17. Kinésithérapie respiratoire en pédiatrie et néonatologie

Chapitre 17. Kinésithérapie respiratoire en pédiatrie et néonatologie

François Vermeulen and Géraldine Isabel





Introduction


Le terme « enfant » désigne une personne âgée de 0 à 16ans. Une maxime bien connue dit que « L’enfant n’est pas un adulte en miniature ». Dans le contexte de la physiologie respiratoire de l’enfant, cette affirmation mérite d’être précisée. En effet, on pourrait dire qu’un nourrisson n’est pas un enfant de 2ans en miniature, qu’un enfant de 2ans n’est pas un enfant de 5ans en miniature, etc.

Ainsi les caractéristiques anatomiques, mécaniques et physiologiques du système respiratoire de l’enfant évoluent au cours de sa croissance.

Le présent chapitre passera en revue les différents éléments indispensables à connaître en vue de réaliser la kinésithérapie respiratoire chez l’enfant.


Particularités respiratoires de l’enfant


Le système respiratoire du petit enfant est en constant développement. Celui-ci débute avant la naissance et se termine vers l’âge de 2–3ans [1, 2].

La taille de l’enfant implique bien naturellement que ses voies aériennes sont plus petites que celles de l’adulte, et ce aussi bien en termes de longueur que de diamètre. Les faibles valeurs de ces deux paramètres influencent le comportement des gaz inspiratoires et expiratoires et par conséquent les résistances au flux aérien. Afin de mieux comprendre ces effets, il faut évoquer la loi de Poiseuille. Elle décrit les caractéristiques pression/débit d’un flux laminaire passant à travers un tube cylindrique [3] :




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où V’ est le débit, P est la perte de pression sur la longueur, r est le rayon du tube, η est le coefficient de viscosité du fluide, et l est la longueur du tube.

La résistance au flux (R) étant égale à la pression motrice par unité de flux, on peut écrire :




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Par conséquent, dans un tube cylindrique donné, la résistance au passage de l’air est directement proportionnelle à la longueur du tube et inversement proportionnelle à la quatrième puissance du rayon de ce même tube.

Chez l’homme, cette loi n’est pas d’application telle quelle, car le flux gazeux n’est pas laminaire tout au long des voies aériennes humaines [4]. Les résistances au passage du flux gazeux dans les voies aériennes sont donc probablement plus importantes que celles calculées par la loi de Poiseuille.

Par ailleurs, le comportement de ce flux aérien n’est pas uniquement influencé par les caractéristiques propres de la bronche considérée, mais également par les forces que nous appliquons lorsque nous réalisons des compressions thoraciques ainsi que par la force de retour liée à l’élasticité pulmonaire. Dans ce cadre, la compliance du gril costal du jeune enfant joue un rôle fondamental. En effet, chez le nourrisson, la compliance de la cage thoracique est plus élevée que celle des poumons. Elle diminuera progressivement au cours de la croissance [5]. Ainsi, les pressions que nous appliquons sur le thorax du nourrisson sont directement transmises aux poumons. On pourrait appeler cela un « accès privilégié ». Il permet de réaliser des gestes très fins en termes de mobilisation thoracique. Néanmoins, on peut tout aussi facilement, et d’autant plus que le parenchyme pulmonaire et l’arbre bronchique sont en situation pathologique, amener les poumons du nourrisson sous leur volume de fermeture, ce qui n’est pas souhaitable (voir plus bas).


Particularités anatomiques du tractus respiratoire du nourrisson




La filière nasale


Chez un enfant sain, les résistances nasales au passage de l’air correspondent au tiers des résistances totales du système respiratoire. [6] Ces résistances nasales peuvent être influencées par des facteurs anthropométriques [7], liées à la position de la tête [8] ou augmentées par la présence d’une sonde nasogastrique [9]. Au cours de la croissance, les dimensions du nez augmentent de façon linéaire jusqu’à la fin de la puberté où elles ont pratiquement doublé par rapport à la naissance [10]. Le débit susceptible de passer à travers le nez, pour une pression donnée, double également au cours de la croissance [11].


Le pharynx


Le pharynx du nouveau-né est court et large [12] et suit une légère courbe du nasopharynx à l’hypopharynx. Au cours de la croissance, l’angle entre le nasopharynx et l’oropharynx va progressivement approcher la valeur de 90° [13].


La cavité buccale


Le volume de la bouche du nouveau-né est, de manière relative, inférieur à celui de l’adulte. Ceci s’explique par le fait que la mandibule est relativement petite et restreint l’espace disponible pour la langue.


Le larynx


À la naissance, le larynx se situe à hauteur de la troisième vertèbre cervicale. Après une descente rapide durant les 5 premières années de vie, il descend plus progressivement durant le reste de la croissance pour se retrouver à hauteur de la cinquième ou sixième vertèbre cervicale à l’âge adulte [14]. Ce déplacement engendre notamment une augmentation de l’espace pharyngé.

L’épiglotte, orientée verticalement chez l’adulte, est plutôt horizontale chez le nourrisson et fait saillie dans le pharynx. Son bord libre est très proche du voile du palais, ce qui rend la respiration nasale quasi obligatoire jusqu’à l’âge de 4 mois. En cas d’obstruction nasale, une respiration buccale est néanmoins possible [15].

Le larynx a une forme de cône tronqué à base supérieure dont la partie inférieure, la plus étroite (± 6mm) et la moins extensive, se situe à la hauteur du cartilage cricoïde [16].

Les cordes vocales sont orientées vers le bas et vers l’avant et déterminent une aire glottique estimée, chez le nouveau-né, à 14mm2 [16]. Par ailleurs, la taille des deux aryténoïdes évolue peu au cours de la croissance, ce qui leur donne une taille relativement importante à la naissance [14].

De manière globale, la position de la tête joue un rôle très important du fait de l’obstruction laryngée pouvant survenir en cas de flexion ou d’extension trop importante.


Les voies aériennes inférieures


Chez l’enfant de moins de cinq ans, les petites voies aériennes contribuent pour 50 % – contre 20 % chez l’adulte – à la résistance totale des voies aériennes [17]. Ce rapport diminue au cours de la croissance de l’enfant [18]. Cette importance relative des résistances des voies aériennes inférieures de l’enfant explique que les répercussions cliniques d’une pathologie affectant la périphérie des poumons (une bronchiolite par exemple) sont beaucoup plus importantes chez un nourrisson que chez un adulte (tableau 17.1) [19].






























































Tableau 17.1 Dimensions des voies aériennes du nouveau-né et du nourrisson [19]

Nouveau-né (< 1 mois) Nourrisson
Trachée
Diamètre (mm) 4 5
Section (mm2) 26 34
Bronches souches
Diamètre (mm) 4 4
Section gauche/droite (mm2) 20/13
Bronchioles
Diamètre (mm) 0,3 0,4
Section (mm2) 0,07 0,12
Bronchioles terminales
Diamètre interne (mm) 0,1 0,12
Section (mm2) 0,03 0,07
Alvéoles
Diamètre (mm) 0,05 0,06–0,07
Surface (m2) 2,8 6,5


Particularités physiologiques respiratoires du nourrisson































































Tableau 17.2 Paramètres respiratoires d’un nourrisson observé en période de sommeil calme [21]
VT : volume courant. Ttot : durée du cycle ventilatoire. Ti : temps inspiratoire. Te : temps expiratoire. Ti/Ttot : rapport inspiration/expiration. VT/Ti : débit inspiratoire. VT/Ttot : volume-minute.
Jours VT (ml) Ttot (s) Ti (s) Te (s) Ti/Ttot VT/Ti (ml/s) VT/Ttot (ml/s)
10 17,5 1,56 0,53 1 0,36 33 11,5
30 21 1,6 0,52 1,15 0,32 41 13
60 32,5 1,8 0,6 1,2 0,33 53,5 17,5
90 36,7 1,8 0,56 1,2 0,32 64 20,5
120 45 2 0,65 1,4 0,32 70 22,5


Évaluation de la fonction respiratoire de l’enfant



Anamnèse


Comme toute évaluation clinique, celle de la fonction respiratoire de l’enfant débutera par anamnèse précise (des parents). Elle permettra entre autres de déterminer les éventuels antécédents influençant la situation actuelle, son historique, sa cinétique ainsi que les potentiels facteurs de risque.


Approche de l’enfant, intégration des parents


Une des particularités de la pédiatrie réside dans le fait de la présence quasi systématique des parents. Si cela peut être perçu comme déroutant pour le jeune praticien, les parents représentent néanmoins une source d’informations très importante. Ils fournissent de précieux renseignements sur l’état de leur enfant et son évolution au cours des derniers jours, voire des dernières heures. En cas de pathologies chroniques, les parents transmettent des informations sur l’état habituel de l’enfant (qualité de la ventilation, de la prise alimentaire, du sommeil), ce qui permet de juger de l’importance relative des signes observés. En effet, dans de nombreuses situations, la norme du patient n’est pas toujours égale à la norme théorique d’une population. Dans ce cas, il faut impérativement connaître la norme propre au patient afin d’ajuster au mieux les objectifs de traitement.


Approche douce


Un enfant en détresse respiratoire peut facilement se dégrader uniquement du fait du stress lié à la situation et/ou à la présence du praticien. Il est donc fondamental d’approcher l’enfant de manière douce et délicate (ton de voix doux et de faible intensité), et ce même s’il est en situation de détresse respiratoire importante. Il est bien clair que ceci ne s’applique que lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Il faut malgré tout garder en permanence à l’esprit que, du point de vue de l’enfant, nous sommes très impressionnants.


La période d’observation


Cette phase représente le temps principal de l’évaluation clinique de l’état respiratoire de l’enfant. Le comportement et le mode respiratoire (ventilation superficielle ou profonde, pauses respiratoires (< 20s) ou apnées (> 20s), régularité de la ventilation, symétrie de la ventilation, balancement thoracoabdominal, rapport inspiration/expiration) du jeune enfant sont très dépendants de son état de stress, et ce plus particulièrement lorsqu’il est en insuffisance respiratoire. La fréquence et la régularité des efforts inspiratoires doivent donc faire l’objet d’une attention particulière (tableau 17.3).




























Tableau 17.3 Signes de détresse respiratoire observables chez le jeune enfant [22]
Cyanose Elle apparaît cliniquement dès qu’il y a 5g d’hémoglobine non oxygénée par décilitre de sang. Attention, les enfants anémiques pourront être non cyanosés malgré la présence d’une hypoxémie. À l’inverse, les patients polyglobuliques seront plus vite cyanosés en présence d’une hypoxémie. La cyanose est un signe tardif et inconstant, apparent au niveau des muqueuses de la bouche, du lit de l’ongle. Lorsqu’elle est limitée aux extrémités, elle est plus souvent due à un problème circulatoire (environnement froid, par exemple).
Battement des ailes du nez Lors de l’inspiration, les parois des ailes du nez s’écartent afin d’augmenter le volume du nez, de limiter les résistances nasales et de faciliter le passage de l’air.
Balancement thoracoabdominal Chez le nourrisson, la compliance de la cage thoracique est plus élevée que celle des poumons. De ce fait, lors d’un effort inspiratoire important, l’intensité, de la contraction du diaphragme provoque un affaissement de la cage thoracique, par dépression intrapulmonaire, et un bombement de l’abdomen. Ce mouvement paradoxal est très spécifique à l’enfant.
Geignement Bruit lié à la fermeture prématurée de la glotte au cours de l’expiration. Cette dernière réalise une pressurisation positive des voies aériennes inférieures permettant d’éviter leur collapsus.
Balancement de la tête Durant l’inspiration, la tête est portée vers l’avant et vers le bas. Durant l’expiration, elle revient à sa position initiale. Ce mouvement est lié à l’activité des muscles respiratoires accessoires suprasternaux.
Tirage inspiratoire Accompagné d’un stridor, il suggère une obstruction des voies aériennes supérieures.
Accompagné d’un geignement ou d’une respiration laborieuse, il suggère une diminution de la compliance pulmonaire (atteinte parenchymateuse).
Expiration active Due à la présence d’une restriction expiratoire des voies aériennes, il est caractérisé par une contraction des muscles abdominaux lors de l’expiration.
Sifflement expiratoire Bruit généré au niveau des voies aériennes distales lié à une obstruction partielle de celles-ci.

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Oct 9, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 17. Kinésithérapie respiratoire en pédiatrie et néonatologie

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