Ce chapitre poursuit un double objectif : montrer que le patient nous offre des symptômes qu’il serait vain de vouloir rééduquer et comprendre la nécessité de les traduire en traitements de base altérés qui doivent être la cible de la rééducation. Un des symptômes les plus spectaculaires dans le domaine de la neuropsychologie de la personne cérébro-lésée vasculaire jeune est l’apraxie constructive. Le patient présentant une apraxie constructive a perdu la capacité de manipuler des éléments dans l’espace dans un but de construction. Bien que reconnaissant les objets, il ne peut construire ni en plan ou en perspective sur une feuille de papier ni dans l’espace. On met d’ailleurs en évidence cette apraxie par des épreuves de dessins copiés, spontanés et de constructions dans l’espace tridimensionnel (cf. chap. 5). Dès que les résultats de l’évaluation sont incorrects, le thérapeute confirme le diagnostic d’apraxie constructive et élabore un plan de traitement. Reprenant l’une des stratégies décrites par Seron [65], il propose une rééducation basée sur le rétablissement de la fonction et envisage une hiérarchie structurale dans la difficulté des exercices proposés : les constructions à reproduire sont de plus en plus élaborées et jamais un puzzle en dix morceaux n’est proposé tant que ceux en huit pièces ne sont pas exécutés correctement. Luria [49], en évoquant les conceptions actuelles sur les localisations cérébrales, précise la définition du terme fonction qu’il assimile à une activité complexe d’adaptation. Pour en permettre l’émergence, il met en évidence l’intervention de plusieurs « traitements sous-jacents ». Il montre ainsi que chacun des comportements observés, même simples et quotidiens tels que se vêtir, faire un paquet cadeau, découper ou plier une feuille en quatre pour la mettre dans une enveloppe, ne relève pas d’une opération unique et individualisable, mais résulte de la synthèse et de la coordination de quelques mécanismes de base indispensables. Luria n’emploie jamais pour son propre compte le terme d’apraxie constructive ; il situe cependant ce trouble qu’il nomme « apractognosie » et l’interprète comme la résultante de la perte des « synthèses visuo-spatiales ». L’analyse montre que les hémiparétiques droits et gauches n’offrent pas les mêmes résultats aux différentes épreuves, même si, pour les uns comme pour les autres, l’évaluation signe l’existence d’une apraxie constructive (fig. 1.1). On peut donc en déduire que la totalité du cerveau (hémisphères droit et gauche) est nécessaire pour nous permettre de construire. Il apparaît d’ailleurs de plus en plus raisonnable de « croire que les deux hémisphères opèrent en phase de façon coopérative et contribuent conjointement à la réalisation de toute fonction [64] ». Dans un second temps, une analyse plus fine des productions des patients, développée par de nombreux auteurs tels que Hécaen [39], montre que l’hémiparétique gauche réussit généralement mieux les dessins spontanés que copiés, le résultat étant inversé pour l’hémiparétique droit. La « spécialisation » hémisphérique semble s’exprimer directement. À ce titre, Sergent [64] suggère que les deux hémisphères cérébraux peuvent permettre la même fonction sans pour autant l’exécuter de façon identique. • L’hémiparétique gauche est gêné par une altération du traitement visuo-spatial. Pour réaliser la tâche, il utilise les capacités de programmation et d’analyse de son hémisphère intact. On comprend de ce fait que les informations visuelles perturbent la copie de dessins, alors que l’analyse et la programmation favorisent leur production spontanée qui se révèle meilleure. • L’hémiparétique droit est troublé par une altération du traitement de programmation et d’analyse pour lequel le langage est fondamental. Afin d’être performant, il se sert des capacités de traitement global et visuel de son hémisphère droit : la programmation et l’analyse perturbent les dessins spontanés, alors que le traitement visuel favorise leur reproduction avec modèle. Ainsi, l’analyse des productions des patients permet de mettre en évidence deux traitements nécessaires à la fonction constructive [39,49,56] (fig. 1.2) : a. Le premier est relatif au traitement global et visuel correspondant à l’appréhension visuelle de l’espace. Il se rattache à l’hémisphère droit du droitier. b. Le second concerne le traitement de programmation et d’analyse, dont le langage pris au sens large du terme est le support. Il est permis par l’hémisphère gauche du droitier.
Troubles de base et symptômes
L’apraxie constructive en question
Apraxie constructive
Analyse de l’apraxie constructive
Analyse des productions
Bien que tous altérés, le cube copié de l’hémiparétique droit (d) est mieux réalisé que son cube spontané (c), l’inverse s’observant pour l’hémiparétique gauche qui, bien que s’y reprenant à trois reprises (b), n’est pas aidé par le modèle.
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1: Troubles de base et symptômes
