10: Introduction à Généralités

Introduction à Généralités


La topographie des douleurs de la cuisse varie selon leur origine, elles peuvent être antéro-latérale, antérieure, médiale ou postérieure. En dehors des causes locales, un nombre non négligeable de structures appartenant à d’autres régions peuvent, en cas de dysfonction, présenter une symptomatologie référée au niveau de la cuisse. Il est primordial que le praticien intègre l’examen neurodynamique des structures nerveuses dans son bilan diagnostique. Les nerfs cutané fémoral latéral, fémoral, obturateur et ischiatique peuvent être impliqués localement ou à distance.







Chapitre 7 – La méralgie paresthésique

La méralgie paresthésique, aussi appelée syndrome canalaire de la hanche et de la cuisse, est due à l’atteinte du nerf cutané fémoral latéral, cette pathologie fut étudiée et décrite par Bernhardt et Roth en 1895. Elle se caractérise par des douleurs, des paresthésies et/ou des sensations de brûlure, limitées à une zone elliptique en forme de raquette à neige située dans le territoire antéro-latéral de la cuisse et s’étendant même parfois jusqu’au niveau de la face latérale du genou.


La méralgie paresthésique est particulièrement méconnue, et cliniquement sous-estimée (Van Slobbe 2004). Sa symptomatologie est souvent confondue avec celle des radiculopathies L2, L3, L4 (Kallgren 1993, Trummer 2000, Yang 2010, Braddom 2010) ou d’une autre pathologie du pli inguinal, de la hanche ou de la cuisse (Grossman 2001, Erbay 2002, Harney 2007, Nouraei 2007).


Ghent (1961) appelle à mieux comprendre la symptomatologie du sujet, par l’étude anatomique du nerf cutané fémoral latéral (voir figure 1). Il nous livre, après dissection d’une centaine de cadavres, une description détaillée de la région latérale du pli inguinal et des quatre variantes, les plus fréquentes du trajet du nerf. L’étude de la variabilité de cette anatomie s’est poursuivie à travers les décennies, cela souligne l’intérêt du monde médical pour cette pathologie (Aszmann 1997, Sürücü 1997, Erbil 2002, Doklamyai 2008, Ropars 2009, Carai 2009, Kosiyatrakul 2010, Majkrzak 2010, Ray 2010, Dimitropoulos 2011, Hui 2011, Üzel 2011). Martins (2011) confirme, par une recherche basée sur la dissection de 60 cadavres que dans 80% des cas le nerf passe sous le ligament inguinal, à une distance moyenne de 1 à 2 cm médialement à l’épine iliaque antéro-supérieure et chemine en formant un angle de 60 à 70 degrés vers la face latérale de la cuisse. Ces connaissances permettent une approche plus précise au cours des interventions chirurgicales et des bilans électrophysiologiques.



La méralgie paresthésique est maintenant étudiée depuis plus d’un siècle, la littérature nous fournit une longue liste d’étiologies, plus de cents causes différentes sont répertoriées (Butler 2010). Certaines modes vestimentaires comme le port de jeans fuselés ou de pantalons taille basse sont aussi considérées comme responsables de ce syndrome, on parle de «fashion victim» (Boyce 1984, Park 2007, Moucharafieh 2008). Plus anecdotique encore est l’auto-observation de cette maladie par le célèbre psychanalyste autrichien Sigmund Freud, pendant sept ans de souffrances. C’est son médecin Josef Breuer qui diagnostiquera sa méralgie paresthésique, dont la cause était probablement une compression vestimentaire au niveau du ligament inguinal et pas «dans sa tête», comme le pensait Freud.


La lecture du surprenant article, intitulé «Laptop meralgia» (Pfister 1995) nous apprend qu’une personne alitée, utilisant des heures durant son ordinateur portable, qui à cette époque pesait encore deux à trois kilos, pouvait développer une méralgie paresthésique. La cause en était probablement la neurocompression aux niveaux du ligament inguinal ou du muscle sartorius. Les autres causes décrites sont : la neurocompression par un ceinturon (Blake 2004, Korkmaz 2004), par un tablier graisseux en cas d’obésité (Deal 1982, Mondelli 2007), une irritation neurale en cas de surmenage sportif (Kho 2005, Toth 2008) et/ou d’inégalité de longueur de jambes (Goel 1999). Edelson (1994) et Richer (2002) ont décrit ce syndrome chez des enfants. Méconnu, il est souvent qualifié d’idiopathique.


Sa symptomatologie caractéristique en permet le diagnostic aisé. Le sujet se plaint généralement d’une douleur lancinante, brûlante accompagnée de fourmillements, d’une sensation de froideur et/ou d’ engourdissement, dans une zone limitée en forme de raquette à la face antéro-latérale de la cuisse. L’extension de la hanche en position debout ou en décubitus dorsal est le mouvement qui déclenche le plus facilement les symptômes du sujet. L’extension de la hanche augmente les contraintes mécaniques exercées sur le nerf et sur ses interfaces mécaniques. Ce mouvement influence par conséquent aussi leurs interactions dynamiques, plusieurs sites sont alors propices à la dysfonction neurogène :



L’examen par neuropalpation, qui teste la mécanosensibilité du nerf, est diagnostiquement très fiable (Williams 1991, Nouraei 2007), pour autant qu’il soit effectué au bon endroit, condition rendue difficile par le grand nombre de variantes anatomiques (Ghent 1961, Pattyn 2010).


La méralgie paresthésique répond bien au traitement conservateur. Le praticien doit en premier lieu reconnaître et traiter la cause de la dysfonction : planifier un amaigrissement, éliminer les vêtements et les ceintures serrées au niveau du bassin et des hanches, éviter tout mouvement d’extension excessive de la hanche, corriger une inégalité de longueur des membres inférieurs, etc.


Le praticien réduit ensuite les tensions au niveau du ligament inguinal et du bassin et traite, selon son bilan diagnostique, les points trigger des muscles grand psoas, iliaque, ilio-psoas et sartorius.


Dans certains cas la guérison est spontanée, mais survient souvent seulement après quelques mois, voire plusieurs années. Dans les cas rebelles et invalidants, les infiltrations de lidocaïne et de corticoïdes au niveau inguinal, ainsi que la libération chirurgicale du nerf restent les seules alternatives (Nahabedian 1995).



Chapitre 8 – Le syndrome du nerf fémoral

Une symptomatologie douloureuse de la face antérieure de la cuisse, qui s’étend jusqu’au niveau du genou et parfois même du pied, oriente le praticien sur la piste du nerf fémoral, de sa branche sensitive ; le nerf saphène et des racines lombales L2, L3 et L4, dont le nerf fémoral est issu. Bien qu’elle soit moins fréquente, la fémoralgie est souvent comparée à la sciatalgie. Comme pour la sciatalgie, d’autres sites de neurocompressions que la colonne lombale méritent d’être étudiés (voir chapitre 10 – La sciatalgie et les muscles ischio-jambiers, chapitre 11 – Le syndrome radiculaire lombo-sacré et chapitre 12 – Le syndrome du muscle piriforme).


Pećina (2001) cite Aichroth et Rowe-Jones, qui décrivirent en 1971 le syndrome du muscle iliaque, encore appelé syndrome du canal ou tunnel iliaque, dû à la compression du nerf fémoral.


Au niveau de la fosse iliaque, le nerf fémoral descend au sein du sillon séparant les muscles grand psoas et iliaque. Il appartient au paquet neurovasculaire qui quitte le bassin en passant sous le ligament inguinal pour rejoindre la cuisse. Le fascia iliaque forme l’arcade ilio-pectinée, qui relie le ligament inguinal à l’éminence ilio-pectinée et divise ainsi l’espace subinguinal en deux orifices : l’un latéral, appelé orifice ou lacune musculaire, qui contient le nerf fémoral, le muscle ilio-psoas et le nerf cutané fémoral latéral et l’autre médial, appelé orifice ou lacune vasculaire qui contient l’artère et la veine fémorales et le muscle pectiné. L’orifice latéral est un tunnel relativement rigide, formé par l’ilion, le muscle ilio-psoas, l’arcade ilio-pectinée et le ligament inguinal (voir figure 2).



Les tests standards les plus souvent utilisés en cas de fémoralgie, sont la flexion du genou et l’extension de la hanche en position de décubitus ventral. Ces tests portent différents noms : test de Lasègue inversé, test de Léri, test de la racine L3 ou «Prone Knee Bend test». Le test en décubitus ventral présente un désavantage technique, il ne permet pas de différencier avec certitude l’origine neurale de la symptomatologie (Butler 2005, Trainor 2011). Le test en décubitus latéral semble mieux approprié à la différenciation structurelle. Butler (2000) le décrit et lui donne le nom de «Slump Knee Bend test», quelques années plus tard il sera rebaptisé «Femoral Slump test» par d’autres auteurs (Shacklock 2005, Walsh 2007, Lai 2012). La structure neurale en dysfonction, par contre, ne peut être déterminée par ce test (Trainor 2011). Le test peut même être positif en cas de sciatalgie due à une atteinte des racines lombales basses (Clark 1999).


Ce nouveau test neurodynamique examine la mécanosensibilité du nerf fémoral, son objectif est dans un premier temps de reproduire la symptomatologie du sujet et dans un deuxième temps de l’influencer par un mouvement à distance déplaçant les structures neurales et les mettant sous tension alors que les autres structures locales ne subissent aucune modification. La tension musculaire à la face antérieure de la cuisse, du genou et du pli de l’aine est considérée comme un signe physiologique normal et elle est indépendante du sexe et de l’extensibilité musculaire (Lai 2012).


En décubitus latéral, la colonne lombale reste plus stable au cours des mouvements d’extension de la hanche et de flexion du genou. Les autres parties du rachis et le pied peuvent être aisément mobilisés pour sensibiliser ou désensibiliser les structures neurales à distance et ainsi mettre en évidence l’implication de ces structures dans la symptomatologie dont se plaint le sujet.


Shacklock (2005) remarque que les interactions existant entre les structures neurales contenues dans le canal rachidien et dans les foramens intervertébraux lombaux et leurs interfaces mécaniques sont différentes selon le côté choisi pour le décubitus latéral.


Trainor (2011) et Lai (2012) proposent de poursuivre les recherches sur l’utilisation du «Femoral Slump test» (FST) en cas de lombalgies et de douleurs à la face antérieure du genou.


Sanchis-Alfonse (2003) propose, dans son article, un «modèle neural» dans la pathogenèse d’une douleur antérieure du genou chez des sujets jeunes. Il y met la théorie du mauvais alignement fémoro-patellaire, comme seule explication de cette symptomatologie, en question.


L’examen neurologique permet au praticien de différencier une neuropathie haute ; syndrome radiculaire lombal dû à une hernie discale, d’une neuropathie basse ; par compression suite à un hématome au niveau du bassin (Kumar 1992, Yoon 2000, Pećina 2001, Pirouzmand 2001, Robinson 2001, Tamai 2002, Weiss 2008, Míguez-González 2010, Krause 2011, Yi 2012). Il est souvent prédictif d’une polyneuropathie dans le cadre d’une maladie diabétique (Kurt 2009).


L’état de détente des muscles ilio-psoas, iliaque et grand psoas influence le diamètre de l’orifice musculaire ; interface mécanique du nerf fémoral, indépendamment de la méthode utilisée (Callens 2002, Dahdouh 2008). Butler (2005) nous propose deux exercices de neurogymnastique intéressants : en position du sphinx et en position d’épreuve de Thomas, le sujet effectue des mouvements rythmés coordonnés de la tête et du genou pour influencer le glissement ou la mise en tension des structures nerveuses, le nerf fémoral inclus.

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May 6, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 10: Introduction à Généralités

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