16. IRM fonctionnelle

Chapitre 16. IRM fonctionnelle

Bertrand Audoin, Irina Malikova, Jean Philippe Ranjeva and Audrey Rico




Principe de l’IRM fonctionnelle et méthode d’analyse

IRMIRM fonctionnelleIRMfonctionnelleAucune méthode d’imagerie fonctionnelle ne permet d’étudier directement l’activité neuronale car seuls les événements consécutifs à l’activation sont visualisables. Les phénomènes observés en IRMf sont liés aux variations locales de volume et de flux sanguins cérébraux provoquées par l’activation neuronale [1,2].

Le couplage neurovasculaire relie l’activité neuronale aux variations hémodynamiques locales. Ce couplage serait initié par un puissant vasodilatateur libéré par les astrocytes : le monoxyde d’azote (NO). Le maintien de ce processus pourrait être induit par la présence de molécules comme l’adénosine et les intermédiaires glycolytiques. De nombreux facteurs comme le pH, la température, la pCO2 influencent ces variations hémodynamiques. Ainsi les variations locales de flux sanguins secondaires à l’activation dépendent de phénomènes multiples et complexes. Durant l’activation, le débit sanguin local augmente d’environ 50 % en quelques secondes. En revanche, la consommation locale d’oxygène ne croît que faiblement. Ce découplage entre la variation du débit sanguin et la consommation d’oxygène induit une hausse de la pression partielle en oxygène dans les régions activées.

Les propriétés magnétiques du sang prennent source au sein des érythrocytes grâce à la présence de l’hémoglobine, principal véhicule de l’oxygène dans le sang. Le fer ferrique contenu dans la déoxyhémoglobine lui confère un caractère paramagnétique, alors que l’oxyhémoglobine a des caractéristiques diamagnétiques. Possédant des propriétés magnétiques différentes en fonction de son état d’oxydation, l’hémoglobine constitue un produit de contraste endogène. Au niveau des régions intéressées par l’activation neuronale, la hausse de la pression partielle en oxygène dans le sang entraîne une diminution de la quantité de désoxyhémoglobine. Le champ magnétique local devient plus homogène et induit une cohérence de phase des spins de l’eau plus importante. Une augmentation de signal de 4 à 6 % est observable sur des séquences sensibles aux différences de susceptibilité magnétique (séquence pondérée en T2*) pour un champ magnétique principal de 1,5T.

Actuellement, la plupart des travaux utilisent les méthodes d’IRMf en mode bloqué. Celles-ci reposent sur la comparaison d’images moyennes obtenues lors de périodes successives pendant lesquelles le sujet est alternativement passif et stimulé. Certaines études reposent sur l’IRMf événementielle, qui est fondée sur le suivi du décours temporel du signal à la suite d’un stimulus individuel. Une série d’épreuves permet, comme en EEG, d’extraire les événements intéressants.

Plusieurs résultats peuvent être obtenus à partir des données IRMf acquises durant une tâche cognitive. La détermination de la carte d’activation cérébrale pendant la tâche étudiée correspond à la localisation des différentes régions impliquées dans la réalisation de la tâche. L’évaluation de la connectivité fonctionnelleIRMfonctionnelleconnectivité fonctionnelle [3] représente la mise en évidence de la cohérence temporelle de l’activité de différentes régions pendant la réalisation de la tâche. Cette approche a pour but de détecter la coactivation des régions pendant une tâche ou tout au moins l’interdépendance entre des signaux enregistrés dans des régions fonctionnellement connectées. En IRMf, cette notion décrit la cohérence, positive ou négative, du signal IRMf enregistré dans différentes zones corticalescorticales. Bien qu’étant analysés à partir des mêmes données expérimentales, les résultats respectifs obtenus par détection de l’activation et par connectivité fonctionnelleIRMfonctionnelleconnectivité fonctionnelle ne sont pas redondants, apportant des informations complémentaires sur le fonctionnement cérébral. Par exemple, l’analyse classique contrastant une période de mouvement de la langue et une période contrôle montre une activation au niveau du cortexcortex moteur primaire bilatéral (M1), de l’aire de Broca et de l’aire de Wernicke gauche. En revanche, l’analyse de connectivité fonctionnelle durant la tâche de mouvement de la langue montre que l’aire de Broca covarie seulement avec la zone de référence M1, mais pas avec les autres aires activées [4].

L’analyse des données IRMf peut permettre par ailleurs d’étudier la connectivité effectiveIRMfonctionnelleconnectivité effective, c’est-à-dire «l’influence qu’une aire exerce sur une autre» durant une tâche donnée. Cette analyse se fonde sur la définition d’un modèle corticalcortical théorique, caractérisé par différentes zones cérébrales et différentes connexions prédéfinies entre ces zones. La caractérisation de l’activation cérébrale en termes de connectivité effective exige la définition d’un modèle de relations causales, dans lequel des régions (ou nœuds) et des connexions sont définies a priori à partir de données neuroanatomiques, neuropsychologiques et de neuro-imagerie fonctionnelle. La définition de ce modèle est primordiale car l’analyse statistique de connectivité effective ne peut pas détecter des relations physiques non représentées dans le modèle. C’est cette étape de définition du modèle qui la distingue de la connectivité fonctionnelle, qui est simplement une observation de l’activité neurale, alors que la connectivité effective donne des explications plausibles sur l’origine de la modulation de ces activités cérébrales.


IRMf et paradigmes cognitifs dans la SEP


Modification de la connectivité cérébrale dans la SEP

La déstructuration diffuse de la myélinemyéline présente dès les premiers stades de la SEP pourrait entraîner une diminution de la vitesse de propagation de l’influx nerveux et ainsi se répercuter de manière préférentielle sur les systèmes dont le fonctionnement repose sur la synchronisation d’activation neurale à distance. Au Duong et al. ont étudié la connectivité fonctionnelle durant la réalisation du PASATPASAT entre le cortex préfrontal gauche et le reste du cerveau dans un groupe de patients au stade initial de la SEP et un groupe de sujets sains [5]. Le cortex préfrontal gauche (aire de Brodmannaire de Brodmann : AB 45/46AB 45/46) a été choisi comme région d’intérêt, du fait de son rôle important dans la mémoiremémoire de travailmémoirede travail, qui est particulièrement impliquée lors de la réalisation du PASAT. Une carte de coefficients de corrélation a ainsi été obtenue, reflétant pour chacun des sujets le degré de connectivité fonctionnelle entre la zone source (cortex préfrontal gauche) et le reste du cerveau. La comparaison intergroupes a mis en évidence une diminution de la connectivité fonctionnelle chez les patients entre la région d’intérêt source (ABAB 45/46) et plusieurs aires corticales comme l’AB 9 gauche, l’AB 3 droite et le cortex cingulaire antérieur (AB 24). Le défaut de connectivité reliant le cortex préfrontal gauche et le cortex cingulaire antérieur était significativement corrélé au degré d’atteinte tissulaire macroscopique évalué par la charge lésionnellecharge lésionnelle totale et également à l’atteinte tissulaire microscopique mesurée par le transfert d’aimantationIRMtransfert d’aimantation. Cette nouvelle approche statistique des données obtenues en IRMf a permis de mettre en évidence une altération de la connectivité fonctionnelle chez les patients au stade précoce de la SEP. Cette observation peut être interprétée comme un défaut de communication physique au sein du réseau de la mémoire de travail, probablement dû à une déstructuration des fibres de la substanceubstance blancheubstanceblanche qui connectent les aires corticales impliquées dans la réalisation de cette tâche.

Afin de mieux comprendre l’influence des dommages tissulaires diffus sur le fonctionnement du réseau de mémoire de travail, Au Duong et al. ont réalisé une étude de connectivité effective au sein du réseau de la mémoire de travail chez les mêmes patients en utilisant les mêmes données d’IRMf [6]. Le modèle de la mémoire de travail a été construit à partir de données de la littérature, notamment des études en IRMf, et également à partir de deux études précédentes utilisant le PASAT comme paradigme [7,8]. Ce modèle comprenait huit régions corticales : AB 46 bilatérales (cortex préfrontal), AB 40 (cortex pariétalpariétal) bilatérales, cortex cingulaires antérieurs bilatéraux et AB 44 (cortex préfrontal ventrolatéral) bilatérales. Cette analyse a mis en évidence une réorganisation corticalecorticale au sein du système de la mémoiremémoire de travailmémoirede travail des patients SEP au début de la maladie, avec une diminution des forces de connectivité de l’AB 46AB 46 droite vers l’AB 46 gauche et du cingulaire antérieur gauche vers l’AB 46 gauche. Au contraire, les forces de connectivité du cingulaire antérieur droit vers l’AB 46 droite, et du cingulaire antérieur droit vers le cingulaire antérieur gauche étaient supérieures chez les patients par rapport aux témoins (figure 16.1). La diminution de la connectivité entre les régions latéralisées à gauche – régions particulièrement impliquées dans la mémoire de travail verbale – pourrait traduire la répercussion de l’atteinte de la substancesubstance blanchesubstanceblanche sur la communication cérébrale interrégionale à longue distance. L’augmentation des forces de connectivité à droite pourrait être secondaire à un recrutement compensatoirerecrutement compensatoire de régions normalement moins impliquées dans la mémoire de travail verbale chez le sujet sain.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 16. IRM fonctionnelle

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access