11 Psychopathologie du jeu
Généralités
Classification des jeux
Les classifications des jeux sont très nombreuses selon qu’elles s’attachent à décrire le point de vue social ou culturel, développemental ou structurel, etc.
les jeux d’exercice, caractéristiques de la période sensori-motrice, allant de la naissance à 2 ans environ. À partir de réactions circulaires primaires (utilisation spontanée des capacités et des fonctions à mesure qu’elles apparaissent), puis secondaires, le bébé cherche grâce au jeu sensori-moteur à harmoniser progressivement les actes aux informations nouvelles reçues, et à incorporer ces informations au « savoir comment » et aux moyens de classification (cf. chap. 2, Le développement cognitif selon J. Piaget) ;
les jeux symboliques, entre 2 ans et 7–8 ans, ajoutent à l’exercice lui-même la dimension du symbolisme et de la fiction, c’est-à-dire la capacité de représenter par des gestes une réalité non actuelle. L’exemple typique est le jeu du semblant, de faire « comme si ». Selon Piaget, le jeu symbolique organise la pensée de l’enfant à un stade où le langage n’a pas encore atteint la maîtrise suffisante, il permet la manipulation et même la production d’images mentales au cours desquelles, grâce à la répétition, l’enfant assimile les situations nouvelles ;
les jeux de règles enfin, d’abord comme imitation du jeu des aînés, puis s’organisant spontanément à partir de 7–8 ans, marquent la socialisation de l’enfant. Alors que les jeux précédents tendent à décroître avec l’âge, les jeux de règles, au contraire, augmentent de fréquence, montrant bien l’importance des relations et du code social.
R. Caillois propose une classification structurelle des jeux selon un double axe :
le premier axe est représenté par un facteur d’ordre, de codification allant ainsi du jeu d’improvisation libre, d’épanouissement insouciant qu’il dénomme paidia, au jeu réglé, rigoureux qui demande patience, effort ou adresse, et qu’il nomme ludus. Il n’est pas loin ici de l’opposition anglo-saxonne entre le « play » et le « game » que le français traduit par le même substantif : « jeu » ;
le second axe s’attache à décrire la structure même des jeux selon quatre composantes fondamentales :
Apport psychanalytique
De son côté Mélanie Klein centre immédiatement son intérêt sur le jeu qui, selon elle, occupe dans l’analyse de l’enfant la même place que le rêve dans l’analyse d’adulte. Comme le rêve, le jeu permet une satisfaction substitutive des désirs, mais son rôle ne s’arrête pas là : grâce aux mécanismes de clivage et de projection, le jeu permet d’évacuer par l’intermédiaire de la personnification la charge d’angoisse suscitée par le conflit intrapsychique, qu’il s’agisse d’un conflit intersystématique (par exemple entre un Surmoi archaïque et le Ça), d’un conflit entre deux images intériorisées clivées (bon sein–mauvais sein) ou d’un conflit entre deux niveaux de relations intériorisées (images prégénitales et images œdipiennes). La projection de ces conflits et de l’angoisse qui les accompagne sur la réalité extérieure représentée dans le jeu permet à la fois une meilleure maîtrise de cette réalité et un apaisement de l’angoisse interne. Ainsi « le jeu transforme l’angoisse de l’enfant normal en plaisir ».