5. Voies d’administration et formes pharmaceutiques
Les médicaments sont administrés suivant différentes modalités afin de permettre soit une diffusion générale (systémique), soit une action locale (tableau 5.1). Il est important de souligner qu’une diffusion systémique est toujours possible même pour des médicaments topiques avec une administration locale (pommade, crème, collyre, etc.).
Voie entérale orale (per os) | Formes solides | Comprimés, gélules, capsules, poudres en sachet, etc. | |
Formes liquides | Soluté buvable, suspension, gouttes buvables, sirop, potion, émulsion, etc. | ||
Voies muqueuses | Voies buccales – sublinguale – perlinguale | Comprimés, granules (homéopathie), solutions, spray, lyocs | |
Voie rectale | Suppositoires Pommades Lavements médicamenteux | ||
Voie vaginale | Capsules vaginales Comprimés vaginaux Ovules Crèmes et gelées vaginales | ||
Voies aériennes supérieures et ORL | Voie nasale | Pommades, mèches imprégnées, gouttes, aérosols | |
Voie auriculaire | Gouttes auriculaires Lavages | ||
Voie buccopharyngée | Comprimés, pastilles Gargarismes Pulvérisations Bains de bouche | ||
Voie oculaire | Collyres et solutés d’irrigation Pommades ophtalmiques | ||
Voie pulmonaire | Aérosols-doseurs (sprays) Générateurs d’aérosols ou nébulisateurs Inhalateurs de poudre sèche | ||
Voies cutanées et percutanées | Pommades Crèmes Gels Patchs transdermiques | ||
Voies parentérales | Voie intradermique (ID) | ||
Voie sous-cutanée (SC) | |||
Voie intramusculaire (IM) | |||
Voie intraveineuse (IV) – directe (IVD) – perfusion | Préparations injectables : solutions ou émulsions, en ampoules, bouteilles, ou fl acons Préparations pour perfusion : solutions ou émulsions, en fl acons de verre ou plastique ou en poches plastiques Poudre pour préparation injectable (lyophilisée et à reconstituer avec un solvant) | ||
Autres voies : – intra-artérielle (IA) – intrarachidienne ou intrathécale – intracardiaque – intra-articulaire – épidurale |
Voie entérale orale (per os)
Les formes utilisées sont :
– les formes solides (figure 5.1) : comprimés (enrobés ou non, effervescents, etc.), gélules, capsules, poudres en sachet, etc. ;
Fig. 5.1 |
– les formes liquides : soluté buvable, suspension, gouttes buvables, sirop, potion, émulsion, etc.
CAS PARTICULIER
Le médicament peut aussi être administré par l’intermédiaire d’une sonde gastrique.
La voie orale peut être utilisée pour :
– traitement local : pansements gastro-intestinaux (topiques gastriques), certains traitements des infections bactériennes ou parasitaires intestinales. L’action du médicament est limitée au tube digestif, il ne passe pas (ou très peu) la paroi digestive ;
– traitement systémique : voie la plus courante d’administration . Le médicament, après son passage dans l’estomac, atteint le duodénum et l’intestin grêle où s’effectue en grande partie l’absorption. La voie orale n’est pas utilisable si le principe actif, destiné à un traitement général, est en grande partie dégradé dans le tube digestif (par l’acidité gastrique, par les enzymes et la flore intestinale) ou n’est pas absorbé.
Certaines formes galéniques (les comprimés gastrorésistants, les comprimés à libération modifiée, etc.) se dissocient et donc permettent la libération du principe actif spécifiquement à la portion du tube digestif ou il est résorbé.
Certains comprimés dits à libération prolongée libèrent lentement, régulièrement le principe actif sur une grande portion du tube digestif ; la résorption est ainsi progressive et prolongée. Elle permet de maintenir une concentration sanguine stable du principe actif et de diminuer le nombre de prises dans la journée.
AVANTAGES DE LA VOIE ORALE
– Elle est facile à utiliser et à répéter.
– Elle est économique.
– En cas de surdosage médicamenteux, on peut espérer retirer l’excès par lavage gastrique.
INCONVÉNIENTS DE LA VOIE ORALE
– Elle ne masque pas toujours le mauvais goût des principes actifs.
– Elle peut générer des effets indésirables digestifs (irritation, etc.).
– Elle ne convient pas aux médicaments détruits par les liquides digestifs (exemples : insuline, héparine).
– Elle ne convient pas aux malades non coopérants, inconscients et parfois aux enfants (risque de fausse route).
– Elle est difficile d’utilisation en cas de nausées et de vomissements.
– La biodisponibilité des principes actifs peut être fortement diminuée par interaction avec l’alimentation, ou par un premier passage hépatique.
Modalités de l’administration orale d’un médicament solide
– Se laver les mains (lavage simple des mains ou friction hydroalcoolique).
– Laisser le médicamentdans le conditionnement d’origine, de façon à pouvoir l’identifier jusqu’à la prise par le patient (ne pas couper le blister).
– Installer la personne dans une position adéquate : soit debout, soit assise.
– Placer le médicament devant être dégluti à l’arrière de la langue puis le faire avaler (la prise du médicament doit être faite avec un volume d’eau suffisant, au moins 20mL).
– Si le patient a du mal à déglutir, il est parfois possible de couper ou d’écraser le comprimé, après vérification que ce n’est pas contreindiqué (cas des comprimés gastrorésistants, à libération prolongée, ou des principes actifs particulièrement amers) et que cette opération n’induit pas d’erreur de posologie (comprimé difficile à couper précisément en 2 ou en 4). Cette opération est souvent associée à un « camouflage » d’un mauvais goût, qui consiste à mélanger le médicament à un véhicule alimentaire (confiture, compote, jus de fruits). Or, il existe un risque d’interactions entre le principe actif et ces aliments, et de modification de la pharmacocinétique du médicament (modification de la résorption, inactivation, etc.). L’infirmière doit vérifier dans le RCP du médicament que cette pratique n’est pas contre-indiquée.
– Un médicament ne peut être administré à un petit enfant par mélange au lait du biberon : sa pharmacocinétique peut en être modifiée par interaction avec le lait, et si l’enfant n’avale pas la totalité du volume, la dose reçue est aléatoire.
Voies transmuqueuses
Les voies transmuqueuses correspondent à l’application d’un médicament sur une muqueuse, permettant soit une action locale, soit le passage du principe actif à travers la muqueuse et sa diffusion plus générale dans l’organisme, via son transport par voie sanguine (action systémique).
Les voies buccales et rectales sont les voies transmuqueuses associées au tube digestif. Elles se distinguent de la voie entérale par le fait que la localisation de la résorption des substances actives permet d’éviter l’effet de premier passage hépatique.
Voies buccales
FORMES PHARMACEUTIQUES UTILISABLES
Ce sont : comprimés, granules (homéopathie), solutions, spray, lyocs (formes solides qui introduites dans la bouche, se dissolvent ou se désagrègent quasi instantanément).
La voie sublinguale est l’administration d’un médicament sur la muqueuse située sous la langue.
En pratique, le comprimé est placé sous la langue du patient, et il lui est demandé de le garder ainsi jusqu’à son absorption.
La voie perbuccolinguale correspond à une résorption par la muqueuse de la langue et de la face interne des joues.
En pratique, le comprimé est placé entre la joue et les dents du patient. Il lui est demandé de fermer la bouche et de maintenir le comprimé dans sa position jusqu’à absorption.
PRÉCAUTIONS
L’utilisation répétée de cette voie peut, en fonction du principe actif, générer des ulcérations. L’infirmière doit vérifier l’état de la bouche du patient.
AVANTAGES
– L’absorption du médicament est rapide. Ce peut être une voie d’urgence (exemple : trinitrine en sublingual dans le traitement de la crise d’angor).
– L’administration est facile, pratique.
– Les principes actifs traversant les muqueuses rejoignent via un réseau capillaire la veine jugulaire externe, évitant ainsi l’effet de premier passage hépatique. La biodisponibilité est donc souvent excellente.
Voie rectale
La voie rectale est l’administration d’un médicament dans le rectum. La muqueuse rectale étant richement vascularisée, cette voie permet d’obtenir une action locale ou générale (si le principe actif est résorbé). La biotransformation hépatique n’est que partiellement évitée, parce qu’une partie des veines, assurant le retour veineux de cette zone tissulaire, rejoignent la veine porte (effet de premier passage hépatique).
FORMES PHARMACEUTIQUES
– Suppositoires : médicaments de consistance solide et de forme conique ou ovoïde, destinés à être administrés dans le rectum. Ils sont utilisés pour leur effet mécanique (laxatif), leur action locale (antihémorroïdaire, antioxyurique) ou général (antalgique, antipyrétique).
– Pommades (voir définition dans « Voies cutanées et percutanées »).
– Lavement médicamenteux à action locale (laxative, antiseptique) ou générale (antipyrétique, sédatif).
AVANTAGES
– La voie rectale permet un passage général de principe actif non administrable par voie orale car détruit par les enzymes digestives.
– C’est une voie pratique chez les enfants, chez le malade inconscient, nauséeux ou incapable d’avaler, et pour administrer un traitement contre les vomissements.
INCONVÉNIENTS
– Elle permet de traiter localement des maladies inflammatoires du tube digestif (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique).
– Elle peut provoquer des irritations locales.
– La résorption des médicaments par cette voie est irrégulière (attention au réflexe de rejet immédiat, en particulier chez le nouveau-né).
– Exceptionnellement, l’administration par voie rectale peut entraîner un réflexe vagal (précaution à prendre en fonction du malade).
Voie vaginale
Elle consiste en l’administration d’un médicament dans le vagin, pour une action locale essentiellement, parce que la muqueuse vaginale est trop peu perméable pour prévoir par son utilisation une action générale.
Les formes d’administration sont :
– les capsules vaginales ;
– les comprimés vaginaux ;
– les ovules ;
– les crèmes et gelées vaginales.
Cette voie est utilisée principalement pour l’application de traitement à indication antifongique (Flagyl ovules), antibactérienne (Fungizone lotion), antiseptique (Bétadine ovules), antiparasitaire, obstétricale (gel provoquant une maturation du col de l’utérus à proximité du terme de grossesse ; Prepidil gel), hormonale ou contraceptive (gel spermicide ; Pharmatex).
Voies aérlennessupérleures et ORL
À l’exception de quelques rares médicaments administrés par voie nasale dans le but d’obtenir un effet général (desmopressine), ces voies sont utilisées pour obtenir un effet local.
VOIE NASALE
Elle consiste en l’application (pommade ou mèches imprégnées), l’instillation (gouttes) ou la pulvérisation (aérosol) d’un médicament liquide sur la muqueuse nasale.
Les effets principalement recherchés sont locaux et anti-inflammatoires, anti-infectieux, antiseptiques, antiallergiques, hémostatiques ou encore anesthésiques.
VOIE AURICULAIRE
La voie auriculaire consiste en l’administration de solutés dans le conduit auditif. Un tel traitement est toujours à visée locale : antibouchon (céruménolytiques), anti-infectieuse, antalgique, anti-inflammatoire.
Les formes concernées sont :
– les gouttes auriculaires ;
– les lavages.
Modalités d’administration de gouttes auriculaires
– Vérifier la conformité de la prescription.
– Réchauffer le flacon pendant au minimum 2 minutes entre les mains pour porter le médicament à la température corporelle (+ agitation éventuelle si recommandée).
– Veiller à ce que la pièce soit bien éclairée.
– Demander au patient de s’allonger ou pencher la tête du côté opposé de l’oreille à traiter.
– Se laver les mains.
– Nettoyer éventuellement la sortie du conduit de l’oreille si écoulement (compresse + sérum physiologique).
– Remplir le compte-gouttes, selon la prescription médicale.
– Tirer doucement le sommet de l’oreille vers le haut et l’arrière afin d’exposer le conduit auditif.
– Disposer le compte-gouttes au-dessus de l’oreille en veillant à ne pas le toucher, afin d’éviter une contamination.
– Instiller le nombre de gouttes prescrites, en faisant couler le produit du côté du conduit auditif et non du tympan.
– Demander au patient de demeurer sur le côté environ 10 minutes.
– Si nécessaire, nettoyer et sécher le pavillon de l’oreille.
– Se laver les mains.
– Noter l’acte sur le dossier du patient.
VOIE BUCCOPHARYNGÉE
Elle consiste à administrer un médicament sur les muqueuses de la bouche et du pharynx en vue d’une action locale, de type décongestionnante, antiseptique, anti-infectieuse, antifongique ou antalgique.
Les formes concernées sont :
– les comprimés, pastilles (ne pas croquer ni mâcher : laisser fondre) ;
– les gargarismes ;
– les pulvérisations ;
– les bains de bouche.
Voie oculaire
La voie oculaire permet l’application de médicaments destinés au traitement des affections de l’œil (conjonctive, cornée) ou des paupières. L’effet local recherché est antiseptique, antibiotique, antiinflammatoire, anesthésique, cicatrisant ou préparatoire à une intervention sur l’œil (mydriase).