peuvent également être proposées en complément d’une autre technique.
Les objectifs visés par la prise en charge neuropsychologique peuvent également différer [13] :
• le premier objectif consiste à faire apprendre au patient un certain contenu. Dans ce cas, les progrès attendus concernent uniquement les connaissances travaillées, comme par exemple le réapprentissage de certaines connaissances sémantiques ou procédures spécifiques. Le but n’est pas alors la généralisation ou le transfert des acquisitions sur d’autres;
• le second consiste à «réactiver» chez le patient des «procédures» généralisables à d’autres situations, comme par exemple l’utilisation de techniques d’imagerie mentale pour une meilleure mémorisation. La nature du matériel utilisé a dans ce cas moins d’importance, il n’est pas l’objet de la rééducationrééducation mais le support de cette dernière.
Quel que soit le type de prise en charge neuropsychologiqueprise en charge neuropsychologique choisi et les objectifs visés, un point important doit être pris en compte et concerne le développement des capacités de méta-cognition [14]. Elle repose sur l’explication au patient de son fonctionnement cognitif et de ses troubles ainsi que sur des retours (feed-back) concernant les exercices proposés. Elle permet aux patients de se fixer des objectifs et les aide à compenser leurs difficultés et à mieux gérer leur environnement.
Enfin, les exercices doivent être choisis ou pensés de manière à ne pas générer de sentiment d’échec chez le patient (sans toutefois être trop faciles), et doivent permettre la mise en valeur des capacités et compétences, essentielle à la motivation et l’estime de soi. Il existe deux grandes familles de matériels de «rééducation» cognitive, inspirés pour la plupart de travaux chez les patients cérébrolésés après traumatisme crânien et destinés aux prises en charge visant la généralisation des acquisitions.
Matériel dit «papier-crayon»
Souvent développé par des orthophonistes, il consiste en des exercices verbaux permettant de travailler des domaines cognitifs variés tels que les capacités de calculs et de raisonnement, la mémoire sémantique et de travail ou bien encore les fonctions exécutivesfonctions exécutives. Ils peuvent être proposés oralement ou par écrit et permettent pour la plupart une progression de la difficulté d’une séance à l’autre.
Logiciels de «rééducation» cognitive
Les principaux domaines visés par ce type de matériel non verbal sont l’attention, la mémoire visuelle et la flexibilitéflexibilité mentale. L’intérêt premier est la multitude d’exercices possibles en fonction du niveau de difficulté souhaité et des progrès du patient, l’autre, non négligeable, est le caractère ludique de ces exercicesexercices. Le principal inconvénient est la grande spécificité de chaque logiciel impliquant l’acquisition d’un grand nombre d’entre eux (souvent coûteux) pour adapter la prise en charge à chaque patient.
À ces outils commercialisés (dont l’efficacité n’est pas toujours prouvée par des études scientifiques) s’ajoutent les travaux de recherche de différentes équipes travaillant sur la «remédiationremédiation» cognitive. Toutefois les auteurs ne détaillent pas toujours les outils et/ou les méthodes utilisées, ce qui rend difficile leur utilisation dans la pratique courante.
Prise en charge neuropsychologique dans la sclérose en plaques
La prise en charge proposée aux patients présentant des troubles cognitifs consécutifs à une SEP ne peut pas être exactement la même que pour les traumatisés crâniens ou encore les maladies neurodégénératives du vieillissement. Dans ce dernier cas, elle consiste à stimuler les capacités encore préservées et à aménager l’environnement du malade de manière à prolonger l’autonomie et à offrir le plus longtemps possible une qualité de vie satisfaisante. Dans la SEP, la cognition ne connaît pas une dégradation aussi importante et rapide et toutes les fonctions ne sont pas affectées (la démencedémence y est exceptionnelle). Les objectifs diffèrent aussi. Les patients atteints de SEP sont souvent jeunes et en pleine construction de leur vie personnelle et professionnelle, qui est grandement dépendante de l’intégrité des fonctions cognitives. Par cet aspect, les patients atteints de SEP se rapprochent plus des patients cérébrolésés. Cependant, les différences entre ces deux populations vont conduire à des prises en charge distinctes. En effet, les troubles cognitifs faisant suite à des traumatismes crâniens peuvent être très variés, en fonction des aires cérébrales lésées. Cependant, les lésions étant souvent localisées, les déficits cognitifs concernent plus spécifiquement certaines fonctions alors que dans la SEP les atteintes ne sont pas focales mais diffuses. Les prises en charge neuropsychologiques spécifiques à la SEP peuvent donc concerner un domaine cognitif particulier (attention, fonctions exécutivesfonctions exécutives et/ou mémoire) ou proposer une approche plus globale.
Attention
L’attention, très souvent perturbée au cours de la SEP, est nécessaire à la majorité des activités de la vie quotidiennevie quotidienne, et de son intégrité peut dépendre les autres fonctions cognitives. C’est donc logiquement un des domaines auxquels les études se sont le plus intéressées.
Une des premières études [15] a rapporté des résultats préliminaires obtenus auprès de 10 patients atteints de SEP (5 patients atteints de SEP rémittente, 5 patients de SEP secondairement progressive), présentant une plainte cognitive subjective et/ou objectivée par un bilan neuropsychologique. La prise en charge consistait en 6 sessions de 45 à 60 minutes, 4 fois par semaine, et reposait sur un programme informatisé d’entraînement de l’attention. Les auteurs ont mis en évidence des améliorations qualitatives en termes d’augmentation de la vitesse de traitement de l’informationvitesse de traitement de l’information et de meilleures performances au Paced Auditory Serial Addition Test (PASATPASAT), au rappel spatial 7/24, et au StroopStroop. Suite à cette étude, Plohmann et al. [16] ont proposé un programme d’entraînement sur quatre composantes attentionnelles chez 22 patients atteints de SEP (toutes formes confondues) ayant des troubles cognitifs légers à modérés objectivés par un bilan neuropsychologique. Avant les séances de «remédiation», les patients ont été testés à 3 reprises (à 3 semaines d’intervalle) grâce aux subtests «Alerte phasique et tonique», «AttentionAttention diviséeAttentiondivisée», Go/No goGo/No go, «Incompatibilité», «Flexibilité» et «Vigilance» de la batterie informatisée d’évaluation de l’attention (TEA) de Zimmerman et Fimm [17], un autoquestionnaire de plainte attentionnelle et une évaluation globale des autres fonctions cognitives. Le programme informatisé proposait un entraînement spécifique de différentes composantes attentionnelles (alertealerte, attention divisée, attentionattention sélectiveattentionsélective et vigilancevigilance). Chaque patient était entraîné sur les deux fonctions pour lesquelles il était le plus déficitaire. Une fonction était entraînée au cours d’une première session (12 séances de 40 minutes sur 3 semaines). À l’issue de cette première session, les expérimentateurs effectuaient une nouvelle évaluation de l’attention (T4). Puis, lors de la deuxième session, l’autre fonction était entraînée. De nouveau, les patients étaient testés immédiatement (T5) puis à long terme (T6 et T7). Les résultats montraient que l’alerte, l’attention sélective et l’attention divisée bénéficiaient d’un entraînement spécifique. Les capacités d’attention sélective semblaient aussi influencées par l’entraînement de l’alerte (tonique et phasique) et la flexibilitéflexibilité bénéficiait de tous les autres entraînements (effet non spécifique). Les auteurs ont également rapporté une hausse des performances aux tests de raisonnement et d’abstractionabstraction. Enfin, les patients rapportaient moins de distractibilité, de fatiguefatigue, une impression de moindre ralentissement dans les activités mentales et une évolution positive de leur estime de soi. De plus, les effets se stabilisaient sur au moins 9 semaines, les retests à long terme (T6 et T7) ne se différenciant pas significativement de celui à court terme (T5). Cette étude, dont la méthodologie et le contenu des séances sont particulièrement recherchés et documentés, semble montrer l’efficacité de ce programme et l’importance de la prise en charge spécifique des troubles attentionnels dans la SEP. Les auteurs insistent toutefois sur la nécessité de reproduire cette expérience sur un plus grand nombre de patients afin de confirmer leurs résultats. De plus, si les évaluations répétées sont nécessaires à la mesure d’efficacité d’un programme de «remédiationremédiation» cognitive, le fait dans cette étude de proposer 7 bilans identiques à 3 semaines d’intervalle ne permet pas d’exclure un effet retesteffet retest, pouvant expliquer au moins en partie les améliorations observées.
D’autres auteurs n’ont pas retrouvé cet effet bénéfique d’un entraînement spécifique de l’attention. Afin de mesurer la validité d’un programme informatisé dans le domaine de la mémoire et de l’attention, Solari et al. [18] ont constitué deux groupes de patients atteints de SEP (toutes formes confondues) : le groupe expérimental (n = 40) s’entraînait aux exercicesexercices de mémoire et d’attention, le groupe contrôle (n = 37) faisait des exercices visuoconstructifs et visuomoteurs sur ce même logiciel. Les séances duraient 45 minutes, 2 fois par semaine pendant 8 semaines. Les capacités cognitives des patients ont été mesurées avant, à 8 semaines et à 16 semaines avec la Brief Repeatable Battery of Neuropsychological Tests (BRB-N) de Rao et al. [19]. L’état thymique et la qualité de vie ont également été pris en compte. L’évolution des performances dans les deux groupes ne différait pas à l’issue de ce programme et les auteurs ont conclu que la prise en charge spécifique de l’attention et de la mémoire ne donnait pas plus de résultats qu’une intervention non spécifique. Cependant, on ne peut exclure que les exercices non spécifiques proposés aient fait aussi intervenir l’attention, même de manière indirecte. De plus, la batterie cognitive retenue [19], bien que souvent utilisée pour l’évaluation des troubles cognitifs de la SEP en raison de sa bonne sensibilité, ne paraît pas forcément adéquate dans le cadre de l’évaluation d’une prise en charge, notamment en raison du manque de valeur écologiqueécologique des tests qu’elle comprend. Enfin, les auteurs ne font mention d’aucun type d’intervention autre que l’entraînement cognitif sur ordinateur, sans entretien ou conseils d’un psychologue.
Lincoln et al. [20] ont proposé une intervention personnalisée pour chaque patient, se démarquant ainsi des programmes standardisés habituellement proposés à l’ensemble des patients d’un même groupe. La prise en charge ciblait les domaines de l’attention, de la mémoire et/ou du fonctionnement exécutif (selon le déficit cognitif constaté chez chaque patient). Au total, 240 patients atteints de SEP probable ou certaine ont participé et ont été randomisés en trois groupes (groupe contrôle : aucune intervention neuropsychologique; groupe évalué : bilan neuropsychologique complet; groupe expérimental : bilan neuropsychologique complet et prise en charge des troubles identifiés). Après 4 à 6 mois, l’ensemble des patients a été évalué grâce à différents autoquestionnaires. Aucune différence entre les trois groupes n’a pu être mise en évidence par cette autoévaluation subjective des troubles cognitifs, de l’humeur et de la qualité de vie. La première critique qui peut être formulée sur ce travail est le manque de description de la prise en charge proposée aux patients, concernant notamment le nombre moyen, la durée ou la fréquence et le contenu des sessions. De plus, l’évaluation de l’efficacité du programme de «remédiationremédiation» individualisé ne semble reposer que sur des questionnaires d’autoévaluation, dont on sait aujourd’hui qu’ils pèchent par leur manque de sensibilité aux difficultés des patients atteints de SEP (problèmes de compréhension des questions ou des consignes, relative anosognosieanosognosie…) et qu’ils ne sont pas corrélés aux troubles cognitifs [[21][22] and [23]].
Fonctions exécutives
Fonctions exécutivesSeules deux études ont porté sur la réhabilitationréhabilitation cognitive des fonctions exécutives, pourtant souvent perturbées dans la SEP. Lincoln et al. [20] avaient inclus le fonctionnement exécutif comme l’un des trois domaines visés par leur procédure de réhabilitation cognitive (voir supra) et n’ont trouvé aucune amélioration significative dans leur étude. Birnboim et al. [24] ont quant à eux réalisé une étude sur 10 patients atteints de SEP (5 patients atteints de SEP rémittente, 5 patients de SEP secondairement progressive). Vingt-quatre sessions d’une heure par semaine étaient proposées. La procédure utilisait deux exercicesexercices de «stratégie» sur ordinateur ainsi que des exercices papier-crayon. Une amélioration de 36 % a été rapportée chez les patients atteints de SEP rémittenteFormerémittente contre 16 % chez les patients atteints de SEP secondairement progressiveFormesecondairement progressive à un test d’application stratégique (comparable au test des 6 éléments [25]). Des améliorations significatives ont également été rapportées aux épreuves évaluant la mémoiremémoire épisodiquemémoireépisodique verbalemémoireverbale, la vitesse de traitement de l’informationvitesse de traitement de l’information, et l’autogénération. Le petit effectif de cette étude et le manque de précision sur le programme proposé rendent difficile l’interprétation de ces résultats, cependant ils tendent à prouver que les fonctions exécutives peuvent faire l’objet d’une prise en charge spécifique et que l’effet de cette dernière peut éventuellement se généraliser à d’autres fonctions cognitives.
Mémoire
Plus nombreuses sont les études spécifiques à ce domaine. Si Lincoln et al. [20] ainsi que Solari et al. [18] (voir supra) n’ont pas démontré d’effet positif d’un entraînement spécifique de la mémoire chez les patients atteints de SEP, d’autres travaux, plus nombreux, ont souligné la nécessité et l’efficacité de la prise en charge des troubles mnésiques.
Une première série d’études, ne reposant pas à proprement parler sur des procédures de «remédiation» cognitive mais sur la comparaison des performances mnésiques en fonction des conditions d’apprentissage et/ou du matériel mémorisé, donnent des pistes de prise en charge intéressantes.
La première hypothèse, issue du constat que chez le sujet sain, la répétition de l’information à mémoriser peut optimiser le rappel de cette dernière à court et long terme, a été testée par Chiaravalloti et al. [26]. Leur étude comparait les performances d’un groupe de patients à celles d’un groupe contrôle lors d’une épreuve d’apprentissage de mots avec un nombre illimité d’essais (le critère d’arrêt étant la restitution de l’ensemble de la liste deux fois de suite). Cet apprentissage était suivi de rappels différés à 30 et 90 minutes et à une semaine. Leurs résultats ont montré que les patients qui avaient eu besoin de plus d’essais pour mémoriser l’information avaient également les performances les plus faibles. L’hypothèse d’un effet positif de la répétition sur le rappel ultérieur d’un matériel verbal n’a donc pas été validée et les auteurs ont conclu à la nécessité d’explorer d’autres méthodes d’optimisation du rappel. Dans cette optique, différentes études ont mis en évidence chez les patients atteints de SEP (quel que soit le degré de sévérité de l’atteinte mnésique) un effet d’autogénération comparable à celui observé dans la population générale [[27][28][29] and [30]]. L’effet d’autogénération repose sur le fait que des items générés par le sujet sont toujours mieux rappelés que des items simplement lus ou entendus. Des exercices proposant aux patients de générer eux-mêmes l’information à mémoriser pourraient donc optimiser sa mémorisation et ainsi constituer une piste de prise en charge efficace des troubles mnésiques.
Par ailleurs, trois études tentant de mesurer l’efficacité d’une prise en charge neuropsychologiqueprise en charge neuropsychologique des troubles mnésiques ont été publiées et illustrent assez bien l’intérêt d’une telle prise en charge auprès des patients atteints de SEP.
Allen et al. [31] ont proposé à un groupe de patients atteints de SEP (formes non précisées), présentant des troubles mnésiques légers à modérés, des exercices informatisés déjà utilisés auparavant chez des traumatisés crâniens [32]. Ces exercicesexercices consistaient à apprendre à développer des stratégies pour associer des noms avec des visages [33] et mémoriser des mots en rapport avec des histoires [34]. Afin de juger de l’efficacité de la prise en charge, les auteurs ont évalué l’état thymique des patients, qui semblait s’améliorer, et la plainte mnésique, qui semblait diminuer. Ils se sont aussi intéressés à la progression au sein même des exercices de réhabilitation et l’ont comparée à celle de patients cérébrolésés. Les auteurs ont mis en évidence qu’à niveau d’atteinte cognitive comparable, les performances des patients atteints de SEP étaient meilleures que celles obtenues par les patients cérébrolésés (mise en place des stratégies d’apprentissage plus rapide, scores maximaux atteints plus rapidement, moins de fluctuations). Chiaravalloti et al. [35] ont réalisé une étude randomisée en double aveugle chez 28 patients SEP (toutes formes confondues). Au total, 8 sessions (2 par semaine pendant 4 semaines) d’approximativement 45 minutes à 1 heure chacune étaient proposées. Le groupe expérimental devait apprendre à utiliser une technique de mémorisation d’histoire reposant sur le contexte et l’imagerie. Le groupe contrôle se voyait proposer des exercices traditionnels de mémorisation sans entraînement spécifique aux techniques d’imagerie et d’encodageencodage du contexte. Les participants du groupe expérimental ayant des troubles modérés à sévères ont montré une amélioration significative de leurs capacités d’apprentissage comparés au groupe contrôle au moment du suivi immédiat. Peu d’amélioration était visible pour les patients ayant des troubles légers (possibilité d’un effet plafond). L’autoévaluation des capacités mnésiques était également significativement meilleure dans le groupe expérimental. Un suivi à long terme (5 semaines) a montré une atténuation des effets bénéfiques de la prise en charge dans le groupe expérimental. Plus récemment, Hildebrandt et al. [36] ont comparé 17 patients atteints de forme rémittente ayant bénéficié d’un programme d’entraînement informatisé de la mémoiremémoire épisodiquemémoireépisodique et de la mémoiremémoire de travailmémoirede travail à 25 autres n’ayant pas suivi de programme d’entraînement cognitif. Les patients SEP ont bénéficié du programme 4 mois après le dernier traitement à la méthylprednisolone, durant 6 semaines. Quinze jours après le programme, aucune amélioration significative de la qualité de viequalité de vie ou de la fatiguefatigue n’a été rapportée. A contrario, le groupe entraîné montrait de meilleures capacités d’apprentissage, de récupération à long terme en mémoire épisodique et de mémoire de travail et ce, indépendamment d’un facteur contrôlé, à savoir l’étendue de l’atrophieatrophie cérébrale.
Au regard de l’ensemble de ces travaux concernant la mémoire, il semble que les troubles mnésiques observés au cours de la SEP peuvent bénéficier d’une prise en charge spécifique (notamment le recours à des stratégies d’encodage efficaces).
Procédures de réhabilitation cognitive non spécifiques
Une des premières études dans ce domaine est celle de Jonsson et al. [37], portant sur 40 patients atteints de SEP (toutes formes confondues) présentant des troubles cognitifs et répartis en deux groupes. Le premier groupe (n = 20) a bénéficié d’un traitement cognitif spécifique. Celui-ci était fondé sur les principes de compensation, de substitution et d’entraînement et prenait en charge les capacités visuospatiales, d’organisation, de concentration et de mémorisation (apprentissage de stratégies compensatoires). Par ailleurs, les patients participaient à ce que les auteurs appellent une «neuropsychothérapie», centrée sur l’acceptation des troubles et les problèmes personnels des patients. Le deuxième groupe (n = 20) a bénéficié quant à lui de stimulations mentales non spécifiques telles que des discussions à propos de films, de livres, ou de l’actualité. Dans les deux groupes, les patients étaient vus individuellement, entre 1 heure et 1 heure et demie, 3 fois par semaine et en moyenne 17 heures au total. La prise en charge dans les deux groupes durait en moyenne 46 jours. L’évaluation de l’efficacité du traitement reposait sur un bilan neuropsychologique et une échelle de dépressiondépression avant la prise en charge, à court terme et long terme (à 6 mois). Cette étude n’a pas montré d’effet spécifique de la prise en charge cognitive sur les résultats aux tests psychométriques; elle a toutefois mis en évidence le fait qu’une prise en charge ciblée sur les troubles cognitifs pouvait avoir un retentissement positif sur d’autres domaines tels que la dépression.

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