17 Récepteurs et médiateurs
I Introduction à la signalisation cellulaire
A Définitions
Récepteur : molécule présentant la propriété de transmettre un message (ou signal) suite à la liaison spécifique du premier messager ; le récepteur réceptionne le signal et transmet le message. Il est de nature protéique, soit c’est une protéine membranaire (souvent oligomérique, un dimère par exemple), on parle alors de récepteur membranaire, soit c’est une protéine soluble dans le cytosol, et on parle de récepteur cytoplasmique.
Transduction des signaux : le récepteur, activé par la liaison du messager, va à son tour activer des molécules intracellulaires, que l’on appelle des transducteurs ; en font partie les médiateurs et de nombreuses protéines de la signalisation, c’est la transduction des signaux. La phase finale, dite effectrice, mène aux effets cellulaires induits spécifiquement, c’est la réponse biologique spécifique à la reconnaissance du récepteur par le signal initial (fig.17.1).
Fig. 17.1 Les quatre étapes mises en œuvre dans la signalisation cellulaire.
Source : Pollard TD, Earnshaw WC. Biologie cellulaire. Coll. Campus. Elsevier ; 2004.
Signaux et messagers primaires : les récepteurs membranaires vont lier les signaux (ou premiers messagers) hydrophiles, solubles dans la phase aqueuse extracellulaire, il s’agit de peptides, de petites protéines ou d’amines biologiques. Les récepteurs cytoplasmiques ne lient que les molécules capables de traverser la membrane plasmique de nature lipidique, c’est-à-dire des messagers hydrophobes (ou lipophiles), comme les hormones stéroïdiennes et certaines vitamines solubles dans les graisses (fig.17.2).
B Origine des signaux
Les signaux endocrines : sont émis par des cellules qui sont éloignées des cellules cibles porteuses du récepteur spécifique. En particulier, un système sanguin véhicule le signal (souvent une hormone) du système émetteur (le tissu sécréteur de l’hormone ou organe endocrine) au système receveur (le tissu cible de l’hormone) (fig.17.3). Si c’est une hormone peptidique, elle sera normalement soluble dans le plasma sanguin et se fixera sur son récepteur membranaire dans le tissu cible. Si l’hormone est hydrophobe, elle sera transportée dans le plasma par une protéine dite de transport, souvent spécifique ; l’hormone passera la membrane plasmique de la cellule cible pour se fixer sur son récepteur cytoplasmique. L’activation de ce récepteur par l’hormone va induire sa migration dans la matrice nucléaire en passant à travers les pores nucléaires ; pour cette raison, on les appelle aussi récepteurs nucléaires.
Fig. 17.3 Signaux endocrines, paracrines et autocrines.
Source : Maillet M. Biologie cellulaire. 10e éd. Masson ; 2006.
Les signaux paracrines : sont émis par des cellules qui sont voisines des cellules cibles porteuses du récepteur spécifique, ou d’une cellule nerveuse vers sa cellule cible ; dans le premier cas le messager est chimique (hydrophile ou lipophile), dans le deuxième cas il est électrique, c’est le modèle de la réception synaptique (neurotransmission).
Les signaux autocrines : sont émis par les mêmes cellules qui les reçoivent ; cela correspond à une autorégulation entre cellules voisines de même type. La transmission du signal peut être contact dépendante.
C Mécanismes d’activation et de régulation
Deux grands types de mécanismes gouvernent l’activation des molécules de la transduction du signal, la voie du calcium et la phosphorylation. La première est très particulière car l’ion Ca2+ est à la fois le second messager et le transducteur ; il active directement des protéines effectrices. La seconde est beaucoup plus élaborée avec parfois la formation de cascades de phosphorylations incriminant jusqu’à une dizaine de protéines transducteurs. Les phosphorylations sont catalysées par des kinases et les déphosphorylations par des phosphatases, ce sont toutes des phosphotransférases. De nombreux mécanismes de la transduction du signal et de sa régulation passent par des jeux d’activation et d’inhibition de protéines par ces kinases et phosphatases. La phosphorylation peut être activatrice pour une protéine et inhibitrice pour une autre. La phosphorylation est une modification post-traductionnelle des protéines ; elle se fait par l’ATP (donneur universel de phosphate), sans apport extérieur d’énergie :
Les résidus cibles des kinases sont :
• la sérine (Ser, S) par son groupement alcool primaire − CH2-OH ;
• la thréonine (Thr, T) par son groupement alcool secondaire − CHOH-CH3 ;
• la tyrosine (Tyr, Y) par son groupement phénol − ϕOH ;
• l’histidine (His, H) par le groupement amine secondaire de l’imidazole − NH.
On parle de Ser/Thr-kinases, de Tyr-kinases et d’His-kinases selon le résidu cible phosphorylé.
Pour certains types de récepteurs membranaires, après fixation du messager et transduction du signal, le récepteur est endocyté pour être dégradé dans le lysosome ou recyclé à la membrane, donc sans dégradation dans les lysosomes (fig.17.4). Il pourra de nouveau fixer une molécule du messager et transmettre le message. C’est un mécanisme de régulation en boucle.
D Méthodes d’étude des récepteurs
1 Notion de ligand
C’est une molécule capable de se lier sur une molécule réceptrice, dans notre propos cette dernière est le récepteur et le ligand le messager chimique. La liaison du ligand sur le récepteur est spécifique, mais dans certaines limites ; en effet certains ligands de structures voisines se lient sur le même récepteur, et certains récepteurs de structures proches (sous-types) peuvent lier le même ligand. La liaison est réversible ; en effet elle se fait par des liaisons faibles, les mêmes qui sont responsables des structures secondaire, tertiaire et quaternaire des protéines (liaisons ioniques, hydrogène, hydrophobes…) ; toutes ces liaisons sont sensibles au pH (elles disparaissent à pH très acide). La réversibilité de la liaison du ligand sur son récepteur est gouvernée par la loi d’action de masse. Si la liaison du ligand sur son récepteur l’active on dit que le ligand est un agoniste ; sinon il est antagoniste en s’opposant à la liaison de l’agoniste (souvent en compétition l’un de l’autre). Parfois la liaison du ligand entraîne une modification conformationnelle du récepteur modifiant sa capacité de liaison, on parle de coopérativité par effet allostérique (comme pour les enzymes). Augmentant la capacité de liaison, la coopérativité peut être positive ou négative en la diminuant.
2 Purification des récepteurs
Les récepteurs cytoplasmiques sont purifiés à partir du cytosol (ou leur forme nucléaire activée à partir de noyaux), et les récepteurs membranaires le sont à partir des membranes ce qui peut s’avérer plus difficile (voir chapitre 4, p. 57 à 59). L’étape finale du protocole de purification est souvent une chromatographie d’affinité (fig.17.5).
3 Études de liaison
a Rappels sur les équilibres thermodynamiques : interactions Récepteur (R)/Ligand (L)
k+1 est la constante cinétique aller, et k−1 la constante cinétique retour :
KD est la constante thermodynamique de dissociation (D), KA celle d’association (A) :
ΔG : variation d’énergie libre, R : constante des gaz parfaits, T : température absolue (°K).
b Études de liaison directes : binding
RL : ligand lié ou bound ; L : ligand libre ou free.
Courbe de liaison saturable (isotherme de Langmuir) ou courbe de saturation, hyperbole à +4 °C et hyperbole brisée à +37 °C (internalisation de R et RL). Détermination graphique de Bmax et KD (à Bmax/2)(fig.17.6A).
c Approche de Scatchard
Par linéarisation mathématique de l’isotherme de Langmuir (fig.17.6B), détermination facile de Bmax et KD ; Bmax = nR0 (nombre n de sites unitaires R0) ou Rt (nombre des sites totaux).
Cas simple
Un seul type de site, démonstration de la relation de Scatchard :
Relation « lié sur libre » (ou B/L en y) en fonction de lié (ou B en x), droite d’équation :
Notion de spécificité : 1 récepteur lie 1 ligand.
Notion d’affinité : KD bas → forte affinité de R pour L ; KD : 10− 2 à 10− 8 M (mole.L−1).
Les récepteurs sont plus ou moins spécifiques et plus ou moins affins.
Nombre de sites : Bmax (105 à 106 molécules de R par cellule).
Cas avec deux sites indépendants
Soit m types de sites (ou sous-types) indépendants (KD ≠), pour le même ligand (si m = 2, il y aura 2 droites donc 2 KD), les résultats seront peu différents du cas d’un seul type de site mais pour 2 ligands différents, aussi 2 KD (fig.17.6C). Donc, on aura trois droites si m = 3 avec 3 KD différents…
Cas avec des sites non indépendants
L’isotherme direct est une sigmoïde montrant une coopération moléculaire par effets allostériques ; il est possible de déterminer le degré de coopérativité ; le KD n’est qu’apparent et représente une affinité globale pour les différentes formes allostériques du récepteur (fig.17.7A). La représentation de Scatchard n’est plus une droite mais une courbe convexe en cas de coopérativité positive, et concave en cas de coopérativité négative (fig.17.7B).
d Mesures de RL (B) et L (F)
Ceci nécessite de séparer B de F.
• Méthodes ne modifiant pas l’équilibre thermodynamique : dialyse et chromatographie d’exclusion stérique (B dans le volume mort V0, et F dans le volume total Vt) ; ou méthodes en temps réel.
• Méthodes susceptibles de déplacer l’équilibre : donc à utiliser à froid (0–2 °C), centrifugation (B sera dans le culot), ultrafiltration (B n’est pas ultrafiltrable), précipitation de B (ex. : au sulfate d’ammonium), adsorption de F (ex. : sur charbon actif).
e Mesure de B et L par dialyse à l’équilibre
Les compartiments A et B sont séparés par une membrane semi-perméable, seul L peut diffuser librement (fig.17.8). Prenons l’exemple de la liaison du bis-phosphoglycérate marqué au phosphore 32 (32P-BPG) sur l’hémoglobine (Hb) ; l’Hb est placée en solution dans le compartiment A, et le 32P-BPG en solution dans le compartiment B. Le 32P-BPG diffuse librement à travers la membrane qui sépare les deux compartiments, alors que l’Hb n’en est pas capable. Le 32P-BPG se lie sur l’Hb en fonction du KD, et à l’équilibre se trouve dans A et B. On mesure la radioactivité dans A et B, dans B directement puisque le 32P-BPG est en solution libre, mais après séparation du lié et du libre (ex. : par centrifugation) dans le compartiment A, puisque le 32P-BPG se trouve sous les deux formes (lié et libre). Comme, à l’équilibre, il a autant de 32P-BPG libre dans A et B, le 32P-BPG lié est la quantité de radioactivité mesurée dans A moins celle mesurée dans B ; et pour réaliser la représentation de Scatchard, on fait :
4 Étude de l’internalisation et du recyclage d’un récepteur membranaire
• liaison du 125I-L sur R (1 h à 37 °C) puis acidification et lavage (élimine L non endocyté). Mesure de la radioactivité cellulaire (homogénéisation puis comptage) ; elle représente la fraction de RL endocytée.
• si la radioactivité réapparaît dans le milieu de culture, c’est qu’il a recyclage sans séparation ni élimination de L.
• sinon, après endocytose, R a été séparé de L et dégradé dans les lysosomes par des protéases acides (endolysosomes).
II Récepteurs membranaires
A Canaux à barrière de transmission (classe I) : huit familles
1 Canaux ioniques voltage dépendants ou à barrière de voltage
• des canaux cationiques : sodiques (Na+), potassiques (K+), ou calciques (Ca2+) (fig.17.9A) ;
• des transporteurs de type ABC (ATP Binding Cassette), donc à site de liaison pour l’ATP et souvent à activité ATPase (de type pompe à sodium). Ils réalisent des transports actifs et des cotransports, symports et antiports (fig.17.9B et C).