14 Division cellulaire
La division cellulaire est le processus par lequel une cellule eucaryote donne naissance à deux cellules filles. Il existe deux types de divisions cellulaires appelées mitose et méiose. Alors que la mitose donne naissance à des cellules filles (somatiques) encore capables de se diviser, les cellules issues de la méiose (gamètes) ont perdu cette capacité. La cellule issue de la fusion de deux gamètes lors de la fécondation (zygote) retrouvera un potentiel élevé de division par mitose.
I Mitose et cytocinèse
A Cycle de division cellulaire
Toute cellule eucaryote se multiplie par division en deux cellules filles au cours d’une succession ordonnée d’événements appelée le cycle cellulaire. Les deux événements majeurs de la vie de la cellule décrits par le cycle cellulaire sont : la duplication des chromosomes (réplication de l’ADN à l’identique) et leur répartition en nombre égal (ségrégation des chromosomes) entre les deux cellules filles. Le cycle cellulaire peut être divisé en deux grandes phases visibles au microscope : celle où les cellules ne se divisent pas – interphase – et celle où elles se divisent – phase M (fig. 14.1A). La durée de la phase M (1 à 3 heures) est la plus courte du cycle cellulaire avec moins de 10 % de sa durée totale.
L’analyse moléculaire permet de subdiviser l’interphase en sous-phase S, G1 et G2. La phase M quant à elle est subdivisée en mitose et cytocinèse. La mitose correspond à la phase de répartition des chromosomes et de division du noyau (caryocinèse) et la cytocinèse à la phase de division du cytoplasme. Alors que la cytocinèse se déroule en une seule étape, la mitose est divisée en cinq étapes : prophase, prométaphase, métaphase, anaphase et télophase (fig. 14.2).
Au cours de l’interphase, la cellule augmente son métabolisme et la production d’organites croît jusqu’à doubler sa taille (phases G1 et G2) et duplique de manière semi-conservative son ADN nucléaire (phase S) et ses centrioles (fin de phase G1 à G2). À l’issue de la phase S, l’ensemble des chromosomes est constitué de deux chromatides sœurs (2 C) liées ensemble. À l’interphase, les chromosomes ne sont pas visibles en microscopie et leur chromatine apparaît comme diffuse et dispersée dans le noyau. À l’inverse, ils sont parfaitement visibles et individualisés durant la mitose du fait de la compaction de la chromatine. Elle se décompactera après la ségrégation des chromosomes entre les cellules filles. La réorganisation du cytosquelette de microtubules en fuseau mitotique est également une caractéristique essentielle de la division cellulaire.
En cas d’anomalies de la réplication de l’ADN ou de la mitose (voir chapitre 18), le déroulement du cycle peut être bloqué en phase G1, G2 ou M par des points de contrôle (checkpoint).
B Principaux partenaires de la mitose
1 Microtubules (MT)
Constituants du cytosquelette responsables de la formation du fuseau mitotique. Les MT sont constitués de tubuline α et β. Ces deux protéines s’associent pour former des hétérodimères qui à leur tour se lient entre eux pour former un protofilament. L’association des protofilaments (généralement 13) constitue un MT qui se présente comme un cylindre creux et rigide. L’ajout ou la suppression d’hétérodimères de tubuline peut se faire aux deux extrémités du MT. Cependant, l’extrémité dirigée vers la périphérie de la cellule (extrémité +) croît plus vite que l’extrémité − localisée au niveau d’une structure cytoplasmique appelée le centrosome (fig. 14.3A). L’extrémité + des MT présente une instabilité dynamique caractérisée par l’alternance de longues périodes de croissance et de courtes périodes de dépolymérisation rapide, aboutissant à d’importantes variations de longueur. Durant la mitose, ils sont plus courts, plus nombreux et plus dynamiques (1/2 vie de 60 sec) qu’à l’interphase (1/2 vie de 10 mn).
2 Centrosome
Structure complexe constituant le centre organisateur des microtubules dans la plupart des cellules animales. Localisé à proximité du noyau, il est composé d’une paire de centrioles entourée d’une matrice protéique appelée le matériel péricentriolaire. Ce dernier contient un grand nombre de protéines différentes dont la tubuline γ qui joue un rôle important dans la nucléation des MT. Chaque centriole est perpendiculaire l’un à l’autre et se présente comme une petite structure cylindrique formée de neuf groupes de trois MT (voir fig. 14.3A).
3 Cycle de duplication du centrosome
Le cycle du centrosome comprend quatre grandes phases synchronisées avec le cycle cellulaire :
• séparation des deux centrioles en fin de phase G1 qui cependant restent reliés entre eux ;
• formation d’un procentriole, à la transition entre les phases G1 et S, initiée par chaque centriole ;
• élongation à angle droit des centrioles fils durant la phase S ;
• maturation des centrioles et séparation en deux du centrosome (phase G2).
4 Centromère
Lieu d’assemblage du kinétochore. Il intervient également dans la cohésion des chromatides sœurs. Le centromère apparaît en cytologie comme la région la plus étroite du chromosome mitotique d’où son nom de constriction primaire. Il est constitué d’une petite séquence d’ADN non codant répétée un grand nombre de fois (ADN satellite). Malgré son nom, le centromère n’est pas toujours situé au centre du chromosome.
5 Kinétochore
Structure complexe formée de plus de 80 protéines différentes, localisée au niveau du centromère des chromatides sœurs, sur laquelle s’ancrent de 20 à 40 MT du fuseau mitotique. Les protéines des kinétochores forment des couches organisées en plusieurs régions. La plus interne est fortement associée à l’ADN satellite du centromère, alors que la plus externe interagit avec les MT et est impliquée dans l’attachement des MT, leurs polymérisations et leurs déplacements par des protéines motrices. On y retrouve également des protéines du point de contrôle mitotique qui s’assure de l’attachement correct des chromosomes au fuseau.
C Caractéristiques des différentes étapes de la mitose (voir fig. 14.2)
1 Prophase
Au cours de ce premier stade de la mitose, les trois étapes décrites ci-dessous ont lieu.
a Condensation des chromosomes et assemblage des kinétochores
En fin de phase G2, chaque chromosome est constitué de deux chromatides sœurs liées ensemble par des complexes protéiques appelés cohésine ainsi que par des liens topologiques (entrelacements). La mitose débute par les processus de compaction de la chromatine et de « démêlage » des chromatides sœurs (appelé résolution), leur faisant perdre leur aspect grêle et enchevêtré pour devenir courtes, épaisses et individualisées. Les chromosomes mitotiques sont alors constitués de chromatides sœurs condensées et topologiquement séparées, ce qui rendra aisée leur ségrégation entre les cellules filles à un stade ultérieur. La condensation de la chromatine est dépendante de la phosphorylation de l’histone H3 par une kinase spécifique (Aurora B) – débute au niveau du centromère puis progresse vers les télomères – ainsi que de l’accumulation sur les chromosomes de facteurs (complexe protéique condensine et enzyme topoisomérase II) impliqués dans la compaction des boucles de chromatine (voir chapitre 12). À l’inverse, la décompaction de la chromatine sera liée à la déphosphorylation de l’histone H3 et à la dissociation de la chromatine des facteurs de condensation.
c Séparation des deux centrosomes
Les centrosomes, dupliqués au cours de l’interphase, se séparent et migrent de part et d’autre du noyau. Les MT du cytosquelette interphasique se dépolymérisent et sont remplacés par les faisceaux de MT qui irradient en étoile autour de chaque centrosome, appelé aster. Ceux-ci deviennent le point de croissance d’un nouveau réseau de microtubules : le fuseau mitotique.
2 Prométaphase
Ce deuxième stade de la mitose se caractérise par les trois étapes présentées ci-dessous.
a Destruction de l’enveloppe nucléaire
La prométaphase débute avec la fragmentation de l’enveloppe nucléaire en petites vésicules. Elle est provoquée par la dépolymérisation des lamines de la lamina nucléaire suite à leur phosphorylation par une kinase spécifique (cycline B/Cdk1). La lamina soutient l’enveloppe nucléaire et lui donne sa forme (voir chapitre 11). Cette destruction de l’enveloppe nucléaire est une étape essentielle de la mise en place du fuseau mitotique et de la fixation des MT aux kinétochores. En effet, les centrosomes étant situés en dehors du noyau des cellules animales, les MT n’ont pas accès aux chromosomes tant que l’enveloppe nucléaire reste intacte.
Néanmoins, la disparition de l’enveloppe nucléaire (mitose ouverte) n’est pas observée chez tous les eucaryotes. C’est le cas de la levure (mitose fermée), un eucaryote unicellulaire.