Chapitre 11 Pathologie tumorale du larynx et de l’hypopharynx
Aspect post-thérapeutique
Les carcinomes du larynx et de l’hypopharynx peuvent être traités par chirurgie partielle, chirurgie totale, radiothérapie exclusive ou adjuvante, en fonction de leur localisation et de leur extension. La surveillance des patients traités pour une lésion du larynx et de l’hypopharynx est fondamentale afin de détecter précocement une éventuelle récidive tumorale. L’évaluation postopératoire s’appuie sur l’examen clinique, la laryngoscopie indirecte et l’imagerie. Une lésion tumorale ayant fréquemment un développement sous-muqueux, une récidive locale après chirurgie pharyngo-laryngée peut être de ce fait difficile à détecter en laryngoscopie indirecte. L’étude en imagerie permet de détecter ce type de récurrence [1, 2] particulièrement en tomodensitométrie (TDM), technique de choix pour l’analyse de cette région, comme illustré dans le chapitre précédent. Il est donc fondamental de savoir reconnaître en imagerie les principaux types de chirurgie employés et leur aspect caractéristique en TDM, ainsi que les aspects habituels rencontrés après radiothérapie, afin de savoir différencier un aspect post-thérapeutique habituel d’une récidive tumorale. Dans ce chapitre, nous étudierons successivement l’aspect postopératoire observé en tomodensitométrie après laryngectomie partielle, laryngectomie totale et pharyngo-laryngectomie, ainsi que les aspects observés après radiothérapie.
Aspect postopératoire
Laryngectomie partielle
Certains cartilages laryngés sont indispensables à la préservation de la fonction de phonation. C’est pourquoi l’intégrité du cartilage cricoïde est une condition nécessaire et indispensable pour poser l’indication d’une chirurgie partielle du larynx. Quelle que soit la technique chirurgicale conservatrice employée, le cartilage cricoïde et au moins un des cartilages aryténoïdes doivent être conservés afin de préserver la fonctionnalité du larynx. Les cornes inférieures du cartilage thyroïde sont fréquemment épargnées afin de ne pas risquer de léser le nerf laryngé inférieur, essentiel pour la préservation de la fonctionnalité du muscle crico-aryténoïdien qui permet d’assurer une phonation correcte [1–3].
Les principales techniques de chirurgie partielle du larynx regroupent pour l’étage glottique la cordectomie, la laryngectomie frontolatérale, la laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie ou intervention de Tucker et la laryngectomie horizontale avec crico-hyoïdo-épiglottopexie (CHEP) ; pour l’étage sus-glottique, la laryngectomie horizontale avec crico-hyoïdo-pexie (CHP) et la laryngectomie horizontale sus-glottique [3], ainsi que l’hémi-pharyngo-laryngectomie sus-glottique et l’hémi-pharyngo-laryngectomie sus-cricoïdienne, ces deux techniques étant également proposées pour la prise en charge des tumeurs pharyngées.
Afin de pouvoir reconnaître et distinguer les principales techniques de laryngectomie partielle pratiquées et les différents types de reconstruction utilisés, trois coupes de référence en TDM sont utiles à analyser (fig. 11-1) :
Étage glottique
Cordectomie au laser
Actuellement, la cordectomie par traitement endoscopique au laser a remplacé la cordectomie par voie externe [4–7]. Le taux de contrôle local est de l’ordre de 95 % [8]. L’indication principale est le cancer T1a du pli vocal limité au tiers moyen sans extension à la commissure antérieure ni à l’aryténoïde et avec conservation d’une mobilité laryngée parfaite.
Ce type d’intervention n’intéressant que l’étage glottique, la section TDM intermédiaire passant par les plis vocaux est la seule à présenter des modifications comparativement à un larynx normal non opéré. L’aspect postopératoire observé en TDM après cordectomie laser varie en fonction du type de cordectomie pratiqué (classification en six types selon l’étendue de la résection). En cas de cordectomie de type I (sous-épithéliale) ou II (sous-ligamentaire), l’étage glottique présente, en TDM, un aspect postopératoire identique à celui d’un larynx normal non opéré. À partir du type III (cordectomie transmusculaire), le larynx présente des modifications en TDM sous forme d’une asymétrie du plan vocal avec amputation partielle ou totale du pli vocal du côté opéré (fig. 11-2a). Une coupe coronale passant par le plan glottique est également utile pour visualiser l’asymétrie à cet étage (fig. 11-2b). Une condensation du cartilage thyroïde en regard de la zone traitée par cordectomie laser peut être observée (fig. 11-2). Cette condensation s’explique par le contact intime avec le périchondre interne du cartilage thyroïde en cas de cordectomie de type III, et par la résection du périchondre interne en cas de cordectomie totale ou étendue.
Laryngectomie frontolatérale
Cette intervention s’adresse aux tumeurs des deux tiers antérieurs du pli vocal sans envahissement de la commissure antérieure. Le ventricule et le pli vestibulaire doivent être sains [3]. L’exérèse comprend la partie médiane et antérieure du cartilage thyroïde, le pli vocal atteint dans sa totalité, le tiers antérieur du pli vocal controlatéral, la commissure antérieure et l’apophyse vocale du cartilage aryténoïde du côté atteint (fig. 11-3a). C’est l’étude du plan de coupe intermédiaire qui reste le plus informatif pour différencier ce type de chirurgie, notamment d’une intervention de Tucker (fig. 11-3b). Les ailes thyroïdiennes sont ensuite rapprochées en avant après fixation antérieure du pied de l’épiglotte. Il se constitue fréquemment une synéchie en regard de la commissure antérieure ou de la sous-glotte (fig. 11-4). Cet aspect peut être difficile à différencier d’une récidive tumorale et nécessite la corrélation systématique à l’examen clinique et à une éventuelle biopsie.
Fig. 11-3 Schéma (a) et coupe axiale TDM (b) passant par le plan glottique après laryngectomie frontolatérale.
Absence du pli vocal gauche et du tiers antérieur du pli vocal droit.
(d’après J-J Piquet)
Laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie (intervention de Tucker)
Cette technique chirurgicale [3, 9, 10] concerne les cancers glottiques unilatéraux mobiles atteignant la commissure antérieure ainsi que les cancers glottiques bilatéraux superficiels.
Au cours de cette technique, comme en cas de laryngectomie frontolatérale, la totalité du pli vocal atteint est réséqué. Les deux principales différences avec la technique de laryngectomie frontolatérale sont l’importance de la résection du pli vocal controlatéral et du cartilage thyroïde. En cas de laryngectomie frontale antérieure, l’exérèse du pli vocal controlatéral est beaucoup plus étendue, intéressant les deux tiers antérieurs du pli vocal controlatéral à la lésion alors que seul le tiers antérieur est réséqué en cas de laryngectomie frontolatérale. Cette différence est bien observée sur la coupe intermédiaire passant par les aryténoïdes dans le plan axial (fig. 11-5). La résection du cartilage thyroïde est plus étendue qu’en cas de laryngectomie frontolatérale intéressant l’angle antérieur et les parties antérolatérales.
Fig. 11-5 Laryngectomie frontale antérieure.
(a) Schéma. (b) Coupe TDM axiale passant par les aryténoïdes.
(d’après J-J Piquet)
Sur le plan de la reconstruction, la différence entre la laryngectomie frontolatérale et la laryngectomie frontale antérieure réside dans le fait que le pied de l’épiglotte est abaissé pour être suturé en bas au bord supérieur du cricoïde et latéralement aux ailes thyroïdiennes restantes en cas d’intervention de Tucker. La coupe axiale intermédiaire permet d’illustrer la présence de l’épiglotte entre les ailes thyroïdiennes (fig. 11-6a). La coupe sagittale médiane est intéressante pour illustrer le rapprochement du pied de l’épiglotte au cartilage cricoïde (fig. 11-6b et 11-6c).
Laryngectomie horizontale avec crico-hyoïdo-épiglotto-pexie (CHEP)
Cette intervention [3, 11] s’adresse aux cancers glottiques étendus à tout le pli vocal, avec diminution de sa mobilité, sans fixation de l’aryténoïde. La tumeur peut envahir la commissure antérieure de façon superficielle, le plancher du ventricule et la muqueuse aryténoïdienne. La sous-glotte doit être libre et en particulier, aucune extension au bord supérieur du cricoïde ne doit exister.
L’exérèse comprend le cartilage thyroïde en partie, la partie infrahyoïdienne de l’épiglotte, l’espace paraglottique, les deux plis vocaux, les deux plis vestibulaires et l’aryténoïde du côté atteint. La loge préépiglottique est laissée en place. La résection du cartilage thyroïde consiste en une résection de l’isthme thyroïdien et des grandes cornes du cartilage thyroïde. Les cornes inférieures sont laissées en place afin de ne pas risquer de léser le nerf laryngé inférieur [1, 2, 11]. Il est possible de conserver la partie toute postérieure des ailes thyroïdiennes. La conservation des deux aryténoïdes, si elle est possible carcinologiquement, raccourcit les suites fonctionnelles.
La coupe TDM intermédiaire passant par les aryténoïdes dans le plan axial permet d’une part de constater l’absence de plis vocaux et d’autre part, d’illustrer l’importance de la résection du cartilage thyroïde. En effet, seule la partie postérieure est laissée en place, comme illustré par la figure 11-7, contrairement aux techniques de laryngectomie frontolatérale et de laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie dans lesquelles seule une partie antérieure plus ou moins étendue du cartilage thyroïde est réséquée. La section de coupe supérieure est essentielle pour différencier une technique de laryngectomie horizontale avec CHEP d’une laryngectomie horizontale avec crico-hyoïdo-pexie (CHP). La différence principale entre ces deux techniques réside dans le fait que la loge préépiglottique ainsi que la portion sus-hyoïdienne de l’épiglotte sont laissées en place en cas de CHEP alors qu’elles sont réséquées en cas de CHP. La coupe axiale TDM supérieure permet de visualiser la partie de l’épiglotte laissée en place en cas de CHEP (fig. 11-8a). Les sections de coupes intermédiaire et inférieure ne diffèrent pas de celles observées après laryngectomie horizontale avec CHP. Sur la coupe TDM inférieure passant par le bord supérieur du cricoïde, il est fondamental de toujours s’assurer de l’absence d’épaississement muqueux en regard du cartilage cricoïde (fig. 11-8c).