1 Les molécules du vivant
Les molécules inorganiques présentes dans le vivant
L’eau, principal constituant de la matière vivante
Structure de la molécule d’eau
La molécule d’eau est formée de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène : H2O. Elle se présente sous une forme de triangle isocèle dont le sommet est constitué par l’atome d’oxygène. Elle est dite polarisée, ou polaire, car les quatre électrons de la couche périphérique de l’oxygène qui n’entrent pas dans les liaisons avec les atomes d’hydrogène constituent un pôle négatif. On dit que l’oxygène est électronégatif. Par contre chaque électron des atomes d’hydrogène est engagé dans la liaison avec l’atome d’oxygène et constitue un pôle positif, l’hydrogène est électropositif (figure 1.3). Une liaison hydrogène va donc pouvoir s’établir entre les hydrogènes de l’eau et un certain nombre de molécules biologiques polaires qui possèdent en général une fonction ou alcool (–OH) ou acide (–COOH) ou aldéhyde (–CHO) ou cétone (C = O) ou encore amine (–NH2) comme les protéines ou les acides nucléiques. Par conséquent ces molécules polaires sont solubles dans l’eau. Les molécules apolaires ne le sont pas ou peu.
Répartition de l’eau
L’eau est quantitativement le composant le plus abondant de la matière vivante. Le corps humain est par exemple constitué d’environ 63 % d’eau, celui des méduses de 98 %. Les organes et tissus sont plus ou moins riches en eau : les muscles en contiennent 83 %, le cœur et le sang 79 % (900 g.L–1 de plasma), le cerveau 76 %, le tissu adipeux 30 % et le tissu osseux 22,5 %. Le corps d’une femme a donc un pourcentage d’eau moins élevé que celui d’un homme puisqu’il est moins riche en tissu musculaire et plus riche en tissu adipeux. Selon le stade de développement et l’âge la quantité d’eau varie également : un embryon de quelques jours est constitué de 97 % d’eau, un fœtus de trois mois de 94 % et un nouveau-né de 70 à 75 %. Chez la personne âgée elle diminue considérablement passant à 45 % environ (figure 1.1). Chez un homme adulte de 70 kg, l’eau représente 40 L. Cette eau se répartit entre les différents compartiments liquidiens de l’organisme qui sont les liquides intracellulaires qui représentent les 2/3 (25 L) et les liquides extracellulaires qui représentent le tiers restant (15 L). Ces derniers sont appelés milieu intérieur au sens large et comprennent le liquide interstitiel ou lymphe interstitielle qui baigne les cellules, la lymphe canalisée contenue dans des vaisseaux lymphatiques et le plasma qui est le liquide du sang (3 L) (figure 1.2). La composition de ce milieu intérieur doit rester stable, c’est l’homéostasie qui assure la survie des cellules.
Le liquide céphalo-rachidien (LCR) qui entoure le cerveau et la moelle épinière ainsi que les liquides des articulations (synovie), de l’œil, du tube digestif (TD) ou encore le liquide amniotique sont des liquides extracellulaires mais ne font pas partie du milieu intérieur.
La perte d’eau de l’organisme doit être compensée par les apports que sont l’eau contenue dans les aliments (1 L), les boissons (1,2 L) et l’eau métabolique provenant des réactions de la respiration cellulaire (0,3 L) soit 2,5 L par jour ou 35 g par kg de masse. Les pertes se font par l’excrétion (1,5 L d’urine), la digestion (0,1 L) (voir Le sodium, Le potassium et Le chlore, p. 18), la transpiration (0,5 L) et la respiration (0,4 L). La perte de 3 % de la masse d’eau déclenche la sensation de soif et la perte de 20 % est souvent mortelle.
Rôles de l’eau
Inversement, les réactions de déshydratation sont des réactions qui libèrent de l’eau. Par exemple la synthèse de glycogène à partir de glucose dans le foie :
Eau et température
L’eau s’échauffe lentement : il faut 1 calorie pour augmenter de 1 °C la température de 1 g d’eau. Par contre elle se refroidit rapidement. Ainsi l’eau contribue à l’équilibre thermique des organismes. Chez l’homme les circulations sanguine et lymphatique jouent un rôle dans le transport de chaleur à l’intérieur du corps. Cette chaleur provient des réactions du métabolisme cellulaire. Elle est dissipée dans le liquide interstitiel.
Eau et intoxication
Une consommation excessive d’eau peut entraîner un œdème cérébral avec des troubles du comportement, de la conscience, des crises convulsives et la mort. L’absorption importante d’eau dilue le plasma sanguin qui devient hypotonique. Par osmose de l’eau entre dans les hématies qui deviennent turgescentes voire éclatent (hémolyse). L’ingestion de plus de 5 L d’eau en un temps très court aboutit à une hémolyse mortelle.
Une soif excessive est appelée polydipsie, elle peut être d’ordre psychique ou provoquée par un traitement au lithium. Dans le cas du diabète insipide, dont l’origine est une absence de sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH, ou vasopressine) entraînant une faible réabsorption de l’eau au niveau du rein, une polyurie apparaît (augmentation de la quantité d’urine émise en 24 h). La polydipsie est une conséquence de cette polyurie.
Dans le cas du diabète de type 1 ou diabète insulinodépendant (DID), les quatre symptômes qualifiés de « signes cardinaux » sont une polydipsie, une polyurie, une polyphagie (faim excessive) et un amaigrissement. Polydipsie et polyurie se manifestent aussi dans le diabète de type 2 ou diabète non insulinodépendant (DNID). En fait, l’hyperglycémie (augmentation du taux de glucose dans le sang) du diabétique entraîne une déshydratation des cellules et donc un excès d’eau dans le milieu extracellulaire. Cet excès d’eau est éliminé par les reins. La polyurie entraîne une soif compensatrice responsable d’une polydipsie.
L’eau oxygénée ou peroxyde d’hydrogène et oxydations
Localisation
Cette molécule de formule H2O2 est présente dans les peroxysomes, organites cellulaires dans lesquels ont lieu des réactions d’oxydation (figure 1.5).
Réactions d’oxydation
L’eau oxygénée va oxyder d’autres substrats (R’H2) grâce à une enzyme, la catalase ; ces réactions sont appelées de « peroxydation » :
Les substrats peuvent être divers comme par exemple les phénols, l’acide formique, le formaldéhyde ou encore l’alcool. Ainsi une grande partie de l’alcool, molécule toxique, consommée par un individu est oxydée en acétaldéhyde. Ces réactions d’oxydation sont importantes particulièrement dans les cellules hépatiques et rénales.
Lorsqu’un excès de H2O2 s’accumule dans la cellule la catalase le transforme en eau et dioxygène :
Dans le foiel’éthanol (alcool) est métabolisé en deux étapes :
L’acétate est ensuite transformé en acétylcoenzyme A qui intervient dans les cycles des citrates et des acides gras et dans la synthèse du cholestérol. L’accumulation des acides gras dans le foie est à l’origine d’une stéatose hépatique (accumulation anormale de graisse dans les cellules hépatiques).
Lyse des bactéries
Au cours de la phagocytose, les phagosomes sont des vacuoles qui se forment dans les phagocytes (macrophages et polynucléaires neutrophiles) par englobement et endocytose de bactéries. Une fois formés ces phagosomes vont en général fusionner avec des lysosomes, organites riches en hydrolases, enzymes hydrolytiques pour former des phagolysosomes. Mais avant cette fusion les bactéries vont subir des oxydations grâce à l’action d’oxydants produits par une enzyme de la membrane du phagosome : la NADPH oxygénase. Le peroxyde d’hydrogène fait partie de ces oxydants.
Le dioxygène et son rôle dans la respiration cellulaire
Prélèvement du dioxygène de l’air
Le dioxygène O2 nécessaire à toutes les cellules de l’organisme est prélevé dans l’air grâce à la ventilation assurée par l’appareil respiratoire. Dans les conditions normales de température et de pression (0 °C et 760 mmHg) ce gaz est incolore et inodore.
Les échanges d’O2 se font entre l’air des alvéoles pulmonaires (milieu extérieur) et le sang (milieu intérieur) à travers la paroi alvéolaire selon un gradient de pression partielle en O2. La pression partielle en O2 étant plus faible dans le sang non hématosé qui arrive aux alvéoles que dans l’air alvéolaire, ce gaz diffuse de l’air alvéolaire vers le sang (figure 1.6). L’enrichissement du sang en O2 s’appelle l’hématose. La différence de pression partielle est entretenue par la circulation sanguine qui apporte en permanence du sang pauvre en O2 au niveau des parois alvéolaires et par la ventilation pulmonaire qui assure le renouvellement de l’air alvéolaire. Lorsque les pressions partielles en O2 de l’air alvéolaire et du sang hématosé s’équilibrent le gaz ne diffuse plus.
En altitude l’être humain peut souffrir de maux de tête, nausées, insomnies, vertiges, perte d’appétit et œdèmes : c’est le « mal des montagnes ». Ces symptômes sont la conséquence de la baisse de la pression atmosphérique et de la pression partielle en O2 dans l’air. Cette dernière par exemple est divisée par trois au sommet de l’Everest (8 848 m) par rapport au niveau de la mer. L’organisme réagit à court terme à cette hypoxie par une hyperventilation et une augmentation de la fréquence cardiaque comme lors d’un effort physique mais cette adaptation n’est pas toujours suffisamment efficace. À plus long terme, d’autres mécanismes d’adaptation se mettent en place notamment la stimulation de l’érythropoïèse par l’érythropoïétine (EPO).
L’érythropoïèse est la formation des érythrocytes ou hématies à partir de cellules souches dans la moelle osseuse rouge ou hématopoïétique. L’ensemble des cellules sanguines (hématies, leucocytes et plaquettes) sont formées dans cette moelle et leur formation s’appelle l’hématopoïèse. Cette dernière a lieu chez l’adulte essentiellement dans la moelle des os plats et courts mais peut aussi se produire dans tous les os en période d’hématopoïèse intense.
L’EPO est une hormone dont la synthèse est stimulée par l’hypoxie.
Transport du dioxygène par le sang
Le O2 est transporté jusqu’aux cellules qui consomment ce gaz pour produire de l’énergie, c’est la respiration cellulaire. L’O2 va être transporté principalement par l’hémoglobine des hématies (98 %) et pour une faible part sous forme dissoute dans le plasma et le cytoplasme des hématies (2 %). L’hémoglobine (Hb) est une hétéroprotéine formée de :
Une molécule d’O2 peut se fixer sur chaque ion de fer ferreux. L’hémoglobine qui a fixé quatre molécules de O2 est saturée, elle est appelée oxyhémoglobine et donne la couleur rouge vif au sang.
Le Fe2+ peut être oxydé en fer ferrique Fe3+ qui ne fixe plus le O2, dans ce cas l’hémoglobine est appelée méthémoglobine et le transport du O2 n’est plus assuré.
Le fer ferreux peut aussi fixer le monoxyde de carbone CO avec une affinité beaucoup plus grande que celle pour l’O2, l’hémoglobine devient de la carboxyhémoglobine (HbCO) qui n’assure plus le transport d’O2.
Le CO est un gaz inodore, toxique et mortel qui est libéré lors de combustions incomplètes, le plus souvent par des systèmes de chauffage d’appoint défectueux. Responsable de plusieurs centaines d’intoxications et de plusieurs dizaines de morts chaque année en France, c’est la première cause de mortalité par intoxication. Le CO affecte la transmission du message nerveux. La personne intoxiquée souffre d’abord de céphalées, de nausées puis tombe dans le coma pouvant aboutir à la mort. Le traitement médical consistera à placer cette personne dans un caisson à oxygène pur à une pression supérieure à la pression atmosphérique normale c’est-à-dire en condition hyperbare (2 ou 3 atm).
Le CO est aussi présent dans la fumée de tabac. On considère qu’un fumeur perd 10 % de sa capacité de transport d’O2 dans le sang à cause de la formation de carboxyhémoglobine.
Le dioxyde de carbone (CO2) est en partie transporté par l’hémoglobine des hématies. 20 à 25 % du CO2 se fixent à la fonction amine (–NH2) de certains acides aminés de l’hémoglobine mais aussi des protéines du plasma. La fixation du CO2 par l’ hémoglobine donne de la carbaminohémoglobine ou carbhémoglobine dans les hématies. Cette fixation facilite le départ d’O2 donc la dissociation de l’oxyhémoglobine.
Une augmentation de la pression partielle en CO2 dans le sang (hypercapnie) favorise la libération d’O2 par l’hémoglobine au niveau des cellules. De même, une augmentation de la température et une baisse du pH (acidose) favorisent cette libération. Ces facteurs, qui abaissent l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2 et facilitent donc sa libération au niveau tissulaire, constituent l’effet Bohr. Lors d’un effort physique, ces conditions se réalisent notamment au niveau des tissus musculaires en activité, permettant ainsi une plus grande consommation d’O2 et donc une production d’énergie plus importante. Dans les cellules musculaires ou myocytes, l’O2 est en partie pris en charge par la myoglobine, protéine qui n’est formée que d’une globine.
Respiration cellulaire et production d’énergie
L’ensemble des réactions biochimiques qui se produisent dans la cellule est appelé métabolisme. Il est constitué du catabolisme et de l’anabolisme. Le catabolisme est l’ensemble des réactions de dégradation qui libèrent de l’énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP) : ces réactions sont dites exergoniques. L’anabolisme est l’ensemble des réactions de synthèse qui consomment de l’énergie sous forme d’ATP : ces réactions sont endergoniques ou endoénergétiques. La molécule d’ATP est donc un intermédiaire énergétique.
La molécule d’ATP présente entre les groupes phosphates des liaisons riches en énergie « ∼︀ » :
L’hydrolyse de l’ATP en adénosine diphosphate (ADP) et phosphate inorganique (Pi) fournit de l’énergie à la cellule. Elle est catalysée par une enzyme, l’ATPase :
L’organisme humain consomme en moyenne 70 kg d’ATP par jour. Mais la teneur des cellules en ATP est faible et constante, aussi les cellules régénèrent-elles en permanence l’ATP consommé. Cette régénération est couplée avec la dégradation de substrats organiques (glucose) par fermentation et surtout par respiration. Elle consomme du dioxygène lors de la respiration cellulaire.
La régénération de l’ATP à partir d’ADP et Pi est une phosphorylation catalysée par l’enzyme ATP synthase ou ATP synthétase.
Il y a formation de deux molécules d’ATP. La glycolyse est une étape qui ne nécessite pas d’O2 (figure 1.10).
Le catabolisme aérobie d’une mole de glucose (180 g) produit 38 ATP : 2 issus de la glycolyse qui a lieu dans le cytoplasme et 36 issus des réactions qui se déroulent dans la mitochondrie fournissant 2 815 kJ. Environ 40 % de l’énergie potentielle libérée par une molécule de glucose est convertie en ATP. Le reste de cette énergie est dégagé sous forme de chaleur. Cette dernière participe au maintien d’une température corporelle constante.
Dans la mitochondrie les acides gras subissent une β–oxydation (ou hélice de Lynen) et sont transformés en acétylcoenzyme A qui rejoignent le cycle de Krebs. Cette dégradation est très énergétique : une mole d’acide palmitique permet la formation de 130 ATP.
L’azote et ses dérivés
L’azote
L’azote (N) est un élément qui entre dans la composition de nombreuses molécules organiques notamment les acides aminés (voir les acides aminés page 34), molécules de base des protides et les bases azotées des acides nucléiques (ADN et ARN). Certains lipides peuvent également contenir de l’azote. Les déchets azotés transportés par le sang et éliminés dans l’urine comme l’urée, l’acide urique produit de dégradation des acides nucléiques, la créatinine provenant des cellules musculaires contiennent de l’azote.
L’air atmosphérique contient 79 % de diazote (N2). La pression partielle du N2 est de 79 kPa ou 590 mmHg dans l’air au niveau de la mer. Selon la loi de Henry la quantité de gaz dissoute dans un liquide est proportionnelle à sa pression et à sa solubilité à température constante.
Sous l’eau à de grandes profondeurs la pression partielle en N2 augmente provoquant ainsi une augmentation de N2 dissous dans le sang (sept fois plus à 60 mètres de profondeur). Au cours de la remontée à la surface si celle-ci est trop rapide la baisse de pression entraîne une libération de N2 à l’état gazeux dans le sang. Ce gaz obstrue les petits vaisseaux sanguins, c’est l’embolie gazeuse appelée aussi maladie des plongeurs ou des caissons. Cette pathologie de décompression se manifeste par des douleurs articulaires, des troubles de la vue, une distension abdominale, des lésions cérébrales avec paralysies et atteintes d’organes vitaux pouvant entraîner la mort. Pour éviter cet accident on utilise des chambres de décompression. De plus à des profondeurs supérieures à 40 ou 60 mètres, d’après la loi de Dalton, la pression environnante augmentant, la pression partielle en N2 augmente aussi, provoquant une « anesthésie » appelée narcose à l’azote responsable de l’ivresse des profondeurs.
Le diazote est utilisé dans l’emballage des aliments périssables pour prolonger leur durée de conservation. Il peut aussi être utilisé comme pesticide en asphyxiant les organismes.
L’azote liquide est de l’azote refroidi en dessous de son point d’ébullition qui est à –195,79 °C. Il a l’aspect d’un liquide limpide d’où s’échappe un nuage blanc. Ce nuage est en fait de la vapeur d’eau qui à basse température se condense et gèle.
L’ammoniac
L’ammoniac (NH3) est un gaz incolore d’odeur vive. Il peut se former à partir de diazote et d’hydrogène :
Dans les cellules hépatiques, la désamination oxydative des acides aminés peut fournir de l’énergie à l’organisme. Cette désamination libère de l’ammoniac qui est toxique. L’élimination de ce dernier de l’organisme se fait selon plusieurs processus. Selon le cycle de l’urée, l’ammoniac se combine avec du dioxyde de carbone (CO2) pour former de l’urée NH2–CO–NH2. L’uréogenèse qui a lieu exclusivement dans le foie se divise en deux phases : la phase mitochondriale et la phase cytosolique.
La phase mitochondriale
Sous l’action de l’enzyme ornithine carbamyltransférase, le radical carbamyle est ensuite transféré sur l’ornithine pour former la citrulline.
La phase cytosolique
La citrulline passe dans le cytosol ou hyaloplasme, liquide visqueux du cytoplasme de la cellule. Elle réagit avec l’aspartate pour former de l’argininosuccinate par action de l’enzyme argininosuccinate synthétase. Cette réaction consomme de l’énergie fournie par l’hydrolyse d’une molécule d’ATP en AMP (adénosine monophosphate). L’argininosuccinate est ensuite clivé en fumarate et arginine par l’argininosuccinate lyase.
Le fumarate passe dans les mitochondries où il entre dans le cycle de Krebs dans lequel il est oxydé en acide oxaloacétique qui est ensuite transaminé en acide aspartique.
L’arginine est quant à elle hydrolysée en urée et ornithine.
L’urée qui est un déchet azoté est transportée par le plasma sanguin (0,25 à 0,5 g.L–1) jusqu’aux reins où elle est filtrée. Une partie de l’urée filtrée (50 à 60 %) est réabsorbée au niveau du tubule rénal par diffusion passive (qui ne nécessite pas d’énergie), l’autre partie est excrétée dans l’urine.
Une partie de l’ammoniac produit par le foie (15 à 35 %), les muscles et le système nerveux est transformée en glutamine, forme de transport non toxique de l’ammoniac. La glutamine est hydrolysée grâce à des enzymes les glutaminases, en glutamate et ammoniac excrété passivement au niveau du tubule rénal.
Par ces mécanismes, le taux d’ammoniac dans le sang ou ammoniémie reste faible normalement.
Une augmentation de l’acidité du sang ou acidose active ces enzymes entraînant une formation accrue de NH3. Le NH3 formé réagit avec les ions H+ sécrétés de façon active dans la lumière du tubule rénal pour former des ions ammonium (NH4+) qui sont excrétés dans l’urine. Cette transformation du NH3 en ion ammonium est appelée ammoniogenèse.
Une augmentation du taux de NH3 dans le sang (ou hyperammoniémie) provoque une augmentation du taux de glutamate et de glutamine. La formation excessive de glutamate perturbe le cycle de Krebs donc la production d’énergie dont les neurones sont grands consommateurs. Ces derniers peuvent mourir. Le glutamate intervient également dans la neurotransmission au niveau des synapses (voir La transmission synaptique, p. 78). Un dérèglement de sa sécrétion peut être à l’origine d’un dysfonctionnement de certaines synapses du système nerveux central. Le cerveau peut être atteint, entraînant un coma, voire la mort. L’origine de l’hyperammoniémie peut être une déficience en enzymes du cycle de l’urée ou un dysfonctionnement du foie (alcoolisme, hépatite…).
Le NH3 est un gaz toxique, irritant pour les muqueuses.
Il est ajouté dans le tabac car il augmente l’absorption de la nicotine.
L’acide nitrique
L’acide nitrique (HNCO3) est un composé oxygéné dérivé de l’azote, c’est un acide fort et oxydant. Il est fabriqué dans l’organisme au niveau des cellules de l’endothélium vasculaire à partir de la L-arginine. Cette réaction produit aussi de la L-citrulline qui est elle-même convertie en L-arginine qui « autoalimente » la source de production de l’acide nitrique.
L’acide nitrique a une action vasodilatatrice donc il diminue la pression sanguine et augmente le flux sanguin.
Les nitrites et nitrates
Les nitrates (NO3−) présents dans notre alimentation (eau, légumes, charcuteries) sont transformés dans l’organisme en nitrites (NO2−). Chez le nourrisson un excès de nitrites empêche la fixation d’O2 par l’hémoglobine devenue de la méthémoglobine. Les cellules sont privées d’O2 et sont asphyxiées, on parle de « maladie bleue ».
Les phosphates PO43−
Le pH représente la concentration en ions H+, il est donné par la formule pH = –log [H+]. Plus la concentration en H+ est élevée, plus le pH a une valeur basse donc plus le milieu est acide. Dans l’organisme le pH influence notamment l’activité des enzymes et la conformation spatiale (forme dans l’espace) des protéines.
Le pH du sang est égal en moyenne à 7,4 donc légèrement alcalin. Une acidose, baisse du pH sanguin, ou une alcalose, augmentation du pH sanguin, est responsable de troubles nerveux. Ainsi des pH inférieurs à 7,0 ou supérieurs à 7,8 sont incompatibles avec la vie.
Certaines substances appelées tampons interviennent dans le maintien d’un pH constant.
Les phosphates inorganiques et organiques exercent aussi un effet tampon. Les phosphates PO43− proviennent de l’acide phosphorique H3PO4 qui en cédant des ions H+ donne naissance à des ions (anions) dihydrogénophosphates (H2PO4−) puis hydrogénophosphates (HPO42−) et enfin PO43−. Dans le sang le phosphate est essentiellement sous forme de HPO42− (80 %) et dans l’urine sous forme de H2PO4− ce qui s’explique par le fait que les ions H+ sécrétés au niveau du rein sont tamponnés par le HPO42−. Dans le rein 170 mmol.j−1 sont filtrées et pour la plupart réabsorbées, seules 8 à 34 mmol sont excrétées en ayant fixé pour la plupart un ion H+. Ce mécanisme intervient donc dans la régulation du pH sanguin. Lors d’une acidose (diminution du pH sanguin) l’excrétion des phosphates augmente.
La réabsorption du phosphate se fait au niveau du tube contourné proximal du néphron. Elle est stimulée par le 1,25-dihydroxycalciférol (forme active de la vitamine D) alors que l’excrétion du phosphate est augmentée par la parathormone (PTH) et la calcitonine (voir Le calcium, p. 22).
Les phosphates sont les principaux anions du liquide intracellulaire.
L’énergie peut être stockée dans la cellule sous forme d’ATP soit par respiration (voir Le dioxygène, p. 7), soit par fermentation en absence de dioxygène, soit par oxydation des acides gras.
Phosphates et phosphorylation des protéines
Les phosphates interviennent également dans la phosphorylation des protéines. 10 % des protéines intracellulaires seraient concernées. Un groupement phosphate de l’ATP est transféré à un groupement OH sur une chaîne latérale de la sérine ou thréonine ou lysine ou encore tyrosine de la protéine en formant une liaison covalente (figure 1.13). Cette phosphorylation, contrôlée des protéines, activeou inhibe la fonction des protéines spécifiques des cellules eucaryotes. Par exemple au niveau de la membrane plasmique les protéines Na+/K+ ATPase-dépendantes assurent le pompage d’ions Na+ et K+ qui maintient une différence de gradient de concentration entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire (voir Le sodium, le potassium et le chlore, ci-dessous). La phosphorylation de ces protéines modifie leur forme permettant le transport des ions à travers la membrane.
Phosphates et lipides
Les phosphates peuvent s’associer à des lipides et former des phospholipides. Ce sont les principaux constituants de la membrane plasmique (voir Les lipides, p. 38).
Phosphates et tissu osseux
Le phosphate a une part importante dans la composition de l’os. Les ostéoblastes, cellules du tissu osseux fabriquent la matrice extracellulaire de l’os ou tissu ostéoïde non encore minéralisée. Puis sous l’action d’une enzyme la phosphatase alcaline, la minéralisation a lieu avec dépôt de phosphate et de calcium.
Phosphates et énergie
Les groupements phosphates entrent dans la composition de l’ATP, molécule énergétique de la cellule fabriquée lors de la respiration ou dans une moindre importance lors de la fermentation (voir Le dioxygène, p. 7). Les liaisons chimiques entre les phosphates sont des liaisons riches en énergie. La rupture de ces liaisons phosphates libère par hydrolyse de l’énergie immédiatement utilisable par la cellule. L’ATP est régénéré par phosphorylation (addition d’un phosphate) de l’ADP. L’ATP est donc un intermédiaire énergétique.
Par exemple une cellule musculaire en activité utilise la totalité de son ATP en une minute mais cette molécule est régénérée au fur et à mesure de sa dégradation. On estime que 10 millions de molécules d’ATP sont utilisées et régénérées par seconde dans cette cellule. Ceci représente au niveau de l’organisme lors d’une activité intense 0,5 kg d’ATP utilisé par minute.