Chapitre 11 Thérapie de soutien et dépression
La dépression est une affection fréquente puisque sa prévalence au cours de la vie est d’environ 12 à 20 % (Briffault et al., 2007 ; Gelenberg, 2010). Les femmes présentent un risque deux fois plus élevé que les hommes de souffrir d’un épisode dépressif majeur. Une personne sur sept, environ, connaît un épisode dépressif au cours de son existence. Les principaux signes cliniques en sont la tristesse dont l’intensité peut faire parler de désespoir et conduire au suicide, la diminution du sentiment de plaisir et l’angoisse. À cela s’associe tout un cortège des symptômes physiques et cognitifs. La maladie dépressive est souvent difficile à reconnaître puis à accepter par les patients ; nombre d’entre eux sont réticents, souvent par crainte de la stigmatisation, à tolérer le diagnostic et à entreprendre un traitement.
La prise en charge psychothérapeutique ambulatoire d’un patient souffrant de dépression est établie et documentée dans des domaines théoriques bien précis. En particulier, l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales a été très étudiée (Scott, 1996). Elles sont en pratique difficiles à mettre en œuvre chez des patients qui consultent pour la première fois dans le cadre d’un trouble psychiatrique et ne conviennent pas à tous les individus.
À l’heure actuelle, tout un panel de psychothérapies peut être à la disposition des patients : psychodynamiques, interpersonnelles, humanistes, cognitivo-comportementales, mais des patients qui rencontrent souvent la maladie psychique pour la première fois n’ont pas, sinon peu, les moyens de choisir de s’engager dans un type bien spécifique de psychothérapie.
En outre, plusieurs recommandations préconisent la prise en charge par une psychothérapie, en première intention, pour les épisodes dépressifs d’intensité légère, ou en accompagnement de la prescription d’un antidépresseur pour les épisodes dépressifs plus sévères. Il est précisé que les psychothérapies qui ont davantage fait la preuve de leur efficacité sont les thérapies de soutien, cognitivo-comportementales et interpersonnelles (HAS, 2002). Pourtant, la psychothérapie de soutien de la dépression, loin d’être codifiée, se définit plus par défaut que comme une prise en charge à part entière.
Selon Markowitz (2008), avant d’initier un traitement pour une dépression, qu’il soit biologique au sens large ou médicamenteux, il convient de se poser toute une série de questions : quelle est la préférence du patient ? Quelle la sévérité des symptômes ? Existe-t-il des contre-indications aux traitements pharmacologiques ? Quel est l’historique des traitements antérieurs ? Quel est le contexte psychosocial et existe-t-il une situation de crise ? Il insiste aussi sur l’essor récent de la pratique de la psychothérapie de soutien aux États-Unis, lié selon lui à l’émergence de l’enseignement spécifique de la psychothérapie de soutien et à la parution de quelques manuels cliniques (Hellerstein et Markowitz, 2008).
Ainsi, la psychothérapie de soutien peut devenir un choix spécifique et non un choix par défaut.
Une étude récemment menée sur la comparaison de l’efficacité de l’ajout d’une psychothérapie de soutien ou d’une psychothérapie spécifiquement dédiée aux dépressions chroniques (CBASP – Cognitive Behavioral Analysis System of Psychotherapy) (McCullough, 2000) à une prise en charge médicamenteuse pour des patients souffrant de dépression chronique n’a pas retrouvé de supériorité de cette dernière (Kocsis et al., 2009).
Nous nous intéresserons ici à la prise en charge de la dépression au sens d’épisode dépressif majeur, c’est-à-dire caractérisé. Même si cette distinction a été bannie des classifications, il semble bien exister deux types de dépression : certaines clairement réactionnelles et leur issue à court terme reste dépendante de l’évolution de la situation du sujet. D’autres, appelées endogènes, pour lesquelles il peut être très difficile de retrouver un facteur précipitant. Il nous semble primordial que le diagnostic soit établi avec rigueur, qu’il ne soit pas le diagnostic « fourre-tout » de tout mal-être, si chronique soit-il. L’épisode dépressif majeur est une maladie s’exprimant par une symptomatologie psychique, émotionnelle, cognitive et physique. Il ne saurait englober toutes les souffrances morales. Il faut s’attacher à ce qu’une dépression ne devienne pas une identité, « Je suis dépressif », en expliquant au patient qu’il s’agit d’un état transitoire dont l’issue la plus courante est la guérison.
Quelle place pour la psychothérapie de soutien dans la dépression ?
Selon Sacks (2002), dans une proposition de manuel de traitement, les « ingrédients » communs et non spécifiques de la psychothérapie de soutien sont fondés sur l’empathie, l’écoute attentive, l’expression des émotions, une vision optimiste de l’avenir et des encouragements réguliers. Le thérapeute doit s’efforcer de ne porter aucun jugement.
• comprendre que l’ensemble des symptômes présentés par le patient fait partie de la maladie dépressive ;
• explorer les représentations que le patient se fait de la dépression, les explications qu’il a lui-même forgées, les significations qu’il donne à son mal-être ;
• aider le patient à tolérer et accepter sa dépression pour diminuer l’anxiété, limiter les sentiments de honte et de culpabilité si souvent présents ;
• appréhender les possibles origines de l’épisode dépressif, dans les événements de vie mais aussi dans la personnalité du patient ;
• donner au patient un espace dans lequel il pourra s’exprimer, évoluer, se confier, loin de tout jugement, jugement parfois si présent et si douloureux dans le milieu familial, amical ou professionnel.
On peut aussi réfléchir à ce que la psychothérapie de soutien doit s’efforcer de ne pas être, un espace de « coaching » et de conseils. En effet, il semble important que le patient, avec l’aide du thérapeute, puisse trouver ses propres réponses sans que celles-ci lui soient imposées ou dictées.
Comment conduire une psychothérapie de soutien pour des patients souffrant de dépression ?
Première étape : qu’est-ce qu’une dépression ? Éducation sur la maladie dépressive
Une première partie de la prise en charge psychothérapeutique consiste en une « éducation » à propos de la maladie dépressive ; on parle de psycho-éducation. Les objectifs en sont multiples, directs et indirects.
Le psychothérapeute connaît bien les symptômes dépressifs mais le patient les subit, accablé par tous ses maux envahissants et sources de ruminations. Une brève explication sur les symptômes dépressifs tant émotionnels (tristesse, culpabilité, anhédonie, autodévalorisation) que physiques (altération du sommeil, ralentissement physique, modification de l’appétit) ou cognitifs (altération de la mémoire et de la concentration) peut aider le patient à mieux les tolérer et à ne pas se lancer dans un combat effréné et épuisant contre la dépression. Il est nécessaire, pendant un temps, que le patient accepte et tolère que ses performances physiques et intellectuelles ne soient pas à leur niveau habituel, et ce pour éviter l’aggravation du sentiment d’incapacité et d’autodévalorisation. Le patient doit s’accorder le droit d’être déprimé.