16 Pression intracrânienne (PIC)
Définition
Technique de mesure invasive faisant appel à des transducteurs, permettant de transformer des variations de pression intracrânienne en variations électriques (effet piézo-électrique en particulier). La force appliquée sur le capteur le déforme, ce qui modifie sa résistance électrique de manière inversement proportionnelle.
L’enregistrement continu de la PIC permet de détecter toute hypertension intracrânienne.
Les cathéters associés à une dérivation ventriculaire externe (DVE) sont utilisés pour :
Principes physiologiques
La mesure de la PIC rend compte des variations de volume des trois constituants de la boîte crânienne (inextensible) que sont :
La PIC est l’élément déterminant direct de la pression de perfusion cérébrale (PPC).
Conseil. Le monitorage de la PIC doit être couplé à celui de la pression artérielle moyenne (PAM), afin de disposer de la mesure de la PPC en permanence (PPC = PAM − PIC) permettant d’évaluer les conséquences des traitements de l’hypertension intracrânienne sur la PPC.
La PPC est la différence entre la perfusion vasculaire à l’entrée du cerveau (pression artérielle moyenne – PAM) et la pression vasculaire à la sortie (pression veineuse – PV) :
La pression veineuse étant assimilable à la PIC, l’équation se traduit de la façon suivante :
Dans les conditions physiologiques, il existe une autorégulation cérébrale en pression préservant un débit sanguin cérébral adapté pour des valeurs de pression de perfusion comprises entre 50 et 150 mmHg.
La PIC va donc donner des informations importantes sur l’hémodynamique cérébrale puisqu’elle permet de :
estimer la gravité de l’atteinte cérébrale essentiellement en termes de baisse de la compliance cérébrale ;
avoir en continu accès à la PPC, celle-ci étant le principal déterminant du DSC ;
refléter les variations de volume sanguin cérébral et donc les mécanismes d’autorégulation cérébrale.
Cependant ces données ne suffisent pas à elles seules pour affirmer une perfusion cérébrale adéquate.
Déterminants de la pression intracrânienne
La relation pression–volume est exponentielle. Le retentissement de l’HTIC est d’autant plus important qu’elle survient chez un sujet jeune, rapidement, et sur la seconde portion de la courbe de pression–volume de Langfitt (figure 16.1).
Maintien de la pression de perfusion cérébrale entre 60 et 70 mmHg
Physiologiquement, le maintien constant d’un DSC pour une PPC variable est rendu possible par les modifications des résistances vasculaires cérébrales (RVC), c’est-à-dire les variations du diamètre des vaisseaux sanguins, pour l’essentiel des artérioles pie-mériennes.
Une augmentation de la PPC sur le plateau d’autorégulation va provoquer, pour un même DSC, une vasoconstriction cérébrale, entraînant une diminution du volume sanguin cérébral (VSC) et donc de la PIC (cascade vasoconstrictrice de Rosner).
À l’inverse, une diminution de la PPC, toujours sur le plateau d’autorégulation, entraîne une vasodilatation artériolaire avec augmentation du volume sanguin cérébral et donc une augmentation de la PIC.
Dans le cas d’une autorégulation cérébrale maintenue, la conservation d’un DSC adapté à la demande énergétique impose un objectif de PPC entre 60 et 70 mmHg.
Cette valeur correspond à la limite inférieure du plateau d’autorégulation, celui-ci étant dévié vers la droite.
Il est donc important de retenir que :
une PIC basse peut être due à un bas volume sanguin cérébral avec bas DSC et ischémie ;
une augmentation de la PAM peut permettre de diminuer la PIC, et une diminution de PAM peut entraîner une augmentation de la PIC ;
il est recommandé de maintenir la PPC sur le plateau d’autorégulation c’est-à-dire, en moyenne, entre 70 et 80 mmHg. Cependant la variabilité intra-individuelle étant grande, l’interprétation de l’ensemble des données est importante.
Matériel
Système à capteur externe à transmission liquidienne
Mesure intraventriculaire de la PIC par un cathéter intraventriculaire : méthode de référence pour mesurer la PIC + ++ (figure 16.2).
Le drain est introduit à l’intérieur du ventricule connecté à un capteur de pression externe : pression du LCR transmise par une colonne liquidienne à un transducteur (tête de pression).
Seule la mesure de la PIC par voie ventriculaire ou parenchymateuse permet un diagnostic précoce et fiable d’HTIC.
Système à capteur interne à transmission non liquidienne
Présence d’un capteur (transducteurs miniaturisés à l’extrémité distale du système) implanté dans le parenchyme cérébral, l’information étant transmise vers un moniteur spécifique.
Mesure intraparenchymateuse de la PIC par un capteur intraparenchymateux qui est soit :
Le capteur à fibres optiques est muni d’un diaphragme flexible réfléchissant. La fibre optique achemine la lumière vers le capteur ainsi que la lumière réfléchie par le diaphragme. Le changement d’intensité de la lumière réfléchie est lié directement aux contraintes appliquées au capteur (déformation de la surface réfléchissante) et est interprété en termes de changement de pression.
Le capteur piézo-électrique utilise une jauge de contrainte avec piézo-résistance intégrée. Les variations infimes de résistance sont directement liées à la contrainte appliquée au capteur à travers un diaphragme en silicone. Le changement de résistance est reflété par le changement de voltage, converti en unité de pression.
Des systèmes mixtes (DVE comportant à son extrémité distale un transducteur miniaturisé) sont parfois proposés dans le but de monitorer la PIC en continu, tout en dérivant le LCR. Ceci est en pratique impossible tant que la DVE n’est pas clampée ; la pression mesurée, DVE ouverte, étant non la PIC mais la hauteur de la contre-pression exercée par la hauteur de la colonne de dérivation (figure 16.3).
Autres techniques
Cathéters sous-duraux ou sous-arachnoïdiens (peu utilisés).
Capteur extradural assimilable à un capteur interne : il comporte une jauge de contrainte placée directement à la surface de la dure-mère. Il peut aussi s’agir d’une simple chambre de pression où la dure-mère fait office de membrane transductrice.
Avantages et limites des différentes techniques de mesure de PIC (tableau 16.1)
Tableau 16.1 Avantages et limites des différentes techniques de mesure de PIC
Techniques | Inconvénients | Avantages |
---|---|---|
Cathéter intraventriculaire | Méthode invasiveRisque d’infections (méningite, ventriculite) élevé au-delà de 5 joursMise en place parfois difficile en cas de petits ventricules et lors de dégâts cérébraux importantsRisque hémorragique : limité par le respect des contre-indications (troubles de l’hémostase) et le nombre de trajets intraparenchymateux (inférieur à 2 %)Risque de fuites, de bulles d’airComplications mécaniques : | Technique de mesure de la PIC la plus fiable, la plus préciseAbsence de dérive des valeurs mesurées grâce aux possibilités de réétalonnage du capteurPossibilité de drainage thérapeutique du LCR, en cas de poussée d’HTIC grâce à l’utilisation d’un cathéter intraventriculaire multifenêtré de dérivation ventriculaire externe (DVE) associé à la mesure de la PICIntervention à faible risque, à haut rendement et de coût raisonnableNe nécessite pas de moniteur spécifique |
Capteur intraparenchymateux : | Technique plus complexeRisque de dérive du zéro (dérive de la pression de référence) : pas de recalibration in vivo possible ce qui impose théoriquement le remplacement du capteur si la durée de la mesure dépasse 5 joursNe permet pas de drainer le LCRPlus coûteux que celles des cathéters intraventriculairesInfection/hémorragie | Technique micro-invasive : la fibre de très faible diamètre est enfoncée de quelques millimètres dans le tissu cérébralPeut être mis en unités de soins intensifs par une équipe entraînée, respectant une parfaite asepsieAlternative à la voie ventriculaire quand non accessibleSystème étanche : pas de bulles, pas de fuitesFiabilité clinique pratiquement équivalente à celle du drain ventriculaire (les premiers jours)Insertion simple |
Cathéters sous-duraux ou sous-arachnoïdiens | Moins fiables (précision, dérive) : ils ne devraient être que d’utilisation exceptionnelle !Peuvent s’obstruer partiellement ou totalement, ce qui induit un amortissement des mesures et donc une sous-estimation de la PICArtéfacts… | Simples à utiliserParenchyme épargnéTaux d’infection faible |
Procédure de mise en place
Choix entre les deux méthodes : il dépend essentiellement de la possibilité thérapeutique de soustraire du LCR par le drain ventriculaire : la mesure de la PIC par voie ventriculaire est préférable si la taille des ventricules le permet, et si un drainage thérapeutique de LCR est nécessaire.
Conseil. Il est préférable de le mettre en place au bloc opératoire dans des conditions d’asepsie rigoureuse et par une équipe entraînée.
Le contrôle strict de l’hémostase doit être effectué avant toute mise en place d’un capteur intracérébral.
Lieu de mesure de la pression intracrânienne : compte tenu des différences de pression existant à l’intérieur de l’enceinte craniorachidienne, il est recommandé de mesurer la pression au niveau intracrânien à proximité de la lésion.
Cathéter intraventriculaire muni d’une dérivation ventriculaire externe (figure 16.4)
Le cathéter, relié à un système de drainage externe, stérile et gradué, se place dans la corne frontale d’un ventricule latéral : le capteur se met en place en parasagittal (2 ou 3 cm) pour éviter de léser le sinus longitudinal supérieur du côté où prédominent les lésions.

Figure 16.4 Repères de mise en place d’un cathéter intraventriculaire muni d’une dérivation ventriculaire externe (DVE).
• Posée au bloc opératoire (par un neurochirurgien en général), elle nécessite la réalisation d’un trou de trépan sous stricte asepsie (chirurgicale).
• Installer le patient en décubitus dorsal : position proclive à 15 à 20°.
• Fixer la tête à l’aide de bandes adhésives.
• Raser largement le crâne avec la tondeuse.
• Préparer le kit de détersion.
• Effectuer un shampoing à la Bétadine Scrub®.
• Rincer au sérum physiologique stérile.
• Sécher avec des compresses stériles.
• Effectuer l’antisepsie cutanée avec la Bétadine® alcoolique.
• Effectuer un lavage chirurgical des mains puis s’habiller de façon stérile (double paire de gants recommandée).
• Pratiquer une nouvelle antisepsie cutanée.
• Poser le champ troué stérile sur la zone opératoire.
• Pratiquer une incision de 1 cm jusqu’à l’os.
• Effectuer la trépanation avec le moteur orienté à 90°.
• Pratiquer une nouvelle antisepsie cutanée.
• Ouvrir la boîte du cathéter et changer de gants.
• Implanter le cathéter dans la corne frontale du ventricule latéral ipsilatéral.
• Mettre le bouchon dès que le LCR jaillit.
• Tunnéliser le cathéter vers la ligne médiane à 2–3 cm du point d’entrée initial avec l’alène de Redon.
• Veiller à ne pas arracher le cathéter lors de cette manœuvre en le tenant au point d’entrée avec une pince de De Bakey.
• Fixer le cathéter à l’aide d’un fixateur fourni et faire un point de rappel plus loin sans sténoser le cathéter.
• Suturer le point d’entrée sans piquer le cathéter.
• Connecter la ligne de dérivation, le LCR doit s’écouler lors du retrait du bouchon, puis fermer le robinet proximal côté patient.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

