Chapitre 15
La mobilisation électroactive
Ou l’application de la stimulation neuromusculaire à la rééducation de la main traumatique innervée
De la stimulation électrique fonctionnelle en neurologie centrale à la stimulation neuromusculaire de la main traumatique innervée
Comparaison entre le contrôle moteur de la main traumatique normalement innervée et la neurologie centrale
Application clinique du travail électroactif
Indications du travail électroactif
Contre-indications du travail électroactif
Complications provoquées par une technique inappropriée
Introduction
Ce chapitre envisage exclusivement l’application de l’électrostimulation excitomotrice aux muscles normalement innervés. Le problème spécifique de l’électrocontraction des muscles dénervés ainsi que l’application de la simulation analgésique transcutanée ne sont pas abordés. Ils nécessitent chacun un chapitre à part.
Historique
Le vase de Leyden fut l’un des premiers condensateurs conçu qui permit une application fiable de l’électromédecine. Le mot latin electricita signifie ambre, résine fossile qui, frottée, stocke de l’électricité statique. Les premiers textes parlant de stimulation excitomotrice sur les muscles normalement innervés de l’hémiplégique semblent être le livre de Kratsenstein en 1754 (Watkins 1972) [1] et la thèse de doctorat de Deshais : « De hemiplegia per electricitatem curanda » présentée en 1749 à Montpellier (Licht 1967) [2].
En 1867, Duchenne de Boulogne publie un ouvrage qui reste toujours actuel : La Physiologie du mouvement [3]. Duchenne de Boulogne est considéré comme le père de l’électrothérapie moderne (figure 15.1).
À la fin du XIXe siècle pratiquement tous les effets thérapeutiques des courants électriques sont connus. Cependant pour différentes raisons, entre autres prétentions abusives et escroqueries diverses, mauvaise prise en charge par les assurances de santé, formation insuffisante du corps médical, découverte de médicaments antalgique, l’électrostimulation effectue une traversée du désert jusqu’aux années 1960. Comme l’écrit Whynn Parry : « Is is curious that the value of electrical stimulation has been dormant for almost 100 years » [4]. À partir des années 1960, l’électrostimulation renaît comme une technique efficace et souvent incontournable. La miniaturisation des stimulateurs permet une application « chronique » ambulatoire confiée au patient lui-même. Plusieurs équipes contribuent à cette renaissance dans trois directions principales.
La stimulation électrique fonctionnelle
Il s’agit de l’utilisation des groupes musculaires du patient comme orthèses actives en neurologie centrale, dans le cas de lésion du premier motoneurone. Les muscles restant normalement innervés et stimulables. Le pacemaker cardiaque dont personne ne conteste l’efficacité peut être classé dans ce groupe. Il faut citer les travaux de Liberson (1962) [5] et de Gracanin (1972) [6] sur l’amélioration de la marche de l’hémiplégique et du paraplégique. Au niveau du membre supérieur, les travaux des équipes de Rancho Los Amigos [7], de Ljubljana [8] et de Cleveland, entre autres, ont abouti au développement du « Free Hand system » appareillage implanté permettant de redonner une préhension à la main du tétraplégique. Ce système est actuellement commercialisé [9].
La stimulation excitomotrice à visée de renforcement musculaire
Cette technique mise au point par Xvilon et Kots 1977 [10] fut très utilisée chez les athlètes souvent afin de fixer les anabolisants, dans les pays de l’ancien bloc soviétique.
Évolution des idées
Jusqu’aux années 1970, l’opinion classique en médecine de rééducation ne voyait pas l’intérêt de stimuler un muscle normalement innervé en traumatologie puisque le patient en avait le contrôle. Les idées évoluèrent progressivement grâce à l’expérience acquise en stimulation électrique fonctionnelle.
Les effets bénéfiques d’une stimulation « chronique » appliquée plusieurs heures par jour en neurologie centrale sont cliniquement évidents en ce qui concerne l’amélioration de la trophicité, des amplitudes articulaires et du contrôle moteur, ou sur la diminution de la raideur [11].
En 1976, Thomas commença à appliquer à la main traumatique ce qui était appliqué sur la main des cérébrolésés [12].
Comparaison entre le contrôle moteur de la main traumatique normalement innervée et la neurologie centrale
Le rôle primordial de la rééducation est de prévenir l’installation de ce cercle vicieux, surtout de la douleur, qui est à l’origine des réflexes nociceptifs inhibant la contraction volontaire. C’est à ce niveau que la stimulation neuromusculaire se révèle particulièrement utile. L’électrostimulation est le seul agent physique entraînant simultanément une contraction musculaire dosable, un effet antalgique et un effet de rétro-information sensoriel, de facilitation neuromusculaire. Ces effets appelés efférents (moteur) et afférents (rétro-information) sont bien documentés dans la littérature [13].
Mobilisation passive et douleur
L’électrocontraction induit une mobilisation articulaire physiologique. Elle inhibe la contraction des muscles antagonistes (inhibition réciproque de Sherrington). Elle diminue la douleur par son effet antalgique annexe toujours présent. Les messages proprioceptifs afférents émis par le mouvement et aussi la sensation de stimulation électrique entretiennent le schéma moteur et s’opposent à l’exclusion corticale (Vodovnik, 1971) [14]. Faire effectuer une mobilisation articulaire d’intensité et de quantité réglables agit comme un pacemaker articulaire (Liberson, 1962).
L’association travail actif, renforcé par électrocontraction, est appelée travail ou exercice électroactif [15].
Application clinique du travail électroactif
Choix du matériel : stimulateurs, électrodes
Les stimulateurs: Les stimulateurs portatifs sont pratiques. Il convient de choisir des appareils délivrant des impulsions de forme la plus rectangulaire possible, permettant un réglage individuel de la fréquence de 30 à 100 Hz, du temps de travail et du temps de repos de 1 à 10 secondes, de la largeur d’impulsion la plus fine possible (qui conditionne le confort de la sensation de stimulation). Il convient de provoquer une contraction isométrique suffisamment longue pour recruter le maximum d’unités motrices et « tirer » au mieux sur les adhérences ou une articulation enraidie.
Les électrodes: Les électrodes modernes autocollantes type PALS®, mises au point par Axelgard, ont été conçues pour l’application de la stimulation antalgique transcutanée (TENS). Collées à la surface de la peau, elles permettent de recruter les muscles superficiels. Pour atteindre au mieux certains muscles profonds, il est nécessaire d’utiliser la technologie plus ancienne développée par l’équipe de Ljubljana : des électrodes rigides en acier inoxydable recouvert d’éponge. Ces électrodes peuvent être « enfoncées » dans les tissus pour se rapprocher du nerf moteur.

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