Chapitre 11 Greffons cartilagineux dans la prise en charge des rhinoplasties
Introduction
Les greffons cartilagineux représentent une aide précieuse pour les chirurgiens qui s’intéressent aux septorhinoplasties. On peut même considérer que c’est une technique indispensable à connaître dans le cadre des rhinoplasties secondaires mais également dans un certain nombre de cas de rhinoplasties primaires [1].
Sites de prélèvements
Site de prélèvement nasal
Il est important, lors du déroulement d’une intervention de septorhinoplastie, de conserver dans du sérum physiologique tous les fragments cartilagineux qui sont retirés notamment au niveau du septum et des cartilages latéro-inférieurs. En effet, ces éléments pourront être utilisés en fin d’intervention en tant que greffe [2] cartilagineuse et pourront être très utiles, le septum se prêtant particulièrement bien à la réparation du dorsum, et le cartilage latéral inférieur au comblement de la région sus-lobulaire. C’est le matériel de choix puisqu’il est directement sur le site opératoire et qu’il n’entraîne pas de séquelle au niveau du site donneur (fig. 11.1).
Cartilage auriculaire
Le cartilage auriculaire représente le deuxième site de greffon à proposer, notamment, dans les rhinoplasties secondaires.
Cartilage de conque ( vidéo 11.1)
Le cartilage de conque auriculaire peut être prélevé facilement par une voie d’accès postérieure située à mi-chemin entre le sillon rétro-auriculaire et le bord de l’hélix comme dans les otoplasties pour oreilles décollées (fig. 11.2A). On aborde la face postérieure du cartilage de la conque et il est possible sans difficulté particulière de pratiquer, si cela est nécessaire, l’ablation de la totalité de la conque sans entraîner de séquelle du site donneur, à condition de respecter un certain nombre de règles (fig. 11.2B). Tout d’abord, il faut que le tracé d’incision soit situé à la jonction entre la conque et l’anthélix sans endommager ce dernier (fig. 11.2C) ; il ne faut pas non plus toucher à la racine de l’hélix car cela pourrait se voir ultérieurement ; par ailleurs, il faut, en fin d’intervention, maintenir la peau antérieure sur la peau postérieure par un bourdonnet de tulle gras fixé par un point, maintenu au moins 5 à 6 jours afin tout d’abord d’éviter un hématome, mais surtout d’empêcher qu’un tissu de cicatrisation puisse s’interposer entre les deux éléments cutanés et entraîner à ce moment-là un épaississement ultérieur qui pourrait se voir. En respectant ces règles, on ne voit habituellement rien sur le site de prélèvement. Il y a une cicatrice rétro-auriculaire comme dans les oreilles décollées et, évidemment, le risque potentiel est celui d’une cicatrice pathologique type chéloïde, et il faut absolument prévenir le patient au préalable.
La surface de ce greffon va dépendre de la dimension du pavillon auriculaire qui est variable selon les sujets, mais en général la quantité est intéressante pour être utilisée dans le cadre d’une septorhinoplastie. Si cette quantité était insuffisante, il est bien sûr possible de prélever au niveau de l’autre pavillon d’oreille. Cette greffe de cartilage est courbe, ce qui peut présenter un avantage mais, dans certaines situations, un inconvénient, et ce d’autant qu’elle est difficile à travailler dans la presse à cartilage. On peut combattre cette courbure en suturant deux pièces l’une sur l’autre par leur face convexe. Cela a aussi pour avantage d’augmenter l’épaisseur de ce greffon quand c’est nécessaire. Il faut par ailleurs insister sur l’importance de prélever le périchondre en même temps que le cartilage afin d’assurer une meilleure tenue de la structure lors du travail de façonnage [3] (fig. 11.3).
Cartilage du tragus
Il est possible de prélever le cartilage du tragus par une voie d’accès située juste en arrière du bord libre du tragus afin de minimiser la rançon cicatricielle (fig. 11.4). On dissèque alors à la face postérieure du tragus et il est possible de prélever soit uniquement du périchondre, si on veut l’utiliser dans les techniques de resurfaçage ou de camouflage, soit le périchondre et le cartilage lui-même dans la partie profonde en conservant la partie la plus superficielle qui est en continuité avec l’incisure intertragienne afin qu’il n’y ait pas de séquelle visible du site donneur. La quantité de cartilage que l’on peut obtenir est limitée, mais elle peut être intéressante notamment pour le comblement de petite dépression sus-lobulaire [4].
Cartilage costal
Le cartilage costal est un matériau extrêmement intéressant que l’on peut proposer dans des cas particuliers de rhinoplastie d’augmentation. Le prélèvement s’effectue au niveau de la zone de jonction entre la 7e et la 8e côte habituellement (fig. 11.5A). Il y a à ce niveau une synchondrose qui est souvent assez large et autorise un prélèvement conséquent de cartilage costal ayant une largeur et une épaisseur très bien adaptées aux rhinoplasties d’augmentation où il y a un déficit important. Le travail de ces pièces cartilagineuses s’effectue facilement, en général au bistouri lame 15 et lame 23. Cette technique se prête notamment volontiers à la réalisation d’attelle columellodorsale (fig. 11.5B). La technique de fixation en tenon–mortaise maintenue par des fils d’acier ou de Prolène permet d’obtenir un montage particulièrement solide [5,6] (fig. 11.5C). L’avantage de ce greffon cartilagineux est la quasi-absence de résorption dans le temps, comme on a pu s’en rendre compte dans les techniques de reconstruction du pavillon auriculaire. Les inconvénients sont les séquelles du site donneur, notamment la douleur postopératoire qui peut être assez importante pendant quelques jours, et la cicatrice de la région thoracique qu’il faut particulièrement soigner en postopératoire, mais qui peut malgré cela être à tendance hypertrophique voire chéloïdienne.