14: Douleur thoracique aiguë et coroscanner

Chapitre 14 Douleur thoracique aiguë et coroscanner



La douleur thoracique aiguë est une urgence fréquente (8 millions de cas annuels aux États-Unis) en préhospitalier, en cardiologie et dans les services d’accueil des urgences [1]. Classiquement, le scanner cardiaque et coronaire n’est pas indiqué dans cette situation [2].


Cette notion est remise en question dans un sous-groupe de patients [3]. Le but de ce chapitre est de définir le rôle potentiel du scanner dans cette situation.


La sélection des patients est l’élément clé ; elle doit être menée de façon professionnelle par le cardiologue ou l’urgentiste [4] afin de ne pas réaliser un scanner (ou un autre examen non invasif) quand le traitement médical de l’infarctus doit être instauré, suivi d’une coronarographie pratiquée en urgence. Une sélection défectueuse et une orientation inadéquate de certains patients vers le scanner aboutiraient à une perte de chances.



Avis d’experts


Récemment, un consensus d’experts [3] a émis un avis (appropriate use criteria) dans la situation clinique d’un patient se plaignant d’une douleur thoracique aiguë. Attention, il ne s’agit pas à ce jour d’une recommandation.


Selon ce consensus, quand l’électrocardiogramme (ECG) et les biomarqueurs cardiaques sont normaux, quand l’ECG est ininterprétable ou non diagnostique ou quand les biomarqueurs sont équivoques, le coroscanner est indiqué chez les patients dont le risque cardiovasculaire est faible ou intermédiaire selon l’échelle de risque de Framingham (au total, un contingent non négligeable de patients). L’indication du scanner est jugée « incertaine » quand la probabilité prétest (avant le scanner) de maladie coronaire est forte. Cette « incertitude » des experts ne doit pas être considérée comme une mauvaise ou une non-indication, mais signifie au contraire que les auteurs incitent à la réalisation de travaux de recherche.


Bien entendu, les experts jugent « inapproprié » le scanner coronaire quand le diagnostic d’infarctus est probable à partir de critères électrocardiographiques et biologiques. Ce serait une erreur médicale de privilégier le scanner chez un patient qui présente un sus-décalage du segment ST et/ou dont les enzymes s’élèvent.


Enfin, le scanner est jugé d’indication incertaine quand le patient présente une élévation persistante du segment ST et que le diagnostic d’infarctus a été exclu. Cette dernière situation peut correspondre à ce que certains ont intitulé le « triple rule out » [5], le scanner étant supposé éliminer (ou faire le diagnostic de) toutes les grandes urgences vasculaires thoraciques, à savoir la dissection d’aorte, l’embolie pulmonaire et l’occlusion coronaire. À notre avis, cette situation qui correspond à une étude de débrouillage n’est pas si fréquente quand une observation soigneuse et complète du patient a été réalisée.



Étude ROMICAT (Rule Out Myocardial Infarction Using Computer Assisted Tomography)


Cet avis d’experts a été influencé par une étude américaine [6] qui a montré que le scanner pouvait significativement améliorer la prise en charge d’une catégorie de patients non coronariens connus et sélectionnés de façon stricte. Un groupe de 368 patients d’âge moyen 53 ans (61 % d’hommes) avec un risque bas ou intermédiaire de maladie coronaire a été exploré par scanner 64d avant l’admission (au niveau du service d’accueil urgence). Les résultats du scanner étaient comparés à l’évolution hospitalière (syndrome coronaire aigu ou non) et à un suivi de 6 mois qui cherchait la survenue de décès ou d’accident cardiovasculaire. Trente et un patients (8 %) avaient un authentique syndrome coronaire aigu. Au scanner, 50 % des patients étaient indemnes de toute maladie coronaire (fig. 14.1), 31 % avaient une maladie non obstructive et les 19 % restants avaient soit une sténose significative (fig. 14.2), soit un examen non concluant. La sensibilité et la valeur prédictive négative d’un scanner normal étaient de 100 % pour exclure le diagnostic de syndrome coronaire aigu. La spécificité de la présence d’une plaque était de 54 % pour prédire un syndrome coronaire aigu, celle d’une lésion sténosante (> 50 %) était de 87 %.




L’étude ROMICAT confirme l’excellente valeur prédictive négative du scanner en montrant l’absence d’infarctus du myocarde ou de décès de cause cardiaque à 6 mois chez des patients qui avaient eu un scanner coronaire normal lors de l’épisode douloureux index.


Le résultat de cette étude a un impact médicoéconomique évident, car l’hospitalisation de ces patients en service de soins intensifs cardiologiques est fort coûteuse.


En France, la pratique serait différente dans la mesure où nous disposons (avec le Samu) d’une évaluation médicale préhospitalière, suivie d’une admission directe en cardiologie. Par exemple, la sélection des bonnes indications du scanner est faite dans notre CHU par le cardiologue aux soins intensifs, avec un malade conditionné et la possibilité de réaliser une coronarographie au moindre doute, et/ou en cas d’évolution défavorable des paramètres cliniques, électriques ou biologiques.



Pourquoi le scanner ?


Quand l’ECG est normal ou subnormal, quand la troponine reste nulle, la crainte est de se trouver dans une phase de « préinfarctus » (angor instable). La douleur peut avoir une autre origine, cardiaque (péricardite) ou extracardiaque (pneumothorax, dissection aortique, rupture spontanée d’œsophage, reflux gastro-œsophagien, pneumonie, cause pariétale).


Bien mené chez un patient en rythme sinusal non tachycarde, l’examen tomodensitométrique (TDM) peut affirmer l’intégrité de l’arbre coronaire, sûrement même mieux que la coronarographie invasive par voie artérielle qui, sans association à une échographie endocoronaire (IVUS), ne fournit pas d’imagerie de la paroi du vaisseau et de ses calcifications. Il peut aussi, dans bon nombre de cas, orienter le diagnostic différentiel, qui ne nécessite pas obligatoirement une hospitalisation, et s’il nécessite une hospitalisation, cette dernière n’est pas forcément à prévoir en soins intensifs de cardiologie. Hamid et al. considèrent qu’environ la moitié des patients admis au service des urgences pour une douleur thoracique sont éligibles à un scanner cardiaque [7].


L’imagerie par résonance magnétique (IRM) pourrait être discutée mais dans l’état actuel de la technique, obtenir une imagerie coronaire de bonne qualité et de l’ensemble du réseau est difficile. Dans une situation proche mais avec un mouvement de troponine et des troubles de la repolarisation à l’ECG, l’IRM peut être réalisée avec injection de sel de gadolinium pour chercher des signes de myocardite et exclure une nécrose myocardique. Une IRM du myocarde normale dans ce contexte peut être faussement rassurante, n’éliminant pas une maladie coronaire chez un patient en situation d’angor instable.


Une autre alternative dans la situation d’une douleur avec ECG et troponine normaux est l’échographie sensibilisée par la dobutamine à dose ischémiante, qui, en cas de lésion coronaire, va montrer l’apparition d’une hypo- ou d’une akinésie segmentaire dans le territoire vasculaire qui souffre. Le scanner, même avec synchronisation cardiaque, est probablement plus disponible, moins à risque, et moins opérateur-dépendant que l’échographie à la dobutamine. Insistons sur le fait que, dans le cas de l’échographie, on cherche à mettre en évidence un phénomène ischémique, alors que, dans le cas du scanner, on s’en tient à une analyse purement morphologique de l’arbre coronaire. La valeur prédictive négative de l’échographie dobutamine était également excellente (98,9 %) dans l’étude monocentrique de Lerakis [8].


La scintigraphie avec stress ischémique [4] est une autre alternative utilisable dans ce contexte. Sa disponibilité en urgence est sa principale limite.

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 14: Douleur thoracique aiguë et coroscanner

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