13. Facteurs confondants

Chapitre 13. Facteurs confondants



Fatigue

FatigueSophie Pittion-Vouyovitch, Marc Debouverie

La fatigue est un symptômesymptôme non spécifique, subjectif, rencontré dans de nombreuses maladies chroniques, en particulier la sclérose en plaques. Elle a été, pendant longtemps, négligée par le corps médical. La prise en compte de ce symptôme est relativement récente dans la sclérose en plaques et date des années 1980. En effet, c’est en 1989 que Krupp et al. publient la première échelle de fatigue, la FatigueFatigue Severity Scale (FSS)FatigueSeverity Scale (FSS), mettant en évidence une prévalence plus élevée de ce symptôme chez les patients atteints de maladies chroniques comme la sclérose en plaques ou le lupus érythémateux disséminé par rapport aux sujets sains [1].

Le premier problème auquel se heurtent les médecins vis-à-vis de ce symptôme est son évaluation objective pour connaître sa fréquence, son intensité, son autonomie comme symptôme de la SEP à part entière et non comme une variante sémiologique particulière du syndrome dépressif [2]. Différentes échelles de mesure ont été proposées et ont fait l’objet d’études de validation, essentiellement en langue anglaise, mais aucune ne fait figure de référence sur le plan international, a contrario de l’EDSSEDSS pour l’invalidité [3].

C’est une plainte très fréquente au cours de la SEP. Elle est rapportée par les patients dans 50 à 90 % des cas, selon les études [[4][5] and [6]], et 55 % des patients la considèrent comme l’un des trois symptômes les plus sévères de leur maladie [5]. Elle peut être responsable d’une accentuation des autres symptômes dans 48 % des cas [7]. Elle apparaît parfois chez les malades avant les premiers signes cliniques neurologiques déficitaires [5,8]. Elle est souvent responsable d’un arrêt précoce de l’activité professionnelle et peut avoir des conséquences multiples dans la vie quotidiennevie quotidienne des patients, au niveau relationnel, social ou professionnel [9]. Les définitions de la fatigue sont innombrables et renvoient à des concepts plurifactoriels qui majorent les difficultés du clinicien lorsqu’il est confronté à cette question [10].

La fatigue dans la SEP est une sensation exprimée de façon différente par les patients. Ses caractéristiques, comparées à la fatigue normale, sont essentiellement son apparition rapide après un effort minimal, avec un temps de récupération majoré. Elle est plus fréquente et plus sévère que la fatigue normale. Il s’agit d’une fatigue chronique exacerbant les autres symptômes de la maladie [11]. Il faut distinguer la fatigabilité physique de la fatiguefatigue cognitivefatiguecognitive, qui peut être majorée lors d’un effort d’ordre intellectuel. Ce dernier domaine est mal connu, difficile à évaluer et souvent interprété comme un déficit de type cognitif. Une échelle, la FatigueFatigueImpact Scale (FIS), ou sa version courte, la Modified Fatigue Impact Scale (MFIS)FatigueImpact Scale (FIS), ou sa version courte, la Modified Fatigue Impact Scale (MFIS), couramment utilisée, permet d’en étudier les trois dimensions (cognitive, physique et psychosociale) [12].

Les données de la littérature dans ce domaine sont parfois contradictoires. Aucun lien significatif n’a été établi entre le sexe et la fatigue. De même, il n’existe pas de corrélation entre les échelles de fatigue et l’âge des patients, hormis pour la dimension physique [6,13]. Les scores élevés de fatigue, évaluée par l’EMIF-SEP (échelle de mesure de l’impact de la fatigue dans la SEP)FatigueEMIF-SEP (échelle de mesure de l’impact de la fatigue dans la SEP), traduction et adaptation culturelle de la FIS, sont corrélés significativement aux scores EDSS élevés [14]. Cependant la relation apparaît statistiquement significative uniquement entre les scores élevés de l’EDSS et les dimensions physique ou sociale de l’EMIF-SEP. Ainsi, il n’a pas été mis en évidence de corrélation entre la dimension cognitive de l’EMIF-SEP et l’EDSS [6].

L’intensité de la fatigue physique pourrait être un facteurfacteur prédictiffacteurprédictif du handicaphandicap, ce qui n’est pas le cas de la fatigue cognitive [15]. La relation entre la fatigue et les troubles des fonctions cognitives reste très controversée [[16][17][18][19][20][21][22][23][24] and [25]]. Une étude de Krupp et al. montre que la fatigue cognitive est liée à une diminution des performances cognitives, objectivée par une série de tests proposés à deux reprises aux patients atteints de SEP, entrecoupée d’une épreuve numérisée d’arithmétique nécessitant un effort intellectuel soutenu. Cette étude a montré une baisse des performances en mémoire immédiate et visuospatiale, ainsi qu’une baisse du raisonnement abstraitraisonnement abstrait chez les patients atteints de SEP alors que les sujets témoins amélioraient leurs scores. Concernant les scores de fatiguefatigue physiquephysiqueFatigue et mentalefatiguementalefatiguephysique et mentale, ils étaient majorés au cours des tests comparativement aux scores initiaux, et cela dans les deux groupes [19]. D’autres travaux ne retrouvent pas de relation entre la fatigue et le dysfonctionnement cognitif [[20][21] and [22]]. Bailey et al. ont étudié le lien entre la «fatiguefatigue cognitivefatiguecognitive» (correspondant à une diminution des performances au cours des tests) et la fatiguefatigue subjectivefatiguesubjective évaluée par des échelles de fatigue (FSS : Fatigue Severity ScalefatigueFSS : Fatigue Severity Scale), en soumettant une série de tests neuropsychologiques à des patients atteints de SEP anciennes avec un handicap sévère (EDSSEDSS = 7–8) comparés à une population contrôle. La fatigue subjective est évaluée au début et à la fin de chaque session de tests. Les scores de fatigue subjective se majorent au cours de chaque session dans les 2 groupes, mais de façon plus importante chez les patients SEP; en revanche, il n’est pas mis en évidence de corrélation entre les modifications des scores de fatigue subjective et la fatigue cognitive [20]. Parmenter et al. ont tenté une approche différente en évaluant les performances cognitives chez les mêmes patients SEP (EDSS moyen = 4,6 [1,[2][3] and [4]]) à deux périodes distinctes : l’une au cours de laquelle il existe une fatiguefatigue marquée objectivée à l’aide de deux échelles (FSS, FIS), puis une période où les scores de fatigue sont faibles. Il n’est pas retrouvé de différence significative des performances cognitives quels que soient les scores de fatigue [21].

Certaines études retrouvent des résultats discordants en fonction des échelles de fatigue utilisées, objectivant une relation significative entre les scores de fatigue cognitive et les scores de la FSS (p < 0,008), mais non avec les scores de la MFIS ou même avec la dimension cognitive de la MFIS [23]. Il faut souligner que la dimension cognitive de la MFIS évalue le retentissement de la fatigue sur le fonctionnement cognitif, qui est à différencier de la fatigue cognitive.

À l’opposé, la relation entre diminution des performances cognitives et fatigue est retrouvée dans de nombreux travaux, que ce soit en début de maladie ou au cours de l’évolution [17,24].

Une étude publiée en 2008, évaluant le lien entre la fatigue et la topographie des lésionslésions et de l’atrophieAtrophie cérébrale, retrouve une corrélation statistiquement significative entre les scores de fatigue et une partie de l’évaluation neuropsychologique portant sur l’attention, utilisant le SDMTSDMT (p = 0,003) et la PASAT (p = 0,025). Les auteurs suggèrent que la fatigue pourrait être liée aux perturbations des circuits neuronaux impliqués dans les processus attentionnels [25].

Citons également un autre travail ayant pour objectif de mesurer la fatigue cognitive en couplant la réalisation de tests neuropsychologiques et l’imagerieimagerie fonctionnelleIRMfonctionnelle. Les données d’imagerie objectivent une augmentation de l’activité cérébrale au niveau du cortexcortex orbitofrontal seul (si l’on considère la période d’une passation de test) ou associé aux aires pariétalespariétales et ganglions de la base (s’il est pris en compte plus d’une passation de tests) chez les patients atteints de SEP comparativement aux témoins [26].

La relation entre fatigue et cognition est donc difficile à étudier, se heurtant à des problèmes de définition, de conceptualisation de la fatigue mais également à des problèmes méthodologiques. Les résultats controversés dans la revue de la littérature peuvent s’expliquer par plusieurs raisons. La fatigue est multidimensionnelle et inclut une dimension cognitive qui peut être source d’ambiguïtés, mais se différencie de la fatigue cognitive, entité définie comme un déclin des performances après le maintien d’un effort mental soutenu.

Les échelles de fatigue utilisées sont différentes selon les études : certaines sont multidimensionnelles, d’autres unidimensionnelles; elles comprennent inconstamment une dimension cognitive comme la FIS ou la MFIS, qui évalue le retentissement de la fatigue sur le fonctionnement cognitif. Les batteries d’évaluation neuropsychologique utilisées sont également différentes selon les auteurs et parfois réduites à quelques tests nécessitant peu d’efforts intellectuels. Le faible nombre de patients inclus peut également représenter un facteur limitant la puissance de certaines études.

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Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 13. Facteurs confondants

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