14: Autisme infantile, troubles envahissants du développement et schizophrénie à début précoce

14 Autisme infantile, troubles envahissants du développement et schizophrénie à début précoce



Historique


L’histoire des psychoses infantiles pourrait se subdiviser en trois périodes.





Une période de déconstruction


La déconstruction de ce concept unifié commence vers la fin des années 70 avec l’émergence des classifications internationales (CIM) et américaine (DSM) au cours de laquelle on voit se multiplier les diagnostics différentiels qui sortent de l’autisme typique et des psychoses infantiles (désormais appelés « troubles envahissants du développement », pour supprimer toute référence au concept de psychose) certains tableaux cliniques particuliers : les syndromes de Rett, d’Angelman, de l’X fragile, deviennent des « entités » bien différentes du vaste champ des « troubles envahissants du développement » en particulier du fait de leur évolution ou d’une origine étiologique (organique) désormais précisée. Parallèlement la rigueur sémiologique démembre le cadre nosographique unifié pour décrire des entités au statut encore imprécis : syndrome d’Asperger (DSM-IV, CIM-10), hyperactivité associée à un retard mental et à des mouvements stéréotypés (CIM-10), dysharmonie psychotique (CFTMEA) ou multiplex developmental disorder (cf. chap. 18). Enfin, la notion de « désintégration » réapparaît (proche donc du concept de démence) à travers le trouble désintégratif de l’enfance (DSM-IV, CIM-10) et même si cela n’est pas exactement identique, on peut s’interroger sur la confluence naissante entre cette entité et les recherches de plus en plus nombreuses du côté de la psychiatrie adulte concernant les schizophrénies à installation précoce ou l’étiologie possible des schizophrénies hypothétiquement située dans les étapes les plus précoces du développement.


Ce bref rappel historique nous montre la situation désormais « éclatée » du cadre des psychoses infantiles regroupées sous l’appellation « troubles envahissants du développement » (TED). Certes, l’autisme infantile typique garde sa place mais il n’en va pas de même des autres formes « autismes atypiques » ou « TED non spécifiés » qui, pourtant, sont loin d’être exceptionnelles. Nous prendrons le parti de décrire d’abord l’autisme infantile avant de décrire les autres formes puis dans une troisième partie d’aborder le fonctionnement psychique et interactif.




Autisme infantile


Si ce syndrome a pu être présenté comme relativement homogène, la réalité clinique en montre cependant la relative diversité et variabilité. Toutefois, on retrouve toujours :



Évident à partir de 30–36 mois, les premiers symptômes apparaissent parfois après un intervalle libre de 12–18 mois mais le plus souvent des signes précurseurs peuvent attirer l’attention dès les 12 premiers mois.




Description clinique



Syndrome autistique typique


Constitué progressivement au cours de la seconde année, ce syndrome devient patent vers 2–3 ans. On observe alors les signes suivants.





Réactions bizarres et restriction des intérêts


Les réactions d’angoisse, d’agressivité ou d’apparente colère peuvent survenir à l’occasion de changements dans l’environnement (modification dans une pièce, changement de trajet, absence d’un jouet, changement de coiffure, etc.) ou de surprise (bruit inopiné, arrivée d’un étranger, etc.). Ces manifestations de colère, d’angoisse ou de détresse peuvent aussi survenir en réponse à une frustration, une interdiction ou une tentative insistante de l’adulte d’entrer en contact. Les habitudes ou les rituels en apparence dénués de signification symbolique dominent la vie quotidienne, imposant un cadre de vie d’allure immuable et robotisé. Les centres d’intérêt sont restreints et stéréotypés en direction d’habitudes motrices ou d’objet bizarre : maniérisme moteur stéréotypé et répétitif (battement ou torsions des mains, balancement, marche sur la pointe des pieds, mouvement de toupie, mouvement complexe du corps) ; utilisation d’objets particuliers (caillou, fil de fer, fragment de jouet) ou détournés de leur usage (roue de petite voiture indéfiniment tournée) ; intérêt pour un aspect limité des objets (par exemple l’odeur avec comportement de flairage, la sensation de surface avec un intérêt pour les objets rugueux, des attitudes de grattage, l’attirance pour la vibration ou le bruit qu’ils produisent indéfiniment reproduits). Il n’y a pas ou peu de jeu symbolique, de jeu d’imitation, de jeu impliquant les situations sociales habituelles.





Signes précoces d’autisme


Si le diagnostic est assez évident à partir de 2–3 ans, en clinique il est souhaitable de repérer les enfants à risque d’autisme dès le plus jeune âge. L’analyse clinique rétrospective et plus encore le visionnement des films familiaux (Malvy et coll., 1997) montrent l’existence fréquente de signes précoces.







Formes cliniques





Diagnostic différentiel








Évaluation et examens complémentaires


Il n’existe pas, à l’heure actuelle, un examen complémentaire permettant de poser avec certitude le diagnostic d’autisme infantile. Aucun examen clinique et paraclinique n’a pu faire la preuve de « signes pathognomoniques » d’autisme. Le diagnostic repose donc sur :



Ces explorations dans le domaine de la clinique quotidienne doivent être différenciées des multiples explorations entreprises dans le champ de la recherche.




Bilans cliniques complémentaires


Sans les détailler ici, il est essentiel d’évaluer les manifestations symptomatiques mais aussi le niveau développemental à l’aide d’une série de bilans spécialisés :



À côté de l’épilepsie, toutes les encéphalopathies déficitaires de l’enfant peuvent s’accompagner peu ou prou de manifestations autistiques associées (syndrome de l’X fragile, d’Angelman, de Williams, etc.). Il importe donc quand un signe clinique particulier attire l’attention (malformation particulière, habitude motrice spécifique et étrange, antécédents familiaux, etc.) de compléter le bilan dans un domaine particulier. Nous renvoyons le lecteur au chapitre 13.




Autres troubles envahissants du développement


À côté du syndrome autistique caractéristique, les principales classifications (DSM, CIM) décrivent quelques entités succinctement résumées ci-après.




Syndrome de Rett


Il s’agit d’une encéphalopathie évolutive touchant principalement les filles. Dans 80 % des cas le syndrome est lié à une mutation du gène MeCP2 porté sur le chromosome X. Les critères de diagnostic sont les suivants (Aicardi et coll., 1986) :



Certaines conduites fréquentes dans l’autisme infantile ne s’observent pas dans le syndrome de Rett, en particulier, il n’y a pas : les habitudes de jeux stéréotypés, la mise en rotation des objets, le refus des contacts corporels et des marques d’affection partagées, l’hyperactivité motrice, l’attachement excessif à certains objets.


Il n’existe pas de traitement spécifique connu. Si un soutien psychologique peut apparaître nécessaire auprès des parents, il est bien évident que l’abord thérapeutique de l’enfant doit tenir compte du diagnostic de ce syndrome.





Limites des classifications descriptives


La difficulté de l’étude syndromique des TED tient certes en partie à leur grande diversité, mais surtout à l’ambiguïté du repérage nosographique. En effet, si un accord peut grossièrement se dégager entre les auteurs lorsqu’ils décrivent une conduite particulière, en revanche dans le repérage et l’isolement d’un syndrome interviennent des données de niveau très inégal : si le syndrome n’est parfois, selon le modèle médical traditionnel, qu’un simple ensemble de conduites régulièrement corrélées les unes aux autres (autisme de Kanner), souvent en réalité, il traduit les hypothèses théoriques utilisées par l’auteur, si bien qu’on se trouve confronté à une sorte de tautologie où des explications théoriques rendent compte d’un syndrome qui lui-même a été isolé à partir des prémices de ces théories : la psychose symbiotique de M. Malher en est un exemple : « Les enfants du groupe symbiotique présentent rarement des troubles évidents de conduite pendant leur première année, sauf peut-être des troubles du sommeil… les réactions (pathologiques) se manifestent pendant la troisième ou la quatrième année… il semblerait que la croissance maturative de la coordination motrice qui porte inhérente en elle le défi de l’indépendance provoque une coupure de la réalité… (on observe) une irrégularité de croissance et une vulnérabilité du moi à toute frustration minime. L’anamnèse de ces enfants laisse voir avec évidence des réactions extrêmes aux échecs mineurs… par exemple, ils abandonneront la locomotion pendant des mois parce qu’ils sont tombés une fois. » (Malher, 1973.)


Nous citons ce passage comme illustration de la démarche théorico-clinique qui anime M. Malher : il montre clairement combien les symptômes sont décryptés grâce au présupposé théorique, lequel sert ensuite à organiser le tableau clinique. Ainsi l’évolution des psychoses symbiotiques est décrite comme une succession de manifestations affectives ambivalentes, tantôt recherche impérieuse d’un contact affectif avec autrui qui prend vite une allure fusionnelle, tantôt réaction d’angoisse et de fuite devant la menace représentée par cet engloutissement fusionnel. L’ambivalence agie des affects est extrême : l’enfant peut mordre et étreindre en même temps, caresser et pincer…


De la même manière, F. Tustin centre ses recherches puis ses classifications sur l’étude de la conduite autistique et de ses fonctions défensives. Elle décrit trois types d’autisme :




Les formes « frontières »


Nous ne ferons que rappeler ici le vaste champ de la pathologie « intermédiaire » que beaucoup d’auteurs français et étrangers ont discutée (cf. chap. 18).


Misès a proposé le concept de « dysharmonie psychotique » repris dans la classification française (CFTMEA, 1987) pour décrire des tableaux complexes survenant chez des enfants de 3–4 ans et associant : des troubles de l’état affectif avec anxiété (anxiété, phobies multiples, variabilité émotionnelle), une altération du comportement et des relations sociales (désintérêt, repli sur soi, relations difficiles aux pairs, manque d’empathie et de compréhension d’autrui, etc.), des troubles cognitifs variables (confusion réalité/imaginaire, trouble d’apprentissage, pensée d’allure magique, vécu persécutif ou omnipotent, etc.). L’ensemble représente un tableau aux limites sémiologiques imprécises mais qui trouve sa cohérence dans la description d’un fonctionnement psychique dominé par les mécanismes projectifs, préservant cependant les capacités d’adaptation à la réalité et de contrôle des irruptions fantasmatiques ou des affects. Cette entité dont les limites et la validité ont pu paraître contestables se rapproche cependant de descriptions récentes cherchant à mieux cerner le groupe des « troubles envahissants du développement non spécifique » (DSM-IV, CIM-10) catégorie « résiduelle » dans laquelle se retrouve un nombre non négligeable de sujets. C’est ainsi que Towbin (1997), Volkmar, Klin et Cohen (1997) décrivent de leur côté un tableau appelé « troubles complexes et multiples du développement » présentant d’incontestables analogies avec « les dysharmonies psychotiques » (Tordjman et coll., 1997).


Appartiennent à ce champ les Deficit in Attention Motricity and Perception (DAMP), les Multidimensionnally Inquired. Certains auteurs américains les qualifient de Diagnostically Homeless du DSM (Carlson).



Évolution des troubles envahissants du développement


Étant donné la diversité sémiologique, les divergences psychopathologiques, la multiplicité des hypothèses étiopathogéniques, on ne s’étonnera pas de la variabilité évolutive des TED.


De l’ensemble des études consacrées à ce problème, nous ne retiendrons ici que les grandes lignes. Sur un plan purement descriptif, on observe globalement les évolutions suivantes.



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May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 14: Autisme infantile, troubles envahissants du développement et schizophrénie à début précoce

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