Chapitre 11 Rétine et épithélium pigmentaire
Topographie
1. L’EPR est une couche pigmentée dérivée de la partie externe de la cupule optique.
2. La rétine neurosensorielle est une couche délicate et transparente dérivée de la partie interne de la cupule optique.
Rétine neurosensorielle
La topographie de la rétine est variable selon les régions tant au niveau de la structure des neurones que de la vascularisation. La rétine neurosensorielle possède 9 couches (fig. 11-1). En partant du vitré et en progressant vers la choroïde, on retrouve :
1. la limitante interne (LI), une vraie membrane basale synthétisée par les cellules de Müller
2. la couche des fibres optiques
3. la couche des cellules ganglionnaires
4. la couche plexiforme interne
5. la couche nucléaire interne
6. la couche plexiforme externe
7. la couche nucléaire externe (noyaux des photorécepteurs)
8. la membrane limitante externe (qui n’est pas une vraie membrane mais plutôt une membrane apparente formée par une série de desmosomes entre les cellules de Müller et les photorécepteurs)
9. la couche des photorécepteurs (portions interne et externe) des cônes et des bâtonnets
Figure 11-1 Couches normales de la rétine. Du vitré vers la rétine : MLI = membrane limitante interne, CFO = couche des fibres optiques, CCG = couche des cellules ganglionnaires, CPI = couche plexiforme interne, CNI = couche nucléaire interne, CPE = couche plexiforme externe, CNE = couche nucléaire externe, P = phototrécepteurs (segments interne et externe) des cônes et bâtonnets. EPR = épithélium pigmentaire rétinien. La membrane limitante externe n’est pas visible dans cette figure.
(Remerciements au Dr Robert H. Rosa, Jr.)
La vascularisation de la rétine provient de deux sources, avec une ligne de partage dans la couche nucléaire interne. La circulation rétinienne vascularise la couche des fibres optiques, la couche ganglionnaire, la plexiforme interne et les deux tiers internes de la couche nucléaire interne. La vascularisation choroïdienne prend en charge le tiers interne de la couche nucléaire interne, la plexiforme externe, la couche nucléaire externe, les photorécepteurs et l’EPR. En raison de cette origine différente de la vascularisation de la rétine, les lésions vasculaires ischémiques de la choroïde et de la rétine produisent différentes lésions histologiques. L’ischémie de la rétine (via la circulation rétinienne) produit une atrophie interne de la rétine (voir fig. 11-13), alors que l’ischémie choroïdienne produit une atrophie des couches externes de la rétine (voir fig. 11-12).
Sur le plan histologique, le terme de macula fait référence à la portion de rétine où la couche des cellules ganglionnaires est plus épaisse qu’une seule couche monocellulaire (fig. 11-2). Cliniquement, cette zone correspond approximativement à la rétine entourée par les arcades vasculaires supérieure et inférieure. La macula est subdivisée en fovéola, fovéa, parafovéa et périfovéa. Seules les cellules photoréceptrices apparaissent au centre de la fovéola ; les cellules ganglionnaires, les autres cellules nucléées (y compris les cellules de Müller) et les vaisseaux y sont absents. La concentration de cônes est plus importante dans la macula que dans le reste de la rétine et seuls les cônes sont présents au niveau de la fovéa.
Figure 11-2 A. La macula normale est identifiée en histologie par une couche épaisse, multinucléée, de cellules ganglionnaires et une zone d’amincissement localisé, la fovéa. Noter la couche des fibres optiques (tête de flèche) dans la région nasale de la macula et l’orientation oblique de la couche des fibres nerveuses de Henle (couche plexiforme externe, astérisque). Cliniquement, la macula se situe entre les arcades vasculaires supérieure et inférieure. B. SD-OCT (spectral domain optical coherence tomography) de la macula montrant in vivo l’aspect histologique avec force détails de l’architecture lamellaire de la rétine. Noter la couche des fibres optiques (tête de flèche) dans la région nasale maculaire, la couche des fibres nerveuses de Henle (couche plexiforme externe, astérisque) et la membrane limitante externe (flèche). C. Dans la région de la fovéola, la couche cellulaire interne est absente, avec une densité de pigment plus importante au niveau de l’EPR. Noter la membrane limitante externe (MLE). La lumière incidente tombe directement sur les segments externes des photorécepteurs, réduisant la possibilité de distorsion de la lumière par les tissus sus-jacents.
(Partie B : remerciements au Dr Robert H. Rosa, Jr.)
Les fibres optiques dans la couche plexiforme externe (couche des fibres nerveuses de Henle) de la macula se dirigent obliquement (fig. 11-2A). Cette caractéristique morphologique explique l’apparence en pétale de fleur de l’œdème maculaire cystoïde observée en angiographie à la fluorescéine. Le pigment xanthophyle donne à la macula son aspect jaune cliniquement (macula lutéa), mais le pigment xanthophyle se dissout pendant la préparation des coupes histologiques et n’est pas présent sur ces coupes.
Épithélium pigmentaire rétinien
• métabolisme de la vitamine A ;
• maintien de la barrière hématorétinienne externe ;
• phagocytose de la portion externe des photorécepteurs ;
• formation de la lame basale de la partie interne de la membrane de Bruch ;
• production de la matrice de mucopolysaccharides qui entoure la portion externe des photorécepteurs ;
• transport actif de substance à travers l’espace sous-rétinien.
Anomalies congénitales
Albinisme
Albinisme est un terme général qui fait référence à une diminution congénitale de la pigmentation cutanée et des yeux, ou des yeux seuls. Cette maladie résulte de mutations génétiques induisant des anomalies dans la biosynthèse de la mélanine. Le vrai albinisme a été subdivisé en albinisme oculocutané et albinisme oculaire. Cette distinction est assez utile en clinique, mais en réalité tous les albinismes oculaires ont un certain degré d’atteinte cutanée. Il y a une différence physiopathologique entre les deux types. Dans l’albinisme oculocutané, la transmission est autosomique récessive et la quantité de mélanine dans chaque mélanosome est réduite, alors que l’albinisme oculaire est généralement récessif lié à l’X, et c’est le nombre de mélanosomes qui est ici réduit (fig. 11-3). Voir la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus (Ophtalmologie pédiatrique et strabisme), et la Section 12, Retina and Vitreous (Rétine et vitré) pour plus de détails.
Figure 11-3 Albinisime. A. Transillumination de l’iris. B. Hypopigmentation du fond d’œil. C. Microphotographie de coupes histologiques montrant la diminution de la pigmentation de l’épithélium pigmentaire de l’iris (mélanosomes plus petits), permettant de visualiser le noyau (flèche). Aucune pigmentation n’est présente dans le stroma de l’iris (astérisque). D. Microphotographie de coupes histologiques montrant l’EPR et la choroïde d’un œil albinos. Noter la distribution apicale des granules de mélanine et la diminution diffuse de la pigmentation de l’EPR (flèche), de rares mélanosomes géants au sein de l’EPR (tête de flèche) et le manque de pigmentation marquée dans le stroma choroïdien (astérisque).
(Parties A et B : remerciements au Dr Robert H. Rosa, Jr ; parties C et D : remerciements au Dr Tatyana Milman et au Dr Ralph C. Eagle, Jr.)
Anomalies vasculaires
Il y a de nombreuses anomalies congénitales de la vascularisation rétinienne, incluant les hémangiomes capillaires et les hémangiomes caverneux, les télangiectasies parafovéolaires et la maladie de Coats. La plupart de ces anomalies sont décrites dans la Section 12 du BCSC, Retina and Vitreous (Rétine et vitré). Dans la maladie de Coats, un décollement de rétine exsudatif apparaît lié à une transsudation des malformations vasculaires à la périphérie rétinienne, incluant vaisseaux télangiectasiques, microanévrismes et dilatations sacculaires des vaisseaux rétiniens (fig. 11-4). En histologie, le décollement de rétine secondaire à la maladie de Coats est caractérisé par la présence de macrophages spumeux et de cristaux de cholestérol dans l’espace sous-rétinien.
Figure 11-4 A. Leucocorie liée à une maladie de Coats. B. Décollement de rétine total dans une maladie de Coats. Noter le liquide sous-rétinien protéique et épais (astérisque). C. Vaisseaux télangiectasiques (astérisque) et macrophages spumeux (tête de flèche) typiques de la maladie de Coats. D. Fort grossissement des exsudats sous-rétiniens montrant des macrophages chargés de lipides et de pigments (flèches) et des cristaux de cholestérols (têtes de flèche).
(Parties A–C : remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus ; parte D : remerciements au Dr George J. Harocopos.)
Hypertrophie congénitale de l’EPR
L’hypertrophie congénitale de l’EPR est une lésion congénitale assez courante, caractérisée par une lésion très pigmentée, plate, de taille variant de quelques millimètres à un peu moins de 10 mm de diamètre (voir chapitre 17, fig. 17-10). Fréquemment, une lacune centrale et une zone périphérique de pigmentation moins dense apparaissent au sein de la lésion. La lésion est caractérisée en histologie par des cellules de l’EPR élargies, des granules de mélanine sphériques densément regroupées et plus grandes que la normale (fig. 11-5). Cette lésion congénitale bénigne est généralement facile à distinguer d’un nævus choroïdien ou d’un mélanome sur le simple aspect ophtalmoscopique. Un adénome ou un adénocarcinome de l’EPR peut se développer, dans de très rares cas, sur des zones d’hyperplasie de l’EPR. Des lésions ressemblant à des hyperplasies de l’EPR peuvent être présentes dans le syndrome de Gardner, ou l’adénomatose poplypoïde familiale. L’étude histologique des anomalies de l’EPR dans le syndrome de Gardner montre que celles-ci sont plus des hyperplasies de l’EPR que des hypertrophies. Les modifications de l’EPR dans le syndrome de Gardner sont plutôt à définir comme des hamartomes, en lien avec la perte de régulation du contrôle de la croissance cellulaire qui fait le lit des autres atteintes des parties molles dans ce syndrome.
Figure 11-5 Dans l’hypertrophie congénitale de l’EPR, les cellules de l’EPR sont plus grandes que la normale et contiennent des granulations de mélanine denses (flèches). Pour les images cliniques voir au chapitre 17 la fig. 17-10.
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)
Inflammations
Inflammations infectieuses
Virus
De nombreux virus peuvent entraîner des infections de la rétine, incluant les virus de la rougeole, de la rubéole, le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’herpès simplex virus (HSV), le virus varicelle-zona (VZV) et le cytomégalovirus (CMV). Les deux principales présentations cliniques des infections virales rétiniennes sont le syndrome de nécrose rétinienne aiguë (ou ARN syndrome) et la rétinite à CMV.
La nécrose rétinienne aiguë est une rétinite nécrosante rapidement progressive liée à l’infection par le HSV de type 1 ou 2, le VZV et, dans des cas plus rares, le CMV. L’ARN syndrome peut survenir chez des personnes sans maladie particulière ou chez des personnes immunodéprimées. L’examen histologique montre une inflammation dans le vitré et la chambre antérieure, avec une vascularite occlusive majeure et une nécrose de la rétine (fig. 11-6A). La microscopie électronique montre la présence d’inclusions virales dans les cellules rétiniennes (fig. 11-6B). La polymerase chain reaction (PCR ; réaction de polymérisation en chaîne) du vitré ou de l’humeur aqueuse peut être utilisée pour rapidement identifier la nature virale de l’infection sans recourir à d’autres techniques diagnostiques comme la culture virale, l’analyse des anticorps intraoculaires ou l’immunohistochimie.
Figure 11-6 A. La nécrose rétinienne aiguë se caractérise par une nécrose de toute l’épaisseur de la rétine (entre les flèches). B. En microscopie électronique, on retrouve des particules virales (flèches) au sein des cellules rétiniennes.
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus, MD.)
La rétinite à CMV est une infection opportuniste qui survient chez des sujets immunodéprimés, en particulier chez les patients atteints de sida (fig. 11-7). Cette infection est caractérisée histologiquement par une nécrose de la rétine qui conduit à une fine cicatrice fibrogliale en cicatrisant. Les lésions aiguës montrent de grands neurones (20 à 30 μm) qui contiennent de grandes inclusions intranucléaires ou intracytoplasmiques éosinophiles. Au niveau cellulaire, le CMV peut infecter les cellules de l’endothélium vasculaire, les neurones de la rétine et les macrophages.
Figure 11-7 A. Rétinite et papillite à CMV. Des hémorragies intrarétiniennes et des zones de rétine opaque sont présentes en nasal de la papille. Noter l’importance de l’œdème papillaire et péripaillaire ainsi que les nodules cotonneux en temporal du nerf optique. B. En histologie, nécrose rétinienne de pleine épaisseur, cellules cytomégaliques, et inclusions intranucléaires (têtes de flèche) et/ou cytoplasmiques.
(Partie A : remerciements au Dr R. Doug Davis ; partie B : remerciements au Dr Robert H. Rosa, Jr.)
Bactéries
Voir la discussion sur l’endophtalmie au chapitre 10 et la Section 9 du BCSC, Intraocular Inflammation and Uveitis (Inflammation intraoculaire et uvéite).
Champignons
Les infections fongiques de la rétine sont rares, survenant presque exclusivement chez les patients immunodéprimés (ou des patients usagers de drogues, pas forcément immunodéprimés*) suite à une fongémie. Ces infections commencent par un ou plusieurs foyers d’infection choroïdienne ou rétinienne (fig. 11-8). L’espèce de champignon la plus fréquente est Candida (en particulier Candida albicans*). Des agents beaucoup plus rares sont Aspergillus et Cryptococcus neoformans.
Figure 11-8 A. Infiltrat vitréen, rétinien et choroïdien chez un patient avec une choriorétinite fongique. B. Infiltration granulomateuse entourant la zone de nécrose centrale (astérisque). C. Coupe parallèle à B colorée au nitrate d’argent (Gomori) montrant de nombreux filaments champignon (coloration noire).
(Remerciements au Dr David J. Wilson.)
Toxoplasmose
La toxoplasmose oculaire est l’infection rétinienne la plus fréquente. Elle peut survenir à la suite d’une réactivation d’une infection congénitale ou résulter d’une infection acquise par le parasite Toxoplasma gondii chez des sujets en bonne santé ou immunodéprimés. Chez les personnes présentant une rechute par réactivation, la toxoplasmose se présente en général comme une uvéite postérieure ou une panuvéite avec une hyalite marquée et un foyer rétinochoroïdien au voisinage d’une cicatrice pigmentée. L’absence de cicatrice préexistante suggère une infection récemment acquise. L’examen microscopique d’une choriorétinite toxoplasmique retrouve une nécrose de la rétine, avec un infiltrat majeur de neutrophiles et de lymphocytes, et des parasites Toxoplasma sous forme de kystes ou de tachyzoïtes (fig. 11-9). Il y a généralement une infiltration lymphocytaire importante du vitré et du segment antérieur et, assez fréquemment, une inflammation granulomateuse dans la choroïde interne. La guérison permet une disparition de l’infiltrat inflammatoire avec un enkystement du parasite dans la rétine adjacente à la cicatrice choriorétinienne.
Figure 11-9 A. Cicatrices choriorétiniennes avec pigmentation (double flèche) typique d’une infection préexistante par la toxoplasmose. Une rétinite active (tête de flèche) et un feutrage périvasculaire (flèche) sont présents. B. Kystes (flèche) et organismes relargués (tachyzoïtes, tête de flèche) au sein d’une toxoplasmose active.
(Remerciements au Dr Hans E. Grossniklaus.)
Maladies dégénératives
Dégénérescence cystoïde périphérique et rétinoschisis typiques et réticulés
La dégénérescence cystoïde périphérique typique est retrouvée dans tous les yeux des personnes de plus de 20 ans. Dans cette affection, les espaces kystiques se développent dans la couche plexiforme externe. La dégénérescence cystoïde périphérique réticulée est moins fréquente. Dans cette affection, les espaces kystiques se développent dans la couche des fibres optiques. Elle survient de façon plus postérieure que la dégénérescence cystoïde périphérique (fig. 11-10). La coalescence des espaces kystiques dans la dégénérescence cystoïde périphérique typique forme le rétinoschisis dégénératif typique qui est habituellement localisé en temporal inférieur. Dans le rétinoschisis dégénératif réticulé, la séparation se trouve entre la couche des fibres optiques et le reste de la rétine.
Figure 11-10 Dégénérescence rétinienne. Dégénérescence périphérique cystoïde typique avec des espaces kystiques dans la couche plexiforme externe (astérisque) en bas et à gauche (rétine antérieure). En bas et à droite (rétine postérieure), une dégénérescence périphérique réticulée cystoïde (flèche) est présente.
Dégénérescence palissadique
La dégénérescence palissadique de la rétine (lattice degeneration) est une affection parfois familiale (fig. 11-11). On la retrouve chez plus de 10 % de la population générale, mais seul un petit nombre de personnes vont développer un décollement de rétine. À l’inverse, la dégénérescence palissadique est retrouvée dans plus de 40 % de l’ensemble des décollements de rétine rhegmatogènes. Les principaux aspects histologiques de cette affection sont :
• la discontinuité de la limitante interne de la rétine ;
• une poche de vitré liquéfié au-dessus de la lésion ;
• une sclérose des vaisseaux rétiniens qui restent physiologiquement présents ;
• une condensation et une adhérence du vitré au bord de la lésion ;
• des degrés variables d’atrophie des couches internes de la rétine.
Figure 11-11 Dégénérescence rétinienne palissadique. A. La dégénérescence rétinienne palissadique peut se présenter comme une sclérose vasculaire importante (flèches) dans une forme de palissade ou de panier tressé. La présentation clinique a de nombreuses variantes. B. Le vitré au-dessus de la palissade est liquéfié (astérisque), mais le vitré normal reste adhérent aux bords de la zone de dégénérescence (têtes de flèche). La membrane limitante interne est discontinue et les couches de la rétine interne atrophiques.
De fait, des trous atrophiques se développent souvent au centre de la lésion. Ils sont rarement la cause d’un décollement de la rétine car le vitré est liquéfié en regard de la zone de palissade et donc n’exerce pas de traction. Le décollement de rétine associé à la palissade est plutôt lié à l’adhérence du vitré sur les bords de la palissade, provoquant une déchirure rétinienne et un décollement de rétine. La dégénérescence palissadique radiaire a le même aspect histologique, mais survient plus en postérieur le long d’un trajet vasculaire.
Dégénérescence pavimenteuse
Contrairement à l’occlusion vasculaire rétinienne qui induit une ischémie de la rétine interne, l’occlusion de la choriocapillaire peut produire une perte de la rétine externe. Ce type d’atrophie s’appelle dégénérescence pavimenteuse ; il est très courant en rétine périphérique. Les lésions plates, bien circonscrites, pâles que l’on voit cliniquement correspondent à des zones d’atrophie de la rétine externe et de l’EPR, avec adhérence de la couche interne des noyaux à la membrane de Bruch (fig. 11-12).
Figure 11-12 A. La dégénérescence pavimenteuse apparaît comme des zones dépigmentées (flèches) à la périphérie de la rétine proche de l’ora serrata. B. En histologie, la dégénérescence pavimenteuse consiste en une atrophie des éléments de la rétine externe et une adhérence choriorétinienne au niveau de la rétine interne restante. Des bords nets (têtes de flèche) existent entre la rétine normale et atrophique correspondant à l’apparence clinique de pavés.
Ischémie
Réponses cellulaires
Les neurones de la rétine sont très actifs sur le plan métabolique, ce qui demande de base, par gramme de tissus, un taux élevé d’oxygène pour produire de l’ATP (adénosine triphosphate) (voir aussi la Section 2 du BCSC : Fundamentals and Principles of Ophthalmology [Principes et fondements de l’ophtalmologie], partie IV, « Biochimie et métabolisme »). Cela les rend très sensibles à toute interruption du flux sanguin. Lors d’une hypoxie prolongée (plus de 90 minutes selon les études expérimentales), les cellules neuronales deviennent pycnotiques ; elles sont rapidement phagocytées et disparaissent. L’étendue et la localisation de la zone de rétine atrophique résultant de l’ischémie dépendent de la taille du vaisseau occlus et si c’est un vaisseau rétinien ou choroïdien. Comme décrit plus haut, la vascularisation de la rétine est assurée pour la partie externe par la choroïde et pour la partie interne par la rétine. L’occlusion des artères induit une atrophie de la partie interne de la rétine (fig. 11-13). L’occlusion de la circulation choroïdienne induit, quant à elle, une atrophie de l’EPR et de la rétine externe (fig. 11-14).
Figure 11-13 Ischémie rétinienne interne. Les noyaux des photorécepteurs (couche nucléaire externe [CNE]) et la portion externe de la couche nucléaire interne (CNI) sont identifiables. La portion interne de la couche nucléaire interne est absente. Il n’y a plus de cellules ganglionnaires, et la couche des fibres optiques est absente. Cet aspect d’ischémie correspond à la circulation artériolaire rétinienne et peut être observé dans les ischémies liées à l’occlusion des artérioles et des veinules.
Figure 11-14 En débutant au bord droit de la photographie et en suivant les cellules ganglionnaires et la couche nucléaire interne vers la gauche, on voit dans ce cas une perte de la couche des noyaux des photorécepteurs (couche nucléaire externe, flèche), les segments externe et interne des photorécepteurs et l’EPR (tête de flèche). Cet aspect d’atrophie de la rétine externe est lié à l’occlusion de la circulation choroïdienne. Comparer avec la fig. 11-13.
Les neurones de la rétine n’ont aucune capacité de régénération après une ischémie. Après une ischémie des fibres nerveuses des cellules ganglionnaires, des corps cystoïdes (gonflement des axones) deviennent apparents histologiquement (fig. 11-15). Ceux-ci sont associés à une accumulation de matériel axoplasmique présent dans les ischémies des fibres optiques. Les nodules cotonneux sont cliniquement corrélés à une ischémie de la couche des fibres optiques et disparaissent spontanément en 4 à 12 semaines, laissant une zone d’atrophie ischémique interne.